Géographie des taux de chômage : une forte inertie, quelques mobilités

Nous travaillons au sein du Service Etudes et Prospective du Pôle Datar de la Région Nouvelle-Aquitaine sur la géographie des taux de chômage, à différentes échelles géographiques (départements, zones d’emploi, EPCI), ainsi que sur le lien entre la dynamique de l’emploi et la dynamique du chômage. L’objectif est d’identifier des territoires qui sont dans une situation relative plus problématique, de documenter progressivement les déterminants de leur situation, pour agir ensuite plus efficacement et réduire les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Ce travail a donné lieu à la production d’une première note disponible sur le portail des territoires de la Région, à laquelle vous pouvez accéder en cliquant ici. On mobilise le taux de chômage au sens du recensement, dont la définition est plus large que la définition traditionnelle, elle inclut pour partie ce que l’on appelle le halo du chômage (sont notamment comptabilisées les personnes qui se déclarent spontanément à la recherche d’un emploi).

Si le taux de chômage évolue avec le temps, à la hausse où à la baisse, l’analyse de la géographie des taux de chômage révèle une forte inertie : la situation relative des territoires bouge peu, ceux à plus fort taux de chômage que la moyenne restent globalement à plus fort taux de chômage, ceux à plus faible taux restent à plus faible taux. On a du mal à faire converger les taux à la baisse. Dans la note, on montre par exemple que les taux de chômage observés au recensement millésime 2012 (qui couvre la période 2010-2014) à l’échelle des EPCI “expliquent” 93% des taux de chômage du recensement millésime 2017 (qui couvre la période 2015-2019). Quand je dis “explique”, il s’agit en fait d’une corrélation, d’où les guillemets : ce qui est calculé, c’est le coefficient de corrélation entre les taux de chômage d’une année et ceux de l’autre année, un coefficient de 0,93 signifie que 93% des différences géographiques observées en 2017 peuvent être expliquées par les différences observées en 2012.

En complément du document, j’ai analysé depuis les taux de chômage (au sens de l’organisation internationale du travail cette fois, pas au sens du recensement) à l’échelle des départements : les taux 2010 “expliquent” 88% des taux 2019. Ceux de 2003 en “expliquent” encore 75%. Plus on s’éloigne dans le temps, moins le lien est important, heureusement, mais les taux de 1982 “expliquent” encore, malgré tout, 31% des taux de 2019.

Les deux graphiques ci-dessus représentent les nuages de points départementaux, chaque numéro correspond au numéro du département, les numéros en rouge correspondant aux départements de Nouvelle-Aquitaine. On voit la force du lien entre les taux de 2010 et ceux de 2019, et le lien beaucoup plus faible entre les taux 2019 et ceux de 1982 (pour information, il n’y a pas eu de changement radical dans la géographie des taux de chômage entre 2019 et 2020, la corrélation dépasse les 95%).

Une forte inertie, donc, mais quelques mobilités au sein de la distribution des taux de chômage. S’il n’y avait pas de mobilité, les coefficients seraient de 100%. On peut donc identifier les territoires qui ont connu les plus fortes évolutions dans leur situation relative, soit à la hausse (dégradation relative du taux de chômage), soit à la baisse (amélioration relative du taux de chômage). Sur cette base, dans le document, on identifie les territoires de Nouvelle-Aquitaine  qui non seulement ont des taux de chômage élevés, mais qui en plus connaissent une dégradation relative de leur situation, ce qui pourrait justifier une attention plus importante.

L’autre élément sur lequel on insiste ensuite est la très faible relation entre croissance de l’emploi et dynamique du chômage : ce n’est pas parce qu’on créé beaucoup d’emplois sur un territoire que le nombre de chômeurs ou le taux de chômage baissent, et ce n’est pas parce qu’on en créé peu, voire que l’emploi diminue, que le taux de chômage augmente. On observe en fait toutes les situations : croissance de l’emploi et du chômage, croissance de l’emploi et baisse du chômage, baisse de l’emploi et hausse du chômage, baisse de l’emploi et du chômage. Ceci peut résulter d’un large ensemble de déterminants : des zones attirent de la population, créé de l’emploi, mais pas suffisamment pour pourvoir les besoins, d’où la hausse du chômage ; d’autres zones, parfois les mêmes, proposent des emplois saisonniers ou intérimaires, ce qui peut résulter en une hausse du taux de chômage annuel moyen ; dans d’autres cas, les emplois créés ne peuvent être pourvus par les personnes au chômage, parce que ces personnes ne disposent pas des compétences recherchées, ou qu’elles sont confrontées à d’autres problèmes (logement, transport, santé, garde d’enfants, …) ; des territoires à croissance négative de l’emploi voient le chômage diminuer parce que les personnes qui sont à la recherche d’un emploi quittent le territoire ; etc.

