Qui a dit (#6) ?



Un petit jeu pour se détendre. Qui a dit :

Nous souhaitons tous voter pour le meilleur homme, mais il n’est jamais candidat.
Ce qui n’est pas sans me rappeler cette autre phrase, dont vous pouvez aussi chercher l’auteur (mon presque voisin de bureau –oui, oui, celui avec la barbe et les lunettes– n’a évidemment pas le droit de jouer pour la deuxième citation) :

La politique est atroce car tous ceux qui la trouvent atroce n’en font pas.


Elles ne sont pas de circonstance, ces petites phrases?

Recherche Google interdite dans les deux cas, bien sûr. Comme d’habitude : un pot de rillettes à gagner (d’où la photo, qui n’a rien à voir avec les auteurs à trouver, je précise).

Sondage pour économistes : êtes-vous protectionniste moderne, libre-échangiste intégriste ou économiste ni-ni ?



Dans une interview pour Télérama, Emmanuel Todd propose de mettre en place un protectionnisme européen raisonnable. Pourquoi ? Afin de lutter contre la « montée d’un prolétariat chinois sous-payé », qui a « un effet gravement déflationniste sur les prix et les salaires des pays industrialisés ». Effet qui n’est pas près d’être enrayé, « car la Chine est un pays totalitaire ». Il convient donc d’ériger des « barrières douanières et des contingentements provisoire ». Dans un article de Libération, Marcel Gauchet, autre adepte du protectionnisme, justifie sa position par le fait que «nous sommes dans une période de transition ultrarapide qu’il faut réguler ». David Cayla (Paris 1), Bernard Gerbier (Grenoble 2 ), Jean-Luc Gréau et Edouard Husson (Strasbourg), Gérard Lafay (Paris 2) et Jacques SAPIR (EHESS) se rangent à leur côté, en dénonçant la mise « en concurrence des travailleurs dont les salaires varient de 1 à 20 ou 30 parfois, ainsi que la mise en concurrence « pure et parfaite » avec des pays qui justement refusent ces règles et pratiquent tous les dumpings et protections possibles et imaginables…. » (voir ce document). Ils dénoncent donc à la fois l’écart de salaires avec la Chine et le dumping fiscal et social de certains pays.

Selon eux, les économistes qui s’opposent à leurs propositions n’ont rien compris : ils sont « victimes du dogme du libre-échange » (E. Todd), ils usent « d’arguments d’autorité » dont Marcel Gauchet « a plus qu’assez ». Cayla et al. ajoutent qu’il est « indispensable de refuser le terrorisme intellectuel d’une poignée de clercs dont aujourd’hui l’ultime argument est de maudire les partisans du protectionnisme face à l’échec de plus en plus flagrant de leurs théories. » Dans cette perspective, ils lancent un « défi public à l’intégrisme libre-échangiste », et proposent « une confrontation égalitaire entre partisans d’un protectionnisme moderne et partisans du libre échangisme intégriste, afin que nos compatriotes puissent juger, en leur âme et conscience, du seul et véritable enjeu économique qui vaille la peine » (c’est moi qui souligne).

 Je ne souhaite pas ici commenter leur analyse. Philippe Martin l’a fait sur Libération ; Lionel Fontagné sur Telos-Eu. Jacques Sapir a répondu à Philippe Martin ici, Econoclaste a commenté sa réponse. Les arguments de Cayla et al. peuvent être consultés sur ce site. Je renvoie aussi aux billets que j’ai pu rédiger sur ce blog sur des sujets proches (par exemple celui posté sur La Campagne Déchiffrée). Libre à chacun de consulter les arguments des uns et des autres.

Je tiens simplement à dire qu’opposer des économistes protectionnistes modernes à des économistes libre-échangistes intégristes me semble quelque peu réducteur. Personnellement, je me qualifierai d’économiste ni-ni : ni protectionniste moderne, ni libre-échangiste intégriste.  Non pas  entre les deux, mais quelque part ailleurs dans l’espace (multidimensionnel!) de l’analyse économique.

