Un « exode métropolitain » ? Une comparaison des inscriptions scolaires et des réexpéditions définitives du courrier

[version pdf de cet article disponible ici]

Assiste-t-on à un déménagement massif de personnes des plus grandes villes vers les villes moyennes et/ou les territoires ruraux ? Pour répondre à cette question, nous avons exploité, dans un travail précédent, les données sur les inscriptions scolaires avant crise et depuis la crise qui montrait que, sans pouvoir parler d’exode urbain, il se passait quelque chose, avec en apparence des mobilités de couples avec de jeunes enfants des plus grandes villes vers les villes moyennes et les territoires ruraux (voir cet article du Monde (€), cette map story et ce document de travail pour des précisions).

Parallèlement, des chercheurs ont travaillé sur le sujet, dans le cadre d’une étude pilotée par le Réseau Rural Français et le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), étude intitulée « Exode urbain : impacts de la pandémie de COVID-19 sur les mobilités résidentielles ». Les premiers résultats viennent d’être publiés sous la forme d’une note joliment titrée « Exode urbain ? Petits flux, grands effets ».

Parmi ces travaux, le plus proche du nôtre du point de vue méthodologique, réalisé par Marie Breuillé, Camille Grivault, Julie Le Gallo et Olivier Lision, a consisté à exploiter des données sur les réexpéditions définitives du courrier, qui permettent de calculer des soldes migratoires par territoire. Cette source peut sembler encore plus satisfaisante que celle sur les inscriptions scolaires, car elle concerne également des personnes sans enfant scolarisé.

L’une des questions que l’on se pose immédiatement est la suivante : les résultats de l’analyse des données sur les inscriptions scolaires et ceux sur les réexpéditions définitives de courrier sont-ils convergents ?

Pour y répondre, nous avons procédé à de nouveaux calculs sur les inscriptions scolaires, afin de nous caler sur des choix faits par les collègues chercheurs : i) nous avons calculé les taux de croissance des inscriptions aux mêmes dates qu’eux (2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021)[1], ii) nous avons repris leur typologie de territoires, basé sur le découpage en aires d’attraction des villes, qui permet de distinguer 16 ensembles de communes.

Pour analyser l’effet de la crise Covid sur les comportements de mobilité, nous avons alors comparé l’évolution des taux de croissance des inscriptions scolaires d’une part, et des soldes migratoires des réexpéditions définitives du courrier, d’autre part, entre la période 2018-2019 et la période 2020-2021.

Prenons l’exemple d’une des catégories de territoires, l’ensemble des communes hors de l’aire d’attraction des villes, pour bien comprendre la démarche. Le taux de croissance des inscriptions scolaires de cette catégorie de communes était de ­‑2,29% entre la rentrée 2018 et la rentrée 2019, et de ‑1,37% entre la rentrée 2020 et la rentrée 2021[2]. L’évolution du taux de croissance est donc de ‑1,37% ‑ (‑2,29%) = +0,92%. Du côté des réexpéditions définitives du courrier, le solde migratoire pour cette catégorie de communes était de +7,4 pour mille ménages entre mars 2018 et mars 2019, il est passé à +9,7 pour mille entre mars 2020 et mars 2021, soit une variation de +9,7 – (+7,4) = +2,30 pour mille.

comparaison de l’évolution des dynamiques d’inscriptions scolaires dans le 1er degré et des dynamiques de réexpédition définitive du courrier avant et après crise

Le tableau ci-dessus synthétise les résultats pour les 16 catégories de communes (les dynamiques pour chaque sous-période et pour chacun des deux indicateurs sont reprises en annexe). Les deux premières colonnes reprennent les variations des taux de croissance des inscriptions scolaires d’une part et les variations des soldes migratoires des réexpéditions définitives du courrier, d’autre part. Les deux colonnes suivantes correspondent aux rangs de classement des différentes catégories de territoires : les communes hors aires d’attraction des villes sont celles qui ont connu l’évolution la plus favorable sur les deux indicateurs (rang 1 à chaque fois), la commune-centre de l’aire de Paris est celle qui a connu l’évolution la plus défavorable sur les deux mêmes indicateurs (rang 16 à chaque fois).

