Cultures coloniales et postcoloniales et la décolonisation

Journée d’études Cultures coloniales et postcoloniales et la décolonisation, le vendredi 15 février 2013 à l’Université François Rabelais Tours.

Organisé par le laboratoire Interactions Culturelles et Discursives (ICD) EA 6297 et la Fédération pour l’étude des civilisations contemporaines (FE2C) FR 4227 avec le soutien de la CRHIA EA 1163 Université de La Rochelle et la participation de membres du MIMMOC EA 3812 Université de Poitiers dans le cadre du projet PRES Limousin-Poitou-Charentes « Cultures et territoires ».

Dans le cadre d’un projet de recherche commun à plusieurs laboratoires et d’universitaires membres de la Fédération pour l’étude des civilisations contemporaines (FE2C) initiée par les laboratoires MIMMOC (Université de Poitiers), EHIC (Université de Limoges et Blaise Pascal Clermont-Ferrand), FREDD (Université de Limoges), la journée d’étude a réuni onze chercheurs de sept universités françaises autour des « cultures coloniales » devant un public composé de chercheurs, de doctorants et d’étudiants de master sur les bords de la Loire dans les locaux de l’Université François Rabelais Tours.

Les intervenants se sont penchés sur les questions suivantes posées en préalable :

-Le traitement du fait colonial diffère sensiblement entre les différents empires coloniaux : britannique et français, notamment, mais aussi dans les futures ex-colonies liées par leur histoire aux autres cultures européennes. Qu’est-ce que « une culture coloniale »? Comment se manifeste-t-elle?

-Dans quelle mesure la/les culture(s) coloniales) (éducation, religion, littérature…) a-t-elle, ont-elles contribué à la décolonisation ou, au contraire, freiné l’émergence d’une culture indépendante ? L’appropriation du savoir colonial par les autochtones est-elle à l’origine d’un pouvoir, ou a-t-elle plutôt décrédibilisé les « convertis »?

-Les cultures coloniales, les empires, furent pluriethniques, voire plurinationales. Ce phénomène a-t-il contribué à l’émergence d’un transnationalisme postcolonial? Les mouvements panafricain, panislamique, ont-ils été générés par le fait même de l’existence d’une culture coloniale?

Au cours de la journée des interventions sur l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne à l’époque coloniale (le Maroc espagnol, la Tunisie sous protectorat française, le Cameroun méridional), sur les Amériques (l’Amérique latine – notamment le Puerto Rico -, les Caraïbes et l’Amérique du nord), sur les représentations et le traitement des populations indigènes (les Indiens d’Amérique latine et des Etats-Unis, les pèlerins du hajj, la police coloniale britannique) ainsi que la dissémination des idées politiques dans les ‘cultures coloniales’ dans les pays colonisateurs (Amérique du nord, Royaume-Uni, Caraïbes).

Les cinq interventions de la matinée furent présidées par Trevor Harris (ICD Université de Tours):

Alfredo Gomez-Muller (Université François- Rabelais, Tours) expliqua comment les « Représentations de « l’indien » dans les imaginaires sociaux et politiques des XIXe et XXe siècles en Amérique Latine » ont cherché à éliminer la présence de l’indien dans la culture et les réseaux de pouvoir dans les jeunes états indépendants latino-américains.

Marie-Catherine Chanfreau (Université de Poitiers) analysa l’ « Adaptation ou réaction locale vis-à-vis de l’administration espagnole au Maroc »,  les jeux de pouvoir et les soulèvements marocains sur fond de rivalités coloniales franco-hispano-allemandes de la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’à la fin du régime franquiste (1859 – 1976).

Luc Chantre (Université de Limoges) examina l‘ « L’organisation du pèlerinage à La Mecque dans l’empire français à la veille des indépendances. Peut-on parler d’une « culture coloniale » du hajj ? »  avec la Tunisie comme cas d’étude particulière pour illustrer la logique promotionnelle qu’emprunta la France lors de l’encadrement et de l’organisation des pèlerinages, d’abord une question interne de politique sanitaire, sociale et économique, qui devint par la suite une question de politique étrangère.

Mélanie Torrent (Université Paris Diderot – Paris 7) montra comment le partage territorial des Camérouns devint un enjeu culturel : « Des partages coloniaux aux frontières culturelles : espace politique et stratégies identitaires au Cameroun méridional (1954-1961) ». L’unification de deux territoires, administrés l’un par les Britanniques, l’autre par les Français, fournit l’occasion de comparer les pratiques coloniales et la réaction des populations administrées, par exemple, le choix de la lutte armée ou une campagne pacifique lors des combats pour l’indépendance.

Cheikh Nguirane (Université de Poitiers) parla de la mise en place, dans les trois mille cours de soutien et centres communautaires des Afro-Caribéens britanniques, de lieux de mémoire et de résistance, et de la création d’une tradition transnationale inspiré par le panafricanisme: « De la communauté ethnique au communautarisme scolaire: Les ‘Black Supplementary Schools’ dans la diaspora noire britannique ».

Les quatre interventions de l’après-midi furent présidées par Susan Finding (MIMMOC, Université de Poitiers) :

Dans son intervention « Le Racisme Scientifique: justification et application d’une culture coloniale en Amérique du Nord », Kelly Fazilleau (Université de Poitiers) retraça les représentations « scientifiques » de l’indigène au XIXe siècle et leur évolution et des politiques qui en découlèrent ou/et en furent inspirées aux Etats-Unis et au Canada jusqu’au milieu du XXe.

