Sécurité côtière et sécurité routière

Deux articles, l’un dans le Journal du Dimanche (dimanche 13 octobre) et l’autre dans le Daily Telegraph (vendredi 11 octobre) ont attiré mon attention sur un phénomène alarmant et attristant qui est passé quasiment inaperçu ces derniers jours.

La presse française et anglaise ce weekend consacre des pages à la perte de vies humaines au large de Lampedusa et de Malte, aux portes de l’Europe, cette semaine. Selon l’ancien ambassadeur de France à Malte, un quart des clandestins meurent en mer. Sans que cela soit clairement indiqué, nombre de ceux qui ont péri sont jeunes.

Sans que cela soit dans la même ordre de grandeur, le fait que dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 octobre, treize personnes ont perdu la vie en France et cinq autres sont dans un état critique, devrait également nous interpeller. Six accidents de la route se sont produits où par deux fois, quatre jeunes ont péri dans une seule voiture, et dans un troisième encore deux personnes de moins de vingt ans.

Or, à la une du quotidien britannique, on note l’annonce d’un projet pour améliorer la sécurité routière au Royaume-Uni qui consiste en une interdiction pour les jeunes conducteurs (moins de trente ans) de prendre le volant la nuit (entre 22h et 5h) et d’embarquer des passagers de moins de trente ans. Les conducteurs novices (moins d’un an de permis) de plus de trente ans seraient également interdits de volant la nuit et un taux d’alcoolémie moins élevé leur serait appliqué pendant l’année qui suit leur obtention de l’examen de conduite.
Au Royaume-Uni, la conduite accompagné existe depuis toujours. Á partir de dix-sept ans, et avec un permis provisoire, un jeune peut conduire avec à ses côtés un adulte de plus de 21 ans qui détient le permis de conduire depuis plus de 3 ans, sans suivi par les auto-écoles ni kilométrage/nombre d’heures imposés, en affichant un ‘L’ pour ‘learner’ (apprenti). Il n’est pas obligatoire de passer par une école de conduite avant de se présenter à l’examen pratique. Le test écrit du code de la route a été introduit en 1996. Seule mesure de précaution, les jeunes conducteurs (moins d’un an de permis) ont seulement six points (au lieu des douze accordés aux conducteurs expérimentés) avant un retrait du permis.

Si seuls 8% des permis sont détenus par des jeunes de moins de 24 ans, ceux-ci représentent un quart des morts sur les routes britanniques, et 20% des néo-conducteurs ont un accident dans les six premiers mois après leur permis. À présent, un système similaire à celui mis en place en France, avec un minimum d’heures de conduite (120 heures dont 20 de nuit) est envisagé. Depuis 2010, le nombre de décès de la route en France (3992) et au Royaume-Uni (2278), continue de baisser. Le taux de mortalité en 2012 dans les deux pays était de 5.6 pour 100.000 habitants en France et de 2.8 au Royaume-Uni selon la Commission européenne.

Pour mettre la sécurité routière en perspective, les fatalités routières, 1.3 million par an, sont une des premières causes de décès dans le monde (Washington Post, 18 janvier 2013). Depuis 2011, l’ONU et l’OMS, soutenues par la Fédération internationale de l’automobile, ont initié une campagne internationale pour la sécurité routière (voir la carte interactif de l’OMS).

Les Etats-Unis dans l’imaginaire français

« The “Grande République” or the “Oncle d’Amérique”: the French State School System and the United States’ War Effort 1914-1919 ».

Cet article fait suite à une communication présentée au colloque “Varieties of Experience: Views of Modern Warfare” / « Regards croisés sur les guerres modernes » organisé par le centre LSA de l’ERIBIA – EA 2610 – Caen, France en mai 2010.

Résumé  : L’impact de l’arrivée des troupes américaines en France pendant la Première Guerre mondiale fait l’objet de travaux incomplets. Les archives de l’Instruction publique en France fournissent une source inattendue. Pour maintenir le moral, l’effort américain a été instrumentalisé par les autorités françaises en s’appuyant sur deux arguments reliés, les républiques sœurs et la puissance américaine. World War 1 Propaganda PostersAvant l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique, des contacts diplomatiques culturels furent noués et le Ministère de l’Instruction publique se servait de l’exemple américain pour maintenir espoir à l’issue de la guerre.

Avec l’arrivée des « Sammies », les organisations volontaires à l’œuvre dans les camps auprès des soldats américains rayonnèrent. Ces programmes d’aide continuèrent après l’Armistice et servirent de modèle à des campagnes de santé publique et de culture populaire en France, coordonnés par le Ministère de l’Éducation. World War 1 Propaganda PostersAu final, les exemples américains fournis par la littérature officielle ne furent qu’une aide de plus dans la rhétorique de guerre, où l’oncle d’Amérique reste un parent providentiel mais lointain, admiré et membre de la famille, mais distant.

Pour lire l’article :

Susan Finding, « The “Grande République” or the “Oncle d’Amérique”: the French State School System and the United States’ War Effort 1914-1919 », Revue LISA/LISA e-journal [Online], Vol. X – n° 1 | 2012, Online since 12 March 2012, connection on 14 March 2012. URL : http://lisa.revues.org/4858 ; DOI : 10.4000/lisa.4858

London 1911 : celebrating the imperial

London 1911 : celebrating the imperial  Susan Finding, MIMMOC, University of Poitiers

Article published in  « Londres: capitale internationale, multiculurelle et olympique »,  Observatoire de la société britannique, 11, décembre 2011, sous la direction de Timothy Whitton.

Abstract
Unlike many rival capital cities (Paris, Berlin, Washington D.C.),
London combined functions  as the seat of government, major seaport, industrial and commercial centre. London authorities sought to control and improve the living and working conditions within their boundaries. Unlike its rivals however, London was seen to be lacking in monuments and urban layout suitable to its calling.  The local authorities in London sought to remedy the planning side but celebration in stone and pageantry were ensured by official displays and semi-official entertainment heavily underpinned with imperial designs.http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcQNAg4qvw1JM1Of6JnNHwhHgPIu7arjtY2TevJ3XUtU7RX3ZPvZ

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British Colonies, Dependencies & Trade Routes 1911

RESUME
C’est au mois de juillet 2005 que le CIO décide d’attribuer les Jeux Olympiques à la ville de Londres, vingt-quatre heures avant qu’une série d’attentats n’ébranle les certitudes multiculturalistes des Londoniens. Malgré le traumatisme subi, Londres sort la tête haute de cet épisode tragique, portée par sa volonté de défendre sa diversité autant que son statut de ville résolument internationale voire « globale ». Ce numéro explore l’évolution de la capitale britannique, non seulement sur les traces de son passé impérial, mais également en fonction de la manière dont elle s’accomode de sa place au cœur de l’échiquier financier mondial. La distribution et la gestion de son espace urbain sont également des enjeux majeurs dans la trajectoire que Londres cherche à se forger afin de rester dans le peloton de tête des capitales mondiales.

SOMMAIRE
Timothy Whitton
Forewords
Susan Finding
London 1911: celebrating the imperial
Carine Berbéri
Londres: une ville plus favorable à l’euro que les autres villes du Royaume-Uni ?
Hervé Marchal & Jean-Marc Stébé
Exister ou disparaître dans le jeu économique de la globalisation : un défi pour Londres et Paris
Ian Gordon
London Capital of Boom and Bust?
Martine Drozdz
Marges convoitées: lecture paysagère et géographique de l’extension du quartier d’affaires de la City à Londres.
Manuel Appert
Les nouvelles tours de Londres comme marqueurs des mutations d’une métropole globale
Timothy Whitton
Over to you Boris: the defeat of Ken Livingstone in 2008
Nancy Holman & Andrew Thornley
The reversal of strategic planning in London: the Boris effect with a focus on sustainability.
Nassera Zmihi
Londres 2012, un objectif olympien :zéro sans-abri.
Jeremy Tranmer
London: a capital of protest politics
Corinne Nativel
Mobilisations urbaines et espaces de résistance aux Jeux Olympiques de Londres et de Vancouver

12 euros (prix au numéro, frais de port compris), libellé à l’ordre de l’Agent comptable de l’Université de Toulon, à l’adresse ci-dessous
Gilles Leydier
Directeur de la publication
Revue « L’Observatoire de la société britannique »
UFR Lettres & Sciences Humaines
Université du Sud Toulon-Var
83957 La Garde cédex

La mise en place d’une politique de la petite enfance au Royaume-Uni

La mise en place d’une politique de la petite enfance

Article paru dans  Informations sociales, 2010/3 (n° 159), Politiques sociales et familiales en Grande-Bretagne Politiques sociales et familiales en Grande-Bretagne – petite enfance.

