Politiques familiales et politiques d’emploi « genrées » au Royaume-Uni

Compte-rendu de la journée d’étude « Politiques familiales et politiques d’emploi « genrées » au Royaume-Uni et en Europe » du 4 novembre 2011, Institut du Monde Anglophone, Université de Paris Sorbonne Nouvelle.

 Compte-rendu de la journée d’étude « Politiques familiales et politiques d’emploi « genrées » au Royaume-Uni et en Europe », tenue le vendredi 4 novembre 2011 à la Sorbonne Nouvelle,http://www.univ-paris3.fr/images/photos/0005/img_1224254183962.jpg 5 rue de l’école de médecine, 75006 Paris, organisée par Anémone KOBER-SMITH du Centre de Recherche
en Civilisation Britannique (CREC/CREW EA 4399), Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3 et Susan FINDING du MIMMOC (EA3812), Université de Poitiers.

La journée d’étude était structurée en trois sessions qui ont marqué une progression méthodologique allant de considérations théoriques et comparatives  à des études de cas spécifiques.  Les trois sessions ont abordé successivement les thématiques du travail et du genre sous un angle comparatiste international, l’évolution des marchés du travail féminin sous le New Labour, et l’articulation(s) entre travail rémunéré et non-rémunéré, vie professionnelle et vie privée.

Les deux interventions de la première session, qui était consacrée au travail et au genre et présidée par Anémone KOBER-SMITH (Université Paris 13), ont permis à Susan HALFORD (University of Southampton) et Pamela ABBOTT (University of Aberdeen) d’apporter à la fois une perspective internationale et une approche sociologique à la journée.

L’intervention du Professeur HALFORD servit à la fois d’introduction théorique, de réflexion sur des grands axes interprétatifs et d’étude de cas.  Sa recherche concerne la façon dont les organisations (entreprises, lieu du travail) peuvent être ‘genrées’. Elle passa en revue l’écart entre la littérature théorique de la sociologie et de la critique féministe d’une part et les questions de politique publique d’autre part, des préoccupations qui semblent souvent éloignés les unes des autres. Elle avança ensuite que les concepts d’espace et de temps – notamment sous la forme d’innovation technologique – peuvent aider à analyser les évolutions dans les rapports de travail « genrés », au-delà des concepts de classe sociale, de genre, d’âge. Enfin, elle montra la pertinence de ses analyses dans le cadre d’une étude de cas qu’elle a mené auprès des sages-femmes des îles Lofoten en Norvège au moment de l’introduction d’un projet de consultation obstétrique par internet. 

Le cas des familles composées de deux parents travaillant à temps plein a été étudié par le Professeur ABBOTT et sa collègue Claire WALLACE. Il s’agissait de confronter la typologie des régimes de travail et des modèles sociaux en Europe (Esping-Andersen, 1990, 1999) aux pratiques parentales en termes de garde d’enfant(s). Cette étude – qui a été menée dans six pays européens représentatifs des différents types d’État-providence,
le Danemark, l’Autriche, la Hongrie, l’Italie, le Portugal et le Royaume-Uni – a mis en lumière la façon dont les parents qui travaillent résolvent la question de la garde d’enfant(s).  Les solutions adoptées incluent, à des degrés différents, les horaires flexibles (télé-travail, travail à domicile, horaires décalés…), le recours à des structures de garde
publiques ou privées et l’emploi des grands-parents pour lesquels la question de la rémunération publique ou privée est débattue. Pamela ABBOTT a avancé qu’en dépit d’avancées significatives, les tâches ménagères et parentales restent très inégalement réparties entre les pères et les mères et a conclu en soulignant qu’il existe de fortes convergences dans les stratégies parentales pour l’ensemble des pays étudiés en dépit de divergences nationales en termes de modèle social ou d’emploi.

La deuxième session, présidée par Susan FINDING (Université de Poitiers), fut consacrée à l’examen des tendances des quinze dernières années en matière d’emploi des femmes, de temps partiel et de corrélation entre le niveau de formation et les taux d’emploi. La perspective économique et sociologique des intervenantes, Marie-Annick MATTIOLI (Université Paris-Descartes) et Catherine CORON (Université Panthéon-Assas), permit de saisir les enjeux sociétaux et économiques de la question.

Dans son intervention, Marie-Annick MATTIOLI s’efforça d’analyser dans quelle mesure le travail à temps partiel au Royaume-Uni entre 1997 et 2010 fut un choix libre ou une contrainte imposée pour les femmes. Après une brève contextualisation comparatiste concernant la nature du  travail à temps partiel dans d’autres pays européens, elle montra comment la diversité des situations et la construction des enquêtes (questions à deux réponses, non graduées) ne permettaient ni de fournir une analyse fine des statistiques ni d’apporter une réponse tranchée à la question. Elle mit cependant en évidence le fort taux de travail à temps partiel chez les 15-25 ans, et la nature temporaire de ce travail, ce qui correspond le plus souvent à des étapes précises du cycle de vie.

La contribution de Catherine CORON concerna la politique sociale du gouvernement New Labour, le ‘New Deal’. Mme Coron rappela que cette politique avait pour but premier de s’attaquer au chômage des jeunes. Ce n’est qu’accessoirement que le chômage des jeunes parents isolés fut ciblé. Le New Deal for Lone Parents doit être considéré comme une politique « genrée » d’activation car la grande majorité des parents isolés concernés sont des femmes. En outre, une analyse statistique du niveau d’étude des inactifs met en évidence le taux élevé d’étudiants dans la population masculine inactive et de personnes à charge de famille dans la population féminine inactive.  Ces chiffres soulèvent à nouveau la question du ‘choix’ de l’inactivité et du temps partiel chez les femmes.

Finalement, la troisième session, présidée par Corinne NATIVEL (Université Franche-Comté) et les deux co-organisatrices, fut consacrée aux articulation(s) entre travail rémunéré et non-rémunéré, vie professionnelle et vie privée. Elle a donné l’occasion à Sue YEANDLE (University of Leeds) et Cécile DOUSTALY (Université de Cergy Pontoise) de présenter l’impact des politiques familiales dans des secteurs où la recherche est plus récente, le ‘care’ (soins de personnes invalides) et les loisirs des mères. 

Le Professeur YEANDLE a souligné l’importance des lobbys dans l’évolution, voire la création, d’une politique prenant en compte l’important travail à domicile mené par les aidants (carers), des parents ou amis qui s’occupent à titre bénévole de personnes dépendantes invalides. Elle souligna le rôle décisif des politiques récentes en faveur de la petite enfance, des politiques qui ont ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffré les lobbies de soutien aux aidants et qui ont servi de modèle à la mise en place de mesures législatives favorables aux aidants.

Cécile DOUSTALY analysa l’accès aux loisirs des mères de famille, considéré longtemps comme une question privée et ne faisant pas partie d’une politique familiale. Son intervention montra à quel point l’accès aux loisirs des mères de famille, notamment des mères de famille dans le besoin, est lié aux politiques de soutien à la famille et aux enfants défavorisés.

La mise en commun de recherches disparates, mais néanmoins liées, fut l’occasion de découvrir des similitudes, de comparer les méthodes de travail, de mettre en évidence des thématiques transversales qui pourront être réutilisées avec profit dans ce domaine où la recherche et la politique sont intimement liées, comme le prouvent la présence de nombreuses participantes dans diverses instances consultatives.

(SF et AK-S).