Colloque international, octobre 2018, MSHS Poitiers, « Terres lointaines : compagnies, commerces, colonies (XVIIe-XVIIIe) »

« Terres lointaines : compagnies, commerces, colonies (XVIIe-XVIIIe) », Université de Poitiers (France), 10-12 octobre 2018

The Matthew, Bristol Dock (Photo : S. Finding)

Colloque international organisé par Elodie Peyrol-Kleiber (Université de Poitiers), Susan Finding (Université de Poitiers) et Bertrand Van Ruymbeke (Université Paris 8 et IUF)

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Extrait d’illustration de England’s improvement by sea and land / Andrew Yarranton — Londres : R. Everingham, T. Parkhurst et N. Simmons, 1677-1698 Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FD 22551

La complexité des acquisitions territoriales par l’Angleterre puis la Grande-Bretagne conduit l’historien des XVIIe et XVIIIe siècles à prendre en compte un vaste ensemble géographique. D’apparence morcelé, cet espace territorial et maritime  est néanmoins relié à la métropole par de multiples réseaux commerciaux et par conséquent humains. Ces terres lointaines restent ainsi proches et dépendantes de l’Angleterre puis de la Grande-Bretagne et en retour certains aspects du modèle anglais sont exportés dans les colonies.

Qu’il s’agisse des colonies nord-américaines, des Antilles anglaises, de l’Inde, de l’Afrique de l’Ouest ou de l’Indonésie, nombre de ces réseaux furent initiés par des compagnies marchandes, véritables instigatrices de la cohésion commerciale de l’empire. Etaient-elles cependant de réelles représentantes de l’Angleterre ? Dans quelle mesure étaient-elles liées à la colonisation ? En quoi participaient-elles au développement de ce premier  « empire » ?

Le Fonds Dubois, conservé à la bibliothèque universitaire de Poitiers, se veut le reflet d’un tel questionnement, plus particulièrement à travers le spectre d’économistes politiques incontournables tels que John Locke, Edmund Burke, Charles Davenant, Jonathan Swift, Daniel Defoe et de nombreux autres. Ces derniers s’attachèrent toujours à déterminer la place de l’empire et les bénéfices que cet empire grandissant apporterait ou avait apporté au royaume mais aussi à sa population. Des problématiques telles que l’utilité de la South Sea Company et de l’asiento dans les colonies du sud de l’Amérique et au Pacifique ou encore le questionnement qui précéda l’indépendance des Treize Colonies américaines sont présentes dans les ouvrages du Fonds Dubois.

C’est dans cette perspective que nous souhaitons explorer le phénomène de la colonisation et de la construction impériale à la lumière des trois  termes de compagnies,  de commerces et de colonies, au pluriel afin de refléter la diversité de « l’empire anglo-britannique  » aux XVIIe et XVIIIe siècles et d’en identifier les différentes interactions, qu’elles fussent commerciales bien entendu, humaines, institutionnelles  ou encore politiques. Quels rôles ont joué ces compagnies et comment cet « empire » s’est-il servi d’elles pour asseoir sa dominance sur des contrées le plus souvent lointaines ? Le commerce était-il le but premier de ces compagnies ou des stratégies politiques sous-tendaient-elles leur création et développement ?

Conférenciers confirmés : Trevor Burnard (Melbourne University) et Lou Roper (State University of New York at New Paltz)

Le programme sera diffuse prochainement.

“Terres Lointaines: companies, commerce and colonies (17th-18th centuries)”

The complexity of the territorial acquisitions of England and then Great-Britain led historians of the 17 and 18 c. to take into account a vast geographical ensemble. With a fragmented appearance, this territorial and maritime space was nevertheless linked with the metropole thanks to multiple trading networks and as a consequence, human networks. Those far-off lands thus remained close to and dependent on England then Great-Britain and in return, some aspects of the English model were exported to the colonies.

Be it North-American colonies, English West Indies, India, Latin America, Africa or Indonesia, many of those networks were initiated by trading companies, true instigators of the commercial cohesion of the empires. Yet, were they true representatives of Great Britain and the other empires? To what extent were they linked to colonisation? How did they take part in the development of this first ‘empire’?