Je dirai qu’un économiste ni-ni considère globalement que la mondialisation est un jeu à somme positive, qui permet de créer plus de richesses et d’emplois à l’échelle de la planète, mais que cette production de richesses et d’emplois produit des inégalités sociales et spatiales. Côté pays développés, ce sont prioritairement les personnes les moins qualifiées qui sont touchées. Ce sont prioritairement les régions périphériques qui sont affectées. D’où un appel répété, non pas à un "protectionnisme européen raisonnable", mais à des régulations, à différentes échelles de territoire (local, national, européen, mondial), afin d’accompagner les salariés et les territoires les plus exposés.

Pour avancer dans le débat d’une manière un peu originale, je propose aux économistes (enseignants d’économie de lycées, enseignants, enseignants-chercheurs ou chercheurs du supérieur) de se positionner dans la typologie proposée. Il leur suffit de m’envoyer un mail (avec "sondage" en objet) en précisant leur nom, prénom, fonction, établissement et surtout, bien sûr, leur positionnement : économiste tendance protectionniste moderne ? économiste libre-échangiste intégriste ? économiste ni-ni ? (Bien sûr, il peut y avoir des positionnements un peu intermédiaires/hybrides, l’idée est de se ranger dans la catégorie de laquelle on se sent le plus proche).

[Modif 8/07 12h30 : à la vue de certains mails, je précise que ceux qui le souhaitent peuvent être rangés dans deux cases (nini et libre-échangistes par exemple). J’inclus également, une catégorie "aucune des cases".]

Je mettrai en ligne régulièrement les statistiques sur la part de chaque catégorie. Ceux qui le souhaitent peuvent me demander dans le mail de mentionner leur nom sur le blog et leur catégorie d’appartenance. Toute personne jugeant cette initiative un tout petit peu intéressante est libre de diffuser autour de lui, auprès des économistes de son entourage!

Dis monsieur, dessine moi le bonheur

Pas de problème, mon petit, le bonheur, ça ressemble à ça :



C’est ce qui ressort en tout cas d’un document de travail de Blanchflower et Oswald (NBER, 2007, WP12935, abonnement nécessaire), qui analyse les réponses d’environ 500 000 américains et européens.
Aux Etats-Unis, la question posée est :

“Taken all together, how would you say things are these days – would you say that you are very happy, pretty happy, or not too happy?”

En Europe :

“On the whole, are you very satisfied, fairly satisfied, not very satisfied, or not at all satisfied with the life you lead?”


Les auteurs montrent que dans tous les cas, le bonheur (en raisonnant toute chose égale par ailleurs) décroît jusqu’à la quarantaine, puis augmente ensuite. les recherches antérieures en psychologie montraient déjà que le bonheur évoluait avec l’âge sous la forme d’une courbe en U. Le problème avec ces études antérieures, c’est qu’un biais pouvait survenir, suite à des effets de cohorte: certaines générations sont nées à des périodes fastes (génération papy-boom), d’autres à des périodes plus difficiles…

L’étude du NBER permet de neutraliser ces effets générationnels. Résultats? La courbe en U est confirmée pour toutes les générations, aux Etats-Unis et en Europe, mais le niveau de bonheur varie selon les générations (la courbe en U est plus ou moins haute dans le plan).

L’étude montre également que le niveau de bonheur décroît aux Etats-Unis en fonction des générations de 1900 à nos jours. En Europe, il décroît jusqu’à la génération 1950, mais il augmente depuis. Si bien que les plus heureux sur terre sont les européens (les hommes plus que les femmes) nés après 1980.

La Campagne Déchiffrée


C’est titré "La Campagne déchiffrée", sous-titré "quatre économistes donnent les clés pour comprendre la campagne" (ça aurait pu être sous-titré "Les Quatre fantastiques", mais ce n’était pas à la hauteur de notre talent…), c’est un nouveau blog, et c’est sur le site de Libération, à cette adresse.

