Vient de paraître un chapitre sur la politique de l’éducation en Angleterre 2010-2022 dans Le Parti conservateur britannique au pouvoir (2010-2020) Édité par Louise Dalingwater et Stéphane Porion, Presses Universitaires du Septentrion, 2023. Broché. 478 p.ISBN-102757438816 ISBN-13 978-2-7574-3881-7
Résumé :
Depuis l’ère Thatcher, l’objectif des gouvernements conservateurs a été de réduire la dépense publique. Pour ce faire, la stratégie éducative des gouvernements entre 2010 et 2020 a été de limiter puis de diminuer le budget de l’éducation et d’en confier une partie croissante au secteur privé. Cela s’est fait par l’intermédiaire d’une politique dite d’ « académisation ». Contrairement aux autres nations, en Angleterre, qui n’a pas de parlement spécifique[1], c’est le gouvernement du Royaume-Uni qui décide des politiques éducatives pour les 8,82 millions d’élèves fréquentant les 24 300 établissements scolaires en Angleterre, soit 85,6% de la population scolaire du Royaume-Uni[2]. Il sera ici exclusivement question de l’enseignement obligatoire en Angleterre qui est au cœur du système éducatif[3]. Dans un premier temps nous examinerons les programmes électoraux du Parti conservateur. La mise en œuvre de ces programmes politiques sera examinée dans une seconde partie. Les effets de ces politiques sur le terrain feront l’objet de la troisième partie.
[1] Au Royaume Uni, si le financement global est décidé par le gouvernement central à Londres, il revient aux nations (l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du nord) d’élaborer leur propre politique et d’ajouter d’autres financements. Voir par exemple, pour le pays de Galles : https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/funding-education-96_en.
[2] Department for Education, Schools, pupils and their characteristics: January 2019, 27 juin 2019. À titre de comparaison, l’Écosse totalise 6,8% des élèves britanniques, le pays de Galles 4,5% et l’Irlande du nord 3,3%. Scottish Government, Summary statistics for schools in Scotland, no.10, 2019 ; Welsh Government, Schools’ Census Results : as at January 2019, Statistical First Release 57/2019 ; Northern Ireland direct, Schools and pupils in Northern Ireland 1991/2 to 2018/19, 30 avril 2019.
[3] La préscolarisation, qui relève autant des services sociaux que de l’enseignement au Royaume-Uni et les formations post-obligatoires ou alternatives (université et instituts d’enseignement supérieur – colleges of further education) mériteraient chacune un chapitre. Il ne sera pas non plus question de l’enseignement privé (8% des élèves), par définition, exclu des politiques publiques.
Nous sommes fières d’annoncer la parution du numéro 29 des Cahiers du MIMMOC, auquel nous avons participé.
Politiques éducatives et projets de société : mots d’ordre officiels et expériences alternatives (Europe, Amériques, Afrique et Asie ─ XXe-XXIe siècles)
Karin Fischer, Laurie Béreau, Françoise Martinez, Marie-Hélène Soubeyroux et Susan Finding
Résumé du chapitre à paraître dans l’ouvrage Le Parti Conservateur au pouvoir : politiques, enjeux et bilan (2010-2020), Louise Dalingwater, Stéphane Porion (dir.), Villeneuve d’Ascq, Septentrion, 2023.
Depuis l’ère Thatcher, l’objectif des gouvernements conservateurs a été de réduire la dépense publique. Pour ce faire, la stratégie éducative des gouvernements entre 2010 et 2020 a été de limiter puis de diminuer le budget de l’éducation et d’en confier une partie croissante au secteur privé. Cela s’est fait par l’intermédiaire d’une politique dite d’ « académisation ». Contrairement aux autres nations, en Angleterre, qui n’a pas de parlement spécifique [1], c’est le gouvernement du Royaume-Uni qui décide des politiques éducatives pour les 8,82 millions d’élèves fréquentant les 24 300 établissements scolaires en Angleterre, soit 85,6% de la population scolaire du Royaume-Uni [2]. Il sera ici exclusivement question de l’enseignement obligatoire en Angleterre qui est au cœur du système éducatif [3]. Dans un premier temps nous examinerons les programmes électoraux du Parti conservateur. La mise en œuvre de ces programmes politiques sera examinée dans une seconde partie. Les effets de ces politiques sur le terrain feront l’objet de la troisième partie.
