Tu gagnes combien de Big Macs à l’heure?

Exercice compliqué que de comparer les niveaux de vie des salariés ou la productivité du travail entre pays : les tâches réalisées par les salariés ne sont pas les mêmes, leur niveau de qualification non plus. Dès lors, en s’appuyant sur les données macroéconomiques disponibles, on ne sait pas ce qui relève de ces différences de spécialisation et de différences liées à l’organisation générale des pays.

Pour contourner ce problème, Orley C. Ashenfelter a collecté des informations sur les salaires des employés de MacDonald dans une soixantaine de Pays, pendant une dizaine d’années, ainsi que les prix des Big Mac. L’intérêt de l’exercice est que les tâches confiées aux salariés dans tous les pays sont totalement standardisées, les conditions d’approvisionnement, les contraintes en termes de qualité, …, sont très proches pour ne pas dire identiques. En bref, mêmes tâches, mêmes qualifications, mêmes technologies, mêmes produits.

En divisant le salaire moyen de chaque pays (les Mac wages) par le prix du Big Mac, il obtient un indicateur qualifié de Big Macs Per Hours Worked (BMPH), qui est un bon indicateur des taux de salaires réels pratiqués dans les différents pays de son échantillon. Son BMPH varie de 0,35 en Inde et en Amérique du Sud à 3,09 au Japon, en clair des différences de 1 à 10 pour, je le répète, une activité strictement identique. Les “scores” des pays développés sont très proches, un employé de McDonald gagnant en moyenne, dans ces pays, entre 2 et 3 Big Macs par heure travaillée.

Il montre également que les pays à bas coût ont connu une croissance très forte de leur BMPH sur les dix dernières années, mais que cette croissance s’est ralentie, voire à été totalement stoppée dans de nombreux pays, à partir du début de la crise financière.

Son article est disponible ici (accès payant). Un diaporama est librement disponible à cette adresse. Voici le résumé (en) :

In Comparing Real Wages (NBER Working Paper No. 18006), Orley Ashenfelter notes that real wage rates are important indicators of both living standards and labor productivity, but are difficult to measure accurately. He then reports on the results of a decade-long project designed to estimate real wages by studying the hourly worker wages at McDonald’s restaurants in over 60 countries. The findings suggest that workers in India, China, Latin America, and the Middle East earn 10 to 15 percent of what workers earn in the developed countries. Workers in Russia, Eastern Europe, and South Africa face wage rates that are 25 to 35 percent of those in developed countries. These differences are attributable to national economic organization, not to differences in skill or human capital.

 Defining the wage of a crew member at McDonald’s in each country as the “McWage”, Ashenfelter calculates a rather unconventional measure of real wages by dividing the McWage by the price of a Big Mac — in other words, the Big Macs per Hours Worked (BMPH) estimate of real wage rates. These estimates range from 3.09 in Japan to 0.35 in Latin America and India. The developed countries, the United States, Canada, Japan, and Western Europe have similar BMPH real wage rates: workers earn between two and three Big Macs per hour.

 Between 2000 and 2007, the BMPH real wage declined slightly in the United States and Canada, but remained constant in Japan, grew by over 50 percent in China and India, and rose by over 150 percent in Russia, which was recovering from a severe financial crisis in the late 1990s.

 In most countries, BMPH real wage growth stalled between 2007 and 2011. BMPH real wages fell in the United States, Canada, South Africa, India, and Japan, and remained constant or grew slightly in Eastern Europe, the Middle East, and Latin America. BMPH real wages only grew in China, Russia, and Eastern Europe during those years.

Délocalisation des centres d’appels : le retour !

C’est reparti sur la question des délocalisations des centres d’appels, suite à la décision du syndicat des transports parisiens (Stif) de confier son service relation clients à une entreprise localisée au Maroc. Les politiques se sont bien sûr emparés du sujet et dénoncent tous en coeur cette délocalisation.