Cynthia Tolentino (University of Oregon/L’Institut d’histoire du temps présent – IHTP)  prît l’exemple de Puerto Rico pour dresser le fond politique nécessaire à la compréhension des représentations des Puerto-ricains dans la culture littéraire et cinématographique américaine. Dans sa communication « From U.S. Unincorporated Territory to U.S. Commonwealth: Refigurations of Decolonization and Difference », elle analysa comment on peut parler de décolonisation sans l’existence d’un empire formel et devant l’amnésie ou le déni de son existence par la mémoire collective et l’historiographie américaines.

Les « Global radicals » qui sont le sujet de la communication de Jean-Paul Révauger (Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3) sont des intellectuels engagés C.L.R. James et George Padmore du Trinidad et la Oil Workers Trade Union de Trinidad, ainsi que Maurice Bishop et Bernard Coard, de la Grenade. Ces hommes furent à la fois le produit des cultures coloniales et l’exemple même d’une culture transatlantique, dans des réseaux ‘panafricains’ dont les centres d’activité se trouvaient à Londres et à New York.

L’intervention d’ Emma Bell (Université de Savoie), « Normalising the Exceptional: Colonial Policing Cultures Come Home » , évoqua la culture coloniale des services de police dans les colonies britanniques comme soutien au pouvoir militaire. Elle démontra comment le modèle irlandais a largement inspiré les mesures mises en place dans la métropole, au Royaume-Uni, dès la création de la police londonienne en 1824 et jusqu’à la fin du XXe siècle.

L’ensemble des communications a contribué à éclairer les questions qui ont été posées dès le début de ce projet, à savoir, les définitions d’une « culture coloniale », les circulations d’idées à l’intérieur des empires, et les manifestations culturelles post-coloniales : idéologie et idées politiques, littérature et arts.

Union Jacks

Those who watched the Closing Ceremony of the London Olympics 2012 will have seen the Union Jack produced by Damien Hirst that was installed in the centre of the stadium. The crosses were used as ramps to the centre stage.

It is interesting to discover that the idea is not new, indeed for the 1911 Coronation Celebrations, a human flag was organised in Bristol, as a postcard posted by Paul Townsend on Flickr shows.

1805 Union Flag Flown at the Battle of Trafalgar

The history of the present Union Jack dates back to the 1801 Act of Union, incorporating Ireland, giving the full name United Kingdom of Great Britain & Ireland to the country.

A 1805 Union Jack which flew from the mast of HMS Spartiate during the Battle of Trafalgar recently made news when sold at auction in 2009.

Sex Pistols This torn and tattered relic is not dissimilar to the distressed reproduction the Sex Pistols used in 1976, at the time of the Silver Jubilee celebrations, showing a torn copy of the flag, adorned with the hallmark safety pins of the punk movement.

For more about this topic see a recent article in The Guardian, « Why the union flag is flying again » by Owen Hatherley, written at the time of the Queen’s Diamond Jubilee celebrations.

De beaux jours pour la monarchie

Sous un ciel gris plus que menaçant, le public massé le long de la Tamise lors du défilé fluvial du dimanche 3 juin pendant les fêtes consacrées aux soixante ans de règne de la reine Elizabeth.

Photo prise près du pont de Blackfriars à Londres au passage de la barge royale.

A titre de comparaison, la vue aérienne de la même scène, publié par le quotidien The Mirror le 4 juin 2012.

Les réjouissances pour le Jubilé de la Reine furent l’occasion non seulement de fêter la souveraine mais ont également donné lieu à une célébration autour d’individus connus et moins connus, auteurs d’exploits ou simples membres du public actifs dans différents types d’association et d’activité. Etre reconnu(e) par la Reine, par une médaille, un titre, une invitation à pique-niquer sur son gazon dans l’enceinte du palais de Buckingham ou à participer au défilé fluvial aux accents historiques et contemporains. L’une des références les plus répondues fut celle de la toile montrant la flotille et barge du maire de Londres peint en 1746 par Canaletto.

La barque Gloriana, cadeau royal d’une valeur de £1m du Lord Stirling, – cela ne s’invente pas – (président de la compagnie maritime P&O, annobli sur suggestion de Mme. Thatcher en 1990) a été construit en 2012 sur le modèle des barques d’il y a deux cent ans.

Le sentiment de fierté, les expressions de dévouement envers la reine du devoir, la bonhomie, les versions spontanées et a capella de l’hymne national à l’honneur du souverain, entendus tout au long de ces quatre jours, ont souligné la popularité de l’institution. La monarchie parlementaire comme forme de gouvernement démocratique est toujours d’actualité. La longue histoire de la monarchie britannique – longue parce que souvent rapiécée – et les traditions inventées récentes et moins récentes (r)assurent.

La présence du drapeau britannique, symbolisant l’union des Royaumes d’Angleterre et d’Ecosse, la principauté du pays de Galles et l’Irlande du Nord, sur les mâts, dans les rues, sur les bâtiments, sur les vêtements et le visage, témoignent d’un regain d’identification avec une identité commune. Certains se sont réjouis que le drapeau avait été ainsi repris à l’extrême-droite raciste qui en avait fait son emblème.

Les républicains eurent droit à leur propre manifestation anti-monarchiste près du siège de la municipalité de Londres lors du défilé fluvial, mais à 1,200 contre 1,200,000 à Londres et 6 millions de personnes participant aux festivités – feux de joie, déjeuners populaires – à travers le pays d’après le quotidien The Guardian, la monarchie a de beaux jours devant elle.

Comprendre les enjeux de Londres et le Royaume-Uni avant les JO

Après l’Atlas géopolitique du Royaume-Uni (BAILONI M. et PAPIN D., 2009, Editions Autrement, Paris), Delphine Papin, Marc Bailoni, spécialiste de géopolitique à Nancy-Metz, Manuel Appert, géographe et urbaniste, Lyon, et Eugénie Dumas, cartographe, ont réussi un tour de force en publiant un nouvel ouvrage dans la collection Atlas aux éditions Autrement consacré à Londres, la « ville globale » (selon l’expression consacrée de Saskia Sassen).