Résumé

Cette contribution présente la politique de la petite enfance, quasi inexistante auparavant, mise en place par les travaillistes dès leur arrivée en 1997 : ses pourtours, les moyens mis en œuvre, son importance et son impact. Les mesures prises s’appuient sur la lutte contre la pauvreté et le chômage et le soutien aux parents promus par le New Deal. Dès 1997 est publiée une National Childcare Strategy, puis les mesures et les lois se succèdent. Entre autres : lancement du programme Sure Start avec la création de Children’s Centres et publication du document cadre Meeting the Childcare Challenge en 1998 ; Children’s Act, Work and Families Act et création d’un « superministère » de l’Enfance en 2006.Tous les types de leviers sont actionnés : augmentation du nombre de places d’accueil, extensions des allocations pour garde d’enfant, allongement des congés maternité et des congés parentaux sans solde, formation du personnel dans les structures d’accueil, réforme de crédits d’impôt pour garde d’enfant, création de fonds d’investissement pour enfants. Si les nouveaux droits sont sujets à controverses, la prise en charge par l’État et la création d’un accueil mixte, collectif et pluriservices des jeunes enfants constituent une innovation majeure. La scolarisation des enfants de 3 et 4 ans est passée de 20% en 1970 à 65% en 2005.

PLAN DE L’ARTICLE

Susan Finding – Professeur de civilisation britannique à l’Université de Poitiers et directrice de l’équipe de recherche MIMMOC (Mémoire, identité et marginalité dans le monde occidental) spécialisée dans les politiques et l’histoire sociales et l’éducation. Parmi ses publications récentes : 2009, « La petite enfance – l’émergence d’une politique innovant et précurseur », in Fons J.-P. (dir.), « Les Années Major », Observatoire de la société britannique, n° 7, avril, p. 309-322 ; 2007, « Sans famille ? Le parti conservateur dans l’opposition et la politique familiale », in Fons J.-P. (dir)., Le Parti conservateur britannique 1997-2007. Crises et reconstruction, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 127-144 ; 2007, « Le nouveau parti de la famille ? », in « Les années Blair », Observatoire de la société britannique, n° 3, janvier, p. 93-115.

1 Les travaillistes ont appelé Childcare Revolution l’ensemble des mesures qu’ils ont prises dès leur arrivée au pouvoir en 1997 pour mettre en place une politique de la petite enfance. Celle-ci est devenue une priorité nationale au Royaume-Uni, en articulation avec les autres politiques économiques et sociales du New Deal qui placent le soutien aux parents au cœur de la réforme du système de protection sociale britannique.

2 En 1945, on avait promis une protection sociale qui prendrait en charge les citoyens du berceau au tombeau, déclarait en 2005 Gordon Brown, Chancelier de l’Échiquier [1] pour qui les importantes réalisations du gouvernement néotravailliste dans le domaine de l’enfance rivalisaient avec celles du gouvernement Attlee, l’inventeur du système national de santé après la Seconde Guerre mondiale. Mais, rappela G. Brown, le berceau avait été oublié et les enfants en bas âge, de la naissance à l’école maternelle, n’avaient jamais été pris en compte. Arrivé au pouvoir en mai 1997, le gouvernement néotravailliste s’employa à faire de la petite enfance l’une de ses priorités.

Naissance d’une politique publique de la petite enfance

3 L’annonce d’une politique de la petite enfance date de la période charnière 1994-1995, alors que des enjeux économiques et sociaux démontraient la nécessité d’une politique nationale. En juillet 1994, le Premier ministre Tony Blair avait fait part de l’intention de son parti d’étendre les services d’accueil des enfants.

4 Deux lignes directrices sous-tendaient la rapide mise en place d’une politique globale de
structures d’accueil pour la petite enfance. Il s’agissait d’un côté, dans un souci d’une plus grande justice sociale, d’améliorer la situation des enfants démunis dans le cadre de la lutte contre la pauvreté des enfants, les laissés-pour-compte de l’État-providence et, de l’autre, d’aider les parents à mieux concilier le travail et la vie de famille, en premier lieu pour mettre plus de femmes sur le marché du travail. Par la suite, on assista au déploiement de mesures visant à la réduction du taux élevé d’enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté [2]. Seuil établi par le gouvernement à 60 % du revenu médian. Le programme Sure Start fut lancé en 1998, sous la double tutelle des ministères de l’Éducation et de la Santé. Les centres pour enfants et la prime enfance (Children’s Centres) étaient censés réunir, au sein d’une communauté ou d’un quartier, un ensemble de services juridiques, médicaux, éducatifs et d’aide sociale.

5 Les objectifs principaux du gouvernement restèrent ceux de renforcer l’économie et la cohésion sociale (Spending Review, 2004). La déclaration de principe du ministère de l’Éducation faisait état de la nécessité de préparer une économie compétitive et une société d’intégration. Pour y parvenir, il fallait non seulement améliorer les conditions de vie mais aussi favoriser l’égalité des chances en « brisant le cycle de privations »[3] Reprise par le gouvernement New Labour du terme utilisé et en réduisant les inégalités. Un des axes principaux allait être d’accroître le nombre de places d’accueil des enfants et, plus précisément, d’augmenter de 50 % en quatre ans le taux des familles modestes qui bénéficient des structures de garde organisées. Pour ce faire, le programme Sure Start devait totaliser 2 500 Children’s Centres en 2008 [4].

6 Dans les premiers mois du gouvernement néotravailliste, le système de bons distribués aux parents pour des dépenses de garde d’enfant, hérité du gouvernement John Major, fut rapidement remplacé par une allocation pour garde d’enfant. Puis la publication de la politique National Childcare Strategy, à l’automne 1997, fut accompagnée de la mise en place de structures paritaires régionales (Early Years Childcare Development Partnerships) ; elles réunissaient des représentants des services publics et privés, placés sous le contrôle des conseils municipaux locaux eux-mêmes chargés de donner l’impulsion, responsables de la planification et du déploiement de l’offre.En même temps, le gouvernement lançait la politique de retour à l’emploi New Deal comprenant un volet important consacré au secteur en expansion de l’accueil des enfants. Au printemps 1998, le gouvernement rendait public le document cadre pour la mise en place d’un service nouveau pour l’accueil des jeunes enfants, Meeting the Childcare Challenge. Ce document cadre devait être lu en parallèle avec le Livre vert sur la réforme de l’État-providence, annoncé par le Livre vert[5] publié par le Departement of Social Security en mars 1998 sur l’avenir des politiques sociales (New Ambitions for Our Country, A New Contract for Welfare). La même année, la loi-cadre sur la qualité de l’enseignement (School Standards and Framework Act, 1998) étendait la responsabilité des autorités locales aux services d’accueil de la petite enfance. Un document de travail sur l’inspection des institutions concernées par l’enseignement précoce et la garde d’enfants en bas âge fut fourni. Il fut complété, en août 1999, par un nouveau document de travail envisageant la création d’une sous-section de l’organisme chargé de l’inspection des écoles. L’étape de la préparation de la législation fut rapidement franchie. En un peu plus d’un an, des mesures pour aider les familles en matière de garde d’enfant avaient été annoncées, formulées, structurées et mises en place dans le cadre d’une nouvelle conception des rapports entre la famille, les enfants, le travail et le système de protection sociale
britannique.

« Childcare Revolution » 

7 Deux ans et demi après son arrivée au pouvoir, le gouvernement New Labour créa les
crédits d’impôts pour les familles à faibles revenus ayant charge d’enfants dans le but de combattre l’exclusion sociale. À cette fin, le programme Sure Start fut élargi. Les objectifs
généraux du programme étaient de réduire la fracture sociale entre les enfants des quartiers défavorisés et la moyenne nationale, en œuvrant dans le domaine de l’éducation et de la famille et en s’appuyant sur le travail de terrain dans les quartiers effectué au sein des Children’s Centres (Sure Start, 2006). Un service complet, délocalisé mais pas encore généralisé, était en train de voir le jour. On fixa des objectifs précis et chiffrés qui visaient à améliorer les conditions de vie en famille, le développement psychopédagogique et social et la communication chez les enfants démunis.

8 Pour y parvenir, les nouveaux programmes pédagogiques pour la petite enfance, Curriculum Guidance for the Foundation Stage, furent distribués à toutes les institutions concernées (écoles, centres d’accueil des secteurs publics et privés) dès le mois de mai 2000. Ils entrèrent en vigueur à la rentrée de septembre alors qu’une nouvelle loi définissait la nature et la qualité de l’offre requises (Care Standards Act). L’inspection des écoles et des garderies fut confiée au Early Years Directorate de l’Ofsted[6] En 2003, de nouveaux critères de qualité furent introduits, qui correspondaient à l’étape de la mise en place des structures de contrôle et de régulation. En 1999, afin de faciliter la conciliation entre travail et vie de famille, les premières améliorations du régime des droits des travailleurs parents rallongeaient len congé maternité rémunéré et le congé sans solde qui prolongeait celui-ci. En 2000, les travailleuses et travailleurs à temps partiel accédaient aux mêmes droits. Une nouvelle étape était franchie avec la loi de 2002 sur l’emploi et l’annonce, fin 2005, de nouvelles mesures qui prolongeaient le congé de maternité jusqu’à neuf mois.