Première remarque : le Stif n’a pas délocalisé son centre d’appels au Maroc. Le Stif ne possède pas de centre d’appels. Le Stif a lancé un appel d’offres auquel plusieurs entreprises ont répondu et c’est une entreprise dont l’établissement est localisé au Maroc qui a remporté le contrat, préalablement assuré par l’entreprise Webhelp. La perte de ce contrat affecte bien sûr deux établissements de Webhelp localisés en France, mais ça n’a rien à voir avec une délocalisation, qui correspond stricto sensu à la fermeture d’un établissement en France suivi de sa réouverture à l’étranger. Si a chaque fois qu’une entreprise localisée à l’étranger remporte un appel d’offres lancé par une collectivité on crie à la délocalisation, on n’est pas rendu…

Deuxième remarque : Frédéric Jousset, un des responsables de l’entreprise Webhelp, qui s’offusque de la décision du Stif de délocaliser au Maroc et demande que le Conseil Régional revienne sur sa décision au nom de “l’intérêt général” (sic) est un petit rigolo : Webhelp est certes implanté en France, mais aussi en Roumanie et… au Maroc.

Il faut dire que ce secteur des centres d’appels fait fantasmer médias, politiques et citoyens, tous convaincus que ce secteur n’a pas d’avenir en France, que forcément, tous les emplois afférents vont disparaître. J’en ai parlé à plusieurs reprises ici, je vous redonne les liens et actualise sur l’aspect statistique.

Je vous renvoie d’abord à ce texte co-écrit avec Emilie Bourdu et Marie Ferru, qui analyse l’évolution de l’organisation du secteur des centres d’appels et montre que la question des délocalisations est secondaire.  Autre lien, ce billet où je faisais le point sur l’évolution des effectifs du secteur des centres d’appels externalisés, en France, entre 2004 et 2008.

Actualisation des chiffres, ensuite. De moins en moins simple, car les bases de données Unistatis ne sont plus disponibles aussi facilement qu’avant et que côté Insee, j’ai dû naviguer sur plusieurs pages pour arriver à trouver l’info (ils ont délocalisé leur service statistique à l’Insee et à Pôle Emploi?).

Résultats :

Vous constaterez que les effectifs de ce secteur ne sont pas franchement déclinants… Sur la période 2004-2010, le taux de croissance des emplois équivalent temps plein est, en moyenne, de 9,6%. Quel secteur fait mieux? (Attention cependant, il peut s’agir d’emplois d’autres secteurs que les entreprises ont décidé d’externaliser auprès d’entreprises de ce secteur, pas sûr qu’il s’agisse de créations nettes, pas en totalité en tout cas.)

Affaire à suivre, mais je redoute le pire dans les déclarations à venir de nos politiques…

L’insolente pertinence d’un article du Monde…

Via Ceteris Paribus, je découvre, dans un article du Monde, un morceau d’anthologie journalistique. Titre de l’article : “selon une étude, le pouvoir d’achat des allemands est intact depuis vingt ans”. Début de l’article :

Comme si l’insolente santé du marché de l’emploi, de l’industrie et des comptes publics allemands ne suffisait déjà pas, une étude enfonce le clou mardi 24 juillet en soulignant que l’introduction de l’euro n’a pas entamé le pouvoir d’achat outre-Rhin. Aujourd’hui comme il y a vingt ans, une bière vaut trois minutes de travail en Allemagne.

 Je signale au journaliste du Monde qui s’est fendu de ce passage qu’un objectif économique essentiel n’est pas que le pouvoir d’achat “soit intact”, autrement dit qu’il stagne, mais plutôt qu’il augmente! Faire de cette stagnation un signe supplémentaire de “l’insolente santé” de l’économie allemande est… impressionnant…

Petit complément : je suis allé regarder rapidement sur le site d’Eurostat, pour chercher de l’info sur le pouvoir d’achat dans quelques pays, pouvoir d’achat traditionnellement mesuré par le PIB réel par habitant. Le pouvoir d’achat d’un indice 100 en 1995 en Allemagne est passé à un indice de 124 en 2011, soit une hausse de 24% sur la période. Pendant ce temps, la France a connu une croissance de 18% et l’UE à 15 de 23%. Le graphique ci-dessous permet de se faire une meilleure idée de ces évolutions :

Conclusion : i) le pouvoir d’achat allemand ne stagne pas sur la période, mais il augmente, et c’est heureux pour les allemands, ii) cette évolution allemande n’a rien d’insolente, elle est en deçà de la moyenne de l’UE à 15 sauf en toute fin de période.