[1] Au Royaume Uni, si le financement global est décidé par le gouvernement central à Londres, il revient aux nations (l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du nord) d’élaborer leur propre politique et d’ajouter d’autres financements. Voir par exemple, pour le pays de Galles : https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/funding-education-96_en.
[2] Department for Education, Schools, pupils and their characteristics: January 2019, 27 juin 2019. À titre de comparaison, l’Écosse totalise 6,8% des élèves britanniques, le pays de Galles 4,5% et l’Irlande du nord 3,3%. Scottish Government, Summary statistics for schools in Scotland, no.10, 2019 ; Welsh Government, Schools’ Census Results : as at January 2019, Statistical First Release 57/2019 ; Northern Ireland direct, Schools and pupils in Northern Ireland 1991/2 to 2018/19, 30 avril 2019.
[3] La préscolarisation, qui relève autant des services sociaux que de l’enseignement au Royaume-Uni et les formations post-obligatoires ou alternatives (université et instituts d’enseignement supérieur – colleges of further education) mériteraient chacune un chapitre. Il ne sera pas non plus question de l’enseignement privé (8% des élèves), par définition, exclu des politiques publiques.
Si la présence de pauvres et de vagabonds étaient visible, les causes de la pauvreté – le coût élevé des denrées (1693-1698), l’infirmité ou la malchance, le manque de travail, l’appel des villes et centres de manufacture – étaient peu reconnues.
L’oisiveté des pauvres, résultat de leur condition, était jugée cause de leur malchance.
« Il y a deux sortes de pauvres » : ceux qui étaient prêts à travailler, ceux qui préféraient faire la manche, conclut Sir Francis Brewster New essays on trade, (1ère édition 1695) daté 1702. [FD 1961]
Depuis les Tudor, les paroisses – unité d’administration civile – devaient secourir les malheureux, financé par un impôt local. Dans certaines villes des œuvres charitables financées par des dons leur sont destinées. [FD 1049] et l’on autorisa la construction d’hôpitaux et et de « maisons de travail » pour employer et entretenir les pauvres de la ville. [FD 1049] [FD 1049]
À Bristol, le marchand [d’esclaves] et philanthrope, Sir Edward Colson (1636-1721), mercier et membre de la Royal Africa Company, Tory et Anglican convaincu, fit bâtir des maisons d’aumône (Almshouses), [FD 384]
Some proposals for the imployment of the poor / Thomas Firmin.- Londres : J. Grover, 1681 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FD 2300)
Les propositions pour des « maisons de travail », qui corrigeraient l’oisiveté, et ses conséquences déshonorables, le vagabondage et la mendiance, leur fournirait un travail qui bénéficierait la nation, sont nombreuses à la fin du 17e siècle. [FD 2247] [FD 2330] [FD 2248]
Sir Matthew HALE (1609-1676), Président de la Haute-Cour de Justice, associe la prospérité du pays, le commerce de la laine, la rivalité commerciale avec la France et la Hollande, à sa proposition pour de telles institutions. [FD 2288]
Peu vont jusqu’à proposer un système d’assurance – tel celui en place contre le feu, ou la perte des biens et des navires [Lloyds] – contre la pauvreté causée par la maladie, la mort d’un membre de la famille. [FD 345]
L’éducation
Former et fournir des travailleurs qui aideraient à relever l’industrie domestique dans ces maisons de travail, mais aussi en général, devient ainsi une préoccupation. [FD 2302] Des considérations sur l’éducation fleurissent dans ces ouvrages destinés à trouver des remèdes aux maux du pays : collège industriel, [FD 2283], académies [FD 345], instruction des femmes. [FD 2283]
Certains ouvrages contiennent de véritables traités sur l’éducation des enfants, [FD 2283 ] ou encore sur la nécessité de bien rémunérer les maîtres d’école. [FD 2305].
Mais le plus influent fut Locke, dont pensées sur l’éducation, publiées en 1693 [Jm 31-3] bien que destinées à une famille aristocrate, furent largement diffusées. Locke préconise une éducation pratique, ancrée dans les sciences et les techniques, dans sa langue maternelle (et non le latin) où apprendre serait un plaisir pour l’enfant. Les enfants des pauvres pourraient être scolarisés dans des écoles paroissiales où ils apprendraient l’éthique du travail – On the Poor Law and Working Schools » (1697).