Qu’il s’agisse des inscriptions scolaires ou des réexpéditions définitives du courrier, les territoires de petite taille semblent en moyenne le mieux tirer leur épingle du jeu, qu’il s’agisse des communes hors des aires d’attraction des villes ou des communes des aires de moins de 50 000 habitants (commune-centre, communes de la couronne et autres communes du pôle principal de ces aires).  Viennent ensuite les communes de la couronne de Paris et les communes de la couronne des aires de 200 à moins de 700 000 habitants. A l’autre extrême, les communes centres et les autres communes du pôle principal des plus grandes aires d’attraction des villes (aires de plus de 700 000 habitants et aire de Paris) sont celles qui subissent les évolutions les moins favorables.

Dans tous les cas on constate que les rangs sont très proches entre les deux classements, qu’il s’agisse du classement sur les inscriptions scolaires ou de celui sur les réexpéditions de courrier. L’écart de rang ne dépasse que dans un cas la valeur de 3. Cette bonne corrélation est confirmée par le nuage de points ci-dessous et par le coefficient de corrélation de rang entre les deux séries de chiffres (r=0,87).

On observe cependant une exception, pour les communes de la couronne de l’aire de Paris : la variation de la dynamique de réexpédition semble très favorable (plus forte dynamique sur 2020-2021) alors que la variation de la dynamique des inscriptions est moins bonne (7ème rang).

Comment expliquer cet écart ? L’hypothèse que l’on peut formuler est que les mobilités observées dans la région capitale, profit des communes de la couronne francilienne, concerneraient pour une part non négligeable des personnes sans enfant scolarisés dans le premier degré.

Au final, les enseignements que nous avions tirés de l’analyse des inscriptions scolaires sont confirmés par les chiffres sur les réexpéditions définitives du courrier : la crise Covid semble se traduire par des mobilités de certaines des plus grandes villes vers certains territoires de taille moyenne et/ou ruraux.

Pour avoir une vue plus précise des évolutions à l’œuvre, il conviendrait d’analyser les deux séries de données non pas à l’échelle de ces grandes catégories de territoires, mais à l’échelle des communes. Il conviendrait également de croiser ces résultats avec d’autres, notamment sur les prix de l’immobilier : d’autres travaux de l’étude pilotée par le Réseau Rural Français et le PUCA, plus qualitatifs, montrent en effet que certains territoires voient les prix de l’immobilier augmenter sans que l’on assiste à des déménagements, l’achat des biens correspondant plutôt à des logiques d’investissement. Il serait donc utile de repérer les territoires où se conjuguent hausse des prix de l’immobilier et déménagements (donc hausse des inscriptions scolaires et des réexpéditions de courrier) et ceux pour lesquels on assiste seulement à une hausse des prix de l’immobilier.

[1] Il reste une légère différence cependant : les collègues ont travaillé sur des données de réexpédition de mars à mars, nous avons travaillé sur des données sur les inscriptions à la rentrée scolaire, soit de septembre à septembre.

[2] Rappelons que les inscriptions scolaires s’inscrivent dans un contexte de baisse générale depuis 2016, en raison, pour l’essentiel, de la dynamique démographique du pays.

Annexe

données sur les inscriptions scolaires dans le premier degré et sur les réexpéditions définitives de courrier

[version pdf de cet article disponible ici]

Géographie du monde d’après : assiste-t-on à un “exode urbain” ?

Difficile de répondre à cette question, car on ne dispose pas de données récentes sur les mobilités résidentielles. Pour contourner le problème, j’ai eu l’idée de travailler sur les inscriptions scolaires dans le premier et dans le second degré, avant la crise sanitaire (entre la rentrée 2016 et la rentrée 2019) et depuis le début de la crise (entre la rentrée 2019 et la rentrée 2020 puis entre la rentrée 2020 et la rentrée 2021).

J’en ai tiré une tribune que le Monde vient de publier. Résultat principal ? Si on ne peut évidemment pas parler d’exode urbain, il se passe quelque chose, malgré tout, notamment pour les inscriptions dans le premier degré (donc plutôt pour des couples jeunes) : alors que la dynamique des inscriptions des 22 métropoles était significativement supérieure à la moyenne avant la crise, elle est devenue significativement inférieure entre la rentrée 2020 et la rentrée 2021. Réciproquement, la dynamique observée dans les communautés de communes, significativement inférieure à la moyenne avant la crise, est maintenant dans la moyenne, et donc plus favorable que celle des métropoles (ceci dans un contexte de baisse globale des inscriptions).

Taux de croissance annuel moyen des inscriptions scolaires dans le premier degré (données Ministère, traitements Région Nouvelle-Aquitaine) – source.