Les réactions individuelles au mécontentement

Comment penser de manière simple et efficace les réactions individuelles au mécontentement, qu’il s’agisse d’un client mécontent de la qualité d’un produit, d’un salarié mécontent de sa hiérarchie, d’un politique mécontent des décisions de son parti, d’une femme insatisfaite dans son couple, … ?

Un des modèles le plus puissant, de mon point de vue, est le modèles exit-voice d’Hirschman, dont j’avais déjà parlé ici. Je propose cependant aujourd’hui de le compléter par l’analyse de Guy Bajoit, sociologue, qui a publié en 1988, dans la Revue Française de Sociologie, un article sur lequel je viens de retravailler.

Hirschman envisage trois réactions face à un mécontentement :

  • l’exit (défection, fuite, exil) : le consommateur insatisfait de la qualité d’un produit en achète un autre, le salarié mécontent de sa hiérarchie démissionne, la femme divorce, etc.
  • le voice (ou prise de parole, protestation) : le consommateur se plaint au service après-vente, le salarié se plaint auprès de son supérieur, la femme engueule son mari, etc.
  • le loyalty (loyauté, fidélité) : le consommateur ne fait pas défection, ne prend pas la parole, car il a confiance dans la capacité de l’entreprise à revoir rapidement la qualité de son produit ; le salarié, idem, sait que sa hiérarchie va pallier le problème qu’il rencontre ; la femme ne divorce pas, n’engueule pas son mari, elle a confiance dans sa capacité à corriger ses défauts, etc.
Bajoit reprend l’analyse d’Hirschman et propose d’ajouter une quatrième catégorie, non pas absente chez Hirschman, mais fondue dans la catégorie loyalty, à tort selon Bajoit, que je suis sur ce point. Pour comprendre l’analyse de Bajoit, je reprends l’exemple éclairant qu’il donne en début d’article :

Quand Mme Y a épousé M. X, elle en était très éprise. Les défauts de son mari lui sont apparus peu à peu dans la vie quotidienne. Elle était déçue, mais gardait sa confiance en l’homme qu’elle aimait et prenait patience. Elle était loyale. En l’absence d’une amélioration sensible, Mme Y est passée des doux reproches aux scènes de ménage régulières, donc à la protestation. Faute de résultats tangibles, après quelques années, elle a envisagé de se séparer de cet homme décidément insupportable : elle voulait faire défection. Mais elle avait des enfants, une maison, un milieu social, de l’argent, de la sécurité et même… un amant! Elle est restée, résignée.