9 On assista également au renforcement de la lutte contre le chômage des adultes à charge d’enfants. La formation et l’emploi de personnel qualifié pour les garderies furent encadrés. Dans le cadre des politiques de retour à l’emploi, les députés favorisèrent le déploiement des services d’accueil en votant une loi-cadre sur les niveaux de formation des employés des centres et sur la qualité des services. Le premier rapport officiel sur l’éducation et l’emploi fait état du lien et des interactions mutuelles entre l’emploi des parents et l’accueil des enfants dans le secteur préscolaire [7]

La « Childcare Revolution »[8] sembla alors entrer dans une nouvelle période. La mise en place d’une panoplie complète de services coordonnés, structurés et contrôlés avait été réalisée en trois ans, de 1998 à 2001. Les études chiffrées publiées à partir de 2003 prirent l’année scolaire 2001-2002 comme année de référence, l’an zéro du nouvel État-providence. Il s’agissait non seulement d’étendre et de consolider ces nouveaux services à la famille qui venaient d’être créés, mais aussi d’envisager sous un angle nouveau les rapports entre l’État et la famille et, en deuxième lieu, le financement des services ainsi créés. La réforme des crédits d’impôt pour garde d’enfant de 2002, effective à partir de 2003, et la création des fonds d’investissement pour les enfants subventionnés par l’État (Children’s Bonds, sorte de « livret jeune » avec prime gouvernementale) entérinèrent cette nouvelle approche.

Une nouvelle architecture institutionnelle

10 En même temps, la dispersion des services à l’enfance devenait criante. Pour y remédier furent élaborés divers programmes visant à réunir les différents intervenants et services (sanitaires, juridiques, sociaux, d’accueil) non seulement dans les projets de quartier mais aussi au niveau de l’administration locale (Children’s Trusts), sur le modèle de l’organisation de la santé et au niveau national. C’est ce qui motiva un article de la loi sur l’éducation de 2002 qui prévoyait l’accueil des enfants dans les écoles publiques en dehors des périodes scolaires : avant et après les cours et pendant les vacances, de 8 h 00 à 18 h 00, quarante-huit semaines par an. L’accueil des enfants fut prolongé par des services aux parents et par un soutien pratique, un suivi individualisé des enfants et des parents en dehors de l’école. Ce service, qui sera baptisé Extended Schools, fut mis en place à titre expérimental dans seize établissements de quartiers défavorisés[9] Les premières évaluations furent encourageantes (Ofsted, 2005). De là naquit l’idée de créer un ministère de l’Enfance.

11 En 2003, le ministère de l’Intérieur publia le Livre vert Every Child Matters qui accompagnait le rapport d’enquête sur la mort d’une fillette maltraitée et, en particulier, sur les manquements des services sociaux (Lord Laming, 2003). La réflexion sur une protection accrue des enfants y était poussée plus loin afin d’œuvrer pour une pleine réalisation de leur potentiel et pour une égalisation des chances. Selon ce document, les enfants en danger devraient bénéficier d’un soutien renforcé au sein des Children’s Centres. Quatre domaines d’intervention furent délimités : aider les parents, les éducateurs et les assistants sociaux, intervenir de façon précoce, intégrer l’ensemble des services et améliorer le travail des employés des services sociaux. L’introduction de services pour informer et former les parents à leur rôle était adossée à celle des Anti-Social Behaviour Orders et Parenting Orders, mandats juridiques tentant d’imposer un changement de comportement chez les parents et les enfants[10]


La création d’une direction des services pour l’enfance au sein de chaque administration locale et d’une fonction de ministre chargé de la coordination des politiques concernant les enfants, la jeunesse et les familles vint couronner cette remise en cause du fonctionnement d’un ensemble de services restés encore trop disparates et morcelés, selon le rapport d’enquête. Sous l’égide du ministère de l’Éducation, le nouveau département ministériel prit en charge tous les services sociaux, la politique de la famille, le droit de la famille, le service de conseil et de soutien auprès des tribunaux des affaires familiales. Vint s’ajouter à ce nouveau dispositif la nomination de Commissaires aux enfants (Children’s Commissioners) chargés de la coordination auprès de l’administration décentralisée de l’Exécutif écossais, de l’Assemblée galloise en 2004 et de l’Angleterre en 2005, avec mission d’établir un système intégrant l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de l’enfance (Integrated Children’s System). En 2004 est lancée une politique décennale, Choice for parents, the best start for children, qui définit les priorités du gouvernement britannique dans les services de garde d’enfant en cinq maîtres mots : choix, flexibilité, disponibilité, qualité et prix (il n’est pas question de gratuité totale). L’objectif déclaré est de s’assurer que chaque enfant puisse avoir le « meilleur départ possible dans la vie » et d’aider les parents à mieux gérer l’équilibre entre travail et famille. L’aboutissement des politiques mises en place est couronné par le Children’s Act de 2006, la loi sur l’emploi Work and Families Act de 2006 et la création d’un « super ministère », le Department for Schools, Children and Families, à responsabilités élargies et interministérielles (Santé, Éducation, Emploi, Budget).

Quelques éléments de bilan de cette politique

12 Dans son discours clé du 11 novembre 2004[11] T. Blair plaçait le soutien aux parents au cœur de la réforme du système de protection sociale britannique afin de leur permettre d’équilibrer vie privée et travail : « Le plein-emploi, qui va de pair avec des changements profonds dans la vie des familles, crée un enjeu tout à fait nouveau pour notre gouvernement et notre société. Un enjeu dans lequel la garde d’enfants et l’équilibre entre travail et famille devient notre principale préoccupation. […] Notre vision est la création d’un système de garde d’enfants universel et abordable pour les parents des enfants âgés de 3 à 4 ans »[11] Son bilan chiffré des réalisations accomplies depuis 1997 témoigne de cette volonté. Après la prolongation des allocations de maternité de 14 semaines à 6 mois (passées en 2009 à 39 semaines à raison de 123 £ par semaine), le crédit d’impôt avait permis, d’après lui, à 500 000 mères de famille de rester à la maison et de s’occuper de leurs enfants. Pour ne relever que ces exemples, selon les chiffres officiels, 90 % des familles auraient bénéficié des crédits d’impôt, les allocations familiales auraient été augmentées de 25 % et 350 000 familles recevaient des subventions pour la garde de leurs enfants. Le Premier ministre rappela la création de 1 200 crèches (Neighbourhood Nurseries) et de 500 projets Sure. Les pères bénéficiaient d’un nouveau congé de naissance de quinze jours et Tony Blair promit d’allonger les congés parentaux statutaires rémunérés, ce qui sera réalisé à la fin de 2005. Près d’un million de parents ayant un emploi pourraient profiter des nouveaux droits à l’aménagement de leur temps de travail pour raisons familiales.

13 Signe du succès de la politique d’accueil des enfants, la demande de places restait plus importante que l’offre. La flexibilité (heures d’ouverture, type d’accueil) et le coût de l’offre laissaient encore à désirer. En outre, le manque de main-d’œuvre qualifiée posait toujours problème car la fourniture de ces nouveaux services de petite enfance nécessitait de créer de toutes pièces une formation diplômante pour les personnes désirant y travailler.

14 Plus de la moitié des écoles primaires accueillent dorénavant des enfants avant le début des cours le matin ; les trois quarts proposent des activités sportives et artistiques après les cours, parfois jusqu’à 20 h 30, et deviennent des centres d’activité pour le quartier tout entier. Ces allongements de l’accueil dans les écoles ne correspondent pas à un élargissement de la scolarité mais à une prise en charge des enfants en dehors de la scolarisation, une forme de garde d’enfants. La politique de l’accueil n’est toujours pas transformée en politique éducative. De même, depuis 1997, ce sont les garderies qui ont le plus bénéficié de la nouvelle politique au détriment des jardins d’enfants (Playgroups) et des écoles maternelles publiques, deux formes d’accueil qui ont vu leur nombre d’enfants ou de places diminuer. En ce qui concerne la scolarisation des enfants âgés de trois et quatre ans, elle est passée de 20 % en 1970 à 50 % en 1995 pour atteindre 65 % en 2005, sans pour autant transformer les autres modes de prise en charge. La répartition des services d’accueil entre les quatre pays du Royaume-Uni – Angleterre, pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord (voir tableau) – est inégale et, lorsqu’on examine la répartition dans les sous-districts (Local Authority Districts) à l’intérieur de chacune de ces régions, la distribution pose problème. Le pays de Galles, qui avait pris le plus de retard, essaya de stimuler le développement de modes de garde à partir de 2005. L’Écosse, le plus en avance de ce point de vue, fournit une série de statistiques qui mesure le rapport entre les services à la petite enfance et le degré d’exclusion sociale dans chaque quartier. Les chiffres permettent de préciser les types d’accueil dominants au niveau régional et de moduler les conclusions sur l’introduction d’un service « national »[12]

16 Malgré les lacunes de cette politique, la prise en charge par l’État et le glissement d’un
service privé et individuel vers un accueil mixte, collectif et pluriservices constituent une innovation majeure. Les avancées spectaculaires en la matière ne peuvent être comprises qu’en comparaison avec l’absence d’une prise en charge nationale avant 1997, une situation ainsi décrite par T. Blair en 2004 : « L’une des pires politiques de garde d’enfants et de la famille en Europe, l’un des pires résultats concernant la pauvreté chez des enfants dans le monde industrialisé ».