La condition féminine
S’il vaut mieux traiter les enfants, tout en les préparant à une dure vie de labeur, il est également proposé de mieux traiter les femmes. [FD 2300]
Au lieu de les condamner pour sorcellerie, ou de les maltraiter, les hommes devraient être jugés s’ils battaient leur femme. [FD 2302]
Elles devaient pouvoir bénéficier de soins au moment de leur « travail » d’enfantement, et, on proposa même un ordre laïc d’enseignantes (vierges) qui se consacreraient à l’éducation pour le bien de tous. [FD 2293]
Vient de paraître, chez Michel Houdiard Editeur, Paris,
Susan Finding, La politique de la petite enfance au Royaume-Uni (1997-2010) : « Une nouvelle frontière » de l’Etat-providence britannique?, 224p. ISBN 978-2-35692-167-3
Finding, S., ‘Education from Plowden to Thatcher – red, yellow, black and blue building bricks. A decade of increased opportunities or of rising discontent?’ est paru dans A Fresh Look at Britain in Crisis 1970-1979, (dir. S. Porion), Paris, Atlande, 2017 et fait suite à la journée d’étude « Le Royaume-Uni à l’épreuve de la crise, 1970-1979), tenu le 21 octobre 2016 à l’Université François Rabelais, Tours (voir compte rendu).
The historiography of the educational field in these years is amply covered, especially in terms of policy and of ideology. Most works covering the period of the 1970s dividing it up into binary divisions corresponding either to the political chronology (Heath, Wilson and Callaghan governments) or ideology – Conservative and Labour, or to the areas of education – compulsory and post-compulsory – primary and secondary – higher and further or vocational. This paper does not escape those strictures, partly due to the subject matter itself.
The building bricks in the title of this paper refer partly to the political divide – Red and Blue, and partly to the various publications, the so-called Yellow Book of 1976, the Black Papers published between 1969 and 1977. One could add various White Papers (government policy documents) the Green Paper of 1977 (official discussion paper), and the Brown Paper of 1979 (which never made it to Green or White paper stage.
However it is perhaps more useful to divide this analysis up into two main themes characterized by questions concerning firstly, expansion and equality, and secondly, standards and opportunity. The threads which run through the period general to other fields, are also to be found in the educational field. These transcend the political divide, and which were leitmotivs in the discourse of the time, whether it be left, right or center. Among these are the role of central government, the power of the trades unions, the cost of welfare in a period of financial turbulence, and ultimately, the critique of the post-war welfare consensus.
Je signale la parution d’un ouvrage complet sur le Royaume-Uni aujourd’hui auquel j’ai contribué : Le Royaume-Uni au XXIe siècle : mutations d’un modèle, ouvrage collectif, dirigé par Emmanuelle Avril et Pauline Schnapper. ISBN : 9782708013780, broché, 400 pages, Septembre 2014.
J’ai signé deux sections (le système éducatif, la famille) de la deuxième partie : questions économiques et sociales.
Ci-dessous la présentation faite par l’éditeur:
Cet ouvrage propose un tableau dynamique du Royaume-Uni contemporain rédigé par les meilleurs spécialistes français des différentes questions abordées. Il est destiné à des étudiants anglicistes ou de droit et sciences politiques, en licence et master.
Le fil directeur en est une interrogation sur la pertinence et la permanence d’un « modèle » britannique qui concernerait aussi bien les institutions politiques (le modèle dit de Westminster) que l’approche libérale et néo-libérale de l’économie, le pluralisme social et les pratiques culturelles.
L’ouvrage aborde ces différentes questions en évoquant les tensions, clivages et mutations qui remettent en question ce « modèle » et en s’interrogeant sur ses capacités d’adaptation aux défis du nouveau siècle.