The Fond Dubois, deposited in the university library of Poitiers, reflects such issues, more specifically through the lense of major political economists such as John Locke, Edmund Burke, Charles Davenant, Jonathan Swift, Daniel Defoe and many others. They devoted their works to determining the place of the empire and the benefits that this growing empire had brought or could bring to the kingdom, but also to the population. Issues such as the usefulness of the South Sea Company and of the asiento in the South American Colonies and in the Pacific, or the debate preceding the independence of the Thirteen Colonies are discussed in the works of the Fond Dubois.

It is in this perspective that we wish to explore the phenomenon of colonisation and the building of the Empire, in the light of three words: companies, commerce and colonies, to show the diversity of the ‘English/British’ Empire during the 17 and 18 c. and to identify its different interactions, were they commercial, human, institutional, or political. What roles did those companies play and how did this Empire use them in order to extend its rule over most often far away territories? Was trade the main objective of those companies or did political plans underlie their creation and development?

Confirmed keynote speakers: Trevor Burnard (Melbourne University) et Lou Roper (State University of New York at New Paltz)

The program will be available shortly.

Comprendre les enjeux de Londres et le Royaume-Uni avant les JO

Après l’Atlas géopolitique du Royaume-Uni (BAILONI M. et PAPIN D., 2009, Editions Autrement, Paris), Delphine Papin, Marc Bailoni, spécialiste de géopolitique à Nancy-Metz, Manuel Appert, géographe et urbaniste, Lyon, et Eugénie Dumas, cartographe, ont réussi un tour de force en publiant un nouvel ouvrage dans la collection Atlas aux éditions Autrement consacré à Londres, la « ville globale » (selon l’expression consacrée de Saskia Sassen).

La présentation de l’ouvrage résume les thèmes couverts par l’ouvrage :
« The world in one city », dit-on encore aujourd’hui : Londres se situe parmi les villes les plus cosmopolites du monde. Ville mondiale et connectée parce qu’elle est aussi une place financière majeure. S’y pressent les puissants de la planète, et les plus démunis d’Europe. Cité inégalitaire également, dotée d’infrastructures parfois anachroniques, où se côtoient les tours de verres, les maisons victoriennes, les friches, la City, le banglatown, club de l’Arsenal et pubs select… Quel est donc l’avenir de ce laboratoire urbain ? Londres devient-elle une nouvelle espèce de ville européenne, verticale ? La tenue des JO sera-t-elle l’occasion de garantir un développement sur le long terme ? Comment se mesure-t-elle désormais avec sa grande rivale Paris, en tous points contraire et pourtant voisine? Etrange, mouvante, contrastée, Londres n’en finit pas de fasciner. »
A une époque ou les images parlent autant que les paroles, les cartes et photographies  illustrent les enjeux et gageure que seront les Jeux olympiques pour cette ville de 8 million et demi d’habitants, poumon du sud-est de l’Angleterre, capitale politique du royaume,  « salle des machines du capitalisme mondiale » (Jonathan Coe, écrivain, interviewé dans L’Express du 30 mars 2011) et haut lieu culturel. Les textes qui accompagnent cette exploration visuelle donnent suffisamment d’explications pour comprendre les thèmes abordés et avoir envie d’aller plus loin. A emporter avec soi lors d’une exploration des quartiers et districts de Londres, à lire avant les Jeux olympiques pour visualiser la topographie des événements sportifs (marathon, triathlon, cyclisme sur route) qui auront lieu dans les rues et les parcs de la capitale.

Itinéraires, Journée d’études, CRHIA, La Rochelle, FE2C, 24 février 2012.

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRNj0ATbSQ_EjQzSV5DVYj3IWO8KEDgvzXUv1ZxlpR6g_hKXiazgwCompte-rendu de la journée d’études « Itinéraires » du 24 février 2012, organisée par Martine Raibaud et Micéala Symington du CRHIA (La Rochelle) avec la participation de la Fédération pour l’Étude des Civilisations contemporaines (FE2C) à la Faculté de Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLLASH) de l’Université de La Rochelle.

Cette journée a eu lieu dans le cadre d’un projet collaboratif entre membres des laboratoires de sciences humaines, de lettres et langues, des Universités de La Rochelle (CRHIA), Poitiers (MIMMOC), Limoges (EHIC, FRED), mais aussi de Tours (ICD) et de Clermont-Ferrand (EHIC), dont l’intitulé générale est « Politiques, cultures, identités dans les civilisations contemporaines » et qui comporte trois axes: Empire-Conflit-Itinéraires, financé par le PRES Limousin-Poitou-Charentes.