17 En effet, la prime enfance échappait aux contrôles médico-sociaux réguliers, les parents démunis ne bénéficiaient d’aucune structure gratuite d’accueil de la petite enfance, de nombreuses femmes quittaient leur emploi à la naissance de leur premier enfant, très souvent pour ne plus revenir sur le marché du travail (ou alors à temps partiel uniquement et après la scolarisation à 5 ans du dernier-né) et les allocations et congés parentaux étaient restés au niveau des années 1960, pour ne pas dire 1948. Malgré ces avancées, les nouveaux droits[13]

Principaux dispositifs pour la garde d’enfants au Royaume-Uni (2009) 

  • Éducation pour les trois à quatre ans : 12 heures par semaine, 38 semaines par an ; gratuité non soumise à condition de ressources.
  • Congé maternité de 52 semaines (39 semaines payées au taux de 123 £ (135 €) par semaine ou 90 % du salaire si celui-ci est moins élevé que cette somme ) transférable au père après six mois.
  • Allocations familiales : 20 £ (22 €) par semaine pour le premier enfant, 13,20 £ (14.20 €) par enfant à partir du deuxième.
  • Crédit d’impôt pour enfant : maximum 545 £ (600 €) + 2 235 £ (2 458 €) par enfant.
  • Crédit d’impôt parents en emploi (Working Tax Credit) (condition de ressources et maximum de 16 h de travail hebdomadaire) : aide financière pour garde d’enfant équivalente à 80 % du coût de la garde avec un plafond de 175 £ (192,50 €) par semaine pour un enfant et 300 £ (330 €) pour deux ou plus.
  • Une allocation de 250 £ (275 €) payable en une fois lors de l’embauche pour les parents de plus de 25 ans (sous condition de
    ressources).
  • Congé parental : 13 semaines par enfant jusqu’à son 5e anniversaire sans solde (le congé peut être rémunéré si la convention
    collective le prévoit).
  • Emploi aménagé : les parents d’enfants de moins de six ans ont le droit de demander un emploi du temps « flexible » – voir la loi-cadre sur l’accueil de la petite enfance (Childcare Act) de 2006.
  • Création d’un centre d’accueil et d’information dédié à la petite enfance dans chaque quartier (Sure Start Children’s Centre) à partir de 2010.

18 Le bas niveau des allocations pour congé parental (135 € par semaine) dissuade la grande majorité des pères qui travaillent. Moins de la moitié prennent les deux semaines de congé à la naissance auxquelles ils ont droit[14] le manque à gagner se révélant trop important. Quarante pour cent des pères craignent l’effet négatif qu’une demande de travail à temps partiel aurait sur leur carrière.

19 À l’inverse, la longueur « excessive » du congé pour les mères est critiquée par des femmes cadres supérieures qui craignent un tarissement de l’emploi féminin à des postes de responsabilité dans les entreprises soucieuses de limiter le turn over dans leurs rangs[15] Si le taux d’activité des femmes au Royaume-Uni a progressé chaque année depuis 1997, passant de 63,1 % à 65,5 % en 2007[16] on ne peut l’attribuer uniquement aux mesures en faveur des familles mises en place depuis 1997. La plupart des pays développés constatent la même progression. Par ailleurs, les pressions sociales (heures travaillées les plus longues d’Europe, absences mal vues et préjugés sur les femmes) persistent. Les témoignages de femmes mères d’enfants qui souffrent de discriminations dans leur entreprise ne manquent pas[17]

20 Néanmoins, le principe selon lequel tout parent désirant travailler doit pouvoir trouver une structure d’accueil pour son enfant est dorénavant consacré par la loi. Le sort de la petite enfance au Royaume-Uni est devenu une priorité nationale, une affaire d’État qui ne relève plus seulement du domaine particulier et privé. Les préoccupations des femmes, des familles et des enfants occupent désormais une place de choix dans les politiques économiques et sociales. Après la révolution des politiques de la famille et la révolution sociale de l’arrivée des mères sur le marché de l’emploi[18], la révolution des mentalités est à venir.

Bibliographie

 Baldock P., Kay J. et Fitzgerald D., 2009 (1re éd. 2005), Understanding Early Years Policy, Londres, Chapman.

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Work and Families Act, 2006, disponible sur http://www.workingfamilies.org.uk

Notes

[ 1] Discours du 15 avril 2005.

[ 2] Seuil établi par le gouvernement à 60 % du revenu médian.

[ 3] Reprise par le gouvernement New Labour du terme utilisé en 1972 par Sir Keith Joseph, ministre des Affaires sociales du gouvernement conservateur, devant la Pre-School Playgroups Association.

[ 4] 2002/2003 Childcare and Early Years Workforce Survey, (http://www.surestart.gov.uk/publications/ index.cfm?document=916) consulté le 20 mars 2006.

[ 5] Publié par le Departement of Social Security en mars 1998.

[ 6] Ofsted, Office for Standards in Education, Children’s Services and Skills (http://www.ofsted.gov.uk/).

[ 7] House of Commons, Education and Employment, Early Years, First Report, HC 33-1, HC, 33-2, décembre 2000.

[ 8] Expression employée par le Premier ministre Tony Blair dans un discours clé prononcé le 11 novembre 2004, devant les membres du Daycare Trust, un lobby pour la création d’un service national de garde d’enfants, réglementé et gratuit : « When we came to power we inherited one of worst set of childcare and family friendly provisions in Europe and one of the worst records on child poverty in the industrialised world. We have a lot more to do but we are turning that round – making a
real and sustained difference to the lives of millions of children and parents. But we need to go further and faster. Those of you who are here today have already been part of a childcare revolution that followed the National Childcare Strategy in 1998. But we all know that the years ahead also require more change
».
(http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk_politics/4003959.stm). (« Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons hérité d’une des pires politiques de garde d’enfants et de la famille en Europe et d’un des pires résultats concernant la pauvreté des enfants dans le monde industrialisé. Nous avons encore beaucoup à faire mais nous sommes en train de renverser la situation en améliorant de façon concrète et soutenue la vie de millions d’enfants et de parents. Mais nous devons aller plus loin et plus vite. Ceux d’entre vous qui sont ici aujourd’hui participent déjà à la révolution de la garde d’enfants qui a suivi la Stratégie nationale de la garde d’enfants en 1998. Mais nous savons tous que dans les années à venir d’autres changements seront nécessaires »).

[ 9] Villes et régions concernées : Birmingham, Bradford, Doncaster, Sefton, Solihull, Trafford, St Helens et le Lancashire, dans les Midlands et dans le nord de l’Angleterre ; Enfield, Greenwich, Hackney, Islington, Lambeth, Luton, Reading,Westminster, dans et autour de Londres ; enfin, le comté de West Sussex au sud de la Grande-Bretagne.

[ 10] Les lois Crime and Disorder Act (1998), Anti-social Behaviour Act (2003) et Criminal Justice Act (2003) rendent les parents légalement responsables si leurs enfants commettent des incivilités ou se soustraient à l’obligation de scolarisation. Les parents reçoivent un soutien des services sociaux mais les enfants doivent se conformer aux décisions de la justice, sous peine de prison pour les parents – menace suivie d’effet comme en témoignent des cas récents : Northern Echo, 1er août 2008 (http://www.thenorthernecho.co.uk/news/3562670.Mum_jailed_for_children_failing_to_attend_school/) consulté le 14 janvier 2010.

[ 11] « A full-employment economy in tandem with the profound changes in family life poses a entirely new challenge for us as a government and a society. One which puts childcare and work/life balance centre-stage. […] Our vision is to create a universal affordable childcare for parents of 3 and 4 year olds » (http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/4003959.stm)

[ 12] Un complément d’information sur cette question se trouve dans les statistiques selon le type d’accueil (écoles ou formes d’accueil privé et mixtes) en 2007, Tableau 1.13 dans Bayliss et Sly, Children and young people around the UK.

