L’accessibilité aux services et aux équipements

C’est le titre de la Nouvelle étude que nous publions aujourd’hui, qui propose de répondre aux questions suivantes : quels sont les différents niveaux d’équipements et de services et où sont-ils situés géographiquement ? Quel est le temps d’accès moyen à chacun de ces niveaux ? Quelle est la situation des différentes régions et celle plus précise de la Nouvelle-Aquitaine en termes de niveaux de services et d’équipements et de temps d’accès ? Quels sont les territoires pour lesquels l’accessibilité est la plus faible ?

Nous mettons à votre disposition différents documents :

  • la brochure au format électronique, consultable et téléchargeable en pdf sur calaméo,
  • le document de travail associé, qui présente de façon plus classique et plus détaillée l’étude, également en pdf,
  • le jeu de données associé, qui vous permet de disposer de l’ensemble des temps moyens d’accès, pour toutes les communes et toutes les intercommunalités de France métropolitaine.

Dans le cadre de notre partenariat avec l’Espace Mendès France (EMF), nous présenterons cette étude mardi 14 décembre, de 18h à 20h, en présentiel (à l’Espace Mendès France de Poitiers) et en distanciel, en direct ou en différé, sur la chaîne YouTube de l’EMF. Sera également présentée une étude co-produite par l’INSEE et la DRAC de Nouvelle-Aquitaine sur le sujet plus précis de l’accessibilité aux équipements culturels. Tous les détails sont ici.

Pour ceux qui n’ont pas le temps de parcourir tous ces documents, voici les principaux points de l’étude :

  • Nous exploitons une base de données produite par l’INRAE et l’ANCT qui permet de distinguer 5 types de communes, de la moins équipée à la plus équipée, qualifiées respectivement de communes non centre (niveau 0), centres locaux (niveau 1), centres intermédiaires (niveau 2), centres structurants (niveau 3) et centres majeurs (niveau 4),
  • Pour chaque commune on sait où elle se situe dans la gamme de services et d’équipements, mais aussi le temps par la route en heure creuse qu’il faut pour se rendre dans la commune la plus proche de niveau(x) supérieur(s) si la commune elle-même n’est pas équipée, ce qui permet de calculer à toutes les échelles supra-communales des temps moyens d’accès,
  • L’accessibilité aux services et équipements est globalement moins bonne en Nouvelle-Aquitaine qu’en France métropolitaine : la part de la population équipée à l’échelle d’une commune est 5 points inférieure à la moyenne pour les niveaux 1 et 4 et 10 points inférieure pour les niveaux 2 et 3. Les temps d’accès aux communes équipées sont toujours supérieurs, mais dans des proportions faibles, de l’ordre de quelques minutes,
  • Cette moins bonne accessibilité s’explique par le caractère plus rural de la région : quand on intègre cet élément dans l’analyse, les différences de temps d’accès entre la Nouvelle-Aquitaine et les autres régions de province disparaissent,
  • A l’échelle des EPCI de Nouvelle-Aquitaine, on observe une hétérogénéité relativement forte des temps d’accès aux différents niveaux de la gamme : les EPCI les plus éloignés ont des temps d’accès entre 3 et 4 fois plus importants que les EPCI les mieux placées,
  • Les EPCI plus éloignés que d’autres pour accéder à un niveau de la gamme ne sont pas les mêmes selon les niveaux. Ceci plaide pour des actions territoriales différenciées en fonction du niveau de la gamme de services et d’équipements,
  • Le caractère rural et la taille des EPCI (mesurée par leur population) expliquent, selon leur niveau d’équipement, entre 24% et 43% des différences observées entre elles. Agir de manière différenciée sur les territoires ruraux s’avère donc important, mais cela n’épuise pas le sujet de l’accessibilité : à degré de ruralité et à taille identiques, certains territoires ont une accessibilité plus faible.

La mobilité résidentielle en France : une courte analyse sur longue période

La revue Population & Avenir vient de publier un article très intéressant de Jean-Marc Zaninetti (Professeur de géographie à l’Université d’Orléans) sur la proportion de personnes vivant en France métropolitaine dans leur département de naissance, de 1871 à 2017. En exploitant les données du recensement, il montre que cette part est passée de 80% en 1871 à 61% en 1968 et 50% en 2017 et en déduit que “la sédentarité qui dominait dans une France à dominante rurale a laissé la place à un maelström de migrations internes”.