Selon les organisatrices, Martine Raibaud, Maître de conférences de langue et civilisation chinoise, et Micéala Symington, Professeur d’études anglophones, il s’agissait « d’explorer la dynamique de la formation et la transformation des identités culturelles, raciales, ethniques, nationales et transnationales. Dans le contexte de la mondialisation, l’analyse des civilisations peut être enrichie par une attention accrue portée à la circulation des textes et des personnes. Plutôt que d’envisager une culture, un texte littéraire, une oeuvre d’art ou une histoire comme une entité statique, il s’agit d’aborder des littératures et des manifestations culturelles en mouvement. La migration des personnes, écrivains, éditeurs traducteurs, artistes etc. permet de lire les transformations et les connexions entre différents pays et différents continents ».

La journée d’étude, riche d’une quinzaine d’interventions, était organisée en cinq ateliers qui abordèrent successivement les thèmes suivants : une introduction théorique suivi par l’évocation des enjeux critiques dans la matinée. L’après-midi fut consacrée aux enjeux littéraires d’itinéraires esthétiques, aux migrations professionnels, et, en fin de journée, un atelier plus spécifiquement à des itinéraires asiatiques, boucla les débats.  

 Laurent Vidal, directeur-adjoint du CRHIA, Professeur d’Histoire contemporaine, et les deux organisatrices, ont accueilli les participants en soulignant la liberté que le thème avait apporté et l’heureux croisement des disciplines visible dans la variété des communications proposées.  

La première session, consacrée à un début de réflexion théorique et épistémologique sur les pistes et approches suscitées par le thème « Itinéraires », fut présidée par Martine Raibaud (CRHIA, La Rochelle). Les trois interventions, proposées par Diego Jarak (Maître de conférences en Littérature hispanophone), Yvan DANIEL (Maître de conférences en Lettres modernes) et Antoine Huerta (Doctorant en Histoire) ont abordé successivement des aspects théoriques et méthodologiques de la thématique.

Diego JARAK évoqua les paradigmes épistémologiques  du cheminement qui, par une révélation du sublime, fait ressortir une théorie parmi d’autres, un choix somme toute esthétique plutôt que cartésienne. Les itinéraires sont donc à la base de toute exploration scientifique.  Yvan DANIEL décrivit l’angoisse de l’inconnu, la fin des aventures, la peur des trajets sans carte, dans les sociétés développés du vingt et-unième siècle, et, à travers les écrits et la vie de Pierre Loti, évoqua son « vertige mondial » et le rêve du chemin vierge.

Cette idée fut confirmée par Antoine Huerta qui proposa le cas de Pierre Deffontaines, http://ecx.images-amazon.com/images/I/41T0MHBCCCL._SL500_AA300_.jpggéographe français, explorateur du continent américain. Celui-ci, « éternel nomade », apparaît comme un apôtre de « la beauté du monde » qui, non content de la décrire et de la comprendre, devait aussi « chanter » ses découvertes    et la virginité du terrain. De nombreux textes de Pierre Deffontaines sont réunis dans le volume Les sentiers d’un géoagronome, Editions Arguments, 1998.

Le deuxième atelier, présidée par Micéala Symington (CRHIA), fut consacré aux enjeux critiques. Jean BESSIERE, Professeur émérite de littérature comparée à l’Université de Paris 3 Sorbonne, ancien président de l’Association internationale de Littérature comparée, auteur de  Le roman contemporain ou la problématicitié du monde, Paris, PUF, 2010, se proposa d’analyser des dynamiques de la littérature monde et les questions traitées par ce genre. Il identifia trois dynamiques en opération : la dynamique pédagogique, historique et celle des jeux de centre-périphérie. Dans la première, la littérature monde est une littérature où les oeuvres littéraires de tous les pays et de tous les temps ont des droits égaux. Dans la deuxième font face, d’une part, un jeu d’influence, d’expansion temporelle et spatiale, bref, une littérature impérialiste, dont la littérature française est un archétype, et d’autre part, une littérature dont l’identité est plus stable et souple, où un jeu de coalescence et d’adjonction est visible, ce qui caractérise la littérature allemande. Dans la troisième dynamique, par un renversement ironique de l’histoire, la littérature globale appartient aux anciens dominés. Dans cette littérature monde sont peu traitées les questions de circulation : de transferts, d’influence et de réception, mais aussi des genres et du statut de la réflexivité, de la constructions du récit et de la lecture même d’une littérature monde qui est différenciée selon le contexte culturel du lecteur.