La dream team est composée de Bruno AmableAlexandre Delaigue, Pierre-Yves Geoffard et moi-même. Je connaissais Alexandre Delaigue via Econoclaste, Bruno Amable via, notamment, son ouvrage sur les Cinq Capitalismes (et ses travaux antérieurs), je ne connaissais pas Pierre-Yves Geoffard, je viens de parcourir ses pages, j’ai bien aimé les titres de certains de ses billets "grand public" : 1994, dans Libération "Balladur, arrête de décoter!"  ; "Le poids de l’obésité" (Libération, 2004) ; et surtout, 1997, dans Le Monde, "Faut-il tuer les vieux à la naissance?"…

Il y a déjà trois billets, n’hésitez pas à découvrir, commenter et faire suivre l’information!

Mon test d’intégration

Nicolas Sarkozy propose de faire passer un test d’intégration aux candidats au regroupement familial en France. Je lui propose d’inclure les questions suivantes :

1. Qu’est-ce qui tourne autour de la terre? (voir ici)

2. Si 5 personnes se partagent le gros lot du loto, et que ce gros lot est de 2 millions d’euros, combien chaque personne touchera-t-elle? (voir ici)

De cette façon, on peut être à peu près sûr du succès de sa mesure. On pourrait aussi étendre le test aux chômeurs, et les rayer des listes ANPE en cas de mauvaise réponse. Comme ça, plus d’immigration, plus de chômage.

En revanche, il y a une question à éviter absolument :"comment appelle-t-on un patrimoine transmis par voie de succession?" (réponse ici)

Ou s’il la pose à d’autres, Sarkozy doit éviter de se la poser, sous peine de devoir s’expulser…

testez vos compétences !



Trois petites questions toutes bêtes :
1. si la probabilité de tomber malade est de 10%, à combien de malades doit-on s’attendre dans une population de 1 000 individus?
2. Si 5 personnes se partagent le gros lot du loto, et que ce gros lot est de 2 millions d’euros, combien chaque personne touchera-t-elle?
3. Supposons que vous ayez 200€ sur un compte épargne. Le taux d’intérêt est de 10% par an. De quelle somme disposerez-vous dans 2 ans?

Ces questions ont été posées à 1700 jeunes quinquagénaires. 80% ont répondu juste à la première question, moins de la moitié à la deuxième et 18% à la troisième. Sachant que la troisième n’a été posée qu’à ceux ayant répondu juste à l’une des deux premières questions.

J’ai trouvé ça sur le blog de Bernard Salanié, qui commente les résultats dans la foulée et donne les liens vers les articles. N’allez voir qu’après avoir répondu aux questions!

Enseignants d’économie en lycée, n’hésitez pas à soumettre ça aux lycéens, histoire de bien vérifier que le niveau baisse…

Moi aussi, je sais qui va gagner l’élection présidentielle…



Alexandre Delaigue
a commencé, en nous affirmant détenir LA pièce de monnaie permettant de savoir qui va gagner les élections. Son compère d’Econoclaste a poursuivi, en nous expliquant que le vainqueur sera le plus beau candidat. En fait, ils se trompent tous les deux. Petite explication :

Sur Econlog, on s’interroge sur le lien entre santé mentale et pauvreté : Arnold Kling pense qu’il existe certaines caractéristiques mentales et émotionnelles garantissant de ne pas être confronté à la pauvreté (abstraction faite des autres déterminants comme le niveau de vie des parents, la qualité des services publics accessibles, etc…).  Chris Dillow lui répond sur son blog que plusieurs études montrent à l’inverse un lien positif entre santé mentale déficiente et réussite professionnelle : i) les personnes célèbres sont plus narcissiques que la moyenne (précision : l’étude montre que ce n’est pas la célébrité qui rend narcissique, mais c’est la préexistence de traits de personnalité narcissique qui favorise la célébrité); ii) les psychopathes réussissent bien dans le monde des affaires (ils font notamment les meilleurs investisseurs du monde, car ils ne sont pas victimes de bêtes émotions comme la peur).