J’ai trouvé ces chiffres particulièrement intéressants, sans toutefois savoir quoi dire sur la tendance : bien sûr, la mobilité interdépartementale a très fortement évolué entre 1871 et 2017, de 30 points de pourcentage. Pour autant, un français sur deux qui vit aujourd’hui dans son département de naissance, ce n’est pas rien (attention, ces personnes ont pu bouger entre leur naissance et la date du recensement). De plus, sur près de 50 ans (entre 1968 et 2017), la hausse de la mobilité a été de 10 points : est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? Disons que nous ne sommes ni dans une France de sédentaires, ni dans une France d’hyper-mobiles.

J’ai lancé un petit sondage sur Twitter et sur LinkedIn, pour savoir ce que vous répondriez si on vous interrogeait sur la valeur de cette part (en passant, j’en ai profité pour poster de manière très légèrement différente la question sur les deux réseaux, pour voir si cela changeait un peu les résultats : sur Twitter, j’ai proposé comme parts 10%, 25%, 50% et 75%, alors que sur LinkedIn, j’ai  proposé 25%, 50%, 75% et 9%). Voici les résultats.

Selon vous, quelle est la part des personnes qui résident dans leur département de naissance, en France, aujourd’hui ? (Sondage réalisé du dimanche 5/12/2021 au lundi 6/12/2021)

Les répondants ont vu globalement juste, avec une majorité pour la bonne proportion de 50%. Ensuite vient une tendance à la sous-estimation (40% des répondants sur Twitter, 36% sur LinkedIn).

J’ai commencé à compléter l’analyse de Jean-Marc Zaninetti, pour savoir un peu mieux comment s’organisent ces mobilités interdépartementales. Sur la période la plus ancienne, j’ai pu récupérer des données supplémentaires dans un fichier proposé par l’INSEE sur cette page, le fichier T229, colonnes CD à CJ (ne me demandez pas comment je suis tombé dessus, je ne sais plus). Si bien que je dispose des taux de mobilités interdépartementales pour 1861, 1871, 1881, 1891, 1901, 1911 et 1921.

Sur la période plus récente, allant du recensement de 1968 à celui de 2017, les chiffres sont ici. Je les ai exploités en ajoutant les codes des anciennes Régions, ce qui me permets de distinguer trois types de mobilités interdépartementales :

  • les mobilités entre deux départements de la même Région ancienne définition (22 régions de France métropolitaine),
  • les mobilités entre deux départements qui n’appartiennent pas à la même ancienne Région mais qui appartiennent à la même nouvelle Région (13 Régions de France métropolitaine),
  • les mobilités entre deux départements qui appartiennent à des Régions (nouvelle définition) différentes.

Sur la base de ces deux compléments, j’ai construit le graphique ci-dessous.

La mobilité interdépartementale est passée selon ces données de 12% en 1861 à 49% au recensement millésime 2017. Soit une part de personnes “non mobiles” passant de 88% à 51%. L’intégration de l’échelle régionale montre que 13% des personnes qui ne résident pas dans leur département de naissance résident dans un département de la même ancienne Région. On peut y ajouter les 2% de personnes qui résident dans un département de la même nouvelle Région.

Au total, à l’échelle des Régions nouvelle définition, on aurait donc en 2017 un total de 35% de personnes “mobiles” et 65% de personnes “non mobiles”. Ceci me conduirait à dire que si la mobilité a augmenté tendanciellement, elle reste relativement limitée, puisque deux tiers des français restent durablement dans la même Région.

Pour finir, je signale qu’il y a matière à compléter : 1) en produisant des analyses région par région, par exemple, 2) en exploitant des données complémentaires disponibles dans les fichiers 1968-2017 le genre des personnes, leur niveau de diplôme, leur âge, leur nationalité, leur profession, etc., 3) en distinguant la mobilité interdépartementale entre départements limitrophes et départements non limitrophes plutôt qu’entre Régions institutionnelles, ou bien en calculant la distance entre les centroïdes des départements de naissance et de résidence, pour juger autrement de la mobilité.

L’impact économique de la crise Covid sur les territoires : une table ronde France Stratégie – Région Nouvelle-Aquitaine

Nous organisons une table ronde, jeudi 7 octobre 2021, de 18h30 à 20H30, à l’Espace Mendès-France de Poitiers, sur l’impact économique de la crise Covid sur les territoires de France, avec un focus particulier sur ceux de Nouvelle-Aquitaine. Cette table ronde est le premier produit de partenariats que le service “études et prospective” du pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine souhaite développer avec France Stratégie d’une part, et l’Espace Mendès-France d’autre part.