[ 13] Calcul en euros au taux d’échange en cours de 1 £=1,10 €. Pour les fiches officielles concernant les droits et les taux : http://www.workingfamilies.org.uk/images/Factsheets/factsheets%20091020/maternity_leave091020.pdf

[ 14] Equality and Human Rights Commission, Research summary 41, Working Better : Fathers, family and work – Contemporary Perspectives, octobre 2009 (http://www.equalityhumanrights.com/uploaded_files/ research/41_wb_fathers_family_and_work.pdf)

[ 15] KirstyWalker, 2009, « Excessive maternity leave and huge sex discrimination payouts “risk backfiring on women” », MailOnLine, 15 octobre (http://www.dailymail.co.uk/news/article-1220477/Excessivematernity-leave-huge-sex-discrimination-payouts-risk-backfiring-women.html#ixzz0cUfGTMfv)

[ 16] Eurostat, taux d’emploi par sexe (http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=fr&pcode=tsiem010&tableSelection=1&footnotes=yes&labeling=labels&plugin=1) consulté le 15 janvier 2010 ; Li et al., 2008.

[ 17] Des enquêtes chiffrées sur l’impact des nouvelles mesures ne sont pas encore disponibles, mais des témoignages existent. Voir l’émission radiophonique de la BBC Woman’s Hour du 21 octobre 2009, « Sexism and the City », ou du 25 mars 2009, « Maternity Leave Discrimination ».

[ 18] Steve Doughty, 2007, « Back-to-work pressure DOES hit family life », MailOnLine, 8 février (http://www.dailymail.co.uk/femail/article-434937/Back-work-pressure-DOES-hit-familylife.html#ixzz0cUmgusuN).

POUR CITER CET ARTICLE

Susan Finding « La mise en place d’une politique de la petite enfance », Informations
sociales
3/2010 (n° 159), p. 90-100.
URL :
www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-3-page-90.htm.

Londres à la fin du 19e siècle

Real and imaginary topography in News from Nowhere
Susan Trouvé-Finding, Université de Poitiers

Forget six counties overhung with smoke,
Forget the snorting steam and piston stroke,
Forget the spreading of the hideous town ;
Think rather of London, small, and white, and clean,
The clear Thames bordered by its gardens green

Stanza from the Prologue, The Earthly Paradise, William Morris, 1865

News from Nowhere, written after seven years of intense and pre-eminent political activity (some say overly so (EPT, 572)) in the funding and organising of various permutations of
the nascent socialist movement, can be read as an account of his own personal journey of discovery, a parable of his own life rooted in Morris’s personal and political lieux de mémoire. In the novel, Morris maps out the future, laying an imaginary mappa mundi Morrisi over the topography of the Thames Valley upriver from sea to source, tidal reaches to little; stream. Taking the form of a voyage of discovery in the best utopian tradition, the novel recounts a trip into Terra Cognita, the capital city adventuring into the hinterland beyond. Morris turns certain conventions upside-down, topsy-turvy, reversing the methods of contemporary social investigators such as Andrew Mearns and General Booth, whose footsteps he followed. The reader is translated not into the reality of Outcast London (Mearns 1883), or Darkest England (Booth, 1890) unknown to the well-off middle classes, but into a transformed but known world, where major landmarks serve as signposts and symbols. Despite the fictional pretence of foreignness (p.49), ‘a place very unlike England’ (p.49), everything is done to enable the reader to recognise the setting, from the opening pages where Hammersmith is identifiable from the street names (The Broadway, The Creek, King’s Street), the river (Chiswick Eyot, Putney, Barn Elms, Surrey Banks), the peregrination through London, and upstream past towns and landmarks to the upper reaches of the Thames. This transparent transposition is anchored on the real loci of Morris’s own world from Kelmscott House, Hammersmith to Kelmscott Manor, Oxfordshire.

To read on:

Paper given at Day Conference organized by François Poirier at the Univeristy of Paris I3 in January 2005 published on line  : http://www.univ-paris13.fr/ANGLICISTES/POIRIER/Morris/STrTopography2.pdf and by the William Morris Society in the United States.

Première campagne d’opinion moderne – la lutte anti-esclavagiste au Royaume-Uni

‘Granville Sharp the Abolitionist Rescuing a Slave from the Hands of His Master’ James Hayllar 1864, Copyright Victoria and Albert Museum.

Ce texte a été publié comme introduction à l’ouvrageL’abolition de l’esclavage au Royaume-Uni : débats et dissension, Paris: SEDES, 2009

En dehors de la transformation que l’abolition de l’esclavage a opéré dans la vie de centaines de milliers d’asservis, la campagne pour l’abolition de la traite britannique organisée par la Society for the Abolition of the Slave Trade qui commença en 1787 et fut la première du genre, fut le produit de son époque, celle de l’industrialisation, de la démocratisation de la culture et de la lecture, et des débuts de l’extension du vote et d’une période de réforme politique et sociale. Mais, dans plusieurs domaines, la campagne fut elle-même un moteur de cette évolution : elle fit partie des facteurs de la transformation sociale du Royaume-Uni, renforçant des tendances politiques nationales et internationales et accentuant l’émergence d’une nouvelle culture, d’un nouveau courant d’idées.

Le 18e siècle libertin, où débauche et licence à la Hogarth furent la règle dans les cercles influents, cèda le pas à un 19e siècle empreinte de censure, de moralisme et de réprobation, sentiments qui trouvèrent écho chez les classes moyennes ascendantes. La première campagne de commerce équitable (boycott de produits manufacturés produits par les esclaves : sucre, rhum et coton) fut accompagnée par la résurgence d’un puritanisme militant. La sainteté fut élevée comme valeur morale magnifiée par la renaissance des valeurs chrétiennes et l’adhésion des couches populaires – le Grand Reveil (The Great Awakening). En même temps s’opère un rejet de l’anglicanisme endormi et hypocrite de l’Establishment.

La lutte contre l’esclavage fut la raison pour laquelle http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcQ2nOTiLuCDrGXLr5ypehg7sDexbtZoGlZNept-TVPlQl2b_HuoyAWilliam Wilberforce fut  « canonisé » par l’historiographie du 19ème siècle (on appela de leur vivant le groupe d’hommes graves et sans reproche, gravitant autour de l’église Holy Trinity à Clapham, les « Saints »). Ce ne fut pourtant pas la seule « mission » du parlementaire : il s’attribua lui-même la réformation des moeurs (manners ) (Harris). Ainsi, Wilberforce se distingua comme le précurseur d’un nouvel esprit, d’une nouvelle génération d’hommes politiques, sobres, sérieux, intenses et profondément religieux. À l’extérieur, les guerres et les renversements de l’ordre établi (Révolutions américaine et française, guerres napoléoniennes) en cette fin de siècle portèrent le débat sur des terrains plus vastes. Il n’était plus question de nombrilisme attentiste ou de protectionisme, mais de l’intérêt national et de la sécurité nationale, d’une politique étrangère moralisante et de l’identité même de la nation britannique (Harris). Toutefois, l’appartenance à la nation des membres noirs, au nom desquels on se battait, sembla rarement effleurer l’esprit des anti-esclavagistes (Kitson, Dresser, Curelly).

Une phrase du sermon de John Dore résume à elle seule les arguments de l’époque :      « The very idea of trading the persons of men should kindle detestation in the breasts of MEN, especially of BRITONS – and above all of CHRISTIANS » [Dore : 14-18]                Le triptyque – humanité, identité nationale et identité religieuse – se croise et s’entrelace dans grand nombre des sources citées, du témoignage d’Ouladah Equiano de 1789 (Currelly, Coleman) au roman d’Harriet Beecher Stowe de 1851-2 (Lowance) en passant par les prêches de quatre ministres baptistes au cours de la première campagne entre 1788 et 1792 (Briggs), les lettres indignées de Robert Hall au journal de Bristol (Whelan), l’intervention de poètes romantiques comme Coleridge, Southey et Cowper (Kitson,
Coleman) et les préoccupations des femmes engagées dans la lutte (Midgley). Les dimensions humanistes, nationales et religieuses sont présentes dans l’ensemble des débats, tout au long des cinquante ans que dura cette campagne, dans le discours des anti-esclavagistes de toutes tendances, de toutes origines géographiques et sociales, mais aussi dans celui de leurs opposants, les défenseurs du statu quo et du maintien de l’esclavage et de la traite.

Les quatre sermons étudiés atteignirent une certaine notoriété, étant imprimés et distribués par le réseau actif d’imprimeries de l’époque mis à contribution pour réussir ce qu’on appellerait aujourd’hui « une stratégie de communication ». Ils témoignaient non seulement de la puissance de l’orateur, mais aussi de la force de la campagne organisée, de l’impact décuplé que pouvait avoir un sermon par sa reproduction, par sa lecture dans les foyers et par les réunions organisées par les comités anti-esclavagistes qui s’étaient multipliés à travers le pays (Midgley).