En collectant des éléments plus précis sur la situation des territoires, on doit pouvoir mieux agir. Par exemple, lorsqu’on se trouve dans un territoire à fort chômage et faible création d’emploi, on peut se dire que des actions en termes de développement économique sont souhaitables. Quand on se trouve dans des territoires à forte dynamique d’emploi, ce n’est sans doute pas la priorité, des actions en termes de formation, d’orientation, voire de santé, de mobilité, de logement, …, sont préférables, en fonction des problèmes plus précis identifiés. C’est à ce travail d’identification plus précise des problèmes à traiter auquel nous allons nous atteler dans les prochains mois, en nous appuyant notamment sur la connaissance terrain des collègues de l’institution régionale et des acteurs des territoires concernés.

Territoires zéro chômeur de longue durée : rapport final du Comité Scientifique

Le rapport final du Comité Scientifique d’évaluation de l’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée” vient d’être mis en ligne. Il est composé de différents documents :

Nous avions terminé le rapport intermédiaire par un ensemble de pistes d’amélioration (voir les pages 14 et 15 du rapport intermédiaire). Nous terminons le rapport final sur des points d’attention, sur lesquels le Comité Scientifique a convergé :

Les structures créées ont vraisemblablement contribué à améliorer la trajectoire en emploi, et plus largement le bien être, des bénéficiaires de l’expérimentation (santé, insertion sociale, confiance en soi, etc.). Le rôle joué par le CDI dans cette dynamique d’amélioration est probablement majeur dans l’horizon lointain et le sentiment de sécurité professionnelle et financière qu’il confère. Dans une logique d’efficience des dispositifs publics, cet effet positif sur l’emploi doit encore être comparé avec celui induit par d’autres dispositifs d’insertion professionnelle (contrats aidés, insertion par l’activité économique notamment) ;

La notion de privation durable d’emploi permet une grande souplesse dans les embauches et peut ainsi permettre de tenir compte des aspects protéiformes de la précarité professionnelle. Dans cette perspective, une standardisation des pratiques d’embauche impliquant les comités locaux d’emploi reste à trouver pour permettre une transparence des modalités de recrutement et une réelle équité sur l’ensemble du territoire.

Les objectifs fixés aux structures (donner du travail à toutes les personnes privées d’emploi, non concurrence, impératif de dégager des résultats financiers) peuvent apparaître en contradiction entre eux et induire des tensions fortes au sein des structures, ce qui a contraint certaines EBE à des ajustements. Si certaines évolutions par rapport au modèle initial semblent les bienvenues (notamment en matière de professionnalisation des équipes encadrantes et de structuration de management), d’autres peuvent susciter des interrogations et appellent à une attention soutenue (malgré une politique d’embauche plus ciblée il subsiste quelques recrutements dont l’éloignement à l’emploi pose question ; le critère de non-concurrence des activités semble soumis à une interprétation variable).

Les externalités territoriales existent peut-être à un niveau très fin, mais apparaissent à ce stade trop limitées pour avoir un effet réellement significatif. Si l’insertion institutionnelle au niveau local joue un rôle primordial pour le développement et la bonne insertion dans le maillage économique local, les dernières évolutions soulignent la nature parfois fluctuante de cette implication institutionnelle. Dès lors, un engagement financier des collectivités territoriales doit permettre d’assurer une implication de ces acteurs sur la durée. Par ailleurs, si les effets territoriaux ne semblent pas se matérialiser à ce stade, des effets en termes de concurrence peuvent exister, voire s’amplifier en cas de forte extension de l’expérimentation. Des travaux d’évaluation supplémentaires sur ce point pourraient être entrepris ultérieurement et les gardes fous à établir dans les territoires pourraient être renforcés.