Cette table ronde, organisée en présentiel, en distanciel puis podcastable, sera découpée en deux parties : dans un premier temps, nous (France Stratégie et le service “études et prospective” de la Région) présenterons les résultats de nos études respectives. Dans un deuxième temps, des acteurs de deux territoires particulièrement impactés (Oloron-Sainte-Marie et Rochefort) et d’un territoire très largement épargné (la communauté de communes du Bazadais) témoigneront. Des temps d’échange entre les intervenants et avec les participants sont bien sûr prévus.

Vous trouverez sur cette page toutes les informations utiles : noms des intervenants, lien vers les études, lien pour assister à la table ronde à distance ou la visionner ultérieurement si vous n’êtes pas disponible jeudi. Ceux qui le souhaitent peuvent y assister en présentiel, nous mettrons à disposition pour l’occasion la dernière étude réalisée sur le sujet, dont vous avez le visuel de couverture en haut de ce billet (je partagerai le lien vers la version numérique dès qu’il sera disponible).

Géographie de l’industrie : que pèsent les territoires ruraux ?

L’Insee a proposé il y a quelques mois une nouvelle définition du rural : sont considérées comme rurales les communes peu denses ou très peu denses. J’ai proposé une analyse de cette nouvelle définition dans un texte publié sur le portail des territoires de la Région Nouvelle-Aquitaine, ainsi que dans un texte un peu modifié publié par Géoconfluences.

Dans le prolongement de ce premier travail, nous avons analysé au sein du Service “études et prospective” du pôle Datar de la Région la géographie de l’activité économique avec un focus sur l’industrie et la Nouvelle-Aquitaine, ce qui a donné lieu à la production d’une nouvelle note que vous pouvez visualiser ici.

En voici les principaux résultats :

  • La part du rural dans la population de France métropolitaine est de 33%, de 22% dans l’ensemble des actifs occupés, de 17% dans le sous-ensemble des salariés du secteur privé hors agriculture, et de 23% du nombre d’établissements dans ce même sous-ensemble,
  • Les variations sectorielles sont importantes : 80% de l’emploi agricole se situe en milieu rural, 31% de l’emploi industriel et 30% de la construction. Au sein même de l’industrie, le poids du rural va de 9% pour le secteur « fabrication d’autres matériels de transport » à 67% pour le secteur « autres industries extractives » en nombre de salarié, et de 15% pour le secteur de l’habillement à 70% toujours pour les « autres industries extractives » en nombre d’établissements,
  • La Région Nouvelle-Aquitaine est une des régions les plus rurales de France : 51% de la population y réside, 28% des actifs occupés, 43% des salariés et 50% des établissements de l’industrie. 29 des 33 secteurs industriels présents en Nouvelle-Aquitaine sont plus présents dans le rural en région qu’en France,
  • Sur la base des effectifs industriels, nous avons construit une typologie qui croise un indice de spécialisation relative, pour identifier les secteurs plus présents en région que France entière, et un indice de ruralité relative, pour identifier les secteurs plus présents en milieu rural en région que dans l’ensemble national,
  • Il s’avère que ces deux indicateurs sont très peu liés : certains secteurs spécifiques à la région sont sous-représentés en milieu rural (autres matériels de transport, fabrication d’équipements électriques), d’autres sont surreprésentés en milieu rural (industrie des boissons, industrie du papier et du carton, travail du bois…). Parmi les secteurs non spécifiques à la région (moins présents qu’ailleurs), certains sont sous-représentés en milieu rural (industrie pharmaceutique ; informatique, électronique et optique), d’autres y sont surreprésentés (métallurgie, automobile, industrie textile…).

Je vous laisse découvrir le détail dans la note, ainsi que les cartes et les tableaux associés. On envisage plusieurs prolongements dans les mois qui viennent, notamment une analyse de la dynamique comparée des secteurs d’activité selon le type de territoires.

Géographie des taux de chômage : une forte inertie, quelques mobilités

Nous travaillons au sein du Service Etudes et Prospective du Pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine sur la géographie des taux de chômage, à différentes échelles géographiques (départements, zones d’emploi, EPCI), ainsi que sur le lien entre la dynamique de l’emploi et la dynamique du chômage. L’objectif est d’identifier des territoires qui sont dans une situation relative plus problématique, de documenter progressivement les déterminants de leur situation, pour agir ensuite plus efficacement et réduire les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Ce travail a donné lieu à la production d’une première note disponible sur le portail des territoires de la Région, à laquelle vous pouvez accéder en cliquant ici. On mobilise le taux de chômage au sens du recensement, dont la définition est plus large que la définition traditionnelle, elle inclut pour partie ce que l’on appelle le halo du chômage (sont notamment comptabilisées les personnes qui se déclarent spontanément à la recherche d’un emploi).