Comme précisé dans la tribune, cette tendance moyenne masque des disparités : parmi les 22 métropoles, 12 connaissent une baisse plus faible que la moyenne et 10 une baisse plus forte, à commencer par Paris, qui est sans trop de surprise la métropole la plus affectée, mais aussi Grenoble, Clermont, Nancy et et Lyon.

En complément, j’ai regardé s’il y avait un lien entre évolution des inscriptions et proximité aux métropoles, la réponse est non, aucun lien statistique significatif, des territoires proches des métropoles et d’autres plus lointain ont des dynamiques plus favorables et d’autres moins favorables. La carte ci-dessous (version dynamique ici) permet de confirmer, vous pouvez y voir les intercommunalités dont les effectifs sont en croissance entre la rentrée 2020 et la rentrée 2021 (elles sont au nombre de 269, sur un total de 1231 intercommunalités).

Intercommunalités dont les effectifs ont augmenté entre la rentrée 2020 et la rentrée 2021 – version dynamique ici

Pour des développements sur ce que l’on a fait, vous pouvez regarder, en plus de la tribune, ce document de travail. Pour information également, je présenterai ces résultats dans le cadre d’un webinaire organisé par l’Observatoire des Impacts Territoriaux de la Crise, qui aura lieu jeudi 13 janvier de 10h30 à 12h30, inscriptions ici.

L’accessibilité aux services et aux équipements

C’est le titre de la Nouvelle étude que nous publions aujourd’hui, qui propose de répondre aux questions suivantes : quels sont les différents niveaux d’équipements et de services et où sont-ils situés géographiquement ? Quel est le temps d’accès moyen à chacun de ces niveaux ? Quelle est la situation des différentes régions et celle plus précise de la Nouvelle-Aquitaine en termes de niveaux de services et d’équipements et de temps d’accès ? Quels sont les territoires pour lesquels l’accessibilité est la plus faible ?

Nous mettons à votre disposition différents documents :

  • la brochure au format électronique, consultable et téléchargeable en pdf sur calaméo,
  • le document de travail associé, qui présente de façon plus classique et plus détaillée l’étude, également en pdf,
  • le jeu de données associé, qui vous permet de disposer de l’ensemble des temps moyens d’accès, pour toutes les communes et toutes les intercommunalités de France métropolitaine.

Dans le cadre de notre partenariat avec l’Espace Mendès France (EMF), nous présenterons cette étude mardi 14 décembre, de 18h à 20h, en présentiel (à l’Espace Mendès France de Poitiers) et en distanciel, en direct ou en différé, sur la chaîne YouTube de l’EMF. Sera également présentée une étude co-produite par l’INSEE et la DRAC de Nouvelle-Aquitaine sur le sujet plus précis de l’accessibilité aux équipements culturels. Tous les détails sont ici.

Pour ceux qui n’ont pas le temps de parcourir tous ces documents, voici les principaux points de l’étude :

  • Nous exploitons une base de données produite par l’INRAE et l’ANCT qui permet de distinguer 5 types de communes, de la moins équipée à la plus équipée, qualifiées respectivement de communes non centre (niveau 0), centres locaux (niveau 1), centres intermédiaires (niveau 2), centres structurants (niveau 3) et centres majeurs (niveau 4),
  • Pour chaque commune on sait où elle se situe dans la gamme de services et d’équipements, mais aussi le temps par la route en heure creuse qu’il faut pour se rendre dans la commune la plus proche de niveau(x) supérieur(s) si la commune elle-même n’est pas équipée, ce qui permet de calculer à toutes les échelles supra-communales des temps moyens d’accès,
  • L’accessibilité aux services et équipements est globalement moins bonne en Nouvelle-Aquitaine qu’en France métropolitaine : la part de la population équipée à l’échelle d’une commune est 5 points inférieure à la moyenne pour les niveaux 1 et 4 et 10 points inférieure pour les niveaux 2 et 3. Les temps d’accès aux communes équipées sont toujours supérieurs, mais dans des proportions faibles, de l’ordre de quelques minutes,
  • Cette moins bonne accessibilité s’explique par le caractère plus rural de la région : quand on intègre cet élément dans l’analyse, les différences de temps d’accès entre la Nouvelle-Aquitaine et les autres régions de province disparaissent,
  • A l’échelle des EPCI de Nouvelle-Aquitaine, on observe une hétérogénéité relativement forte des temps d’accès aux différents niveaux de la gamme : les EPCI les plus éloignés ont des temps d’accès entre 3 et 4 fois plus importants que les EPCI les mieux placées,
  • Les EPCI plus éloignés que d’autres pour accéder à un niveau de la gamme ne sont pas les mêmes selon les niveaux. Ceci plaide pour des actions territoriales différenciées en fonction du niveau de la gamme de services et d’équipements,
  • Le caractère rural et la taille des EPCI (mesurée par leur population) expliquent, selon leur niveau d’équipement, entre 24% et 43% des différences observées entre elles. Agir de manière différenciée sur les territoires ruraux s’avère donc important, mais cela n’épuise pas le sujet de l’accessibilité : à degré de ruralité et à taille identiques, certains territoires ont une accessibilité plus faible.