Au final, si l’évaluation menée a permis de faire apparaître des résultats tangibles, celle-ci n’a pu aborder tous les aspects couverts par cette expérimentation complexe : en particulier, les enjeux en termes d’aménagement du territoire et d’impact sur le tissu économique local restent des questions d’évaluation à instruire pour la suite. Cela pourrait justifier un élargissement du champ d’action de l’évaluation au-delà de l’axe central conféré jusqu’à présent sur le retour à l’emploi.

Je remercie très sincèrement l’ensemble des membres du Comité Scientifique, les personnes de la Dares pour l’énorme travail réalisé, ainsi que les équipes mandatées pour les travaux de terrain, qui ont également fait un travail remarquable cette année encore, ans un contexte pour le moins difficile. Je vous encourage à ce titre à lire attentivement leurs rapports, qui ont été une source essentielle de notre analyse.

Territoires zéro chômeur : ce que dit le comité scientifique

A l’heure où députés et sénateurs débattent sur une proposition de loi d’extension de l’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée”, j’ai souhaité rédiger une tribune sur les principales conclusions et recommandations autour desquelles les membres du comité scientifique que je préside ont convergé. Le Monde a accepté de la publier, elle est visible ici (€). J’ai également donné une interview pour Alternatives Economiques, visible ici (€).

Les principaux messages sont les suivants :

  • l’expérimentation est très positive pour les bénéficiaires, sur leur vie professionnelle et personnelle. Sur les impacts hors travail, parmi les derniers résultats que nous avons obtenu grâce à la passation de deux vagues d’enquête auprès des bénéficiaires, on montre notamment qu’ils renoncent moins aux soins et qu’ils ont un sentiment de bien être significativement supérieur à des personnes ayant les mêmes caractéristiques mais n’ayant pas bénéficié de l’expérimentation,
  • nous avons observé cependant tout un ensemble de problèmes de mise en œuvre sur les premiers territoires, liés sans doute pour partie à la volonté des porteurs de projet d’atteindre rapidement l’exhaustivité (c’est-à-dire de recruter l’ensemble des personnes durablement privés d’emploi) : problème de management, difficulté à atteindre un niveau suffisant d’activité, anticipation insuffisante des besoins de formation et d’accompagnement, … Certains de ces problèmes ont été réglés chemin faisant, il convient que les futurs territoires les anticipent,
  • s’agissant du modèle économique, l’objectif de neutralité financière n’est pas atteint, pour partie car le chiffre d’affaires des entreprises créées est inférieur à ce qui était escompté, pour partie en raison du fait qu’une part non négligeable des personnes recrutées ne percevaient pas avant embauche d’allocations chômage ou de prestations sociales, si bien que l’Etat économise moins que prévu suite à leur retour à l’emploi. C’est ce point qui fait débat, y compris au sein du comité scientifique : certains considèrent qu’il y a un problème de ciblage qu’il convient de régler ; d’autres (la grande majorité des membres du comité scientifique) considèrent que c’est en partie lié à des phénomènes de non recours, il convient donc d’assumer que cette expérimentation coûte plus que prévu et ne soit pas neutre financièrement, au moins à court et moyen terme.

Sur la base de ces résultats, le comité scientifique recommande une extension prudente de l’expérimentation, à un nombre limité de territoires suffisamment prêts. Dans cette perspective, il nous semble important que le cahier des charges auquel devront se conformer les nouveaux territoires intègre nos recommandations, notamment : i) bien anticiper et remédier aux problèmes de mise en oeuvre, ii) impliquer l’ensemble des acteurs potentiellement concernés (y compris les acteurs de l’insertion par l’activité économique et les entreprises privées) et s’assurer d’une gouvernance locale de qualité, iii) anticiper l’ensemble des besoins de financement (pour l’investissement dans les locaux, les machines, les besoins de formation et d’accompagnement des personnes) et avoir une idée claire de la trajectoire financière, iv) procéder à une sélection rigoureuse des bénéficiaires pour éviter une rupture d’égalité entre les territoires.