Si le taux de chômage évolue avec le temps, à la hausse où à la baisse, l’analyse de la géographie des taux de chômage révèle une forte inertie : la situation relative des territoires bouge peu, ceux à plus fort taux de chômage que la moyenne restent globalement à plus fort taux de chômage, ceux à plus faible taux restent à plus faible taux. On a du mal à faire converger les taux à la baisse. Dans la note, on montre par exemple que les taux de chômage observés au recensement millésime 2012 (qui couvre la période 2010-2014) à l’échelle des EPCI “expliquent” 93% des taux de chômage du recensement millésime 2017 (qui couvre la période 2015-2019). Quand je dis “explique”, il s’agit en fait d’une corrélation, d’où les guillemets : ce qui est calculé, c’est le coefficient de corrélation entre les taux de chômage d’une année et ceux de l’autre année, un coefficient de 0,93 signifie que 93% des différences géographiques observées en 2017 peuvent être expliquées par les différences observées en 2012.

En complément du document, j’ai analysé depuis les taux de chômage (au sens de l’organisation internationale du travail cette fois, pas au sens du recensement) à l’échelle des départements : les taux 2010 “expliquent” 88% des taux 2019. Ceux de 2003 en “expliquent” encore 75%. Plus on s’éloigne dans le temps, moins le lien est important, heureusement, mais les taux de 1982 “expliquent” encore, malgré tout, 31% des taux de 2019.

Les deux graphiques ci-dessus représentent les nuages de points départementaux, chaque numéro correspond au numéro du département, les numéros en rouge correspondant aux départements de Nouvelle-Aquitaine. On voit la force du lien entre les taux de 2010 et ceux de 2019, et le lien beaucoup plus faible entre les taux 2019 et ceux de 1982 (pour information, il n’y a pas eu de changement radical dans la géographie des taux de chômage entre 2019 et 2020, la corrélation dépasse les 95%).

Une forte inertie, donc, mais quelques mobilités au sein de la distribution des taux de chômage. S’il n’y avait pas de mobilité, les coefficients seraient de 100%. On peut donc identifier les territoires qui ont connu les plus fortes évolutions dans leur situation relative, soit à la hausse (dégradation relative du taux de chômage), soit à la baisse (amélioration relative du taux de chômage). Sur cette base, dans le document, on identifie les territoires de Nouvelle-Aquitaine  qui non seulement ont des taux de chômage élevés, mais qui en plus connaissent une dégradation relative de leur situation, ce qui pourrait justifier une attention plus importante.

L’autre élément sur lequel on insiste ensuite est la très faible relation entre croissance de l’emploi et dynamique du chômage : ce n’est pas parce qu’on créé beaucoup d’emplois sur un territoire que le nombre de chômeurs ou le taux de chômage baissent, et ce n’est pas parce qu’on en créé peu, voire que l’emploi diminue, que le taux de chômage augmente. On observe en fait toutes les situations : croissance de l’emploi et du chômage, croissance de l’emploi et baisse du chômage, baisse de l’emploi et hausse du chômage, baisse de l’emploi et du chômage. Ceci peut résulter d’un large ensemble de déterminants : des zones attirent de la population, créé de l’emploi, mais pas suffisamment pour pourvoir les besoins, d’où la hausse du chômage ; d’autres zones, parfois les mêmes, proposent des emplois saisonniers ou intérimaires, ce qui peut résulter en une hausse du taux de chômage annuel moyen ; dans d’autres cas, les emplois créés ne peuvent être pourvus par les personnes au chômage, parce que ces personnes ne disposent pas des compétences recherchées, ou qu’elles sont confrontées à d’autres problèmes (logement, transport, santé, garde d’enfants, …) ; des territoires à croissance négative de l’emploi voient le chômage diminuer parce que les personnes qui sont à la recherche d’un emploi quittent le territoire ; etc.