L’étendue de la campagne se mesura au nombre de villes citées dans ces quelques exemples.http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRNY_BC5CoDboa9F0QgIzKZ-xuIEImnJmvGoH7aIIf4BfX2jZ7HEALes quatre prêches analysées par Briggs furent donnés à Maze Pond, Southwark (ou par un pasteur issu de cette communauté), au sud de la Tamise, et à Prescot Street au nord – tout près de là où se situaient les docks et le commerce triangulaire au départ de Londres, dans un rayon d’un kilomètre de George Yard, au coeur de la City, où le premier comité anti-esclavagiste fut établi début 1787 (1) – et à Hull, ville natale et circonscription parlementaire de William Wilberforce entre 1780 à 1784.

La ville de Bristol, premier port esclavagiste britannique jusqu’au milieu du 18e siècle

http://img.dailymail.co.uk/i/pix/2007/03_02/039Quaker_228x342.jpgquand Liverpool prit son essor, figure à plusieurs reprises dans les récits : comme point d’entrée d’une population noire, esclaves ou hommes/femmes libres (Dresser), comme plaque tournante de la traite triangulaire (Satchell), comme lieu privilégié d’enquête par Thomas Clarkson (2) et comme centre actif d’un noyau d’anti-esclavagistes dès 1787 (Whelan), et d’action militante – le poète romantique Samuel Taylor Coleridge, qui affectionnait les séjours dans le Somerset et le Devon au sud de Bristol, y donna une conférence anti-esclavagiste en 1795 (Kitson).

Si le triangle de ports esclavagiste – Londres, Bristol, Liverpool – apparaît naturellement occuper le devant de la scène dans ces récits, les villes industrielles – Manchester, Leicester, Birmingham, Nottingham, Northampton et Leeds – figurent de façon récurrente dans l’organisation du soutien pour la campagne parlementaire. L’étendue de ce soutien se mesure non seulement par les centaines de milliers de signatures récoltées par les nombreuses pétitions, et par le nombre de personnes qui participèrent à l’appel à boycotter le sucre – les ‘anti-saccharites’ –, mais aussi par la multiplication de pamphlets, d’enquêtes, de livres, de sermons imprimés et distribués, ainsi que par l’étendue géographique et sociale de la campagne.

L’amalgame de ces phénomènes avec les idées et les arguments employés, la stratégie de communication adoptée et la tactique parlementaire utilisée eurent une telle ampleur que cette campagne fut, avec raison, considérée comme la première campagne d’opinion moderne [Brown (2006)]. « Abolitionism (…) helped to redefine the shape of British politics. » [Oldfield : 187] Elle contribua à faire basculer le pays de l’ère pré-industrielle et mercantile à celle de l’ère industrielle et impérialiste (Satchell, Harris). La lecture des articles aide à comprendre comment et pourquoi la campagne pour l’abolition de l’esclavage en Grande Bretagne fut si significative.

1. Jamaica Wine House, un lieu de rendez-vous d’affaires pour les armateurs et marchands d’esclaves, s’y trouve encore de nos jours, sur le site du premier ‘café’ londonien. (Illustration : St Michael’s Alley).

2. Voir  How did the real hero of the anti-slavery movement get airbrushed out of history? By ISABEL WOLFF, Daily Mail, 23 March 2007.

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L’abolition de l’esclavage au Royaume-Uni : débats et dissension, Paris: SEDES, 2009

Entre 1787 et 1840 le Royaume-Uni et ses colonies connaissent une longue lutte entre partisans et opposants de la traite des esclaves et de l’esclavage. C’est ce combat, souvent intense, parfois violent, qu’étudient les contributions françaises et internationales réunies dans cet ouvrage. Leurs analyses portent sur le climat moral et intellectuel au Royaume-Uni à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Des thèmes particuliers et des cas d’études spécifiques sont abordés : les évangélistes, les baptistes, les femmes militantes de la cause abolitionniste, le port esclavagiste de Bristol, l’ex-esclave Equiano, le poète Coleridge, le réformateur Wilberforce, le débat économique.  À la croisée de plusieurs disciplines (études anglaises, histoire des idées, sciences politiques) cet ouvrage est destiné aux étudiants préparant le concours, ainsi qu’à tous ceux qui s’intéressent à la civilisation anglophone.

A collection of essays from scholars worldwide dealing with the issues concerning the context and content of the debates in Britain and its colonies during the fifty year struggle to implement the abolition of the slave trade and the institution of slavery from 1787 to 1840. Scholars from Australia, Britain, France, and the United States examine the moral and intellectual climate of late-eighteenth and early-nineteenth century Britain. Themes include the Enlightenment, religion and romanticism, ethics and politics, transatlantic influences and abolitionist discourse. Case studies analyse particular aspects: the Evangelicals, the Baptists, women abolitionists, black Bristol, Equiano the former slave, Coleridge the poet, Wilberforce the reformer, the economic debate.  At the crossroads between English Studies, History, the History of Ideas and Politics, it will be of interest to students and scholars studying English literature and English-speaking cultures, the social, intellectual and political history of Britain and the Caribbean, and cross-cultural and transdisciplinary transfers.


Ouvrage dirigé par Susan Finding,
Professeur à l’université de Poitiers.
John Briggs, Professor, Theology Department, University of Oxford.
Vernon Burton, Emeritus Professor of History, African American Studies, andSociology, University of Illinois.
John Coffey, Professor of Early Modern History, University of Leicester.
Deirdre Coleman, Robert Wallace Chair of English, University of Melbourne.
Laurent Curelly, Maître de conférences en civilisation britannique, Université de Haute-Alsace.
Madge Dresser, Reader in History, University of West England.
Susan Finding, Professeur de civilisation britannique, Université de Poitiers.
Trevor Harris, Professeur de civilisation britannique, Université François Rabelais, Tours.
Peter Kitson, Professor of English, University of Dundee.
Mason I. Lowance, Professor of English, University of Massachussetts, Amherst.
Lawrence McDonnell, Lecturer in History, Iowa State University, Ames, IA.
Clare Midgely, Professor of History, Sheffield Hallam University.
Veront M. Satchell, Senior Lecturer in History and Archeology, University of the West Indies, Kingston, Jamaica.
Troy Smith, NCSA, University of Illinois, Urbana-Champagne.
Timothy Wheelan, Professor of English Studies, Georgia Southern University.

 

 

Renouveau du parti libéral? Les leçons de l’histoire

The fortunes of the Liberal Party between 1906 and 1924 can be summarized as having gone from the foremost political force with a landslide victory and triumphant government to the third party (which, in a bipartite electoral system, means the loser losses all) with little electoral support and no real influence on either politics or policy. The debate in the historiography has hinged on the reasons for what with hindsight can be termed terminal decline, leading to the disappearance of the great 19th century political force and tradition to a rump of a few dozen MPs (or less) having little impact on the course of affairs in the 20th century.

This decline was so marked that the first books which addressed the issue used the terms ‘death’ (George Dangerfield, The Strange Death of Liberal England 1910-1914, first published in 1935) or ‘downfall’. Trevor Wilson’s book, The Downfall of the Liberal Party, 1914-1935 (1966) provides an alternative timescale for the demise.2

That there was a decline there is no doubt. What caused it, and therefore when to date it back to, gives rise to much discussion. Was the Liberal Party the agent of its own predicament or was it merely a victim of circumstance? Analysts have detected reasons to believe that the internal workings of the Liberal Party either condemned it in advance or, on the contrary, show that the symptoms present in the early period were neither inevitable or irreversible. Alternative external factors are also brought in to explain the phenomenon, the principal ones among these being the rise of the Labour Party and the impact of the First World War.

George Dangerfield situates the beginning of the decline in 1910 : ‘(…) it was in 1910 that the fires long smouldering in the English spirit suddenly flared up, so that by the end of 1913 Liberal England was reduced to ashes.For Dangerfield, the problems that were responsible for the decline of the Liberal Party were the, mainly external, il-liberal attitudes and attacks from several quarters involving labour unrest, the suffragette movement and http://imagecache6.allposters.com/LRG/29/2949/XOURD00Z.jpgthe Irish nationalists. For Cook, on the other hand, the war appeared to have been if not the sole cause, then a catalyst, transforming the Liberal Party, plunging it into decline: ‘the very totality of the First World War had a profound and disastrous impact on the party. For whatever reasons, the Liberal Party was never again to be the same after 1914 as it had been before.’4 This analysis lays the blame for the decline of the Liberal Party on the impact of the war, an external cause hitting a weakened political force.

Kenneth Morgan places the date at 1916, with the internal crisis in the Liberal Party, partly provoked by war contingencies, which led Asquith to hand the premiership over to Lloyd
George .Since December 1916, the Liberals have played an increasingly peripheral role; never since then have they shown any sign of a convincing recovery as a party of power.’5 Others again date the point of reversal to the 1918 ‘coupon’ election and the pact between the Conservative Party and the Lloyd George Liberals. Herbert Gladstone, Chief Whip at the time, concluded: The result of 1918 broke the party not only in the House of Commons but in the country. Local associations perished or maintained a nominal existence. Masses of our best men passed away to Labour. Others gravitated to Conservatism or independence.6Or again, the 1922 elections can be seen to have heralded the dismal future with a Conservative government returned to office and a poor showing by the Liberals.