L’intervention d’Elise CANTIRAN (Doctorante en Littérature comparée de l’Université de Paris 3 Sorbonne) poursuivit cette dernière question en examinant la relation entre l’écrivain et le lecteur dans trois oeuvres de trois auteurs de différentes cultures : Luigi Pirandello (Mondo di Carta), Henry James (The Figure in the Carpet) et de Ryonusuke Akutagawa (L’Illumination créatrice). Ces trois oeuvres évoquent toutes la solitude de l’écrivain, la création littéraire et illustrent comment l’auteur devient sa propre création littéraire.

L’examen des enjeux littéraires des itinéraires continua dans la première séance de l’après-midi présidé par Yvan DANIEL, dans laquelle furent confrontée trois époques et trois genres de littérature française: les traités de civilités médiévaux l’oeuvre romantique de Chateaubriand et l’oeuvre contemporaine de J.M.G. Le Clézio.  Tatiana CLAVIER (ATER à l’Université de La Rochelle et doctorante de l’Université de Saint-Etienne) aborda  la construction des identités de genre à la renaissance et exposa comment l’écrit fut mis à contribution dans le contexte de l’exclusion des femmes du pouvoir à la Renaissance. Les traités de civilité ou de ‘politesse’ servaient à policer les attitudes à des fins normatives pour conforter une exclusion de droit.

Serge LINKES s’appuya sur trois textes de René-François de Chateaubriand, http://www.laprocure.com/cache/couvertures_mini/9782253049296.jpgLes Natchez, René, Atala, ou les amours de deux sauvages dans le désert (1801). Dans ces textes de Chateaubriand, le rêve d’Amérique décrite par De Toqueville, celui de la réussite du colon blanc, est opposé au rêve d’une Amérique d’avant, d’une nature gigantesque et inquiétante. La plume de d’auteur donne une résonance à ses descriptions et devient un icône, à tel point que les peintres du Salon de Paris en 1802 s’en empare, comme en témoigne la couverture de la version brochée moderne. Son oeuvre contribue à la création d’une identité imaginaire de l’Amérindien qui devient une figure du romantisme. 

Autre « passeur de des arts et des cultures », l’écrivain français contemporain, Le Clézio, ou plus précisément, l’exposition qui lui fut consacrée au Louvre, en novembre 2011, Le Louvre invite J. M. G. Le Clézio – Le Musée monde, fut l’objet de l’intervention de Marina SALLES (chercheur associé, Université de La Rochelle), co-directrice http://pur-editions.fr/couvertures/1277109930.jpg de l’ouvrage Le Clézio, passeur des arts et des cultures, avec Thierry Léger et Isabelle Roussel-Gillet, aux Presses Universitaires de Rennes, 2010. « Prenant le contre-pied d’une modernité qui a valorisé en art l’expression individualiste, il [Le Clézio] met en avant les créations anonymes et les formes d’art collectif. » selon Isabelle Roussel-Gillet et Marina Salles dans l’Introduction à cet ouvrage, ‘Fécondité des Confluences’.

Le quatrième atelier, présidé par Susan FINDING (MIMMOC, Université de Poitiers), fut consacré aux articulations entre une identité première et une identité traduite ou transférée. Brigitte Bastiat (enseignante d’anglais à l’Université de La Rochelle), en présence de son co-traducteur, Frank Healy, Maître de conférences, et du metteur en scène, présenta la nouvelle traduction en français d’une pièce de théâtre Mojo Mickybo d’ Owen McCafferty. Á ce propos, voir Virginie Privas-Bréauté, «Mojo Mickybo de Owen McCafferty», Agôn [En ligne], Points de vue & perspectives, mis à jour le : 13/12/2010, consulté le 25/02/2012.  

L’auteur nord-irlandais, dramaturge des classes populaires a été primé au Royaume-Uni. Brigitte Bastiat fit était des paradoxes et des difficultés que pose un texte ancré dans une culture spécifique, dans une époque, qui utilise l’argot très particulier des rues de Belfast. Sa présentation donna un aperçu de la technicité et de l’esthétique d’une telle tâche, et de l’impossible fidélité d’une traduction à l’original. La première de la version française sera donné le 12 mars 2012 à Tours dans le cadre du Congrès annuel de la Société française d’études irlandaises (SOFEIR) par le Théâtre Toujours à l’Horizon de La Rochelle.