Sur la base de cet exemple (et d’un autre concernant le salarié d’une entreprise), Bajoit explique que la conduite de Mme Y face au mécontentement “dénote plutôt une forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose d’appeler apathie”.
Nous voilà donc dotés d’une typologie intéressante pour penser les réactions individuelles face au mécontentement. Les acteurs peuvent faire défection, prendre la parole, rester loyaux ou demeurer apathiques. Tout l’enjeu, bien sûr est de repérer ensuite les déterminants des choix des acteurs, les éléments qui peuvent les conduire à opter majoritairement pour tel comportement à telle période, tel autre comportement à telle autre période, etc. Bajoit, dans on article, analyse ainsi l’exemple des réactions des homosexuels à l’oppression dont ils sont l’objet, comment, entre 1976 et 1981, a pu se développer un mouvement de protestation en leur sein.
Quelques illustrations, maintenant, très (trop) rapidement.
S’agissant des relations de couple, d’abord, il est clair que l’évolution du cadre législatif, l’évolution des mentalités, l’accès des femmes au marché du travail et donc leur plus grande autonomie financière, leur ont permis d’opter plus souvent qu’avant pour une réponse de type exit plutôt que de rester résignées, d’où la montée tendancielle du nombre de divorces (voir ici par exemple).
S’agissant des salariés dans l’entreprise, plusieurs propositions peuvent être formulées : les salariés les moins qualifiés, donc les plus exposés au chômage, ne peuvent que difficilement opter pour l’exit, au contraire des salariés les plus qualifiés. Ils seront donc plus enclins à des réponses de type voice, mais encore faut-il qu’ils puissent s’appuyer sur des organisations représentatives (syndicats). Dans le secteur industriel, de telles organisations existent, les protestations se développent rapidement en cas de mécontentement. Dans les services, c’est beaucoup moins le cas, les syndicats sont peu présents, les salariés ne peuvent très souvent que se résigner (exemple de la grande distribution).
A l’Université, mon milieu professionnel, j’ai également le sentiment que l’apathie domine. Organisation bureaucratique difficile à faire bouger, le voice et le loyalty sont donc peu privilégiés ; statut avantageux de fonctionnaires pour les membres de l’organisation, exit non envisageable la plupart du temps ; reste l’apathie, la résignation. Plus généralement, le développement de modes managériales plutôt calamiteuses, évoquées ici, que ce soit dans les entreprises privées ou dans les fonctions publiques, me laisse penser que l’apathie se développe.
Il y aurait sans doute des choses à dire concernant la sphère politique et les comportements des citoyens qui s’engagent de moins en moins en politique et optent parfois en masse pour l’abstention. Résignation, encore.
Je vous laisse commenter, critiquer, compléter ce billet. En guise de devoir de vacances, n’hésitez pas à mobiliser ce petit modèle pour penser vos propres réactions au mécontentement afin d’éprouver son pouvoir explicatif!

La fragmentation des processus productifs

J’en avais déjà parlé ici et , la comptabilité traditionnelle du commerce international masque la tendance à la fragmentation croissante des processus productifs : quand une entreprise française exporte une voiture pour une valeur de 100, on ajoute 100 aux exportations françaises, en négligeant le fait que cette voiture incorpore des composants importés par le fabricant français. Comment intégrer cette tendance? Il convient de mesurer le commerce en valeur ajoutée, autrement dit déduire des 100 exportés ce que le fabricant a acheté à l’étranger.

Robert Johnson et Guillermo Noguera viennent de publier sur Vox-Eu un billet présentant les résultats du travail qu’ils ont réalisé en ce sens. On y découvre que le déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine est réduit de 40% avec cette nouvelle comptabilité, car la Chine importe nombre des composants qu’elle assemble ensuite, une part importante de la valeur ajoutée lui échappe donc. Pour tous les pays, on observe que l’industrie pèse moins et les services pèsent plus qu’on l’imagine dans le commerce mondial. Les ratios calculés pour la France sont dans la moyenne des pays de leur échantillon.

Détention d’armes à feu et homicides

Petit billet d’actualité suite à la tuerie du Colorado, qui ne va pas manquer de relancer le débat sur le lien entre port d’armes à feu et taux d’homicide. Je suis donc allé traîner du côté de Google Scholar pour recherche quelques articles sur le sujet.

J’ai trouvé cet article de M. Killias qui teste la corrélation entre taux d’équipement des ménages en armes à feu et taux d’homicide et de suicide par armes, sur la base d’une enquête réalisée auprès de 14 pays (11 pays européens, Australie, Canada, Etats-Unis). Résultat : corrélation positive entre taux d’équipement et taux d’homicide/suicide. Il montre également qu’il n’y a pas de corrélation négative entre taux d’équipement en armes et taux d’homicide et de suicide par d’autres moyens que les armes, résultat complémentaire important qui signifie que les autres moyens mobilisables pour tuer (ou se tuer) ne viennent pas compenser le sous-équipement.

J’ai également trouvé un article de W. Cukier qui se focalise sur la comparaison Etats-Unis/Canada :

3,5 fois plus d’armes à feu aux Etats-Unis, 3,6 fois plus de décès par armes à feu. Le lien semble donc très fort.