Impact économique de la crise – épisode 4 : brochure, données, podcast

La dernière brochure réalisée par le service que je pilote vient d’être mise en ligne sur le portail des territoires de la Nouvelle-Aquitaine. C’est la quatrième consacrée à la crise. Elle a été réalisée par deux chargés d’études de mon équipe, Etienne Fouqueray et Delphine Libaros. Vous pouvez y accéder en cliquant sur ce lien.

Point important : nous allons désormais mettre à disposition les données associées à chaque brochure. Dans nos brochures, nous faisons un focus systématique sur la Région Nouvelle-Aquitaine, mais nous exploitons dans la très grande majorité des cas des données pour l’ensemble du pays. En les mettant à disposition, des personnes d’autres régions intéressées par nos travaux peuvent utiliser les données que nous avons traitées. Nous mettons également à disposition des données complémentaires traitées mais non nécessairement présentées en détail dans la note. Pour télécharger les données, cliquez sur ce lien.

Comme indiqué dans mon dernier billet, nous avons présenté certains résultats de cette brochure et d’autres de brochures précédentes consacrées également à la crise lors d’une table ronde organisée à l’Espace Mendès-France, en croisant nos résultats avec ceux de France Stratégie. Vous pouvez revoir cette table ronde en cliquant ici.

N’hésitez pas à nous faire part de toute remarque que vous jugeriez utile à l’adresse générique ditp(at)nouvelle-aquitaine.fr.

L’impact économique de la crise Covid sur les territoires : une table ronde France Stratégie – Région Nouvelle-Aquitaine

Nous organisons une table ronde, jeudi 7 octobre 2021, de 18h30 à 20H30, à l’Espace Mendès-France de Poitiers, sur l’impact économique de la crise Covid sur les territoires de France, avec un focus particulier sur ceux de Nouvelle-Aquitaine. Cette table ronde est le premier produit de partenariats que le service “études et prospective” du pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine souhaite développer avec France Stratégie d’une part, et l’Espace Mendès-France d’autre part.

Cette table ronde, organisée en présentiel, en distanciel puis podcastable, sera découpée en deux parties : dans un premier temps, nous (France Stratégie et le service “études et prospective” de la Région) présenterons les résultats de nos études respectives. Dans un deuxième temps, des acteurs de deux territoires particulièrement impactés (Oloron-Sainte-Marie et Rochefort) et d’un territoire très largement épargné (la communauté de communes du Bazadais) témoigneront. Des temps d’échange entre les intervenants et avec les participants sont bien sûr prévus.

Vous trouverez sur cette page toutes les informations utiles : noms des intervenants, lien vers les études, lien pour assister à la table ronde à distance ou la visionner ultérieurement si vous n’êtes pas disponible jeudi. Ceux qui le souhaitent peuvent y assister en présentiel, nous mettrons à disposition pour l’occasion la dernière étude réalisée sur le sujet, dont vous avez le visuel de couverture en haut de ce billet (je partagerai le lien vers la version numérique dès qu’il sera disponible).

Géographie de l’industrie : que pèsent les territoires ruraux ?

L’Insee a proposé il y a quelques mois une nouvelle définition du rural : sont considérées comme rurales les communes peu denses ou très peu denses. J’ai proposé une analyse de cette nouvelle définition dans un texte publié sur le portail des territoires de la Région Nouvelle-Aquitaine, ainsi que dans un texte un peu modifié publié par Géoconfluences.

Dans le prolongement de ce premier travail, nous avons analysé au sein du Service “études et prospective” du pôle Datar de la Région la géographie de l’activité économique avec un focus sur l’industrie et la Nouvelle-Aquitaine, ce qui a donné lieu à la production d’une nouvelle note que vous pouvez visualiser ici.