Table des matières :
Partie I. Politique et institutions
1. Un modèle démocratique en mutation
2. Les partis politiques : un paysage recomposé
3. Les dilemmes de la politique étrangère britannique
Partie II. Questions économiques et sociales
4. Quelle économie au XXIe siècle ?
5. Le modèle social britannique : réussite et limites
6. Les remises en question de l’état-providence
7. Le système judiciaire : entre sécurité et liberté
Partie III. Identités et pratiques culturelles
8. Quelle place pour les religions ?
9. Cultures populaires et cultures d’élite
10. Les médias britanniques à l’ère de la révolution numérique : diversification et nouveaux usages
Pour comprendre à la fois les faits rapportés et les réactions des deux journaux, sensibles aux soucis quotidiens de leurs lecteurs, il faut examiner la question de plus près. Rapporté au nombre total d’élèves scolarisés en Angleterre et au Pays de galles, 8.7 million, (voir le billet L’éducation au Royaume-Uni… sur ce blog) ce phénomène concerne à peine 0.02 % (ou vingt élèves sur cent mille, pour ramener les chiffres à la taille d’une ville moyenne française). Mais selon le syndicat des fonctionnaires territoriaux (Local Government Association), il manquerait 130,000 places dans le primaire, ce qui veut dire 1.5%, 1500 élèves sur cent mille, ce qui veut dire l’équivalent de plusieurs établissements scolaires.
La cause de cette bévue ? Un baby-boom sans précédent depuis les années 1970, qui a été mal anticipé. La fermeture de classes dans le primaire dans la décennie 2000-2010 correspondant à la chute des naissances, n’a pas été suivie de réouvertures alors qu’on savait que la courbe des naissances s’était renversée. De plus, comme les démographes le savent, l’augmentation n’est pas uniforme, et concerne certaines villes, voire certains quartiers, plus particulièrement. Il ne s’agit donc pas de politiques d’austérité ou répressives, mais d’une mauvaise gestion.
Les conséquences de cette incurie sont plurielles :
-classes surchargées, alors que pendant les gouvernements précédents, on s’était attelés à réduire le nombre d’élèves par classe, dans le primaire en particulier
-établissements de plus en plus grands, obligés d’absorber une population scolaire non pas en diminution, mais en augmentation. La plus grande école primaire, Gascoigne, à Londres (Barking & Dagenham) a plus de mille élèves. Il faut remarquer cependant que, pour l’Angleterre et le Pays de galles, qui ont une population dense, les établissements scolaires, y compris les écoles primaires, ont un nombre d’élèves assez élevé entre 180 et 250.
Gascoigne primary is the biggest primary school in England, according to the latest official statistics. In two years’ time there will be more than 1,200 pupils, The Guardian, 23 avril 2014
-établissements obligés d’ouvrir des salles de classe dans des bâtiments temporaires, de transformer des salles spécialisées (informatique, SVT, sport) en salles de classe, d’ériger à la hâte des salles sur les terrains de sport (Fran Adams, « The growth of the ‘Titan’ schools, The Guardian, 23 avril 2012) avec les conséquences qu’on imagine sur l’emploi du temps, sur les matières enseignées et sur les élèves.
Dès 2010, des alertes avait été données (Tim Ross, « 100,000 pupils crammed into overcrowded state schools », The Telegraph, 2012, à Londres et aux alentours, mais aussi en Écosse, des parents faisaient état d’établissements de 700 à 800 élèves, qui pourraient avoir à augmenter leur capacité de 100 élèves. Certains défendaient la qualité de l’enseignement et d’environnement présente dans ces écoles. D’autres signalaient des difficultés de circulation dans la salle de classe.
Face à ces difficultés, les parents qui le peuvent, réagissent :
-l’école publique est délaissée en faveur de soit les écoles privées (mais peu nombreuses pour le primaire) ou pour la scolarisation à domicile (environ 20,000 élèves)
Pour les parents, obtenir une place dans l’école de son choix, la plus près, et/ou la mieux cotée, relève d’une loterie.
Mais ce dernier état de fait ne date pas d’hier. Il est la conséquence logique de politiques mises en place il y a vingt-cinq ans, et jamais remis en cause par les gouvernements successifs depuis lors.
