Dis-moi où tu habites, je te dirai pour qui tu votes

Article intéressant dans Le Monde sur les intentions de vote en faveur des trois principaux candidats en fonction de la distance aux grandes agglomérations (Un ensemble plus complet de résultats est disponible sur le site de l’IFOP) :

En forçant le trait, courbe en U pour Hollande et courbes en U inversé pour Sarkozy/Le Pen (dont les courbes sont proches).

Comment expliquer cela? Avant tout par la sociologie, car les inégalités sociales ont une géographie… Pour en trouver une petite preuve dans l’étude de l’IFOP, je me suis amusé à construire un graphique qui reprend les pourcentages de réponse positive à la question suivante :

Les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment.

Sur une des diapositives, on trouve le pourcentage de réponse positive en fonction de l’éloignement aux grandes agglomérations, pour toutes les catégories de personne. Sur une autre diapositive, on trouve ces mêmes pourcentages, mais seulement pour les ouvriers. En compilant, on obtient ce graphique :

 

La courbe est beaucoup plus plate pour les ouvriers que pour l’ensemble de la population (coefficient de variation de 6% pour la population totale contre 3% pour le sous-ensemble des ouvriers). C’est donc moins l’éloignement aux grandes agglomérations que l’appartenance à certaines catégories sociales qui semble compter.

Le titre pourrait donc être : dis-moi où tu habites, je te dirais qui tu es et donc pour qui tu votes…

Géographie des fainéants

Nicolas Sarkozy semble considérer qu’une des explications du chômage en France tient au fait que certains chômeurs refusent un peu trop facilement les formations où les emplois qu’on leur propose.

Propos pas vraiment nouveau à l’UMP, puisque lors de la dernière campagne présidentielle, en 2007, le futur Premier Ministre de la France déclarait :

la famille qui se lève tôt le matin pour aller “bosser” ne doit pas avoir le sentiment d’être lésée par celle qui, cumulant les aides et allocations, n’en ressent plus la nécessité.

Notre Président de la République et notre Premier Ministre étant des gens biens informés, on ne peut que les croire sur cet enchaînement. Etant donné que, parallèlement, l’Insee vient de publier les taux de chômage par zone d’emploi sur la période 2003-2010, on peut s’amuser à repérer les territoires où se concentrent les personnes qui n’ont décidément aucune envie de se lever tôt le matin. Une sorte de géographie des fainéants donc (car les fainéants ont tendance à se regrouper, c’est bien connu).

Voici le top ten :

ze libellé 2010
2203 Thiérache 16,2
3125 Calais 16,2
3122 Lens-Hénin 16
3117 Maubeuge 15,7
9107 Agde-Pézenas 15,3
3115 Valenciennes 15
2205 St-Quentin 14,9
3110 Roubaix-Tourcoing 14,9
9104 Alès 14,7
9112 Sète 14,6

Vous ne serez pas sans remarquer que le Nord Pas de Calais est bien représenté (5 des 10 zones d’emploi). Un effet Aubry, sans doute…

Bon, je vous vois venir : vous vous demandez où sont concentrés les courageux? Vos désirs sont des ordres, nouveau top ten :

ze libellé 2010
5304 Loudéac 5,9
8306 Saint-Flour 5,8
1112 Rambouillet 5,7
7304 Rodez 5,7
5217 Les Herbiers 5,5
7401 Tulle 5,4
8305 Mauriac 5,4
5314 Vitré 5,3
9113 Lozère 4,9
1109 Houdan 4,5

Le problème, c’est que la géographie des fainéants est particulièrement stable (ce qui est somme toute logique : les fainéants n’aiment guère se déplacer). Pour preuve ce nuage de point qui croise le taux de chômage en 2010 et celui de 2003 :

On remarque enfin que le taux de chômage en 2010 est assez systématiquement supérieur à celui de 2003. Petite vérification à partir des données : sur les 304 zones d’emploi, seules 17 voient leur taux de chômage diminuer entre les deux périodes (dont 4 zones d’emploi Corses…). Conclusion : la fainéantise est contagieuse.