En voici les principaux résultats :

  • La part du rural dans la population de France métropolitaine est de 33%, de 22% dans l’ensemble des actifs occupés, de 17% dans le sous-ensemble des salariés du secteur privé hors agriculture, et de 23% du nombre d’établissements dans ce même sous-ensemble,
  • Les variations sectorielles sont importantes : 80% de l’emploi agricole se situe en milieu rural, 31% de l’emploi industriel et 30% de la construction. Au sein même de l’industrie, le poids du rural va de 9% pour le secteur « fabrication d’autres matériels de transport » à 67% pour le secteur « autres industries extractives » en nombre de salarié, et de 15% pour le secteur de l’habillement à 70% toujours pour les « autres industries extractives » en nombre d’établissements,
  • La Région Nouvelle-Aquitaine est une des régions les plus rurales de France : 51% de la population y réside, 28% des actifs occupés, 43% des salariés et 50% des établissements de l’industrie. 29 des 33 secteurs industriels présents en Nouvelle-Aquitaine sont plus présents dans le rural en région qu’en France,
  • Sur la base des effectifs industriels, nous avons construit une typologie qui croise un indice de spécialisation relative, pour identifier les secteurs plus présents en région que France entière, et un indice de ruralité relative, pour identifier les secteurs plus présents en milieu rural en région que dans l’ensemble national,
  • Il s’avère que ces deux indicateurs sont très peu liés : certains secteurs spécifiques à la région sont sous-représentés en milieu rural (autres matériels de transport, fabrication d’équipements électriques), d’autres sont surreprésentés en milieu rural (industrie des boissons, industrie du papier et du carton, travail du bois…). Parmi les secteurs non spécifiques à la région (moins présents qu’ailleurs), certains sont sous-représentés en milieu rural (industrie pharmaceutique ; informatique, électronique et optique), d’autres y sont surreprésentés (métallurgie, automobile, industrie textile…).

Je vous laisse découvrir le détail dans la note, ainsi que les cartes et les tableaux associés. On envisage plusieurs prolongements dans les mois qui viennent, notamment une analyse de la dynamique comparée des secteurs d’activité selon le type de territoires.

Géographie des taux de chômage : une forte inertie, quelques mobilités

Nous travaillons au sein du Service Etudes et Prospective du Pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine sur la géographie des taux de chômage, à différentes échelles géographiques (départements, zones d’emploi, EPCI), ainsi que sur le lien entre la dynamique de l’emploi et la dynamique du chômage. L’objectif est d’identifier des territoires qui sont dans une situation relative plus problématique, de documenter progressivement les déterminants de leur situation, pour agir ensuite plus efficacement et réduire les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Ce travail a donné lieu à la production d’une première note disponible sur le portail des territoires de la Région, à laquelle vous pouvez accéder en cliquant ici. On mobilise le taux de chômage au sens du recensement, dont la définition est plus large que la définition traditionnelle, elle inclut pour partie ce que l’on appelle le halo du chômage (sont notamment comptabilisées les personnes qui se déclarent spontanément à la recherche d’un emploi).

Si le taux de chômage évolue avec le temps, à la hausse où à la baisse, l’analyse de la géographie des taux de chômage révèle une forte inertie : la situation relative des territoires bouge peu, ceux à plus fort taux de chômage que la moyenne restent globalement à plus fort taux de chômage, ceux à plus faible taux restent à plus faible taux. On a du mal à faire converger les taux à la baisse. Dans la note, on montre par exemple que les taux de chômage observés au recensement millésime 2012 (qui couvre la période 2010-2014) à l’échelle des EPCI “expliquent” 93% des taux de chômage du recensement millésime 2017 (qui couvre la période 2015-2019). Quand je dis “explique”, il s’agit en fait d’une corrélation, d’où les guillemets : ce qui est calculé, c’est le coefficient de corrélation entre les taux de chômage d’une année et ceux de l’autre année, un coefficient de 0,93 signifie que 93% des différences géographiques observées en 2017 peuvent être expliquées par les différences observées en 2012.

En complément du document, j’ai analysé depuis les taux de chômage (au sens de l’organisation internationale du travail cette fois, pas au sens du recensement) à l’échelle des départements : les taux 2010 “expliquent” 88% des taux 2019. Ceux de 2003 en “expliquent” encore 75%. Plus on s’éloigne dans le temps, moins le lien est important, heureusement, mais les taux de 1982 “expliquent” encore, malgré tout, 31% des taux de 2019.