Depuis l’introduction du ‘choix parental’ par le gouvernement Thatcher à la fin des années 1980, les parents ont le droit de déposer des demandes pour l’école de leur choix pour leur enfant. La mesure était censé améliorer la qualité de l’enseignement dans l’ensemble des écoles par le jeu de l’émulation, de la concurrence. Les écoles les mieux cotées (rapports d’inspection des établissements et note publiés sur internet) sont ceux qui reçoivent le plus de demandes. Les écoles les moins bien cotées verraient les parents se détourner d’eux, perdraient des élèves et seraient obligées de rectifier le tir pour attirer des élèves et des crédits.
Le désespoir de parents qui, du fait que leur maison se trouve une centaine de mètres en dehors du secteur de recrutement, déterminée par le nombre de places et la demande, est de compréhensible. Le prix des résidences dans les secteurs des meilleures écoles prend une surcote parfois de 20 à 30%, alors qu’on sait que le coût de l’immobilier est déjà très élevé.
Quant à la conséquence de la forte natalité dans les banlieues à forte population issue des minorités, l’exemple de Londres est connu. Mais toutes les municipalités sont conscientes des enjeux de ce phénomène et ce aussi depuis une vingtaine d’années.
Les statistiques sur l’appartenance minoritaire, sur la langue maternelle, sur la religion professé, mais aussi sur les familles en difficulté, existent et sont utilisées par les autorités pour essayer de consacrer des efforts supplémentaires, que ce soit en matière de gratuité des repas à la cantine scolaire (mesure étendue à cette rentrée scolaire à tous les enfants de moins de 7 ans pour combattre le déséquilibre alimentaire et la pauvreté, mesure prônée par le vice-premier ministre, Nick Clegg), ou en matière d’enseignement (anglais comme langue étrangère, reconnaissance des fêtes culturelles des différentes minorités).
En 2012, les conseils municipaux dans les villes de Londres, mais aussi Birmingham et Bristol, ayant des populations issues des minorités importantes, mais aussi celles de Bournemouth et Winchester (vers la côte sud à l’ouest de Londres), qui ne sont pas des villes connues pour leur population ethnique, sonnaient l’alarme.
D’autres, face aux conséquences de la construction de quartiers nouveaux sur la population scolaire, ont considéré que l’absorption du surcroît enfants d’âge scolaire dans les établissements existants coulait de source, et n’ont pas intégré la construction de nouvelles écoles dans le plan d’urbanisme, mais ils ne sont pas les seuls. Le plan directeur général (National Policy Planning Framework) de mars 2012 était critiqué pour l’absence de considérations sociales et la décentralisation de la planification (Population Growth and Housing Expansion in the UK Some preliminary considerations, 2013, p.13).
La stratégie de développement du Grand Londres dévoilé fin 2013 par le maire Boris Johnson fait état du besoin de quarante mille nouveaux foyers par an pendant vingt ans, rien qu’à Londres, et propose des solutions pour combler l’écart entre croissance démographique et habitations, mais n’inclut pas de réflexion sur l’impact sur les services publics (santé, éducation, transport par exemples) qui devraient accompagner ces mesures.
D’autres phénomènes expliquent donc l’augmentation de la demande à Londres et dans le Grand Sud-Est. La tendance des jeunes couples chargés de famille de quitter les villes a ralenti, et le nombre de jeunes enfants présents dans les centres urbains a augmenté. A Londres, il manquerait 118 000 places dans les écoles primaires et secondaires. Le Conseil de Londres avait milité en 2009 pour une dotation supplémentaire pour pouvoir créer de nouvelles places, et réitère sa demande en 2014.
A primary school in Barking, east London. The authority is planning a school in a former Woolworths store, with two shifts. Photograph: David Levene for the Guardian, 2012
Le gouvernement Cameron a reconnu le problème posé par l’augmentation de la natalité, en annonçant que les investissements immobiliers pendant 5 ans seraient consacrés aux écoles primaires. En décembre 2013, un budget supplémentaire de 2.3 million de livres sterling pour créer des places dans les établissements scolaires était annoncé.
Les titres des quotidiens sont révèlent le malaise qui règne mais l’examen de la question fait ressortir le refus des autorités nationales d’intervenir dans le sphère de compétences des autorités locales, chargées de l’éducation, qui au Royaume-Uni, est bien plus décentralisé qu’en France (à titre d’exemple, les enseignants ont toujours été des employés territoriaux et non des fonctionnaires de l’État). Les leçons sont à méditer alors qu’en France le transfert des compétences vers les territoires (régions, départements, villes) et la refonte de ces mêmes territoires est en cours.
