Les scientifiques s’indignent aussi

Le quotidien britannique The Guardian (papier) publie à la une et développe sur deux pleines pages dans le numéro daté du mercredi 11 avril 2012 une information concernant la décision par le Wellcome Trust, fonds de recherche médicale et biologique, d’inciter les chercheurs travaillant sur des projets financés par eux à publier dans des revues « ouvertes » : ‘Wellcome Trust joins ‘academic spring’ to open up science.’ Le directeur du fonds estime que les grandes groupes d’édition scientifique qui font payer la lecture d’un article profitent des fonds publics et du volontariat pour engranger des bénéfices commerciaux.

L’Université de Poitiers a récemment décidé de fermer des comptes payant d’accès en ligne chez les grands groupes d’édition scientifique estimant que les coûts, qui ont augmenté de façon importante depuis dix ans, n’étaient pas justifiés. De nombreux chercheurs dans des disciplines diverses se plaignent de l’inaccessibilité d’informations scientifiques s’ils ne font pas partie d’un laboratoire CNRS qui a ses propres accords et abonnement à des bouquets de revues en ligne.

Les pare-feu payants (paywall en anglais) derrière lesquels le savoir est caché sont ils en train de tomber après deux décennies d’exploitation? Le mouvement lancé par un post sur le blog de Tim Gowers, mathématicien de Cambridge, lauréat du Fields Medal, en janvier 2012 prend de l’ampleur et un site dédié, The cost of knowledge, a recueilli plus de 9000 signatures. Dès 2009 de prestigieuses universités – tel que Berkeley (Californie) –  se sont prononcées en faveur de l’accès libre.

De plus en plus de sites en accès gratuit (open access) sont créés pour le partage des connaissances. L’Université de Poitiers publie des revues en ligne sur son plateforme. Ces revues, qui sont dans le domaine des sciences humaines et sociales, sont également diffusées, pour certains, par le portail open-edition sur les sites de revue.org et de calenda : Mémoires, identités et marginalités, Cahiers du MIMMOC et la Revue Européenne des Migrations Internationales.

Le site de l’Université de Poitiers répertorie les sites suivants:

  • Cahiers du Mimmoc
    Une revue électronique en libre accès proposée par l’équipe de recherche MIMMOC « Mémoire(s), Identité(s) et Marginalité(s) dans le Monde Occidental Contemporain » de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de l’Université de Poitiers.
  • Cahiers Shakespeare en devenir
    Dans le prolongement de ses activités éditoriales, la revue La Licorne propose les Cahiers, des publications réalisées exclusivement sous forme électronique et libres d’accès. Il s’agit de Cahiers dévolus à un écrivain, à une problématique, ou à un corpus particulier. Les Cahiers Shakespeare en devenir ont ainsi pour vocation première de créer des liens signifiants entre l’époque de Shakespeare et la nôtre. Il s’agit de s’interroger sur ce que l’œuvre de Shakespeare est devenue au fil des siècles, au gré des cultures, et sur la manière dont elle continue d’évoluer aujourd’hui.
  • Corela
    Une revue de sciences du langage, non thématique, entièrement en ligne et en accès libre. Elle accueille toute proposition relevant des domaines de la linguistique.
  • La Licorne
    Une revue de langue et littérature françaises, abordant les domaines de la littérature française et comparée, de la poétique et de la stylistique.
  • Revue Européenne des Migrations Internationales
    La Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI) a pour vocation de publier les travaux de recherche, empiriques et théoriques, des différentes disciplines concernées par les migrations internationales et des relations interethniques. La REMI adhère à Revues.org, fédération de revues en sciences humaines et sociales.
  • Revue du CEES – Centre Européen d’Etudes Slaves
    L’objectif de cette revue est de promouvoir la dynamique scientifique dans le domaine d’études slaves et d’accentuer davantage la présence de la slavistique dans le contexte national et international. Il s’agit aussi de favoriser les échanges intellectuels interdisciplinaires et multilingues, ainsi que de réunir tous les segments de la recherche dans le domaine des études slaves.

Bibliothèques numériques

  • UPthèses – Les thèses en ligne de l’Université de Poitiers
    Le site UPthèses propose la consultation en libre-accès des thèses soutenues à l’Université de Poitiers depuis le 1er janvier 2008. Pour chaque thèse, sont disponibles la notice descriptive et le texte intégral au format PDF.
  • Bibliothèque virtuelle sur les Premiers Socialismes
    La bibliothèque virtuelle sur les premiers socialismes permet de consulter en ligne des textes politiques, juridiques, économiques, médicaux, pédagogiques rares, extraits pour la plupart du fonds légué à l’Université par Auguste Dubois, qui fut professeur d’histoire des doctrines économiques et politiques à l’Université de Poitiers. Les documents présentés (ouvrages, périodiques, placards, ….) sont accompagnés de textes introductifs qui permettent de mieux les comprendre.
  • Bibliothèque virtuelle sur les Coutumiers du Centre-Ouest
    Dans le cadre d’un travail de recherche sur le droit coutumier du Poitou, de l’Angoumois, de la Saintonge et de l’Aunis, a été entrepris, à l’initiative de l’