Pour ce qui est du modèle économique, enfin, ce qu’il convient de viser c’est sans doute moins la neutralité financière que la capacité de l’expérimentation à ramener vers l’emploi des personnes qui en ont été durablement privées, et à maximiser les effets positifs sur ces personnes, leur entourage et leur territoire d’appartenance.

Territoires zéro chômeur : rapport intermédiaire du Comité Scientifique

J’ai remis aujourd’hui à la Ministre du travail le rapport intermédiaire du Comité Scientifique d’évaluation sur l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), vous pouvez le télécharger ici. Quelques précisions/compléments.

Quand j’ai été sollicité en 2016 pour présider le comité, j’ai tenu à ce qu’il soit composé de chercheurs de disciplines différentes (économie, sociologie, droit, géographie), et une fois le comité constitué, à ce que l’évaluation combine analyses quantitatives et analyses qualitatives. Le croisement des regards et la combinaison des méthodes a donné lieu à des échanges que j’ai trouvé particulièrement riches lors des réunions du comité.

Notre rapport intermédiaire se nourrit pour une part importante des travaux de terrain confiés à trois organismes (le consortium ASDOANSA, le CLERSE, KPMG), qui ont travaillé séparément sur quatre des dix territoires d’expérimentation. Nous mettons à disposition leurs rapports intermédiaires, j’encourage vivement les personnes intéressées par l’expérimentation à les lire, c’est tout sauf superflu.

Compte-tenu des premiers retours que j’ai pu avoir sur notre travail, j’aimerais que personne ne perde de vue que l’avis général du Comité Scientifique est favorable à la poursuite de l’expérimentation, ainsi qu’à son extension à des territoires suffisamment matures. Le fait que nous insistions dans notre rapport sur certains problèmes ne signifie pas que notre avis est négatif, l’intention est de porter à la connaissance des acteurs ces problèmes (dont certains ont commencé à être réglés sur les sites) pour qu’ils ne se reproduisent pas. C’est tout l’intérêt d’une démarche expérimentation-évaluation, précisément, que de repérer ce qui ne va pas et d’y remédier. Quand nous proposons ensuite une extension à des territoires suffisamment matures, c’est pour souligner l’importance, pour la réussite de l’expérimentation, de relations fluides et de qualité entre les institutions. Nous proposons également que les futurs territoires d’expérimentation indiquent clairement quels moyens humains et financiers ils souhaitent apporter, moyens indispensables à la réussite du projet selon nous, or je ne suis pas sûr que tous les territoires candidats (près de 200) en aient pleinement conscience.

Autre précision importante : le rapport  remis aujourd’hui est un rapport intermédiaire, le rapport final devant être livré d’ici l’été 2020. D’ici là, nous allons pouvoir approfondir certains points, notamment mieux comprendre quelles sont les caractéristiques/trajectoires passées des bénéficiaires de l’expérimentation, d’une part, et quel est l’impact territorial de l’expérimentation, d’autre part. Le premier approfondissement est essentiel, car il va permettre d’éclairer le point qui va sans doute faire le plus de buzz : il semble en effet que, contrairement à ce qui avait été anticipé, l’Etat économise moins que prévu en favorisant l’embauche de chômeurs de longue durée, car une part non négligeable des bénéficiaires de l’expérimentation ne touchait pas, avant entrée dans les entreprises à but d’emploi, d’allocations chômage ou de prestations sociales. Nous ne savons cependant pas pour le moment dans quelle mesure cela s’explique par du non recours, il est donc indispensable de le mesurer avant de dire qu’il y a ou non un problème éventuel de ciblage dans l’expérimentation. S’agissant de l’impact territorial de l’expérimentation, la deuxième vague d’enquête qui va être lancée auprès des habitants des territoires devrait permettre de le mesurer en partie. Affaire à suivre, donc.

Territoires zéro chômeur : mise au point suite à la tribune de Pierre Cahuc

Etant donné que je préside le Comité Scientifique de l’expérimentation territoire zéro chômeur de longue durée, je me permets de réagir brièvement à la tribune de Pierre Cahuc publiée par les Echos vendredi dernier.

