« Quatre mariages et un enterrement » – La politique familiale et la théorie du genre au Royaume-Uni

Après une brève intervention sur LCI le 4 février 2014 dans l’émission de Michel Field dédiée aux politiques familiales en France et ailleurs, après le report par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault du projet de loi sur la famille, un rappel des principaux points concernant les questions de l’égalité des sexes, de l’éducation sexuelle, de la procréation médicalement assistée et du mariage gay au Royaume-Uni semble utile.

Depuis la loi de 1967, l’IVG est permise jusqu’à 24 semaines de grossesse, mais il est conseillé de le pratiquer avant 12 semaines. La suggestion de baisser la durée de la grossesse à 12 semaines en 2012, faite par le ministre de la santé, Jeremy Hunt, fut rejetée par la profession médicale et par ses propres collègues femmes au sein du gouvernement conservateur, y compris la ministre de l’Intérieur, Teresa May.

La loi de 1967 a été votée lors des réformes sociales initiées par le gouvernement travailliste sous Harold Wilson, en même temps que d’autres lois anti-discriminatoires promouvant l’égalité quel que soit le genre, l’orientation sexuelle, ou l’origine ethnique. En même temps la censure de la production artistique et les lois sur le divorce furent également repensées. Des lois pour promouvoir l’égalité des chances dans l’éducation, de salaire, de protection de l’emploi, ont progressivement été introduites et une commission parlementaire permanente pour l’égalité et les droits de l’homme (2006), veille à l’application de ces droits et à l’extension des domaines réglementés. Les lois anti-discriminatoires furent étendus à la religion et aux croyances, et à l’orientation sexuelle en 2006-2007.

Á peine dix ans après les réformes sociales des années soixante, la première bébé éprouvette au monde, Louise Brown, est née au nord de l’Angleterre (1978) et la procréation médicalement assistée devient possible dans le système de santé publique britannique. Toutefois elle reste moins pratiquée qu’en France, où deux fois plus de procédures sont lancées. L’utilisation de cellules humaines (cellules souches) dans la recherche médicale, et éventuellement pour la reproduction (cloning ou PMA) à des fins médicaux, a été débattu par la chambre des Lords en 2002.

Ce fut le gouvernement travailliste de Tony Blair qui introduit le PACS (loi de 2005, application depuis 2006) mais le gouvernement de David Cameron qui présida au vote sur le mariage gay en 2013, et ce, malgré une rébellion de nombre des députés conservateurs qui ont voté contre ce projet de loi et une pétition signée par 600000 personnes de confession chrétienne. Alors que la société britannique évolue, le parti conservateur a dû se moderniser en acceptant les nouvelles formes de famille (couples hétérosexuels non-mariés, familles recomposées, familles monoparentales, familles d’homosexuels, familles peu nombreuses ).

Ces questions sont devenues tellement pertinentes que les séries de télévision populaires les ont intégrées à leur storyboard – la mort en janvier 2014, d’un caractère de Coronation Street (ITV, 10 millions de spectateurs par émission), bien que centrée sur la question du droit de mourir, concerne le premier personnage transsexuel permanente dans l’histoire de la télévision (Hayley Cropper, née Harold Paterson) apparue sur les écrans en 1998.

La procréation assistée et les mères porteuses sont juridiquement protégées – et l’adoption par les couples du même sexe est devenue possible depuis la loi de 2002, loi qui permettait aux agences d’adoption catholique de ne pas l’offrir. Un des homosexuels les plus en vue au Royaume-Uni, anobli par la Reine, participe à toutes les célébrations royales : Sir Elton John, marié et père de deux enfants adoptés, nés d’une mère porteuse, a fait son coming out dès 1976.

L’orientation sexuelle et l’enseignement avait déjà fait débat dans les années quatre-vingt lorsque le gouvernement de Margaret Thatcher avait interdit la « promotion de l’homosexualité » dans les établissements scolaires publiques (1988). L’article de loi en question (Section 28 du Local Government Act) fut annulée en 2000 en Écosse, et en 2003 dans le reste du Royaume-Uni. Aujourd’hui, on reconnaît l’existence et la part des homosexuels dans la société britannique.

L’éducation sexuelle obligatoire fut l’objet de débats au parlement britannique en janvier 2014 avant d’être rejetée par la Chambre des Lords. L’éducation sexuelle fait partie de l’enseignement optionnel dans le cursus secondaire, mais devant le nombre élévé de grossesses d’adolescentes (45 conceptions pour 1000 filles de moins de 18 ans, la plus forte en Europe), et des cas qui ont fait la une des journaux à sensation (Baby-faced Alfie Patten is father at 13), de nombreuses mesures sont prises pour essayer d’endiguer ce problème de santé publique (dangers pour la mère et l’enfant) dont l’impact sur la vie des jeunes mères (scolarisation interrompue, pauvreté et exclusion sociale) (voir à ce propos l’ouvrage de Fabienne Portier-Lecoq, Sexualité et maternité des adolescentes : voix anglaises et écossaises, Rennes, PUR, Collection des Sociétés, novembre 2009, 329 p.)

Mais les opinions varient sur l’âge à laquelle un enfant doit recevoir de tels enseignements, si cela ne relève pas du domaine privé, si l’enfant ne doit pas rester ‘innocent’, ou encore, comment protéger les enfants de sites internet pornographiques. La presse écrite, notamment The Daily Telegraph et The Guardian, a relayé et parfois initié ces débats non-partisans.