Gregory Corps, doctorant à l’Université de La Rochelle, évoqua les transferts culturels d’un autre genre, et, à travers l’histoire d’un franco-brésilien, Auguste Duprat, tenta d’établir une typologie des liens qui relient les migrants à leur terre d’origine, typologie basée sur les supports culturels, les crochets que sont les retours vers le pays d’origine. La vie d’Auguste Duprat illustre la difficulté d’être un ‘entre-deux’ en voulant conserver la culture du pays de ses ancêtres, français au Brésil, brésilien en France, ce fonctionnaire français en France et brésilien au Brésil, est témoin d’identités en mouvement et d’itinéraires de vie cosmopolite.

Au cours du dernier atelier de la journée, présidée par Charles ILLOUZ, Professeur d’anthropologie, Doyen de la Faculté de Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLLASH) de l’Université de La Rochelle, quatre contributions autour d’itinéraires asiatiques confrontèrent des perspectives littéraires, anthropologiques et didactiques. Si Frédéric MANTIENNE et Laurent METZGER (Maître de conférences de malais-indonésien) analysèrent tour à tour l’oeuvre d’un http://pmcdn.priceminister.com/photo/Rong-Jian-Le-Totem-Du-Loup-Livre-893726508_ML.jpgauteur chinois, Jiang Rong, et d’un auteur malais, Pramoedya Ananta Toer.
Les deux auteurs, http://ecx.images-amazon.com/images/I/514SS1FZ88L._SS500_.jpgles deux oeuvres, à différents degrés, sont représentatifs d’itinéraires de résistance contre un pouvoir central et oligarchique, et reflètent différentes facettes de la périphérie, des marges : peuple mongol nomade colonisé dont l’habitat et la culture disparaît sous la pression démographique de la Chine du sud dans le premier, femmes en souffrance, romans composés en prison pour l’autre, qui peut être comparé sous plusieurs aspects à un Solzhenitsyn malais. 

La présentation par Chandra NuraÏni et Philippe Grangé, Maitres de conférences en sciences du langage et civilisation indonésiennes, sur le peuple Bajos, nomades marins, examinèrent la langue et les mythes de ce peuple, nomades des mers, aux huit langues, vivant dans l’archipel malais, dont la terre d’origine reste inconnue, diaspora sans espoir de retour. À partir de l’observation des rites et des mythes de ce peuple, la répartition en deux groupes clairement distincts apparaît : l’une au Nord de l’aire géographique de peuplement, autour des côtes du nord du Bornéo, avec comme mythe fondateur la Princesse de Johor; l’autre au Sud, autour des côtes des iles de Timor et de la Souche, pour qui l’arbre original sert de mythe de la création.

La dernière intervention de cet atelier fut présentée par Shu Changying,  docteur, INALCO. Elle a réalisé une enquête auprès de quarante enseignants de chinois non natifs pour comprendre leur itinéraire, leur choix du chinois.  C’est un travail sociologique inédit. En appliquant les théories de Bourdieu, elle distingue d’une part, le « capital hérité » (influence de la famille), d’autre part, le capital individuel qui se décline en trois paramètres : la recherche de l’altérité (l’envie, le besoin d’un « dépaysement mental et intellectuel (Garigue, 2004), la construction de la personne (le cheminement personnel, un défi et un gai psychologique,  la prise de l’autonomie, de l’espace individuel), et l’orientation disciplinaire. Comme l’ensemble des interventions, celle-ci a suscité un débat parmi l’auditoire sur le choix et la prédétermination.

Au final, un certain nombre de notions centrales et de mots-clés communs peuvent être retenus de ces communications diverses et variées des domaines des études de littérature, des études anglophones, hispanophones, indonésiennes, de l’histoire et de l’anthropologie. Mouvement, migration, errance, déambulation, pérégrination et cheminement sont les termes qui relèvent du déplacement, dont le terme latin, translatio, rappelle le déplacement d’une langue à l’autre des connaissances et de la culture, via, entre autres, la traduction, ou translation en anglais. Si l’itinérant n’a pas de domicile fixe, comme les nomades, qui « n’ont pas d’histoire, seulement une géographie » selon Pierre Deffontaines, géographe, lui-même éternel nomade, l’itinéraire peut au contraire s’établit d’un point fixe, spatial, culturel, chronologique, à un autre. Il constitue un fil d’Ariane, un lien, un tracé, et devient paradoxalement, un ancrage en lui-même, un « itinéraire mémorial », un « itinéraire tragique », comme l’a fait remarquer Yvan Daniel.  Les contributions à cette journée d’études ont éclairé ce concept et ont été à leur tour exposées aux notions, à l’épistémologie et à la méthodologie des disciplines différentes réunies sous la thèmatique d’Itinéraires.