Une nuance cependant, les ratios diffèrent selon les type de décès : 3,5 fois plus d’armes à feu aux Etats-Unis, donc, mais “seulement” 2,3 fois plus de suicide par armes à feu et, en revanche, 12 fois plus d’homicides par armes à feu.

Conclusion : le plus fort taux d’équipement en armes semble bien conduire à plus d’homicides par armes à feu, mais il n’explique pas tout.

N’hésitez pas à poster en commentaire des liens vers d’autres articles, je n’ai fait qu’une petite recherche rapide.

Pourquoi faire des études? Pour se sentir bien et pour penser que les autres vont bien…

Comme chaque année, les étudiants de la troisième année de Licence de Sciences Economiques réalisent une enquête. Cette année, il s’agissait d’interroger les poitevins  (plus de 1600 personnes interrogées) sur leurs principales préoccupations, à la demande de “7 à Poitiers”, qui avait fait état des principaux résultats dans ce dossier.

Dans le questionnaire, nous demandions aux enquêtés d’évaluer leur situation personnelle, la situation des poitevins et la situation de la France sur une échelle de 1 (très mauvaise) à 10 (très bonne). Comme nous disposons parallèlement du niveau de diplôme des personnes interrogées, je me suis lancé dans la construction de ce petit graphique :

Deux résultats intéressants : i) la situation personnelle est systématiquement jugée meilleure que la situation des poitevins, elle-même jugée meilleure que la situation de la France, ii) l’évaluation des trois situations augmente avec le niveau de diplôme.

Que la situation personnelle soit jugée meilleure quand le niveau de diplôme augmente ne m’a pas surpris. En revanche, que l’évaluation de la situation des autres personnes augmente avec le niveau de diplôme est moins intuitif, je trouve. Je vous laisse exposer en commentaire des hypothèses d’explication…

La (faible?) mobilité géographique des enseignants-chercheurs

Il y a quelques années, Olivier Godechot et Alexandra Louvet avaient montré, via l’exploitation d’une base de données originale (la base Docthèse), la tendance du monde universitaire français au localisme (tendance des universités à recruter leurs propres docteurs). D’où leur préconisation : une interdiction du localisme. J’avais réagi, dans un texte co-écrit avec Michel Grossetti et Anne Lavigne, en expliquant que le localisme n’était pas la cause mais la conséquence d’un déficience des processus de recrutement. Plutôt que d’interdire le localisme, donnons aux universités les moyens de mettre en oeuvre des procédures plus efficaces (recruter pour une quarantaine d’années une personne vue en entretien une vingtaine de minutes ne me semble pas optimal).

Quelques temps après, j’avais sollicité Olivier Godechot pour savoir si nous pouvions disposer de la base de données sur laquelle ils avaient travaillé, afin de l’analyser autrement (je remercie sincèrement Olivier Godechot de l’avoir mise à notre disposition). Mon idée : en raisonnant à l’échelle des universités, Godechot et Louvet passaient à côté de certains phénomènes. Notamment : leur étude montre que le localisme des universités parisiennes est moins important que le localisme des universités de province, mais n’est-ce pas lié à des phénomènes de circulation entre universités parisiennes?

Nous avons donc commencé à travailler sur la base (je travaille sur ce chantier avec Bastien Bernela et Marie Ferru), en distinguant notamment entre le “localisme” universitaire et le “localisme” régional. Distinction éclairante s’agissant des universités parisiennes :

Niveau établissement

 

Niveau régional

Alsace

59,0%

63,1%

Aquitaine

53,9%

60,5%

Auvergne

56,5%

56,5%

Bourgogne

64,8%

64,8%

Bretagne

56,2%

62,3%

Centre

44,2%

47,1%

Champagne-Ardenne

44,4%

44,4%

Franche-Comté

48,7%

48,7%

Ile-de-France

29,4%

61,1%

Languedoc-Roussillon

54,1%

60,5%

Limousin

65,5%

65,5%

Lorraine

44,3%

61,8%

Midi-Pyrénées

58,8%

69,3%

Nord-Pas-De-Calais

64,1%

72,3%

Basse-Normandie

50,9%

50,9%

Haute-Normandie

68,9%

73,3%

Pays-de-la-Loire

65,6%

66,2%

Picardie

66,7%

68,9%

Poitou-Charentes

65,3%

65,3%

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

54,6%

67,1%

Rhône-Alpes

51,8%

72,2%

France

43,4%

 