En collectant des éléments plus précis sur la situation des territoires, on doit pouvoir mieux agir. Par exemple, lorsqu’on se trouve dans un territoire à fort chômage et faible création d’emploi, on peut se dire que des actions en termes de développement économique sont souhaitables. Quand on se trouve dans des territoires à forte dynamique d’emploi, ce n’est sans doute pas la priorité, des actions en termes de formation, d’orientation, voire de santé, de mobilité, de logement, …, sont préférables, en fonction des problèmes plus précis identifiés. C’est à ce travail d’identification plus précise des problèmes à traiter auquel nous allons nous atteler dans les prochains mois, en nous appuyant notamment sur la connaissance terrain des collègues de l’institution régionale et des acteurs des territoires concernés.

Impact territorial de la crise : la situation à fin décembre 2020

Après une première analyse de la situation par région et zone d’emploi à fin juin 2020 et une deuxième analyse à fin septembre 2020, nous avons réalisé une étude de l’impact territorial de la crise à fin décembre 2020, à partir du même jeu de données, l’emploi privé hors agriculture, et en suivant la même méthodologie : analyse de l’évolution de l’emploi par territoire et par secteur et décomposition de cette évolution pour identifier l’ampleur respective des effets de spécialisation et des effets dits “locaux”.

Cette étude a cette fois été réalisée au sein du groupe “prospective et connaissance territoriales”  de Régions de France. Il s’agit d’une première note, qui a vocation à être suivie par d’autres. Vous pouvez en voir la synthèse et la télécharger ici. Ci-dessous une des cartes du document.

Elle est également disponible sur le portail des territoires, à la rubrique études et prospective, du site de la Région Nouvelle-Aquitaine. Quatre documents relatifs à l’impact économique de la crise sont désormais téléchargeables  :

Nous allons continuer à produire des analyses de cet impact. Prochaine livraison : une analyse à une échelle plus fine, non plus à l’échelle des zones d’emploi mais à celle des EPCI, d’ici fin juin 2021 si tout va bien.

Le saviez-vous ? Les “aires d’attraction des villes” ne sont pas des aires d’attraction des villes…

L’Insee a proposé il y a quelques mois un nouveau zonage du territoire français en “aires d’attraction des villes”, qu’il vient de remobiliser pour distinguer différents types de territoires ruraux (le rural sous l’attraction d’une ville et le rural hors attraction d’une ville en quelque sorte, j’y reviens plus loin). Or, cela pose un problème particulièrement important : les aires d’attraction des villes, en effet, ne sont pas des aires d’attraction des villes.

Je précise le problème : l’Insee s’est appuyé sur un indicateur et des procédures de calcul pour définir un nouveau zonage du territoire, suite à quoi il a décidé de donner un nom à ce zonage. Or, il y a un écart abyssal entre ce qui est mesuré et le nom attribué.

Ceci est tout sauf neutre : une fois le zonage défini, ce que vont retenir la plupart des personnes, c’est le nom retenu, pas l’indicateur sous-jacent, ni la procédure de calcul. Si je vous dis par exemple que la commune où vous résidez est dans l’aire d’attraction de telle ville, vous allez imaginez des choses, cela va contribuer à forger vos représentations des territoires et des relations qu’ils entretiennent entre eux. Tiens, prenez quelques instants avant de poursuivre la lecture de ce billet : qu’est-ce que vous imagineriez de ce qu’il pourrait y avoir comme relations entre votre commune de résidence (où celle d’une de vos connaissances si vous résidez dans une “grande” ville) et la “grande” ville d’à côté, si je vous dis que votre commune de résidence (où celle de votre connaissance)  est dans l’aire d’attraction de cette ville ? Jouez le jeu vraiment… ça y est ? Bien, poursuivons.

En fait, si l’on commence à lire la définition des aires d’attraction des villes, on se rend compte que l’objectif initial de l’Insee est ambitieux et vise en effet à identifier ce que l’on pourrait bien appeler des “aires d’attraction des villes” :

L’aire d’attraction d’une ville est un ensemble de communes (…) qui définit l’étendue de l’influence d’un pôle de population et d’emploi sur les communes environnantes

Sauf que cela n’est pas simple à mesurer, car l’influence peut être multidimensionnelle : si vous avez vraiment joué le jeu, vous vous êtes peut-être dit que si votre commune est dite dans l’aire d’attraction de la ville d’à côté, c’est sans doute parce que beaucoup de personnes de votre commune vont y faire leur courses, ou vont y travailler, ou bien c’est là qu’ils se rendent pour aller au cinéma, ou pour pratiquer telle ou telle activité sportive, ou s’impliquer dans telle ou telle association,ou pour se soigner, ce genre de choses.