Saskia Sassen, ancienne étudiante à l’Université de Poitiers

Attribution du Doctorat honoris causa à Mme. Saskia Sassen

par l’Université de Poitiers, le 14 octobre 2010.

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 Éloge prononcé par Mme. le Professeur Susan Finding, Directrice du MIMMOC

Saskia Sassen occupe la chaire Robert S. Lynd de Sociologie à l’Université de Columbia. Lorsque Mme la professeure a accepté l’invitation de prononcer la conférence d’ouverture du colloque Décentralisation, Devolution, Autonomie, (Con)Fédération : La gouvernance territoriale de l’Etat-nation et de revenir à l’Université de Poitiers où elle a naguère étudié (1), nous avons tout de suite pensé que l’Université se devait d’honorer un des siens.

Vous revenez régulièrement en France, pays où vous avez entamé, pour ainsi dire, votre carrière universitaire. La France : pays régalien, nation républicaine, état centralisé qui se décentralise petit à petit, abandonnant difficilement ses prorogatifs mais qui participe activement à cette nouvelle géographie stratégique que vous analysez dans vos travaux. C’est un clin d’œil à l’histoire, à votre parcours et à vos travaux.

Votre parcours d’abord est déjà transnational. Vous avez quitté votre pays de naissance, les Pays-Bas, avez vécu en Argentine, puis en Italie, avez étudié en France à l’Université de Poitiers, aux Etats-Unis aux Universités de Notre Dame (Indiana) et de Chicago où vous avez été ensuite enseignante. Vous êtes actuellement professeure à l’Université de Columbia.

Vos études à Poitiers se sont déroulées au sein du tout nouveau Centre de Recherche et de documentation sur Hegel et Marx, créé en 1969-1970, à l’initiative du Professeur Jacques D’Hondt. Vous avez étudié sous sa direction et obtenu une maîtrise de sciences humaines en 1974. Nous le saluons aujourd’hui bien qu’il n’a pas pu répondre à notre invitation. Après un doctorat à l’Université de Notre Dame, vos premiers travaux portent sur les communautés de migrants et vous conduisent à l’étude des villes d’accueil. La sociologie urbaine est le fil conducteur de vos recherches et sert de toile de fond à vos interventions et aux nombreuses invitations comme chercheuse et comme expert sur des questions qui convergent toutes vers l’étude de la globalisation.La salle de conseil de l'Université de Poitiers

Photo: Salle des conseils de l’Université de Poitiers, cérémonie d’attibution de Doctorat Honoris causa à Saskia Sassen.                  De gauche à droite: J.P. Gesson, Président de l’Université de Poitiers, S. Finding, Directrice du MIMMOC, S. Sassen, O. Bonneau, Vice-président à la Recherche, D. Moncond’huy, Doyen de l’UFR Lettres et Langues.

Vous avez été membre du Groupe de recherches sur la restructuration économique aux États-Unis et au Japon, financé par le United Nations Centre on Regional Development et le MIT (1988-1990); des groupes de travail du Social Science Research Council sur la ville de New York City, financé par la Russell Sage Foundation (1985-1990) et sur les politiques publiques envers la communauté hispanique, finance par la Ford Foundation (1987-1991). Vos travaux comparatistes sur New York et Londres ont été financés par l’Economic Social Research Council du Royaume-Uni et soutenu par le Woodrow Wilson Center, Washington DC (1992-on). Vous avez travaillé sur un projet d’immigration et de sociologie économique financé par la Fondation Russell Sage (1992-1995) et sur un projet de l’Université de Stanford sur les relations entre le Méxique et les Etats-Unis.