63,5%

En moyenne France entière, 43,4% des docteurs d’une université dirigent leur première thèse dans la même université (c’est de cette façon que l’on mesure le localisme, ce qui n’est pas exempt de critique, cf. le texte disponible via le lien plus bas). A l’échelle des régions, ce taux monte à 63,5%.

Quid des universités parisiennes? Taux très faible à l’échelle des universités (29,4%), mais dans la moyenne à l’échelle de la région Ile-de-France (61,1%). Les docteurs franciliens bougent, mais pour rester sur Paris.

De manière générale, ce taux de 63,5% m’apparaît plutôt élevé, plus élevé, je pense, que ce que la plupart des acteurs du monde universitaire ont en tête. Si l’on ajoute à la région de soutenance de la thèse les régions limitrophes, ce taux passe à près de 70%. Les enseignants-chercheurs semblent donc peu mobiles. Je dis bien semble, car nous n’avons pas de point de comparaison : peut-être sont-ils plus mobiles que la moyenne des personnes de même niveau de qualification, peut-être moins. Nous travaillons actuellement sur ce point, résultats à suivre.

Nous avons ensuite testé de premiers modèles économétriques, notamment un modèle gravitaire, pour voir dans quelle mesure la mobilité interrégionales des enseignants-chercheurs pouvait s’expliquer par des facteurs structurels comme la distance entre les régions ou encore la taille des régions. Résultat : la distance géographique entre les capitales régionales joue négativement sur les mobilités, la taille scientifique (mesurée par le nombre de chercheurs) joue positivement. Eléments qui ont peu à voir avec la nature du processus de recrutement mais plus à voir avec des facteurs classiques de mobilité, que l’on retrouve dans de nombreuses études.

Ces premières analyses ont donné lieu à la rédaction d’un article disponible ici et présenté la semaine dernière en colloque sur Montréal. Il s’agit d’une première version, pas mal de compléments en cours, mais toutes vos remarques et commentaires sont les bienvenus!

T’espère vivre longtemps en bonne santé? Evite l’Allemagne…

update : chiffres de l’Insee surprenants, me disent plusieurs lecteurs. Je souscris. Jeu concours, donc : comment expliquer les évolutions constatées? Question subsidiaire : pourquoi l’Insee n’en parle pas sur son site?

Je découvre via @phil_waechter ce document de l’Insee sur l’espérance de vie en bonne santé des hommes et des femmes, sur la période 1995-2009.

Sur cette période, l’espérance de vie en bonne santé des hommes allemands passe de 60 ans à 56,7 ans. Pour les femmes? De 64,3 à 57,7 ans. Ça vous fait rêver?

Pour les hommes français, sur la même période, on passe de 60 ans à 62,5 ans. Pour les femmes françaises, de 62,4 à 63,2 ans. Faut vite imiter le modèle allemand…

Vous pourrez vérifier aussi qu’en Suède, pays qui prélève des impôts comme c’est pas permis, n’oubliez pas, l’espérance de vie des hommes est passé de 63,1 ans en 2000 à 70,5 ans en 2009. Pour les femmes, de 61,9 ans à 69,5 ans.

Je sais pas vous, mais moi, je vote pour le modèle suédois…

Attractivité et rayonnement des villes universitaires

J’ai participé en mars dernier à un colloque sur l’attractivité et le rayonnement des villes universitaires, organisé par l’Avuf (Association des Villes Universitaires de France). La synthèse de cette journée est disponible ici (format pdf). Petit résumé de mon propos page 4. Je vous invite également à lire la synthèse des propos de Michel Grossetti page 8 et 16.