Les deux graphiques ci-dessus représentent les nuages de points départementaux, chaque numéro correspond au numéro du département, les numéros en rouge correspondant aux départements de Nouvelle-Aquitaine. On voit la force du lien entre les taux de 2010 et ceux de 2019, et le lien beaucoup plus faible entre les taux 2019 et ceux de 1982 (pour information, il n’y a pas eu de changement radical dans la géographie des taux de chômage entre 2019 et 2020, la corrélation dépasse les 95%).

Une forte inertie, donc, mais quelques mobilités au sein de la distribution des taux de chômage. S’il n’y avait pas de mobilité, les coefficients seraient de 100%. On peut donc identifier les territoires qui ont connu les plus fortes évolutions dans leur situation relative, soit à la hausse (dégradation relative du taux de chômage), soit à la baisse (amélioration relative du taux de chômage). Sur cette base, dans le document, on identifie les territoires de Nouvelle-Aquitaine  qui non seulement ont des taux de chômage élevés, mais qui en plus connaissent une dégradation relative de leur situation, ce qui pourrait justifier une attention plus importante.

L’autre élément sur lequel on insiste ensuite est la très faible relation entre croissance de l’emploi et dynamique du chômage : ce n’est pas parce qu’on créé beaucoup d’emplois sur un territoire que le nombre de chômeurs ou le taux de chômage baissent, et ce n’est pas parce qu’on en créé peu, voire que l’emploi diminue, que le taux de chômage augmente. On observe en fait toutes les situations : croissance de l’emploi et du chômage, croissance de l’emploi et baisse du chômage, baisse de l’emploi et hausse du chômage, baisse de l’emploi et du chômage. Ceci peut résulter d’un large ensemble de déterminants : des zones attirent de la population, créé de l’emploi, mais pas suffisamment pour pourvoir les besoins, d’où la hausse du chômage ; d’autres zones, parfois les mêmes, proposent des emplois saisonniers ou intérimaires, ce qui peut résulter en une hausse du taux de chômage annuel moyen ; dans d’autres cas, les emplois créés ne peuvent être pourvus par les personnes au chômage, parce que ces personnes ne disposent pas des compétences recherchées, ou qu’elles sont confrontées à d’autres problèmes (logement, transport, santé, garde d’enfants, …) ; des territoires à croissance négative de l’emploi voient le chômage diminuer parce que les personnes qui sont à la recherche d’un emploi quittent le territoire ; etc.

En collectant des éléments plus précis sur la situation des territoires, on doit pouvoir mieux agir. Par exemple, lorsqu’on se trouve dans un territoire à fort chômage et faible création d’emploi, on peut se dire que des actions en termes de développement économique sont souhaitables. Quand on se trouve dans des territoires à forte dynamique d’emploi, ce n’est sans doute pas la priorité, des actions en termes de formation, d’orientation, voire de santé, de mobilité, de logement, …, sont préférables, en fonction des problèmes plus précis identifiés. C’est à ce travail d’identification plus précise des problèmes à traiter auquel nous allons nous atteler dans les prochains mois, en nous appuyant notamment sur la connaissance terrain des collègues de l’institution régionale et des acteurs des territoires concernés.

Impact territorial de la crise : la situation à fin décembre 2020

Après une première analyse de la situation par région et zone d’emploi à fin juin 2020 et une deuxième analyse à fin septembre 2020, nous avons réalisé une étude de l’impact territorial de la crise à fin décembre 2020, à partir du même jeu de données, l’emploi privé hors agriculture, et en suivant la même méthodologie : analyse de l’évolution de l’emploi par territoire et par secteur et décomposition de cette évolution pour identifier l’ampleur respective des effets de spécialisation et des effets dits “locaux”.

Cette étude a cette fois été réalisée au sein du groupe “prospective et connaissance territoriales”  de Régions de France. Il s’agit d’une première note, qui a vocation à être suivie par d’autres. Vous pouvez en voir la synthèse et la télécharger ici. Ci-dessous une des cartes du document.

Elle est également disponible sur le portail des territoires, à la rubrique études et prospective, du site de la Région Nouvelle-Aquitaine. Quatre documents relatifs à l’impact économique de la crise sont désormais téléchargeables  :

Nous allons continuer à produire des analyses de cet impact. Prochaine livraison : une analyse à une échelle plus fine, non plus à l’échelle des zones d’emploi mais à celle des EPCI, d’ici fin juin 2021 si tout va bien.