Auguste Dubois rare books collection (Fonds Auguste Dubois)

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La journée d’étude du 27 mars 2012 Fonds Dubois organisée par les laboratoires MIMMOC-CRIHAM et le Service commun de documentation (SCD) de l’Université Poitiers à la MSHS de Poitiers et à la Bibliothèque Universitaire Droit-Lettres, a réuni des universitaires anglicistes (11e section), des historiens (22e section), et un conservateur, une bibliothécaire et un ingénieur d’étude des universités de Poitiers, Paris VIII, Paris-Diderot, Montpellier, Metz, Bordeaux 3 et Yale (Etats-Unis) spécialistes de l’histoire de l’Angleterre et du Royaume-Uni des 17e et 18e siècles.

La présentation du Fonds Dubois par Mme Traineau-Durozoy, Conservateur, responsable du Fonds ancien du Service commun de documentation (SCD)de l’Université de Poitiers,celle de la Bibliothèque virtuelle Premiers socialismes (BVPS) par Mme Nathalie Bremand, bibliothécaire, mis en ligne sur le site du SCD de l’Université, et de la plateforme des ressources numériques de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société (MSHS-CNRS) de Poitiers et de la plateforme Omeka par Eric Planchon, Ingénieur d’études, responsable de ce service, a permis de prendre la mesure à la fois de l’importance du fonds, des moyens existants et des possibilités d’exploitation déjà expérimentées sur place.

L’historique du projet est rappelé par Susan Finding. L’idée d’associer deux projets de valorisation du patrimoine de l’Université de Poitiers a pris forme progressivement. Depuis le dernier plan quadriennal du MIMMOC soumis en 2006, il avait été question d’exploiter le Fonds Valière, recueil de bandes magnétiques, enregistrements anthropologiques de patrimoine oral du Poitou – chansons, coutumes, contes – en lien avec des collègues de la Francophonie acadienne et cajun. L’existence d’ouvrages anglais dans le Fonds Dubois était connue, mais ce n’est que lorsqu’un catalogue spécifique a été produit par le Service Commun de Documentation en avril 2008 que l’importance de la collection est devenue évidente. La valorisation de ce fonds unique semblait avoir une importance non seulement pour l’Université de Poitiers, mais aussi pour la communauté scientifique internationale.

Grâce au travail préliminaire fourni par Steven Pincus, Professeur d’histoire à l’Université de Yale (Etats-Unis) d’une part et par Karim Ghorbal (Paris VIII) qui  d’autre part, il a déjà été établi que certains ouvrages sont uniques et ne paraissent dans aucune collection d’archives existante connue. D’autres sont des premières éditions (ex. Adam Smith). Qui plus est, la mise en parallèle du Fonds Dubois et du Fonds d’Argenson, également déposé dans le Fonds ancien de l’Université de Poitiers, apporte une réelle avancée dans la connaissance des transferts intellectuels, de la circulation des savoirs et des connaissances mutuelles entre le Royaume-Uni, la France et les colonies américaines du 18e siècle. Une biographie d’Auguste Dubois, Professeur de doctrines politiques et économiques à l’Université de Poitiers à partir de 1899 et co-fondateur de la Revue d’histoire économique et sociale,  et un travail sur la composition de sa collection éclaireront l’histoire intellectuelle, l’histoire de l’université, mais aussi l’histoire et l’enseignement de l’économie en France.

Steven Pincus a montré comment les débats sur la place et le rôle du commerce, des banques, de la création des richesses, des colonies, des conséquences de l’unification du Royaume-Uni sur l’économie, dont témoignent les collections du Fonds Dubois et du Fonds d’Argenson, sont d’autant plus importants que les nouveaux paradigmes de ce début du XXIe siècle sont très proches de ceux-ci : la globalisation, les marchés orientaux, la dette publique, les banques et la mise en cause de l’unification britannique sont de nouveaux au centre des préoccupations. Le contenu des deux Fonds sur les débats de l’époque, les choix envisagés et les politiques suivies sont donc non seulement importants pour une meilleure compréhension du 18e siècle, mais aussi riches en enseignements pour la mise en perspective des débats contemporains.

La caution apportée de l’intérêt du Fonds Dubois par les universitaires français et américain présents est de bonne augure et permet d’espérer que le projet est non seulement prometteur au niveau de la communauté scientifique française mais aussi au niveau international.