Bon, j’extrapole un peu l’étude, et j’en tire comme conclusion que :

l’élu(e) sera un(e)  psychopathe narcissique.

PS : Vous me direz, j’ai peu de chance de me tromper… Vous me direz aussi, on a peut-être tous les trois raison : la pièce d’Alexandre désignera sans doute un beau (belle) candidat(e) narcissique et psychopathe…

Arthuis récidive



J’ai reçu un petit mail avant-hier (venant d’ici) m’annonçant le passage de Jean Arthuis, dont j’ai dit le plus grand bien l’autre jour, à l’émission "du grain à moudre" de France Culture, émission titrée "Faut-il avoir peur des délocalisations?". Aux côtés d’Arthuis, le responsable d’Atoll et Agnès Benassy-Quéré du CEPII. J’ai bien aimé le début de l’émission : Brice Couturier puis Julie Clarini, journalistes à France Culture, ont passé environ 5 minutes (j’exagère à peine) à presenter Jean Arthuis, son livre, ses idées, ses fonctions, etc…, puis 10 secondes (je compte large) pour Agnès Benassy-Quéré… Ce serait sans importance si Brice Couturier n’avait laissé entendre à demi-mot, à plusieurs reprises, son sentiment tout à fait favorable aux thèses défendues par Jean Arthuis, mais passons, là n’est pas l’essentiel : Jean Arthuis a dit pas mal de bêtises.

* En fin d’émission, il a vanté les mérites de la TVA sociale (minute 53 et suivantes) et tous les bienfaits qu’on devait en attendre pour la compétitivité de la France. Agnès Benassy-Quéré lui a bien dit que ça ne pouvait pas servir à renforcer la compétitivité-coût car on aurait logiquement derrière des hausses de salaires, mais c’est pas grave, il a persisté (pour une critique argumentée de la TVA sociale comme arme dans la compétitivité, voir Econoclaste).
* passage savoureux minute 26′ : Agnès-Benassy-Quéré explique que la rationalisation du processus productif à l’échelle internationale fait gagner à chaque ménage environ 1000€ par an, qu’elle pense que cela pourrait être plus, et… Brice Couturier la coupe : "mais comment allez vous faire si personne ne travaille?". C’est qu’il a bien lu son Arthuis, le petit Brice! Arthuis enchaine en disant que le droit du travail en France empêche toute flexibilité, on ne peut donc rien faire…
* le sumum minute 28 :

"lorsque le gouvernement hier annonçait que les étrangers avaient beaucoup investis en France, le syndicaliste de base pouvait être tenté de dire mais, dans ces conditions, puisque le monde entier a investi chez nous, sans qu’on fit de différence entre l’investissement pour créer quelque chose et l’investissement qui n’est que de la reprise de biens existants, car dans tous ces investissements vous n’avez  pas d’investissement créateur de quoi que ce soit! On rachète des entreprises pour tirer le jus, pour sortir des dividendes et faire des plus-values, mais on n’investit pas pour créer de la recherche, pour financer des investissements de volume, de création de richesse. On investit pour s’approprier des biens et en sortir la substance. On investit dans l’immobilier pour susciter de l’inflation des actifs qui donnent l’illusion de l’enrichissement alors que ce n’est en fait que de la spéculation!"