La présentation de l’ouvrage résume les thèmes couverts par l’ouvrage :
« The world in one city », dit-on encore aujourd’hui : Londres se situe parmi les villes les plus cosmopolites du monde. Ville mondiale et connectée parce qu’elle est aussi une place financière majeure. S’y pressent les puissants de la planète, et les plus démunis d’Europe. Cité inégalitaire également, dotée d’infrastructures parfois anachroniques, où se côtoient les tours de verres, les maisons victoriennes, les friches, la City, le banglatown, club de l’Arsenal et pubs select… Quel est donc l’avenir de ce laboratoire urbain ? Londres devient-elle une nouvelle espèce de ville européenne, verticale ? La tenue des JO sera-t-elle l’occasion de garantir un développement sur le long terme ? Comment se mesure-t-elle désormais avec sa grande rivale Paris, en tous points contraire et pourtant voisine? Etrange, mouvante, contrastée, Londres n’en finit pas de fasciner. »
A une époque ou les images parlent autant que les paroles, les cartes et photographies  illustrent les enjeux et gageure que seront les Jeux olympiques pour cette ville de 8 million et demi d’habitants, poumon du sud-est de l’Angleterre, capitale politique du royaume,  « salle des machines du capitalisme mondiale » (Jonathan Coe, écrivain, interviewé dans L’Express du 30 mars 2011) et haut lieu culturel. Les textes qui accompagnent cette exploration visuelle donnent suffisamment d’explications pour comprendre les thèmes abordés et avoir envie d’aller plus loin. A emporter avec soi lors d’une exploration des quartiers et districts de Londres, à lire avant les Jeux olympiques pour visualiser la topographie des événements sportifs (marathon, triathlon, cyclisme sur route) qui auront lieu dans les rues et les parcs de la capitale.

Itinéraires, Journée d’études, CRHIA, La Rochelle, FE2C, 24 février 2012.

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRNj0ATbSQ_EjQzSV5DVYj3IWO8KEDgvzXUv1ZxlpR6g_hKXiazgwCompte-rendu de la journée d’études « Itinéraires » du 24 février 2012, organisée par Martine Raibaud et Micéala Symington du CRHIA (La Rochelle) avec la participation de la Fédération pour l’Étude des Civilisations contemporaines (FE2C) à la Faculté de Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLLASH) de l’Université de La Rochelle.

Cette journée a eu lieu dans le cadre d’un projet collaboratif entre membres des laboratoires de sciences humaines, de lettres et langues, des Universités de La Rochelle (CRHIA), Poitiers (MIMMOC), Limoges (EHIC, FRED), mais aussi de Tours (ICD) et de Clermont-Ferrand (EHIC), dont l’intitulé générale est « Politiques, cultures, identités dans les civilisations contemporaines » et qui comporte trois axes: Empire-Conflit-Itinéraires, financé par le PRES Limousin-Poitou-Charentes.

Selon les organisatrices, Martine Raibaud, Maître de conférences de langue et civilisation chinoise, et Micéala Symington, Professeur d’études anglophones, il s’agissait « d’explorer la dynamique de la formation et la transformation des identités culturelles, raciales, ethniques, nationales et transnationales. Dans le contexte de la mondialisation, l’analyse des civilisations peut être enrichie par une attention accrue portée à la circulation des textes et des personnes. Plutôt que d’envisager une culture, un texte littéraire, une oeuvre d’art ou une histoire comme une entité statique, il s’agit d’aborder des littératures et des manifestations culturelles en mouvement. La migration des personnes, écrivains, éditeurs traducteurs, artistes etc. permet de lire les transformations et les connexions entre différents pays et différents continents ».

La journée d’étude, riche d’une quinzaine d’interventions, était organisée en cinq ateliers qui abordèrent successivement les thèmes suivants : une introduction théorique suivi par l’évocation des enjeux critiques dans la matinée. L’après-midi fut consacrée aux enjeux littéraires d’itinéraires esthétiques, aux migrations professionnels, et, en fin de journée, un atelier plus spécifiquement à des itinéraires asiatiques, boucla les débats.  

 Laurent Vidal, directeur-adjoint du CRHIA, Professeur d’Histoire contemporaine, et les deux organisatrices, ont accueilli les participants en soulignant la liberté que le thème avait apporté et l’heureux croisement des disciplines visible dans la variété des communications proposées.  

La première session, consacrée à un début de réflexion théorique et épistémologique sur les pistes et approches suscitées par le thème « Itinéraires », fut présidée par Martine Raibaud (CRHIA, La Rochelle). Les trois interventions, proposées par Diego Jarak (Maître de conférences en Littérature hispanophone), Yvan DANIEL (Maître de conférences en Lettres modernes) et Antoine Huerta (Doctorant en Histoire) ont abordé successivement des aspects théoriques et méthodologiques de la thématique.

Diego JARAK évoqua les paradigmes épistémologiques  du cheminement qui, par une révélation du sublime, fait ressortir une théorie parmi d’autres, un choix somme toute esthétique plutôt que cartésienne. Les itinéraires sont donc à la base de toute exploration scientifique.  Yvan DANIEL décrivit l’angoisse de l’inconnu, la fin des aventures, la peur des trajets sans carte, dans les sociétés développés du vingt et-unième siècle, et, à travers les écrits et la vie de Pierre Loti, évoqua son « vertige mondial » et le rêve du chemin vierge.