Half a century after the final throes of Liberal government, in the nineteen-seventies, at a time when Liberal Party fortunes had not recovered, Kenneth Morgan concluded that ‘The Liberal Party in the age of Lloyd George was both the main agent of change and the major victim of some of its consequences.7Was the Party responsible for its own demise? If so, what factors contributed to this? Or was it society that moved on? Are they to be sought in the First World War? In the social make-up and transformations of the times? Thus, on one hand, causes internal to the party – its own evolution, the changes it introduced, and, on the other, external factors over which it had little control – social evolution, other political parties, the war – must be considered. The contributions in this issue of Cahiers du MIMMOC look at reasons which can be adduced to explain this that range through the following explanations : unclear identity (Davis, MacDonald), contradictory and confusing
policies (Singeisen, Sloman), personal antagonism and ambition (Morgan, MacDonald), and failure to move with the times (Morgan, MacDonald).

This paper looks at the different explanations for the unsuccessful attempt by the Liberal Party to renew itself by looking first at the political philosophy and party organisation of the
Liberals, and secondly, the Liberal Party’s response to challenges it encountered between 1906 and 1924, under two main headings: social and political change, and competition from the Left and Right. […]

To read on :

Les concepts de mixité et d’hybridité – analyse comparée

Par Susan Trouvé-Finding et Vincent Latour    Cahiers du MIMMOC, 4, 2007

Résumé

Les termes de mixité et d’hybridité peuvent sembler synonymes. Comment ces termes se sont-ils trouvés au cœur des questions sociales des sociétés contemporaines ? Les questions qui sont posées à leur propos s’inscrivent dans le cadre de la recherche sur l’identité. Les articles réunis dans ce numéro analysent le sens de ces termes à travers leur application dans les domaines de la sociologie et de la politique en France, au Royaume Uni et en Espagne. Les regards portés sur les connotations de la mixité et de l’hybridité dans les domaines de l’action sociale, des politiques de quartier, de l’éducation, de la politique sont autant d’éclairages sur les différences et les similitudes dans les approches de l’intégration dans les sociétés contemporaines. La question interpelle les chercheurs français, et plus particulièrement, ceux qui s’intéressent au Royaume-Uni. Le modèle britannique d’intégration, sujet d’ouvrages récents en France1, sert, en la matière, à éclairer la pratique française d’un point de vue contrasté.

Abstract

The terms ‘mixité’ (no direct translation is satisfactory) and hybridity may appear to be synonymous. How did these terms come to be at the centre of social issues in contemporary societies? The questions raised around these issues are situated within the sphere of research on the theme of identity. The articles to be found in this volume examine the meanings given to the two terms as applied in sociology and politics in France, Britain and Spain. The analyses of the connotations given to ‘mixité’ and hybridity in the realms of social policy, community action, education and politics, serve to illustrate the differences and similitudes in approaches to integration in contemporary societies. The issue is of importance to French researchers, in particular to those working on Britain. The British model of integration, subject of recent publications in France, is used to cast a contrasting light on French practice.

Pour lire l’article : Jalons pour une analyse comparée des concepts de mixité et d’hybridité

Qu’est-ce que l’exclusion?

http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTWG3z1rHuHMIalhkve9bUHjkyMzOx0tlLmDbEJAbK54unKhxGtygQu’entend-on par « exclusion » aujourd’hui ? Les occurrences les plus nombreuses du terme de nos jours lui adjoignent un attribut, « exclusion sociale », formule apparue en français depuis 1990, ce qui témoigne des préoccupations dans la dernière décennie du XXe siècle1. Cette forme d’exclusion est définie comme « situation de personnes mises à l’écart dans la société2 ». Les exclus sont écartés, éloignés d’un centre, au sens propre et au sens figuré. La distance qui les sépare du centre décisionnel, de la société, peut se mesurer en gradations concentriques de cercles successifs, une figure déjà construite par Dante pour décrire l’Enfer dans La Divine Comédie3. Ainsi le centre serait le noyau de la société, un lieu de privilèges, le lieu de l’élite, et par extension, du conformisme maximum vis-à-vis des normes établies ; plus on s’éloigne de ce centre, de ce modèle prescrit, plus on devient ex-centré (dont l’axe n’est plus centré) et excentrique (« dont le centre s’éloigne d’un point donné4 »).

L’excentricité est ainsi une « manière d’être, de penser, d’agir qui s’éloigne de celle du commun des hommes » et l’excentrique une « personne dont l’apparence, le comportement s’écarte volontairement des habitudes sociales5. » L’affirmation à contre-courant par une volonté de se démarquer, de se différencier ou de se distinguer du groupe majoritaire, hégémonique, est courante, dans les milieux artistiques en particulier. Toute recherche d’identité individuelle qui valorise les écarts par rapport aux règles de comportement et aux codes vestimentaires (par exemple les mouvements punk, « grunge », gothique) est ainsi mise en avant.

« A une époque – les années 1970 – où le phénomène hippy ou beatnik ébranlait la société occidentale, on insistait sur la dimension volontaire de la marginalité. Par marginaux, on entend des populations se situant en-deçà de la ligne imaginaire de fracture sociale. Ils sont encore partie prenante du contrat social, même s’ils participent à de formes évidentes de transgression 6. »

Encore faut-il que la société accepte de tels écarts, que le niveau de tolérance soit suffisamment grand pour « respecter l’exclusion volontaire qui refuse
la normalisation imposée7. » L’acceptation des différences, voire de l’excentricité, dans les comportements sexuels par exemple, pose souvent problème. L’exclusion serait ainsi l’expression de la peur d’une atteinte à l’identité : la xénophobie et l’homophobie en sont des exemples manifestes.

À la différence de la marginalité, qui définit davantage un état, l’exclusion se caractérise par un processus8. Ceux qui ne sont pas les acteurs de leur propre exclusion, ceux qui la subissent involontairement sont ainsi privés de droits de cité (civis) et considérés comme hors norme, non conformes aux modèles. Ils sont définis comme atypiques, anormaux, apatrides, asociaux, à l’inverse des agents de l’exclusion. Les préfixes privatifs « a- » accumulés reprennent à la fois l’idée de dépossession9 et d’étapes successives, multiples. En privant ces individus de droits civiques, de patrie, de moyens d’existence, de foyer, de langue, de vue (couper la langue et crever les yeux, ne furent-ils pas des châtiments appliqués à ceux qui outrepassaient les normes, et donc les bornes ?), l’exclusion se décline sous des formes multiples : politiques, sociales, économiques, culturelles, qui se croisent et s’additionnent chez l’exclu.

L’exclusion semble s’étendre au-delà de la périphérie, au-delà des marges et aller vers un terrain de plus en plus ex-centré. Les marginaux sont, d’une certaine façon, tolérés, alors que les exclus, par définition, ne le sont pas. Le terme de banlieue, lieu marginal par rapport à la cité, loin du centre, prend racine dans cette notion de frontière, de marge : « l’espace d’environ une lieue, autour d’une ville, dans lequel l’autorité faisait proclamer les bans et avait juridiction10. » Ainsi le ban convoquait les vassaux à se rassembler autour du suzerain, à se réunir, alors que, par antonymie, mettre quelqu’un au ban de la société signifiait un rejet, et marquait une expression d’opprobre et d’indignité.

L’exclusion semblerait être la forme la plus poussée d’une manifestation de cohésion identitaire. D’une part, elle resserre les liens entre ceux qui excluent ou repoussent la différence, d’autre part, elle crée une nouvelle identité chez les exclus. L’exclu est « autre » : mis au ban de la société, rejeté comme indigne, méprisé, oublié, banni ou exilé, privé d’une identité. L’on pense aux premières lois sur l’immigration aux États-Unis en 1882, la Chinese Exclusion Actet la loi fermant les portes de la nation américaine aux pauvres, aux aliénés et aux criminels. L’exclusion est une forme en creux de l’affirmation d’une identité. L’exclu (on notera la forme du participe, celui qui subit) est interdit de séjour,
interdit de participer, interdit d’expression (censuré) au sein d’un groupe qui définit sa propre identité en rejetant l’autre (voir les contributions de Sanja Boskovic et de Marie-Catherine Chanfreau). Paradoxalement, ceux qui privent d’identité les exclus en les repoussant hors de leur cadre, leur en procurent une nouvelle en leur conférant une identité de hors-la-loi. Montrés du doigt, exposés au regard des autres, cloués au pilori, marqués au fer rouge, les individus interlopes sont comme réifiés pour être reconnaissables11.  […]

Pour lire plus loin : Variations autour de l’exclusion Par Susan Trouvé-Finding Cahiers du MIMMOC, 1/2006.