Démonstration évidente des propos d’Arthuis avec le rapport Ernst & Young sur l’attractivité de la France (j’avais parlé du rapport Europe il y quelques temps, je viens de trouver le rapport France via Egocognito)  :
i) en 2005, la France a accueilli 538 projets d’investissement de l’étranger, juste derrière le Royaume-Uni (558) et loin devant l’Allemagne,
ii) dans 38% des cas, il s’agit de projets d’extension, dans 62% des cas de nouveaux projets
iii) ces projets ont permis de créer 20 497 emplois (avec une moyenne par projet plus faible qu’ailleurs, ce qui s’explique assez bien, je ne développe pas ici)
iv) 59,6% sont des projets relevant de secteurs tertiaires (ces projets tertiaires représentent 43,4% des emplois ) et 40,4% sont des projets industriels (56,6% des emplois)
v) la France est la première terre d’accueil des unités de production et des projets logistiques, et la deuxième terre d’accueil des centres de R&D,
vi) les 10 premiers secteurs sont Logiciels, Services aux entreprises, Electronique, Equipement industriel, Automobile, Logistique, Agro-alimentaire, chimie, plasturgie, Equipement de transport.

Que de l’investissement dans l’immobilier, je vous dis! Pas de création de richesses et d’emplois, rien… Bon, y serait pas délocalisable en Chine, Jean?

Travailler plus pour gagner plus, épisode 134



On connaît la rengaine de Nicolas Sarkozy, par exemple ici :

"Il faut poser la question de l’augmentation des salaires dans notre pays parce que toute ma stratégie économique est fondée là dessus. Le premier problème économique des Français, c’est une question de pouvoir d’achat, il faut donner du pouvoir d’achat aux Français, pour donner de la croissance et pour cela il faut permettre aux gens de travailler plus. Il faut savoir qu’un salarié qui travaillerait quatre heures de plus pourrait gagner 15 % de plus. L’erreur des 35 heures a été une erreur considérable qui a conduit les Français à une rigueur salariale qui a pesé sur la croissance de la France." (source : l’interview de Nicolas Sarkozy dans l’emission « A vous de juger » sur France 2. 30/11/2006)


Discours bien assimilé par les politiques UMP, j’ai pu en juger sur France 3 l’autre jour (On a pu en juger également avec la réponse de Barnier à France Europe Express il y a quelques temps)… Les délocalisations? la faute aux 35 heures. La baisse du pouvoir d’achat? la faute aux 35 heures. Le problème des retraites? la faute aux 35 heures. L’Allemagne plus forte que la France? La faute aux 35 heures. La grippe aviaire? La faute aux 35 heures. etc.

On a donc un enchaînement assez simple : i) les 35 heures font que les gens travaillent moins. Si on leur permet de travailler plus, ils gagneront plus, ii) ce supplément de revenu sera dépensé, iii) ces dépenses de consommation alimenteront la croissance économique, iv) ce qui incitera à créer plus d’emplois et donc v) à réduire le chômage. THE cercle vertueux.

 Il y a plusieurs problèmes avec cet enchaînement. L’un d’eux, et non des moindres, consiste à croire que les salariés peuvent choisir le nombre d’heures de travail. Il faut n’avoir jamais mis les pieds dans une grande surface ou dans une usine pour croire cela (Jules en a parlé dans l’un de ses billets). Un deuxième problème, et c’est sur ce point que je souhaite insister ici,  résulte du fait que Nicolas Sarkozy considère qu’en France on ne travaille pas assez à cause des 35 heures. Les choses sont beaucoup moins simples (je ne suis pas le premier à le dire, voir par exemple cet article de Denis Clerc)…

 Partons de l’indicateur habituellement utilisé pour dire des choses un peu intéressante sur le niveau de vie d’une population, à savoir le PIB par habitant (oui, je sais, il a plein de défaut, ce n’est pas l’essentiel ici).

 Première décomposition

(1) PIB/HAB = PIB/L * L/HAB

PIB : Produit intérieur brut

HAB : nombre d’habitants

L : nombre d’actifs occupés

Le niveau de vie de la population dépend de la productivité apparente du travail (PIB/L) et du rapport entre actifs occupés et population totale (L/HAB).

