9 La France – l’ennemi ami? 1688

9 La France – l’ennemi  ami? (exposition virtuelle « La glorieuse révolution d’Angleterre, 1688 »  dans le Fonds Dubois)

(Les côtes d’ouvrages FD et autres sont les références du Fonds Dubois)

Le commerce est à la fois le moyen de contrer les maux internes, mais aussi de combattre l’influence étrangère. L’Angleterre se compare sans cesse à ses deux rivaux continentaux : la France et la Hollande. Ainsi le commerce devient un instrument, le moteur et la raison d’être des relations extérieures. Les problèmes internes – chute des loyers, manque d’argent, thésaurisation des richesses, investissements dans le bâtiment avec la reconstruction de Londres – sont pointés par les analystes, avant de proposer des remèdes [FD 385], [FD 2229, 2211, 2293] qui selon plusieurs passent par les monopoles commerçantes et la participation dans leurs actions.

La France, pays catholique, soutenait la monarchie anglaise Stuart – non sans motifs ultérieurs – et accueillit les réfugiés royaux successifs : pendant la République, le prince Charles et son frère Jacques, futurs rois; après la Révolution, à nouveau Jacques, mais aussi son fils, le prince de Galles. Ainsi dans les traités de commerce, dans les almanachs, dans les revues de l’état du pays, on retrouve la liste, parfois encyclopédique, des régions avec lesquelles les marchands anglais traitent, avec toujours présentes et en bonne place, la France et la Hollande.

L’exemple le plus célèbre de ce genre de littérature est l’ouvrage d’Edward CHAMBERLAYNE  (1616-1703)  Angliae Notitia ou l’état présent de l’Angleterre, publié en 1669. [FD 2303] Le succès de cet ouvrage qui avait pris comme modèle le (deux éditions supplémentaires dans l’année, le neuvième en 1676) est sans doute dû à plusieurs facteurs. D’une part, ses connaissances et connexions : l’auteur avait voyagé à travers l’Europe pendant la République. À son retour à la restauration en 1660, il devint secrétaire du 1er comte de Carlisle et l’accompagnait dans ses missions diplomatiques. Chamberlayne, devint en 1679 le précepteur du fils illégitime du roi Charles II, et fut chargé d’enseigner l’anglais au Prince George de Danemark, futur consort de la princesse Anne (1683) et beau-frère de William et Mary. D’autre part, l’essor du commerce et le besoin d’œuvres pédagogiques ont dû contribuer au succès d’auteur. Ayant été inspiré par L’Estat Nouveau de la France (1661), ce livre fut le sujet de plagiat par Guy Miège, The New State of England (1691), encore preuve du succès du genre.

Charles Howard, député, membre de la puissante famille Howard, 1er compte de Carlisle, patron de Chamberlayne. Son petit fils sera nommé First Lord of the Treasury  Privy Counsellor, Earl Marshal par William et Mary, et, à la mort de la reine Anne, Lord Justice.

Après 1688, la guerre intermittente, appelée guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697), par laquelle l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’Espagne et la Sainte Empire s’unirent pour contrer les  ambitions de Louis XIV, amène une autre lecture des relations avec la France. La France – avec l’Espagne – est l’exemple même de la monarchie « universelle » – pour ne pas dire absolue -, selon DAVENANT, dans son traité de relations internationales De l’équilibre des pouvoirs (entre les nations), Du droit de la guerre, de la paix et des alliances, 1701. [FD 2445] Si pour lui « l’Angleterre a toujours tenté de tenir l’équilibre en Europe », la France représente l’allié du catholicisme ennemi. Associant forme de gouvernement et supériorité morale, ce sont précisément les droits et libertés d’un peuple libre, que les anglais peuvent opposer au nombre, richesses et capacité militaire de la France. [FD 2308]

La signature du Traité de Ryswick (1697)

Les persécutions françaises contre les Huguenots (Révocation de l’Édit de Nantes, 1685) sont dénoncées pour leur impact négatif sur l’économie française – de nombreux tisserands de soieries et autres artisans du luxe ont trouvé refuge à Londres (et au Pays bas). Une certaine crainte est présente dans l’ouvrage de SOULIGNE, protestant français réfugié en Angleterre, [FD 2320] la France pourraient encore renverser Guillaume et Mary et les Jacobites retourner sur le trône d’Angleterre. Mais PETTY, rassure par ses calculs logiques et arithmétiques, qu’en raison d’obstacles naturels, la France ne pourra jamais être plus puissant que les anglais ou les hollandais en mer. [FD 2461] D’ailleurs, par le Traité de Ryswick (1697), Louis XIV reconnut la légitimité de Guillaume et Mary.