L’impact territorial de la crise : une actualisation

Nous avions produit une première analyse de l’impact territorial de la crise à fin juin 2020, à l’échelle des zones d’emploi,  en exploitant les données de l’Urssaf sur l’emploi privé hors agriculture. Ces données à fin juin étaient disponibles fin septembre. Nous avons actualisé le travail pour évaluer l’impact à fin septembre 2020, à partir des données disponibles fin décembre 2020 sur le site open data de l’Urssaf. Attention dans l’interprétation des résultats  nous travaillons sur le sous-ensemble de l’emploi privé hors agriculture, et le choc sur l’emploi a été fortement atténué par les mesures prises par la puissance publique au sens large, à toutes les échelles territoriales.

Ceci nous a pris un peu de temps, car au-delà de la production de l’analyse, nous souhaitons mettre à disposition des documents de qualité, compréhensible par un public le plus large possible. Un gros travail de définition d’une charte graphique, puis de “traduction” des résultats, d’infographie, …, a donc été réalisé. Le délai pour réaliser la première note a donc été assez long, il fallait que l’on teste différentes choses. Désormais, nous allons être en mesure de produire des documents de ce type rapidement après la production “brute” des notes (merci à Patricia et aux collègues impliqués pour ce qu’ils ont fait, travail remarquable je trouve!).

Trois documents sont désormais disponibles sur le portail des territoires, à la rubrique études et prospective :

S’agissant du fond, sur la dernière note relative à l’impact de la crise à fin septembre, l’idée était de s’interroger sur l’impact de la reprise de l’été. en voici le résumé :

Le troisième trimestre 2020 s’est traduit par une forte reprise, de +1,77% France entière, soit 323 109 emplois privés hors agriculture supplémentaires. Cette reprise ne com-pense pas les pertes des deux premiers trimestres, de plus de 620 000 emplois. Le solde reste donc négatif sur l’ensemble de la période (297 307 emplois en moins), soit un taux de croissance trimestriel moyen de -0,53%, équivalent au taux observé lors de la crise de 2008-2009,

Toutes les régions sans exception ont bénéficié de la reprise, à commencer par les deux les plus touchées au premier semestre, la Corse et PACA. En dehors de ces deux cas, on n’observe cependant pas de relation très forte pour l’ensemble des régions entre la dynamique des deux premiers trimestres et celle du troisième trimestre. La Nouvelle-Aquitaine se situe en 8ème position au T3, alors qu’elle était au troisième rang des régions les moins touchées au premier semestre. Ces évolutions en T3 n’ont pas modifié le classement global des régions lorsqu’on compare le classement des deux premiers trimestres et celui des trois premiers trimestres, la Nouvelle-Aquitaine restant la 3ème région la moins touchée,

A l’échelle des secteurs, on retrouve la même idée : les secteurs ayant le plus souffert au premier semestre ont connu des dynamiques très fortes, notamment l’intérim, l’hébergement-restauration et les « Arts, spectacles et activités récréatives ». En dehors de ces secteurs, on n’observe cependant pas de relation générale très forte entre les évolutions du premier semestre et celle du troisième trimestre. Comme pour les régions, la reprise n’a pas modifié le classement des secteurs sur l’ensemble de la période,

A l’échelle des zones d’emploi, on observe une relation négative plus forte, pour un plus large ensemble de territoires, entre la période 2019T4-2020T2 et 2020T2-2020T3 : les zones d’emploi ayant le plus souffert ont le plus bénéficié de la reprise, les zones d’emploi ayant le moins souffert en ont le moins bénéficié. Ceci est vrai, avec une intensité plus forte, en Nouvelle Aquitaine,

Parmi les zones d’emploi de notre région, Sarlat-la-Canéda demeure une de celles qui a le plus souffert sur l’ensemble de la période, mais Parthenay présente désormais un score plus faible. Marmande reste la zone la moins touchée. Certains territoires (Bayonne, Pauillac, Bressuire et Périgueux) ont connu des dynamiques très favorables, elles se situent désormais parmi les zones les moins touchées. A l’inverse, Parthenay, Pau et Rochefort sont impactées très fortement et reculent nettement dans le classement des zones.

Les analyses structurelle-résiduelle que nous avons menées, à l’échelle des régions comme à l’échelle des zones d’emploi, montrent que les effets locaux dominent toujours les effets structurels. L’effet local positif de la Nouvelle-Aquitaine s’explique pour une bonne part par une dynamique moins défavorable de l’intérim, du commerce et par une dynamique plus favorable de l’industrie agro-alimentaire.