 Deuxième décomposition

Il s’agit de décomposer le deuxième rapport (L/HAB) comme suit :

L/HAB = L/PA * PA/HAB

 PA : population active, qui est égale à la somme des actifs occupés (L) et des chômeurs (CHO)

Or, le rapport L/PA est le complément à 1 du taux de chômage. En effet :

PA  = L + CHO

On divise doucement de chaque côté par PA :

PA/PA = L/PA + CHO/PA

On reconnaît, bouche bée, le taux de chômage (CHO/PA) qu’on va noter u (comme unemployment, ce qui montre au passage une certaine maîtrise de la langue de Shakespeare) :

1 = L/PA + u

On fait passer u de l’autre côté, et on a bien :

L/PA = 1 – u

On reporte tout ça dans la première relation :

(2) PIB/HAB = PIB/L * (1-u) * PA/HAB


Troisième décomposition, sur PIB/L, afin d’intégrer les heures travaillées (h) :

PIB/L = PIB/h * h/L

PIB/h est la productivité horaire du travail et h/L est le nombre d’heures travaillées par salarié, en moyenne.

On remet ça dans la relation (2) et on passe à (3) :

(3) PIB/HAB = PIB/h * h/L * (1-u) * PA/HAB

 

Quatrième décomposition

On va distinguer, juste pour le plaisir, entre les salariés à temps plein (L1) qui travaillent en moyenne h1 heures et les salariés à temps partiel (L2) qui travaillent en moyenne h2 heures (avec logiquement h2<h1) . D’où la nouvelle relation :

(4) PIB/HAB = PIB/h * (h1*L1 + h2*L2)/L * (1-u) * PA/HAB

 

Cinquième décomposition (la dernière !)

On s’attaque cette fois au rapport PA/HAB, en introduisant un nouveau terme, la population en âge de travailler (PEAT), autrement dit les personnes entre 15 et 64 ans :

PA/HAB = PA/PEAT * PEAT/HAB

PA/PEAT est le rapport entre la population active et la population en âge de travailler, autrement dit le taux d’activité. Notons le ta. PEAT/HAB est la part de la population en âge de travailler. C’est le complément à 1 de la part de la population qui n’est pas en âge de travailler. Notons cette dernière pneat (personnes non en âge de travailler). On introduit ça dans (4) et on obtient la décomposition finale :

(5) PIB/HAB = PIB/h * (h1L1 + h2L2)/L * (1-u) * ta * (1-pneat)

 
Bon, c’est un peu compliqué, d’accord, mais, désolé, le niveau de vie et son évolution dépendent de beaucoup de choses. En réduisant le problème à la question des 35 heures, autrement dit à l’un des éléments affectant le petit h1 de la relation on a tendance à occulter tout le reste… Alors que, on le voit, il y a bien d’autres choses qui jouent, et sur lesquelles il faut agir :

* PIB/h : la productivité horaire. Comme rappelé dans un billet précédent, ce n’est pas une erreur historique de dire qu’on peut gagner plus sans travailler plus, c’est au contraire une régularité historique, qui résulte précisément de la capacité des pays à gagner en productivité, autrement dit à produire plus de richesses avec autant de ressources. On peut s’interroger sur les moyens de faire gagner les entreprises en productivité : effort d’investissement des entreprises, investissement en formation initiale et continue, effort d’innovation technologique et organisationnelle, investissement en capital public, etc, etc, etc… Une part importante du débat économique devrait porter sur cette question, on en reste plutôt à des généralités me semble-t-il,

* h2L2/L : le temps partiel. On sait que le temps partiel subi n’est pas des moindres en France, il est encore plus élevé dans d’autres pays (Pays-Bas notamment). Pour faire monter le niveau de vie, on peut s’interroger sur les moyens de réduire ce temps partiel subi, qui affecte notamment les femmes… Ceci conduirait à réduire L2 en augmentant L1, donc à monter le temps total travaillé sans pour cela recourir à des heures supplémentaires (pour info, 17% des salariés travaillent à temps partiel, en moyenne 23 heures par semaine – voir ce document Dares pour des compléments sur le temps partiel en France),