Ce weekend, les 17-19 mai, l’Université de Yale procède à la remise des diplômes aux quatre mille diplômés de licence, master et doctorat (voir statistiques détaillées). Chaque faculté et école doctorale, à différents moments durant le weekend, tient sa propre cérémonie, et une grande cérémonie générale est organisée sur la pelouse centrale historique de Yale, près des premiers bâtiments qui ont servi, et servent toujours, de résidence pour les étudiants, de bureau pour les professeurs et de salles de cours.
Fondé en 1701 pour offrir une éducation dans les humanités à l’européenne sur le continent américain, Yale est une université généraliste. Cette université à la réputation d’être l’une des plus chics et chères des États-Unis et compte parmi ses anciens élèves de nombreux présidents des États-Unis, et l’invité d’honneur à la cérémonie de ce dimanche fut John Kerry, Secrétaire d’État, de la promotion de 1966. Parmi les tous derniers invités d’honneur, on note le Président Bill Clinton, et l’acteur et metteur en scène Tom Hanks (cliquer pour écouter et lire leurs discours). L’Université a été classée onzième dans le Classement de Shanghai des universités mondiales, quatrième parmi les universités américaines par le magazine Forbes, et fait partie des huit universités privées d’élite, la Ivy League.
Et pourtant, la diversité et l’ouverture est présente partout. Parmi l’assistance à la cérémonie de remise des diplômes, le nombre important d’étudiants et de familles d’origine étrangère ou ethnique est clairement visible. La présence d’étudiants internationaux (18%), de chercheurs internationaux (deux mille) n’explique pas tout. La grande majorité des étudiants américains à Yale ne viennent pas de l’État de Connecticut. 55% des étudiants arrivés en 2013 viennent d’écoles publiques. 57% des étudiants sont boursiers. La bourse moyenne couvre les frais de scolarité qui ont tendance à faire peur aux étudiants français. En 2013-2014 la scolarité coute 44.000 dollars et la chambre et le restau U 13.500 dollars. Une politique d’égalité des chances a été mise en place en soutien aux étudiants des minorités culturelles.
La volonté d’ouverture se voit également dans l’organisation de la cérémonie. Dans un mélange de formalité et de souplesse, de professionnalisme et de légèreté (ici le port de chapeaux inventif aussi bien par les étudiants que par les membres de la faculté), propre au continent d’Amérique du Nord, et semblable aux coutumes des universités prestigieuses britanniques. Une procession des lauréats à travers le campus, précédées des oripeaux symboliques portés par les étudiants distingués et les dignitaires de l’Université, annonce le début de la remise des prix, cérémonie à laquelle tout un chacun a le droit d’assister, sans autre formalité qu’une fouille de sac.
Après les discours d’accueil, non pas des dignitaires, mais des représentants des diplômes de 2014, le discours de John Kerry est un moment de réflexion et d’encouragement aux lauréats, dont 75% se destinent non pas aux études supérieures, mais au marché du travail. Cette année, la personnalité et la fonction de Kerry ont fait que ce discours a été aussitôt reporté par les médias, non seulement le quotidien de l’Université, le Yale Daily Times, mais aussi le Washington Times, et ABC News, pour deux messages politiques, au sens large du terme, qu’il a voulu souligner : garder confiance dans son gouvernement et promouvoir la diversité.
Ce sont justement les prix d’excellence, remises aux étudiants qui ont le plus contribué à la vie de l’Université, qui illustrent parfaitement son message. Les prix sont remis pour les activités sportives, le leadership, le service public et au nom de la tolérance en tout genre. Dans cette dernière catégorie, cette année les étudiants ont été récompensés pour leur travail dans les domaines de l’entente israelo-arabe et de l’œuvre en faveur des étudiant(e)s lesbiennes, gays, bi- et transsexuels (LGBT).
Ce billet a été rédigé dans le cadre du séjour de recherche comme professeur invité à l’Université de Yale, du 20 avril au 20 juillet 2014, avec le soutien de la Région Poitou-Charentes, l’Université de Poitiers et le laboratoire MIMMOC (EA 3812).