En fait non, trop compliqué à mesurer et on n’a pas toutes les données. Donc l’Insee s’est appuyé sur un seul indicateur : les mobilités domicile-travail. Une commune va être considérée comme appartenant à l’aire d’attraction d’une ville si 15% au moins des habitants de cette commune en emploi travaillent dans cette ville. C’est très bien précisé dans la définition de l’Insee, bien sûr, mais je ne pense pas que les journalistes ou les politiques qui vont mobiliser les études parlant d’aire d’attraction de telle ou telle ville vont prendre le temps de revenir à la définition :

L’aire d’attraction d’une ville (…) définit l’étendue de l’influence d’un pôle de population et d’emploi sur les communes environnantes, cette influence étant mesurée par l’intensité des déplacements domicile-travail (souligné par moi)

Premier problème, donc, la méthode retenue par l’Insee ne permet au mieux de ne mesurer qu’une seule chose : l’attraction éventuelle exercée par une ville sur des communes environnantes vis-à-vis de l’emploi. Oubliez donc l’idée que cela mesure l’influence de la ville sur les lieux où les gens vont faire leurs courses, vont au cinéma, pratiquent leurs loisirs, vont se soigner, … , ce n’est pas le cas.

Mais ce n’est pas le seul problème. Ce dont dispose l’Insee, ce sont de données sur les individus en emploi, la commune où il résident et la commune où ils travaillent. Comme expliqué plus haut, dès lors que 15% des individus de telle commune travaillent dans telle ville, on va rattacher la commune à la ville. Mais on ne sait absolument rien de la trajectoire de ces individus, des raisons qui font qu’ils habitent à tel endroit et qu’ils travaillent à tel autre. Pourtant, le terme retenu par l’Insee, celui “d’attraction”, n’est pas neutre : il sous-entend que les individus qui résident dans telle commune ont été attirés par la commune où ils travaillent, pour l’emploi. Or, on n’en sait rien, derrière un fait, “monsieur ou madame X réside à tel endroit et travaille à tel autre”, peut se cacher tout un ensemble d’histoires différentes.

Prenons l’exemple d’un jeune couple en fin d’études universitaires, qui réside sur Bordeaux (ou sur Toulouse, ou sur Poitiers, …, pensez à la ville que vous souhaitez). A la fin de leurs études, ils trouvent du travail dans leur commune de résidence. Quelques années plus tard, ils ont un enfant, leur logement est trop petit, ils veulent en changer pour un logement plus grand. Problème, les prix sont trop élevés sur Bordeaux, ils décident donc de louer ou d’acheter un logement dans une commune à distance de Bordeaux mais continuent d’y travailler. Supposons qu’ils soient assez nombreux dans le même cas dans leur nouvelle commune de résidence (allez, disons au moins 15% des personnes en emploi). Cette commune sera alors dite dans l’aire d’attraction de Bordeaux. Mais si on y réfléchit, et si cette petite histoire résume la tendance dominante, on ne devrait pas parler “d’aire d’attraction de la ville”, mais “d’aire de répulsion de la ville” (“d’aire de répulsion résidentielle de la ville” si on veut être plus précis)  : la ville n’a pas attiré pour l’accès à l’emploi, elle a repoussé pour l’accès au logement, en raison de prix trop élevés. Pourquoi l’Insee n’a pas choisi de baptiser son zonage “aire de répulsion des villes” ? Cela aurait été tout aussi cohérent (donc tout aussi réducteur et tout aussi trompeur).

On peut prendre une autre petite histoire : en fait, le couple dont je viens de parler avait les moyens d’accéder à un logement sur Bordeaux, mais ils avaient envie de s’installer à la campagne, dans une commune dite rurale, pour des raisons qui leur sont propres (et qui peuvent elles-mêmes être très diverses). Ils ont donc décidé d’y louer ou d’y acheter un logement. Idem, supposons que ce type de processus domine : on ne devrait pas parler d’aire d’attraction de la ville, mais “d’aire d’attraction du rural”, plus précisément “d’aire d’attraction résidentielle du rural”.

Le terme “aire d’attraction des villes” englobe en fait tous ces phénomènes, sans que l’on sache l’importance respective de chacun. On peut sans grand risque de se tromper se dire que ces différents processus sont à l’œuvre (la ville attire, la ville repousse, la campagne attire, la campagne repousse, du point de vue de l’emploi, ou du point de vue du travail) et que leur importance relative est sans doute variable dans le temps et dans l’espace. Des études permettant de révéler et de quantifier la diversité des trajectoires à la fois géographiques, résidentielles et professionnelles des individus seraient dans cette perspective particulièrement intéressantes (si certains ont vu passer des choses, je suis preneur). En attendant, aucun des termes que j’ai proposé ne permet d’embrasser cette complexité du monde social, donc autant ne pas l’y réduire.