* u : le taux de chômage, relié négativement au PIB par habitant. La mécanique implacable de l’UMP consistant à croire que monter h1 va conduire à faire baisser u (et donc monter PIB/HAB) est un peu rapide. Elle consiste en effet à supposer que le supplément de revenu octroyé aux salariés via les heures supplémentaires se traduira mécaniquement par un accroissement de la production nationale puis de l’emploi : tout dépend du contenu en emploi de cette croissance ; tout dépend aussi des biens que les ménages souhaitent acheter, s’ils sont fabriqués en France ou au contraire importés. Se pose donc la question de la capacité d’innovation et d’adaptation à la demande (nationale et mondiale) des entreprises localisées en France. De plus, le problème du chômage ne se réduit pas à un problème de croissance : se pose le problème de l’employabilité des personnes. Certaines ont du mal à changer d’activité car elles n’ont pas les connaissances minimales requises (voir ce billet). Ou encore, autre point largement occulté dans les débats : certaines personnes au chômage ont une mobilité spatiale très réduite, ce qui conduit à des désajustements entre des territoires pourvoyeurs d’emplois mais qui ne trouve pas preneurs, et d’autres territoires avec un chômage élevé (voir cet article pour des mesures et analyses de la mobilité des salariés). C’est une des raisons importantes du chômage, qui n’a rien à voir avec le coût du travail, les compétences, ou la prétendue fainéantise ou mauvaise volonté des chômeurs dénoncée par exemple par François Fillon. Je n’ai pas entendu un seul candidat évoquer cette question de la mobilité spatiale.

* ta : il y a deux choses ici. Le fait que le rapport peut être faible en raison du poids des jeunes inactifs de 15 à 24 ans. Ils sont en âge de travailler, mais inactifs, la plupart pour des raisons de poursuite d’étude. On ne peut guère souhaiter que les jeunes interrompent leurs études pour travailler, mais on pourrait réfléchir à proposer aux jeunes en étude du travail en lien avec celles-ci, ce qui faciliterait en passant leur entrée sur le marché du travail. Ca se fait dans d’autres pays, au Danemark par exemple, et ça marche plutôt bien. L’autre composante, à l’autre bout de la chaîne, correspond aux personnes disons entre 50 et 64 ans, qui sont en âge de travailler, elles-aussi, mais qui sont exclues du marché du travail (pré-retraites par exemple). On pourrait s’interroger sur les moyens de réduire cette part… sachant qu’il y a problème en France : le taux d’emploi est un des plus faible de l’Europe à 15 (63,1% en 2005) ; l’emploi des séniors est faible (38% des 55-64 ans sont en emploi, contre 44% dans l’UE15 en moyenne) ; les séniors français sont ceux qui sortent le plus tôt du marché du travail (âge moyen de sortie : 58,5 ans – Pour des compléments sur l’emploi des seniors, voir ce document Dares) ;  l’emploi des jeunes aussi (30% des 15-24 ans contre 40% en moyenne dans l’UE15), et concerne peu les étudiants (en France, 1/4 des étudiants de 22 ans travaillent mais essentiellement dans des petits boulots sans lien avec leur étude, contre 2/3 au Danemark, avec des emplois mieux liés à leur formation),

 * 1-pneat, enfin. On notera en passant que l’allongement de l’espérance de vie réduit automatiquement (1-pneat) donc le niveau de vie moyen. Pour faire monter ce ratio, on peut repousser l’âge de la retraite au-delà de 60 ans. Mais les personnes entre 50 et 60 ans ont déjà des problèmes de maintien sur le marché du travail,  repousser l’âge de la retraite ne résoudra pas cette question. Autre possibilité pour agir sur le ratio : autoriser le travail des enfants (0-15 ans). Ca se discute. On peut aussi réduire autoritairement l’espérance de vie, mais ce n’est pas très politiquement correct non plus.