Cette idée fut confirmée par Antoine Huerta qui proposa le cas de Pierre Deffontaines, http://ecx.images-amazon.com/images/I/41T0MHBCCCL._SL500_AA300_.jpggéographe français, explorateur du continent américain. Celui-ci, « éternel nomade », apparaît comme un apôtre de « la beauté du monde » qui, non content de la décrire et de la comprendre, devait aussi « chanter » ses découvertes    et la virginité du terrain. De nombreux textes de Pierre Deffontaines sont réunis dans le volume Les sentiers d’un géoagronome, Editions Arguments, 1998.

Le deuxième atelier, présidée par Micéala Symington (CRHIA), fut consacré aux enjeux critiques. Jean BESSIERE, Professeur émérite de littérature comparée à l’Université de Paris 3 Sorbonne, ancien président de l’Association internationale de Littérature comparée, auteur de  Le roman contemporain ou la problématicitié du monde, Paris, PUF, 2010, se proposa d’analyser des dynamiques de la littérature monde et les questions traitées par ce genre. Il identifia trois dynamiques en opération : la dynamique pédagogique, historique et celle des jeux de centre-périphérie. Dans la première, la littérature monde est une littérature où les oeuvres littéraires de tous les pays et de tous les temps ont des droits égaux. Dans la deuxième font face, d’une part, un jeu d’influence, d’expansion temporelle et spatiale, bref, une littérature impérialiste, dont la littérature française est un archétype, et d’autre part, une littérature dont l’identité est plus stable et souple, où un jeu de coalescence et d’adjonction est visible, ce qui caractérise la littérature allemande. Dans la troisième dynamique, par un renversement ironique de l’histoire, la littérature globale appartient aux anciens dominés. Dans cette littérature monde sont peu traitées les questions de circulation : de transferts, d’influence et de réception, mais aussi des genres et du statut de la réflexivité, de la constructions du récit et de la lecture même d’une littérature monde qui est différenciée selon le contexte culturel du lecteur.

L’intervention d’Elise CANTIRAN (Doctorante en Littérature comparée de l’Université de Paris 3 Sorbonne) poursuivit cette dernière question en examinant la relation entre l’écrivain et le lecteur dans trois oeuvres de trois auteurs de différentes cultures : Luigi Pirandello (Mondo di Carta), Henry James (The Figure in the Carpet) et de Ryonusuke Akutagawa (L’Illumination créatrice). Ces trois oeuvres évoquent toutes la solitude de l’écrivain, la création littéraire et illustrent comment l’auteur devient sa propre création littéraire.

L’examen des enjeux littéraires des itinéraires continua dans la première séance de l’après-midi présidé par Yvan DANIEL, dans laquelle furent confrontée trois époques et trois genres de littérature française: les traités de civilités médiévaux l’oeuvre romantique de Chateaubriand et l’oeuvre contemporaine de J.M.G. Le Clézio.  Tatiana CLAVIER (ATER à l’Université de La Rochelle et doctorante de l’Université de Saint-Etienne) aborda  la construction des identités de genre à la renaissance et exposa comment l’écrit fut mis à contribution dans le contexte de l’exclusion des femmes du pouvoir à la Renaissance. Les traités de civilité ou de ‘politesse’ servaient à policer les attitudes à des fins normatives pour conforter une exclusion de droit.

Serge LINKES s’appuya sur trois textes de René-François de Chateaubriand, http://www.laprocure.com/cache/couvertures_mini/9782253049296.jpgLes Natchez, René, Atala, ou les amours de deux sauvages dans le désert (1801). Dans ces textes de Chateaubriand, le rêve d’Amérique décrite par De Toqueville, celui de la réussite du colon blanc, est opposé au rêve d’une Amérique d’avant, d’une nature gigantesque et inquiétante. La plume de d’auteur donne une résonance à ses descriptions et devient un icône, à tel point que les peintres du Salon de Paris en 1802 s’en empare, comme en témoigne la couverture de la version brochée moderne. Son oeuvre contribue à la création d’une identité imaginaire de l’Amérindien qui devient une figure du romantisme. 

Autre « passeur de des arts et des cultures », l’écrivain français contemporain, Le Clézio, ou plus précisément, l’exposition qui lui fut consacrée au Louvre, en novembre 2011, Le Louvre invite J. M. G. Le Clézio – Le Musée monde, fut l’objet de l’intervention de Marina SALLES (chercheur associé, Université de La Rochelle), co-directrice http://pur-editions.fr/couvertures/1277109930.jpg de l’ouvrage Le Clézio, passeur des arts et des cultures, avec Thierry Léger et Isabelle Roussel-Gillet, aux Presses Universitaires de Rennes, 2010. « Prenant le contre-pied d’une modernité qui a valorisé en art l’expression individualiste, il [Le Clézio] met en avant les créations anonymes et les formes d’art collectif. » selon Isabelle Roussel-Gillet et Marina Salles dans l’Introduction à cet ouvrage, ‘Fécondité des Confluences’.

Le quatrième atelier, présidé par Susan FINDING (MIMMOC, Université de Poitiers), fut consacré aux articulations entre une identité première et une identité traduite ou transférée. Brigitte Bastiat (enseignante d’anglais à l’Université de La Rochelle), en présence de son co-traducteur, Frank Healy, Maître de conférences, et du metteur en scène, présenta la nouvelle traduction en français d’une pièce de théâtre Mojo Mickybo d’ Owen McCafferty. Á ce propos, voir Virginie Privas-Bréauté, «Mojo Mickybo de Owen McCafferty», Agôn [En ligne], Points de vue & perspectives, mis à jour le : 13/12/2010, consulté le 25/02/2012.  