Quelle alternative ? L’Insee aurait dû retenir un terme plus neutre, pour ne pas biaiser les représentations des acteurs.A minima, il aurait mieux valu parler “d’aires d’influence des villes” que “d’aires d’attraction des villes”, pour signifier que l’influence peut être positive (ce que laisse penser le terme “attraction”) ou négative (“répulsion”). C’est d’ailleurs un peu ce que vient de faire l’Insee pour caractériser la diversité des mondes ruraux : l’institut a croisé la nouvelle définition du rural (qui pour le coup me semble satisfaisante, j’en parle ici) au zonage en aires d’attraction des villes, mais, curieusement, il ne parle pas de “rural sous l’attraction d’une ville”, mais de “rural sous l’influence d’un pôle”. Le terme d’attraction a disparu, remplacé par celui d’influence, et on ne parle pas de “la ville” mais “d’un pôle”, alors pourtant que c’est bien le zonage nommé “aires d’attraction des villes” qui a été utilisé. Ajouter immédiatement et systématiquement “sous l’influence d’un pôle d’emploi” aurait été encore un peu mieux. On aurait alors un zonage en “aires d’influence des pôles d’emploi” plutôt qu’en “aires d’attraction des villes”. Convenez que ce n’est déjà pas pareil quand on entend ces termes.

Ce n’est cependant pas suffisant, car cela reste urbano-centré (c’est forcément “la ville” ou “le pôle” qui influence). Si l’on veut être précis et nommer ce que mesure véritablement l’Insee, le zonage devrait s’appeler quelque chose comme “aires légèrement préférentielles domicile-travail”. Je dis “légèrement préférentielle”, car le seuil de 15% est relativement bas (en creux, en effet, cela signifie que jusqu’à 85% des personnes en emploi ne travaillent pas dans la ville d’à côté). Retenir le terme “domicile-travail” signale qu’on ne s’appuie que sur des données qui résument le lien à l’emploi, à travers des données sur les mobilités domicile-travail, pas sur d’autres liens, qui sont potentiellement nombreux, et qu’on ne sait pas si c’est le lieu d’emploi qui a été décisif, ou le lieu d’habitation. Enfin, je n’emploie pas le terme d’attraction, ni de répulsion, car on ne sait pas ce qui se cache derrière les choix de lieux de résidence et de travail des personnes concernées. S’agissant de la volonté de caractériser la diversité du monde rural, on ne devrait pas parler de “rural hors influence d’un pôle” ou de “rural sous l’influence d’un pôle”, mais de “rural situé au sein d’une aire (légèrement) préférentielle domicile-travail” et de rural situé en dehors de telles aires.

Peut-être peut-on trouver mieux comme termes, mais vous comprenez l’idée. Et j’insiste, ce n’est pas une question anecdotique : les mots ont du sens, ils influent sur les représentations des acteurs, notamment des politiques, qui vont, sur la base de leurs représentations, se forger une vision du monde et définir en conséquence des politiques publiques. Changer les mots, c’est changer les représentations et donc l’action concrète.

L’impact économique de la crise sur les territoires de Nouvelle-Aquitaine

C’est le titre du premier document produit par le service que je pilote, au sein du Pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine. En voici le résumé :

Nous analysons dans ce document l’impact de la crise en nous appuyant sur les données les plus récentes disponibles, relatives à l’évolution de l’emploi privé hors agriculture entre le dernier trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2020.

Les points à retenir sont les suivants :

  • France entière, le choc actuel a conduit à la destruction de 638 019 emplois entre fin décembre 2019 et fin juin 2020, soit un rythme trimestriel moyen de  ‑1,71%,  plus de trois fois supérieur au rythme observé lors de la crise de 2008-2009 (-0,54% par trimestre à l’époque),
  • Plus de la moitié des destructions d’emploi est concentrée dans trois secteurs : l’intérim (32,6% des destructions), la restauration (14,1%) et l’hébergement (7,0%). D’autres secteurs, qui pèsent moins dans l’économie mais qui sont particulièrement impactés, relèvent des activités de la culture et des loisirs,
  • La Nouvelle-Aquitaine fait partie des régions relativement moins touchées (2ème région de France métropolitaine la moins impactée), avec une baisse trimestrielle moyenne de 1,54% (44 673 emplois détruits),
  • Les zones d’emploi de Nouvelle-Aquitaine sont touchées de manière différenciée, la baisse trimestrielle moyenne variant de -0,73% pour la zone de Marmande à -4,96% pour celle de Sarlat-la-Canéda, soit un rapport de près de 7 pour 1,
  • La baisse légèrement moins forte en Nouvelle-Aquitaine que France entière s’explique pour partie (pour 13%) par un positionnement sectoriel plus favorable, mais surtout (pour 87%) par des effets dits « locaux » ou « résiduels » positifs,
  • On retrouve l’importance de ces effets locaux, plus que des effets de spécialisation, dans les différences de trajectoire observées à l’échelle des zones d’emploi.