Vous faîtes partie des chercheurs impliqués dans le programme scientifique du Groupe de Lisbon de l’Union européenne et de la Fondation Gulbenkian  (Portugal 1993-). Vous dirigez le projet « villes globales et réseaux transfrontaliers » de l’Institute of Advanced Studies, de la United Nations University à Tokyo et le projet quinquennal « Governance and Accountability in a World Economy ». Vous êtes expert auprès du Ministère de la ville du gouvernement français et de l’Agence sur la science et la technologie auprès du Premier Ministre belge. Vous avez été chercheuse invitée au Wissenshaftszentrum Berlin, à l’Institute for Advanced Studies, Vienne, Autriche, et professeure invitée à la London School of Economics.

Votre recherche couvre des domaines aussi variés que les marchés financiers, la numérisation, les ONG, les industries de l’information et l’économie d’entreprise avancée, « l’économie informelle » et les « nouvelles géographies de la marginalité » (2009, 123) et dépasse les frontières géographiques, politiques et disciplinaires, dans une « lecture décloisonnée » du monde d’aujourd’hui (Gilles Bastin, « Saskia Sassen, sociologue globale », Le Monde des Livres, 27 mars 2009).

Vous avez publié huit ouvrages dans des presses universitaires de Cambridge, Columbia et Princeton, ainsi qu’une trentaine d’articles dans des revues internationaux. Vous avez écrit autant de chapitres d’ouvrages scientifiques et dirigé trois ouvrages collectifs dans les dix dernières années. Vos travaux sont traduits en seize langues. Un aperçu de vos travaux par le biais de ceux qui sont traduits en français suffit à donner une idée de l’envergure de votre pensée : Critique de l’État : Territoire, Autorité et Droits de l’époque médiévale à nos jours, chez Démopolis et Le Monde Diplomatique, 2009; La globalisation. Une sociologie chez Gallimard, 2009; La ville globale – New York –  Londres – Tokyo, chez Descartes, 1996.

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Photo: Saskia Sassen signe le Livre d’Or en présence de J.-P. Gesson, Président deb l’Université de Poitiers, O. Bonneau, Vice-Président à la Recherche, D. Moncond’huy, Doyen de l’UFR Lettres et Langues.

Sortir du cadre semble être votre mot d’ordre: sortir du cadre de l’État-nation (objet d’études) et sortir du cadre disciplinaire (méthodologie). Vous étudiez les communautés transnationales, les réseaux internationaux et infranationaux, dont les universités constituent un exemple historique. Penser l’État, la nation, l’économie, les institutions autrement, mais aussi repenser les cadres des disciplines de la géographie, de la sociologie, et des sciences politiques.

La ville est pour vous à la fois l’objet d’étude, le terrain, et l’outil pour mener à bien l’analyse issue de vos hypothèses. La « ville globale », concept dont vous êtes l’auteure, constitue pour vous le « nœud pour les nouveaux alignements politico-économiques » (2007, 129). Permettez-moi de vous dire que vos travaux sont un nœud pour de nouveaux alignements
intellectuels.

Au sein de l’Université, et pour ramener celle-ci à son expression locale, de l’Université de Poitiers, vos travaux font école. Ils servent de cadre théorique et de positionnement épistémologique aux géographes, aux économistes, aux sociologues, aux juristes, et à tous ceux qui utilise les méthodes de ces sciences. Les domaines spécifiques d’études à Poitiers que vos travaux étudient et éclairent sont l’économie des villes, le développement territorial, les migrations internationales, l’intégration économique, les cultures et les sociétés occidentales, le droit international, intellectuel et commercial.

Dans un souci de clarté, vous poussez la pédagogie dans vos livres jusqu’à prévoir des résumés intitulés « conclusion pour lecteur pressé ». Mais un lecteur pressé passera à côté de la richesse de votre pensée, à la fois heuristique et interdisciplinaire. Vous soulignez à chaque étape de votre démonstration « les défis théoriques et empiriques » que posent vos sujets d’étude. En effet, si le sujet de votre réflexion est la globalisation et le local, les études de territoire, votre pensée est à la fois globale et spécifique.