L’auteur nord-irlandais, dramaturge des classes populaires a été primé au Royaume-Uni. Brigitte Bastiat fit était des paradoxes et des difficultés que pose un texte ancré dans une culture spécifique, dans une époque, qui utilise l’argot très particulier des rues de Belfast. Sa présentation donna un aperçu de la technicité et de l’esthétique d’une telle tâche, et de l’impossible fidélité d’une traduction à l’original. La première de la version française sera donné le 12 mars 2012 à Tours dans le cadre du Congrès annuel de la Société française d’études irlandaises (SOFEIR) par le Théâtre Toujours à l’Horizon de La Rochelle.

Gregory Corps, doctorant à l’Université de La Rochelle, évoqua les transferts culturels d’un autre genre, et, à travers l’histoire d’un franco-brésilien, Auguste Duprat, tenta d’établir une typologie des liens qui relient les migrants à leur terre d’origine, typologie basée sur les supports culturels, les crochets que sont les retours vers le pays d’origine. La vie d’Auguste Duprat illustre la difficulté d’être un ‘entre-deux’ en voulant conserver la culture du pays de ses ancêtres, français au Brésil, brésilien en France, ce fonctionnaire français en France et brésilien au Brésil, est témoin d’identités en mouvement et d’itinéraires de vie cosmopolite.

Au cours du dernier atelier de la journée, présidée par Charles ILLOUZ, Professeur d’anthropologie, Doyen de la Faculté de Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLLASH) de l’Université de La Rochelle, quatre contributions autour d’itinéraires asiatiques confrontèrent des perspectives littéraires, anthropologiques et didactiques. Si Frédéric MANTIENNE et Laurent METZGER (Maître de conférences de malais-indonésien) analysèrent tour à tour l’oeuvre d’un http://pmcdn.priceminister.com/photo/Rong-Jian-Le-Totem-Du-Loup-Livre-893726508_ML.jpgauteur chinois, Jiang Rong, et d’un auteur malais, Pramoedya Ananta Toer.
Les deux auteurs, http://ecx.images-amazon.com/images/I/514SS1FZ88L._SS500_.jpgles deux oeuvres, à différents degrés, sont représentatifs d’itinéraires de résistance contre un pouvoir central et oligarchique, et reflètent différentes facettes de la périphérie, des marges : peuple mongol nomade colonisé dont l’habitat et la culture disparaît sous la pression démographique de la Chine du sud dans le premier, femmes en souffrance, romans composés en prison pour l’autre, qui peut être comparé sous plusieurs aspects à un Solzhenitsyn malais. 

La présentation par Chandra NuraÏni et Philippe Grangé, Maitres de conférences en sciences du langage et civilisation indonésiennes, sur le peuple Bajos, nomades marins, examinèrent la langue et les mythes de ce peuple, nomades des mers, aux huit langues, vivant dans l’archipel malais, dont la terre d’origine reste inconnue, diaspora sans espoir de retour. À partir de l’observation des rites et des mythes de ce peuple, la répartition en deux groupes clairement distincts apparaît : l’une au Nord de l’aire géographique de peuplement, autour des côtes du nord du Bornéo, avec comme mythe fondateur la Princesse de Johor; l’autre au Sud, autour des côtes des iles de Timor et de la Souche, pour qui l’arbre original sert de mythe de la création.

La dernière intervention de cet atelier fut présentée par Shu Changying,  docteur, INALCO. Elle a réalisé une enquête auprès de quarante enseignants de chinois non natifs pour comprendre leur itinéraire, leur choix du chinois.  C’est un travail sociologique inédit. En appliquant les théories de Bourdieu, elle distingue d’une part, le « capital hérité » (influence de la famille), d’autre part, le capital individuel qui se décline en trois paramètres : la recherche de l’altérité (l’envie, le besoin d’un « dépaysement mental et intellectuel (Garigue, 2004), la construction de la personne (le cheminement personnel, un défi et un gai psychologique,  la prise de l’autonomie, de l’espace individuel), et l’orientation disciplinaire. Comme l’ensemble des interventions, celle-ci a suscité un débat parmi l’auditoire sur le choix et la prédétermination.

Au final, un certain nombre de notions centrales et de mots-clés communs peuvent être retenus de ces communications diverses et variées des domaines des études de littérature, des études anglophones, hispanophones, indonésiennes, de l’histoire et de l’anthropologie. Mouvement, migration, errance, déambulation, pérégrination et cheminement sont les termes qui relèvent du déplacement, dont le terme latin, translatio, rappelle le déplacement d’une langue à l’autre des connaissances et de la culture, via, entre autres, la traduction, ou translation en anglais. Si l’itinérant n’a pas de domicile fixe, comme les nomades, qui « n’ont pas d’histoire, seulement une géographie » selon Pierre Deffontaines, géographe, lui-même éternel nomade, l’itinéraire peut au contraire s’établit d’un point fixe, spatial, culturel, chronologique, à un autre. Il constitue un fil d’Ariane, un lien, un tracé, et devient paradoxalement, un ancrage en lui-même, un « itinéraire mémorial », un « itinéraire tragique », comme l’a fait remarquer Yvan Daniel.  Les contributions à cette journée d’études ont éclairé ce concept et ont été à leur tour exposées aux notions, à l’épistémologie et à la méthodologie des disciplines différentes réunies sous la thèmatique d’Itinéraires.

Renouveau du parti libéral? Les leçons de l’histoire

The fortunes of the Liberal Party between 1906 and 1924 can be summarized as having gone from the foremost political force with a landslide victory and triumphant government to the third party (which, in a bipartite electoral system, means the loser losses all) with little electoral support and no real influence on either politics or policy. The debate in the historiography has hinged on the reasons for what with hindsight can be termed terminal decline, leading to the disappearance of the great 19th century political force and tradition to a rump of a few dozen MPs (or less) having little impact on the course of affairs in the 20th century.