Vous pouvez télécharger le document complet ici. Nous mettons également à la disposition de tout un chacun un fichier excel qui reprend les résultats par secteur, par région et par zones d’emploi.

Nous travaillons actuellement sur d’autres jeux de données pour mesurer l’impact territorial de la crise. Nous travaillons également sur d’autres thématiques, dont je vous ferai part au fur et à mesure. Un espace dédié sur le site de la Région Nouvelle-Aquitaine est en cours de construction, sur lequel nous mettrons à disposition l’ensemble des documents, ainsi que des outils de datavisualisation. Plein de choses passionnantes à venir, donc, en 2021.

Géographie des hauts salaires : une photographie du monde d’avant

Je ne sais pas à quoi ressemblera le monde d’après Covid, s’il se distinguera beaucoup du monde d’avant, en attendant la note que vient de publier l’Insee sur les hauts salaires en France permet de voir d’où l’on part.

On y apprend que le top 1% des salariés du privé est constitué de 163000 salariés équivalent temps plein, qui touchent au moins chaque mois  8680€ net, qu’il est constitué majoritairement de dirigeants et de cadres, qu’il concentre 8% de la masse salariale du secteur privé, part qui augmente depuis trente ans alors qu’elle avait baissé des années 1960 aux années 1980.

S’agissant de la géographie des salaires, si l’on regarde ce qu’ils pèsent dans deux des 101 départements français, Paris et les Hauts-de-Seine, le constat est édifiant :

Ces deux départements, qui représentent 5,8% de la population de France métropolitaine au 1er janvier 2020, concentrent une part déjà plus importante des salaires du privé, part qui croît pour atteindre des sommets quand on se focalise sur les très hauts salaires.

Ces résultats sont similaires à ceux que nous avions observé avec Michel Grossetti il y a deux ans de cela : nous montrions plus précisément que les différences géographiques de salaires en France étaient relativement faibles, en dehors précisément de ces deux départements, qui concentrent des métiers en lien avec l’activité des sièges sociaux, de la banque et de la finance.

Il convient de garder en tête ces chiffres quand on s’amuse ensuite à comparer les PIB par habitant des régions françaises : les PIB sont en effet régionalisés sur la base des salaires versés, le fait que l’Ile-de-France connaissent un PIB par habitant bien supérieur aux autres régions tient pour partie à cette concentration des très hauts salaires. Difficile dès lors de parler de “surproductivité” de l’Ile-de-France comme le font de trop nombreux commentateurs, c’était l’un des messages de notre article.

On peut s’interroger également sur le calibrage de notre système fiscal, sa progressivité, en se disant que ce serait bien qu’il résorbe un peu mieux qu’aujourd’hui les inégalités de niveau de vie, qui dépendent au moins pour partie de ces inégalités de salaire. On pourrait aussi s’interroger sur la pertinence de cette concentration atypique des pouvoirs économiques, politiques, médiatiques dans la région capitale. Bref, quelques sujets pour le monde d’après.

Impact économique de la crise sanitaire : actualisation (épisode 34)

L’Insee vient de publier une version actualisée au 27 mai de l’impact économique de l’épidémie, à l’échelle du pays. Les choses vont un peu mieux : la perte estimée à -33% au 7 mai est ramenée à -22% au 27 mai. Ci-dessous le détail par secteur.

Comme les fois précédentes, j’ai territorialisé l’analyse, en appliquant les taux de perte sectoriels aux poids des secteurs observé à l’échelle des départements, puis des EPCI.

La situation relative des territoires bouge peu, la corrélation entre les taux de perte aux différentes dates est très forte, on retrouve Paris, les Hauts-de-Seine, la Savoie parmi les départements les plus affectés, la Lozère, la Creuse et la Meuse comme départements les moins affectés. Je vous redonne les chiffres précis par département et par EPCI dans ce fichier.