Vous identifiez des zones de tension entre l’État, la nation et le supra / trans / infra / inter-national. Vous identifiez par exemple la concentration de la gestion des entreprises et l’intégration économique, forces centripète, et l’éclatement ou la dispersion de la production, force centrifuge. Certes, ces phénomènes ne sont pas inconnus, mais votre analyse étudie ceux-ce à la fois dans le détail et dans l’ensemble. Vous vous êtes penchée sur le sort des travailleurs migrants, des la féminisation de cette main d’œuvre, sur l’impact de la numérisation, sur les réseaux inter-frontaliers économiques, culturels, sociaux, sur l’extraterritorialité et les politiques de concurrence, et sur la globalisation des standards occidentaux. Ce faisant vous soulevez des questions d’éthique et de philosophie politique. Vous vous intéressez ainsi au déficit démocratique et à l’autorité étatique des sociétés contemporaines (2009, 85), aux sources de l’inégalité structurelle du développement interne de l’État (2009, 81), à la dénationalisation de classes sociales et de l’activité de l’état (2009, 182, 190). Vous identifiez des « microstructures localisées de la société civile globale » (2009, 195) et vos analyses ont contribué à l’émergence d’une sociologie géopolitique et d’une « contre-géographie de la globalisation »
(2009, 320, note 7). 

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Photo: De droite à gauche : Saskia Sassen, Philippe Cauvet, (Poitiers) Pascale Drouet (Poitiers), Philippe Poirier (Coordinateur du Programme de Recherche sur la Gouvernance Européenne, Université du Luxembourg), Philip McCann (The University of Groningen Endowed Chair of Economic Geography,  Special Adviser to Johannes Hahn, European Commissioner for Regional Policy), Susan Finding.

Au final, vous nous obligez à reconsidérer les angles d’étude de nos propres sujets de recherche. Plutôt que résoudre des paradoxes, répondre aux interrogations, prouver les postulats, vous posez les questions, dégagez des pistes de réflexion et évoquez des hypothèses. Comme vous le dîtes vous-même, vous vous efforcez de « dessiner une problématique conceptuelle plutôt que de fournir les réponses ». Fidèle à votre formation première, vous apportez une dimension philosophique à des questions contemporaines hautement techniques. Vous nous faîtes honneur en tant qu’ancienne étudiante de philosophie ici même il y trente ans et vous nous honorez de nouveau par votre présence parmi nous aujourd’hui.  Pour vous citer, on peut dire que vous êtes « partout une étrangère, partout chez vous » et en particulier ici.

(1) Poitiers ou le parcours dialectique de Saskia Sassen, entretien avec Alexandre Duval, L’Actualité Poitou-Charentes, janvier-mars 2011.

Londres à la fin du 19e siècle

Real and imaginary topography in News from Nowhere
Susan Trouvé-Finding, Université de Poitiers

Forget six counties overhung with smoke,
Forget the snorting steam and piston stroke,
Forget the spreading of the hideous town ;
Think rather of London, small, and white, and clean,
The clear Thames bordered by its gardens green

Stanza from the Prologue, The Earthly Paradise, William Morris, 1865

News from Nowhere, written after seven years of intense and pre-eminent political activity (some say overly so (EPT, 572)) in the funding and organising of various permutations of
the nascent socialist movement, can be read as an account of his own personal journey of discovery, a parable of his own life rooted in Morris’s personal and political lieux de mémoire. In the novel, Morris maps out the future, laying an imaginary mappa mundi Morrisi over the topography of the Thames Valley upriver from sea to source, tidal reaches to little; stream. Taking the form of a voyage of discovery in the best utopian tradition, the novel recounts a trip into Terra Cognita, the capital city adventuring into the hinterland beyond. Morris turns certain conventions upside-down, topsy-turvy, reversing the methods of contemporary social investigators such as Andrew Mearns and General Booth, whose footsteps he followed. The reader is translated not into the reality of Outcast London (Mearns 1883), or Darkest England (Booth, 1890) unknown to the well-off middle classes, but into a transformed but known world, where major landmarks serve as signposts and symbols. Despite the fictional pretence of foreignness (p.49), ‘a place very unlike England’ (p.49), everything is done to enable the reader to recognise the setting, from the opening pages where Hammersmith is identifiable from the street names (The Broadway, The Creek, King’s Street), the river (Chiswick Eyot, Putney, Barn Elms, Surrey Banks), the peregrination through London, and upstream past towns and landmarks to the upper reaches of the Thames. This transparent transposition is anchored on the real loci of Morris’s own world from Kelmscott House, Hammersmith to Kelmscott Manor, Oxfordshire.

To read on:

Paper given at Day Conference organized by François Poirier at the Univeristy of Paris I3 in January 2005 published on line  : http://www.univ-paris13.fr/ANGLICISTES/POIRIER/Morris/STrTopography2.pdf and by the William Morris Society in the United States.