This decline was so marked that the first books which addressed the issue used the terms ‘death’ (George Dangerfield, The Strange Death of Liberal England 1910-1914, first published in 1935) or ‘downfall’. Trevor Wilson’s book, The Downfall of the Liberal Party, 1914-1935 (1966) provides an alternative timescale for the demise.2

That there was a decline there is no doubt. What caused it, and therefore when to date it back to, gives rise to much discussion. Was the Liberal Party the agent of its own predicament or was it merely a victim of circumstance? Analysts have detected reasons to believe that the internal workings of the Liberal Party either condemned it in advance or, on the contrary, show that the symptoms present in the early period were neither inevitable or irreversible. Alternative external factors are also brought in to explain the phenomenon, the principal ones among these being the rise of the Labour Party and the impact of the First World War.

George Dangerfield situates the beginning of the decline in 1910 : ‘(…) it was in 1910 that the fires long smouldering in the English spirit suddenly flared up, so that by the end of 1913 Liberal England was reduced to ashes.For Dangerfield, the problems that were responsible for the decline of the Liberal Party were the, mainly external, il-liberal attitudes and attacks from several quarters involving labour unrest, the suffragette movement and http://imagecache6.allposters.com/LRG/29/2949/XOURD00Z.jpgthe Irish nationalists. For Cook, on the other hand, the war appeared to have been if not the sole cause, then a catalyst, transforming the Liberal Party, plunging it into decline: ‘the very totality of the First World War had a profound and disastrous impact on the party. For whatever reasons, the Liberal Party was never again to be the same after 1914 as it had been before.’4 This analysis lays the blame for the decline of the Liberal Party on the impact of the war, an external cause hitting a weakened political force.

Kenneth Morgan places the date at 1916, with the internal crisis in the Liberal Party, partly provoked by war contingencies, which led Asquith to hand the premiership over to Lloyd
George .Since December 1916, the Liberals have played an increasingly peripheral role; never since then have they shown any sign of a convincing recovery as a party of power.’5 Others again date the point of reversal to the 1918 ‘coupon’ election and the pact between the Conservative Party and the Lloyd George Liberals. Herbert Gladstone, Chief Whip at the time, concluded: The result of 1918 broke the party not only in the House of Commons but in the country. Local associations perished or maintained a nominal existence. Masses of our best men passed away to Labour. Others gravitated to Conservatism or independence.6Or again, the 1922 elections can be seen to have heralded the dismal future with a Conservative government returned to office and a poor showing by the Liberals.

Half a century after the final throes of Liberal government, in the nineteen-seventies, at a time when Liberal Party fortunes had not recovered, Kenneth Morgan concluded that ‘The Liberal Party in the age of Lloyd George was both the main agent of change and the major victim of some of its consequences.7Was the Party responsible for its own demise? If so, what factors contributed to this? Or was it society that moved on? Are they to be sought in the First World War? In the social make-up and transformations of the times? Thus, on one hand, causes internal to the party – its own evolution, the changes it introduced, and, on the other, external factors over which it had little control – social evolution, other political parties, the war – must be considered. The contributions in this issue of Cahiers du MIMMOC look at reasons which can be adduced to explain this that range through the following explanations : unclear identity (Davis, MacDonald), contradictory and confusing
policies (Singeisen, Sloman), personal antagonism and ambition (Morgan, MacDonald), and failure to move with the times (Morgan, MacDonald).

This paper looks at the different explanations for the unsuccessful attempt by the Liberal Party to renew itself by looking first at the political philosophy and party organisation of the
Liberals, and secondly, the Liberal Party’s response to challenges it encountered between 1906 and 1924, under two main headings: social and political change, and competition from the Left and Right. […]

To read on :

11 septembre : témoignages américains sur le campus

La Nouvelle République, 9 septembre 2011.

Joël Maybury, consul des États-Unis à Bordeaux, et Ted Widmer, historien et ancien conseiller de Bill Clinton, se sont exprimés sur les attentats.

Ted Widmer et Joël Maybury entourés de Susan Finding, Christelle le Billan et Saïd Ouaked, maîtres de conférence. (Légende photo parue avec l’article non reproduite ici).

Ils font face à des étudiants, des chercheurs. Ils racontent le 11 septembre 2001, les conséquences des attentats terroristes qui plongèrent le pays dans le deuil. Hier, l’université de Poitiers a reçu Joël Maybury, consul des États-Unis à Bordeaux, et Ted Widmer, historien de la Brown University et ancien conseiller de Bill Clinton, dans le cadre d’un colloque sur le thème « Le 11 septembre 2001 dans le monde : politiques, cultures, identités. » Un colloque organisé par une fédération de laboratoires de recherche et d’enseignement universitaires en Limousin, Poitou-Charentes. « Cette manifestation fait partie d’un projet de recherche en civilisations contemporaines, explique Susan Finding, directrice du laboratoire de Poitiers. Le 11 Septembre est un cas d’étude intéressant dans la gestion de la crise et l’après conflit. »

Dans la salle de conférence, la voix de Joël Maybury s’élève. Ce 11 septembre, il suivait une formation à quelques centaines de mètres du Pentagone, à Washington, quand les sirènes, les bruits d’explosion, ont envahi l’espace. « Et puis il y a eu un grand silence. Nous entendions les oiseaux chanter. » Les États-Unis ont subi de lourdes pertes. « Mais
le peuple américain est fort. Il a su se relever »,
souligne le consul.