 1. A. Rey, Dictionnaire Historique de la Langue Française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998.

2  F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-DeboveLe Robert, Dictionnaire pratique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert-Vuef, 2002.

3  Pour mémoire – I : Limbes ; II : Luxure ; III : Gourmandise ; IV : Avares et prodigues ; V : Colère et accide ; VI : Hérésie ; VII : Violence ; VIII : Fraude ; IX : Traîtres.

4  F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-Debove, op. cit.

5  F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-Debove, op. cit.

6  André Gueslin, « Introduction », André Gueslin, Dominique Kalifa, (dir.), Les exclus en Europe : 1830-1930, Actes du Colloque Paris VIII, Paris, Les Éditions de l’atelier – Éditions ouvrières, 1999, p. 10.

7  Hélène Menegaldo, « Réflexions dans les marges », Figures de la Marge, Marginalité et identité dans le monde contemporain, Rennes, PUR, 1999, p. 39.

8  Castel R. Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995, p. 15 ; Guillaume Marche, « Marginalité, exclusion, déviance. Tentative de conceptualisation sociologique. » H. Menegaldo, op. cit. p. 46.

9  « Les dépossédés. Figures du refus social. » Marginales. Propos périphériques. Revue de littérature et critique. 3 / 4, Hiver 2004-2005.

10 F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-Debove, op. cit.

11  Pascale DrouetLe vagabond dans l’Angleterre de Shakespeare, ou l’art de contrefaire à la ville et à la scène, Paris, L’Harmattan, 2003, II. Coercition et ostentation : le système punitif appliqué aux vagabonds ; Alexandre Vexliard, Introduction à la sociologie du vagabondage, Paris, L’Harmattan, 1997.

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Les Cahiers du MIMMOC Numéro 1 – Février 2006
Figures de l’exclusion et de l’exil

Etudes réunies et présentées par Susan Trouvé-Finding

Les coulisses du pouvoir et la démocratie parlementaire au Royaume-Uni

Les coulisses du pouvoir, métaphore spatiale pour les hautes sphères des instances politiques, soustraites au regard du public, sont un espace privilégié et réservé. L’analyse du fonctionnement des antichambres des principaux partis politiques britanniques et des rapports en coulisse entre l’exécutif, le législatif et l’administratif fait ressortir le rôle et l’efficacité des coulisses du pouvoir comme lieu de régulation des tensions engendrées dans le jeu des différents composantes des pouvoirs politiques. L’évolution des technologies de la communication, le déplacement de pouvoirs vers des instances « dépolitisées » et le décloisonnement des sphères politiques annoncent une transformation de ce lieu de pouvoir et une redéfinition des coulisses.

Introduction

En politique, l’envers du décor1, les coulisses de la scène publique, sont synonymes des lieux où le jeu du pouvoir s’exerce de façon mystérieuse, peu transparente voire occulte. Dans le présent volume, les études de cas particuliers qui évoquent les couloirs de Westminster et de Whitehall, ainsi que les coulisses des nouvelles instances mises en place depuis 1998, à savoir, le Parlement écossais, l’exécutif gallois et la mairie de Londres, font état de tractations et de compromis. Ces lieux de pouvoir, espace privilégié, réservé et restreint, et souvent mal connus, forment le substrat de la démocratie parlementaire britannique où les réseaux politiques se font et se défont. Ces coulisses forment un labyrinthe – ne parle-t-on pas des arcanes du pouvoir ? – dans lequel les auteurs se sont aventurés pour essayer d’en explorer la structure, le rôle et le
fonctionnement.

Le terme anglais ‘corridors of power’ désigne les plus hautes sphères du pouvoir exécutif, les lieux où se prennent les décisions de la plus haute importance2 et la notion, traduite en français par l’expression ‘coulisses du pouvoir’3, fut inventée par le scientifique, romancier et haut fonctionnaire britannique, C.P. Snow4, habitué de ces lieux, dans un roman datant de 1956, intitulé Homecomings. Il utilisa à nouveau cette appellation dans le roman éponyme 

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Corridors of Power de 1964, dont l’action se situe à l’époque de la crise de Suez, pendant la Guerre froide. Il est lui-même devenu, de 1964 à 1966, parliamentary secretary du Ministre de la Technologie du gouvernement Wilson, Frank Cousins, incarnant ainsi un des personnages dont il avait esquissé les traits. L’intrigue se déroule dans ce contexte historique et évoque les luttes byzantines dans le cercle fermé des ministres et des hauts fonctionnaires. Sous-jacentes à cette notion sont donc les idées de lieu clos et d’influences secrètes alors que le personnage principal, Roger Quaile, opposé à la course à l’armement nucléaire, tente d’élargir son rayon d’action et d’asseoir le pouvoir qu’il exerce en tant que ministre. Comme l’explique
Snow dans son avant-propos5, l’auteur et critique Rayner Heppenstall remarqua le terme, l’utilisa comme titre pour un compte-rendu de Homecomings6. C’est ainsi que le public et Snow lui-même adoptèrent la notion et le choisit comme titre de son futur roman. Le terme est devenu courant avant même la publication de ce dernier. La résonance particulière du terme répondait, sans doute, au besoin de nommer et ainsi de reconnaître l’existence de cette réalité, politique, d’identifier en quelque sorte le phénomène comme objet d’étude

Sous le libellé de coulisses du pouvoir, on évoque la machinerie du gouvernement élu et celle de son support administratif dans les ministères, mais aussi, et surtout, ses aspects cachés, l’envers de la scène publique : les conseillers officiels et officieux des hommes et femmes de pouvoir, qu’ils soient fonctionnaires, éminence grise ou ‘spin doctor’, ainsi que les divers types de groupes de pression7. Le terme même de lobby8 fait référence aux couloirs des Chambres du Parlement où les députés sont sollicités, où des négociations, dont le contenu et la manière peuvent être tendancieux, sont conduites. En français « faire antichambre » ne signifie-t-il pas attendre une faveur ?

À Westminster comme à Whitehall, mais aussi dans d’autres lieux de pouvoir, délocalisés, « dévolus », le pouvoir s’exerce dans les lieux de débat public et dans des lieux moins accessibles. L’exercice du pouvoir dans les parlements écossais et gallois, les autorités locales et régionales, les mairies, les partis politiques, les syndicats, les
entreprises, les organisations fédératrices (comme le Trade Union Congress, la Confederation of British Industry ou l’Union Européenne), ou encore les organisations non-gouvernementales, à l’intérieur même des lobbies, est ainsi plus ou moins transparent selon la tradition, la politique et les mœurs de ces instances.

Le travail présenté ici, sans prétendre être exhaustif, nous amène à examiner les rapports de pouvoir, les stratégies diverses, les conflits d’intérêts, la négociation et les compromis, la transparence ou non de la démocratie élective et les pouvoirs occultes qui s’y exercent. Certains épisodes parlementaires évoqués dans ce volume – les débats sur Maastricht en 1993, sur l’Irak en 2003, sur les droits du citoyen et les libertés individuelles en 2005 – illustrent ce propos. Ces questions, posées depuis une vingtaine d’années, ont suscité un
débat de fond sur la réforme des institutions britanniques, réforme qui concerne plusieurs composantes de la constitution, comme en témoignent les réformes entreprises depuis dix ans par le gouvernement Blair. Celles-ci comprennent la décentralisation des pouvoirs, « devolution », (1998), les droits de l’homme (1998), la Chambre des Lords (1999), la gestion des partis politiques et des élections (2000), l’accès à l’information (2000), le pouvoir judiciaire (2005). Un certain nombre de ces réformes sont évoquées directement ou indirectement dans les contributions qui suivent, toutes liées par la même interrogation sur les lieux de pouvoir dans une démocratie moderne. On évoquera tour à tour les composantes du pouvoir politique que sont les partis politiques, l’administration centrale et les nouvelles institutions démocratiques mises en place dans les régions depuis 1998.

Depuis la parution de ce numéro en 2008, les réformes constitutionnelles continuent au Royaume-Uni.

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Lords’ Constitutional Reform Committee 2010

  • 1  Thème du XXe congrès de la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur (SAES) tenu en Avignon (…)
  • 2  Cambridge International Dictionary of Idioms, 1998.
  • 3  Le terme ‘couloirs du pouvoir’ est cependant utilisé par Yvan Levaï, La République des mots : De M (…)
  • 4  (1905–1980) Physicien à l’université de Cambridge, haut fonctionnaire responsable de la sélection (…)
  • 5  C.P. Snow, Corridors of Power, Londres, Macmillan, 1964 (Penguin, 1966), 7, Author’s note to the o (…)
  • 6 Times Literary Supplement, 7 September 1956, 524 voir Nicholas Tredell, “Corridors of Power”, The L (…)
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  • 8  Selon le Online Etymology Dictionary le sens de « grande entrée d’un bâtiment public » du terme lo (…)