N’hésitez pas à nous faire part de tout retour, sur la forme et sur le fond, à l’adresse suivante : ditp(at)nouvelle-aquitaine(dot)fr

Qu’est-ce que le “rural” ? Analyse des nouveaux zonages

Au sein du service “Etudes et Prospective” du pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine, nous avons vocation à produire des connaissances utiles à l’action, pour l’institution régionale bien sûr (autres directions et services du Pôle Datar, autres Pôles, Directions et Services de la Région, …), pour les territoires infra-régionaux de Nouvelle-Aquitaine, pour d’autres partenaires extérieurs, et plus généralement pour toute personne qui peut trouver un intérêt à notre travail pour sa propre activité. D’autant plus que, autant que faire se peut, les études que nous produisons mobilisent des données statistiques France entière, qui permettent de situer les territoires néo-aquitains dans l’ensemble national, certes, mais dont les résultats peuvent être mobilisés par d’autres territoires et d’autres régions. Nous mettrons en ligne au fur et à mesure nos études sur le portail des territoires de la Région, au sein d’une rubrique “études et prospective” qui va rapidement s’enrichir. Vous pouvez y accéder en cliquant ici.

Dans cette perspective, nous venons de mettre en ligne une nouvelle note intitulée “Qu’est-ce que le “rural” ? Analyse des nouveaux zonages”, qui diffère de celle déjà parue sur l’impact de la crise à fin juin 2020, et de celles qui vont paraître par la suite (teasing : l’actualisation de l’impact territorial de la crise à fin septembre sur données Urssaf publiées fin décembre est prévue dans la semaine), en ce qu’elle est de nature plus méthodologique : il s’agit d’interroger la nouvelle définition du “rural” et d’en montrer l’intérêt par rapport à la façon dont il était traditionnellement défini. En voici le résumé :

L’objectif de ce document est de proposer des éléments de réflexion autour de la nouvelle définition du rural proposée par l’Insee, qui repose sur la grille communale de densité, et autour de la suggestion de combiner cette définition à celle du nouveau zonage en aires d’attraction des villes, pour distinguer différents types de territoires ruraux. Nous interrogeons également la méthode d’agrégation proposée par l’Insee pour définir des grilles de densité supra-communales. Les principales conclusions auxquelles nous parvenons sont les suivantes :

  • La nouvelle définition des territoires ruraux, qui repose sur la grille communale de densité, est bien meilleure que les définitions précédentes dérivées du zonage en aires urbaines et du zonage en unités urbaines : alors que ces deux dernières définissaient le rural « en creux » (est rural un territoire qui n’est pas urbain), la nouvelle définition est « en plein ». Elle s’appuie sur un critère morphologique, la densité, et considère qu’un territoire est dit rural s’il est peu dense ou très peu dense, et qu’il est dit urbain s’il est de densité intermédiaire ou très dense,
  • La part de la population rurale dans l’ensemble de la population, estimée à moins de 5% si l’on part du zonage en aires urbaines et autour de 20% si l’on part du zonage en unités urbaines, monte à 33% avec cette nouvelle définition, selon les données du recensement millésime 2017. En Nouvelle-Aquitaine, ces chiffres sont respectivement de 10% (zonage aires urbaines), autour de 34% (zonage unités urbaines) et 51% (zonage basé sur la grille communale de densité),
  • Cette définition du rural, dérivée de la définition proposée à l’échelle européenne, ne rend cependant pas compte de la diversité des mondes ruraux. Seules des études complémentaires permettraient d’intégrer cette diversité ainsi que les interdépendances entre les différents espaces. La proposition de la combiner au zonage en aires d’attraction des villes ne semble pas appropriée, pour différentes raisons,
  • La méthode d’agrégation de la grille de densité proposée par l’Insee permet d’identifier l’orientation rurale ou urbaine de territoires supra-communaux (EPCI, territoires de contractualisation, départements, …). Si elle peut présenter un certain intérêt, nous préconisons, plutôt que de s’en remettre à une distinction binaire rural vs. urbain, de prendre acte du fait que la population de la quasi-totalité des territoires supra-communaux est pour partie urbaine et pour partie rurale,
  • Il serait donc préférable dans la définition des politiques et dans l’orientation des fonds à destination du monde urbain ou du monde rural de partir non pas de l’orientation générale du territoire, mais de la composition précise du territoire en habitants dits urbains et en habitants dits ruraux.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une “simple” réflexion académique : de nombreuses politiques visent le monde dit rural ou le monde dit urbain, la question de la définition de ces espaces est donc essentielle, car cela peut tout changer en termes d’allocation des moyens. Vous pouvez télécharger la note au format pdf en cliquant ici. Toute remarque est bienvenue.