« Il est important de se souvenir, affirme Ted Widmer. Mais c’est aussi très difficile car ces attentats font encore partie de notre présent. » Même si cet événement s’apprête à entrer dans l’Histoire. Ted Widmer en est bien conscient. « Les Américains ont puni ces attentats par l’élimination de Ben Laden, reprend l’historien. Un criminel a été condamné et nous en éprouvons du soulagement. » La commémoration du dixième anniversaire des attentats devrait permettre de tourner une dernière page. « Le président Obama va honorer ce jour, commente Ted Widmer. C’est un homme porté par de bonnes intentions. Il devrait permettre au peuple américain d’écrire un nouveau chapitre. »

Magalie Lépinoux

Qu’est-ce que l’exclusion?

http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTWG3z1rHuHMIalhkve9bUHjkyMzOx0tlLmDbEJAbK54unKhxGtygQu’entend-on par « exclusion » aujourd’hui ? Les occurrences les plus nombreuses du terme de nos jours lui adjoignent un attribut, « exclusion sociale », formule apparue en français depuis 1990, ce qui témoigne des préoccupations dans la dernière décennie du XXe siècle1. Cette forme d’exclusion est définie comme « situation de personnes mises à l’écart dans la société2 ». Les exclus sont écartés, éloignés d’un centre, au sens propre et au sens figuré. La distance qui les sépare du centre décisionnel, de la société, peut se mesurer en gradations concentriques de cercles successifs, une figure déjà construite par Dante pour décrire l’Enfer dans La Divine Comédie3. Ainsi le centre serait le noyau de la société, un lieu de privilèges, le lieu de l’élite, et par extension, du conformisme maximum vis-à-vis des normes établies ; plus on s’éloigne de ce centre, de ce modèle prescrit, plus on devient ex-centré (dont l’axe n’est plus centré) et excentrique (« dont le centre s’éloigne d’un point donné4 »).

L’excentricité est ainsi une « manière d’être, de penser, d’agir qui s’éloigne de celle du commun des hommes » et l’excentrique une « personne dont l’apparence, le comportement s’écarte volontairement des habitudes sociales5. » L’affirmation à contre-courant par une volonté de se démarquer, de se différencier ou de se distinguer du groupe majoritaire, hégémonique, est courante, dans les milieux artistiques en particulier. Toute recherche d’identité individuelle qui valorise les écarts par rapport aux règles de comportement et aux codes vestimentaires (par exemple les mouvements punk, « grunge », gothique) est ainsi mise en avant.

« A une époque – les années 1970 – où le phénomène hippy ou beatnik ébranlait la société occidentale, on insistait sur la dimension volontaire de la marginalité. Par marginaux, on entend des populations se situant en-deçà de la ligne imaginaire de fracture sociale. Ils sont encore partie prenante du contrat social, même s’ils participent à de formes évidentes de transgression 6. »

Encore faut-il que la société accepte de tels écarts, que le niveau de tolérance soit suffisamment grand pour « respecter l’exclusion volontaire qui refuse
la normalisation imposée7. » L’acceptation des différences, voire de l’excentricité, dans les comportements sexuels par exemple, pose souvent problème. L’exclusion serait ainsi l’expression de la peur d’une atteinte à l’identité : la xénophobie et l’homophobie en sont des exemples manifestes.

À la différence de la marginalité, qui définit davantage un état, l’exclusion se caractérise par un processus8. Ceux qui ne sont pas les acteurs de leur propre exclusion, ceux qui la subissent involontairement sont ainsi privés de droits de cité (civis) et considérés comme hors norme, non conformes aux modèles. Ils sont définis comme atypiques, anormaux, apatrides, asociaux, à l’inverse des agents de l’exclusion. Les préfixes privatifs « a- » accumulés reprennent à la fois l’idée de dépossession9 et d’étapes successives, multiples. En privant ces individus de droits civiques, de patrie, de moyens d’existence, de foyer, de langue, de vue (couper la langue et crever les yeux, ne furent-ils pas des châtiments appliqués à ceux qui outrepassaient les normes, et donc les bornes ?), l’exclusion se décline sous des formes multiples : politiques, sociales, économiques, culturelles, qui se croisent et s’additionnent chez l’exclu.

L’exclusion semble s’étendre au-delà de la périphérie, au-delà des marges et aller vers un terrain de plus en plus ex-centré. Les marginaux sont, d’une certaine façon, tolérés, alors que les exclus, par définition, ne le sont pas. Le terme de banlieue, lieu marginal par rapport à la cité, loin du centre, prend racine dans cette notion de frontière, de marge : « l’espace d’environ une lieue, autour d’une ville, dans lequel l’autorité faisait proclamer les bans et avait juridiction10. » Ainsi le ban convoquait les vassaux à se rassembler autour du suzerain, à se réunir, alors que, par antonymie, mettre quelqu’un au ban de la société signifiait un rejet, et marquait une expression d’opprobre et d’indignité.

L’exclusion semblerait être la forme la plus poussée d’une manifestation de cohésion identitaire. D’une part, elle resserre les liens entre ceux qui excluent ou repoussent la différence, d’autre part, elle crée une nouvelle identité chez les exclus. L’exclu est « autre » : mis au ban de la société, rejeté comme indigne, méprisé, oublié, banni ou exilé, privé d’une identité. L’on pense aux premières lois sur l’immigration aux États-Unis en 1882, la Chinese Exclusion Actet la loi fermant les portes de la nation américaine aux pauvres, aux aliénés et aux criminels. L’exclusion est une forme en creux de l’affirmation d’une identité. L’exclu (on notera la forme du participe, celui qui subit) est interdit de séjour,
interdit de participer, interdit d’expression (censuré) au sein d’un groupe qui définit sa propre identité en rejetant l’autre (voir les contributions de Sanja Boskovic et de Marie-Catherine Chanfreau). Paradoxalement, ceux qui privent d’identité les exclus en les repoussant hors de leur cadre, leur en procurent une nouvelle en leur conférant une identité de hors-la-loi. Montrés du doigt, exposés au regard des autres, cloués au pilori, marqués au fer rouge, les individus interlopes sont comme réifiés pour être reconnaissables11.  […]

Pour lire plus loin : Variations autour de l’exclusion Par Susan Trouvé-Finding Cahiers du MIMMOC, 1/2006.

