La revue Espaces et Sociétés nous a proposé début 2021, à Michel Grossetti et à moi, d’écrire un article relatif à notre analyse du récit métropolitain, en nous indiquant que Denise Pumain, grande dame de la géographie française, réagirait à notre texte.
Nous avons immédiatement accepté cette proposition, qui s’est traduite finalement par des allers-retours que la revue vient de publier (accès abonnés ici) sous forme d’un long article titré « les métropoles sont-elles les villes les plus performantes ? ». La première partie est composé de notre article, « métropoles : les dangers de la substantialisation d’une catégorie d’analyse », de la réaction de Denise Pumain à notre article, de notre réponse à sa réponse, puis, finalement, de sa réponse à notre réponse.
Ce fut un exercice particulièrement intéressant, qui nous a permis de clarifier différents points de notre argumentation, de constater des points de convergence entre notre analyse et la sienne (dès lors notamment qu’on s’entendait sur la définition de certains termes, les questions de définition ne sont pas les dernières dans les désaccords apparents entre chercheurs), mais aussi des points de divergence, qui demeurent.
Il me semble que le point principal de divergence concerne nos analyses respectives du processus d’innovation : Denise Pumain développe une analyse que je qualifierais d’épidémiologique, selon laquelle les métropoles seraient les lieux premiers d’apparition des innovations, qui se diffuseraient ensuite progressivement au reste du système urbain. Nous contestons ce point, sur la base, notamment mais pas seulement, de nos travaux de terrain, en considérant que les innovations naissent dans de très nombreux points de l’espace, elles ne sont pas limitées aux plus grandes villes, loin de là.
Ce n’est pas un hasard si c’est autour de cette question de la géographie de l’innovation que le débat demeure : il y a un large consensus autour de l’importance de l’innovation, mais c’est l’objet pour lequel, paradoxalement, on dispose du moins de données pertinentes. Les chercheurs approchent le phénomène pour l’essentiel en étudiant les dépenses de recherche, les brevets ou les publications, mais c’est un une façon très incomplète et très insatisfaisante de l’analyser. Difficile, donc, d’obtenir des résultats robustes sur les processus d’émergence et de diffusion des innovations, en dépit de leur importance.