 1. A. Rey, Dictionnaire Historique de la Langue Française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998.

2  F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-DeboveLe Robert, Dictionnaire pratique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert-Vuef, 2002.

3  Pour mémoire – I : Limbes ; II : Luxure ; III : Gourmandise ; IV : Avares et prodigues ; V : Colère et accide ; VI : Hérésie ; VII : Violence ; VIII : Fraude ; IX : Traîtres.

4  F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-Debove, op. cit.

5  F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-Debove, op. cit.

6  André Gueslin, « Introduction », André Gueslin, Dominique Kalifa, (dir.), Les exclus en Europe : 1830-1930, Actes du Colloque Paris VIII, Paris, Les Éditions de l’atelier – Éditions ouvrières, 1999, p. 10.

7  Hélène Menegaldo, « Réflexions dans les marges », Figures de la Marge, Marginalité et identité dans le monde contemporain, Rennes, PUR, 1999, p. 39.

8  Castel R. Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995, p. 15 ; Guillaume Marche, « Marginalité, exclusion, déviance. Tentative de conceptualisation sociologique. » H. Menegaldo, op. cit. p. 46.

9  « Les dépossédés. Figures du refus social. » Marginales. Propos périphériques. Revue de littérature et critique. 3 / 4, Hiver 2004-2005.

10 F. Gérardin, D. Morvan, A. Rey, J. Rey-Debove, op. cit.

11  Pascale DrouetLe vagabond dans l’Angleterre de Shakespeare, ou l’art de contrefaire à la ville et à la scène, Paris, L’Harmattan, 2003, II. Coercition et ostentation : le système punitif appliqué aux vagabonds ; Alexandre Vexliard, Introduction à la sociologie du vagabondage, Paris, L’Harmattan, 1997.

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Les Cahiers du MIMMOC Numéro 1 – Février 2006
Figures de l’exclusion et de l’exil

Etudes réunies et présentées par Susan Trouvé-Finding

Les concepts de mixité et d’hybridité – analyse comparée

Par Susan Trouvé-Finding et Vincent Latour    Cahiers du MIMMOC, 4, 2007

Résumé

Les termes de mixité et d’hybridité peuvent sembler synonymes. Comment ces termes se sont-ils trouvés au cœur des questions sociales des sociétés contemporaines ? Les questions qui sont posées à leur propos s’inscrivent dans le cadre de la recherche sur l’identité. Les articles réunis dans ce numéro analysent le sens de ces termes à travers leur application dans les domaines de la sociologie et de la politique en France, au Royaume Uni et en Espagne. Les regards portés sur les connotations de la mixité et de l’hybridité dans les domaines de l’action sociale, des politiques de quartier, de l’éducation, de la politique sont autant d’éclairages sur les différences et les similitudes dans les approches de l’intégration dans les sociétés contemporaines. La question interpelle les chercheurs français, et plus particulièrement, ceux qui s’intéressent au Royaume-Uni. Le modèle britannique d’intégration, sujet d’ouvrages récents en France1, sert, en la matière, à éclairer la pratique française d’un point de vue contrasté.

Abstract

The terms ‘mixité’ (no direct translation is satisfactory) and hybridity may appear to be synonymous. How did these terms come to be at the centre of social issues in contemporary societies? The questions raised around these issues are situated within the sphere of research on the theme of identity. The articles to be found in this volume examine the meanings given to the two terms as applied in sociology and politics in France, Britain and Spain. The analyses of the connotations given to ‘mixité’ and hybridity in the realms of social policy, community action, education and politics, serve to illustrate the differences and similitudes in approaches to integration in contemporary societies. The issue is of importance to French researchers, in particular to those working on Britain. The British model of integration, subject of recent publications in France, is used to cast a contrasting light on French practice.

Pour lire l’article : Jalons pour une analyse comparée des concepts de mixité et d’hybridité

La mixité et le refus de l’hybridité

Cahiers du MIMMOC No.4: 2007

La mixité et le refus de l’hybridité

Etudes réunies et présentées par Susan Trouvé-Finding et Vincent Latour

Le thème de l’identité est au centre des contributions à ce numéro des Cahiers. Parmi les questionnements divers au sujet de l’identité, celui de l’identité plurielle, de la mixité et de
l’hybridité a probablement été le plus posé ces dernières années, au vue des développements sociaux et politiques récents. C’est pourquoi les auteurs ont trouvé opportun de contribuer aux débats en analysant et en comparant les concepts de mixité et d’hybridité dans leurs différentes acceptations en France, au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne. Les contributions qui suivent sont des cas d’étude de l’acceptation des termes de mixité et d’hybridité principalement dans des pays anglophone mais aussi en France. Ils concernent essentiellement le monde contemporain et les dernières décennies. Ils font une large part au thème de l’ethnicité, mais également à d’autres formes de mixité et d’hybridité.
http://cahiersdumimmoc.edel.univ-poitiers.fr/docannexe/file/498/publication_image_accroche_n4.jpg
Les articles de ce cahier sont le fruit des réflexions pendant deux journées d’études et de séminaires du Mimmoc (Equipe d’Accueil 3812). La première journée d’études, « Mixité », s’est tenue à l’Université de Poitiers le 29 avril 2005 avec le soutien du CRECIB (Centre de Recherches et d’Études de la Civilisation britannique). La deuxième journée à l’Université de Toulouse 2 Le Mirail, le 13 octobre 2006, sur « Le refus de l’hybridité culturelle » fut organisée par des chercheurs de TIDE (UMR 6588 CNRS).

Illustration : Modern Dance (crédits : Lieven Soete, licence Creative Commons sur Flickr).