Je tiens à préciser que cette tribune n’engage en rien le Comité Scientifique, même si Pierre Cahuc en fait partie. J’ai indiqué à l’ensemble des collègues du Comité que sa publication me posait problème : si chacun des chercheurs impliqués communique dans les médias pour faire part de son sentiment personnel, à quelques jours de la publication de notre rapport intermédiaire, le travail collectif réalisé est mis à mal.

J’en profite pour faire une autre mise au point sur le fait que, jusqu’à présent, le Comité Scientifique ne s’est pas exprimé : c’est volontaire. J’ai été sollicité à plusieurs reprises par les médias et par des personnes impliquées dans l’expérimentation, qui s’interrogeaient légitimement sur les conclusions de nos travaux. Jusqu’à présent, j’ai toujours refusé de répondre, en indiquant que nos travaux étaient en cours et que nous ne communiquerions que lorsque nous disposerions de résultats suffisamment solides.

En dehors des Métropoles, point de salut ? Une analyse critique de la note de France Stratégie

France stratégie vient de publier une note intitulée “Dynamiques de l’emploi et des métiers : quelles fractures territoriales?”, sous la plume de Frédéric Lainé. L’auteur exploite des données sur l’emploi des 25-54 ans sur longue période et montre que sur la période la plus récente (2006-2013), les “métropoles”, c’est à dire Paris et le paquet des 12 plus grandes villes de province, connaissent une croissance positive, alors que les autres tranches de taille d’aires urbaines régressent. D’où la première phrase de la note : “Le début du XXIe siècle est marqué par un mouvement de concentration de l’emploi dans une douzaine de métropoles françaises”. La messe est dite, la presse s’en est emparée, titrant en gros qu’en dehors de cette douzaine de métropoles, point de salut.

Le contenu est pourtant plus nuancé que ce que la presse en a retenu, mais encore fallait-il lire jusqu’au bout : Frédéric Lainé montre notamment l’importance des effets de structure dans ces évolutions (les métropoles sont tirées par la croissance plus rapide des métiers de cadre, plus présents en leur sein), il explique aussi que les métropoles sont un ensemble hétérogène, et que d’autres effets comptent, notamment l’existence d’effets macro-régionaux.

Passons sur cela, revenons à l’affirmation initiale : en dehors d’une douzaine de métropoles, point de salut ? Non, je vous propose de le montrer en quelques chiffres.

J’ai récupéré sur le site de l’Insee l’emploi total par commune pour 2008 et 2013, ainsi que l’emploi correspondant aux fonctions dites métropolitaines (conception-recherche, culture-loisir, gestion, commerce inter-entreprises, prestations intellectuelles) et parmi elles les emplois de cadre. J’ai agrégé cela par Aire Urbaine (771 aires urbaines), puis j’ai fait quelques calculs.

Si l’on raisonne par paquets d’Aires Urbaines comme le fait l’auteur, effectivement, Paris et les 12 aires les plus grandes ont une croissance positive, les autres une croissance négative ou nulle. Je n’ai pas tout à fait les mêmes résultats car je ne suis pas sur la même période (2008-2013 contre 2006-2013) et pas tout à fait la même population (ensemble des actifs pour moi, 25-54 ans pour lui), mais c’est qualitativement similaire : la croissance de l’emploi France entière a été de 0,8%, elle a été de 1,3% pour Paris, 3,2% pour les 12 métropoles, 0,02% pour les Aires de 50 000 à 200 000 emplois et -1,6% pour les Aires de moins de 50 000 emplois.

Sauf que ce sont des moyennes et que raisonner sur des moyennes conduit à dire beaucoup de bêtises : certaines des 12 métropoles sont dynamiques, d’autres moins. Certaines des aires de taille inférieure sont dynamiques, plus que nombre de métropoles, d’autres moins.

Regardons le sous-ensemble des aires de plus de 50 000 emplois, soit les 68 aires urbaines les plus grandes, et voyons quelles sont les vingt plus dynamiques (les “métropoles” sont indiquées par une *) :

Aire urbaine emploi 2008-2013
Douai – Lens* 8.1%
Limoges 7.4%
Toulouse* 6.8%
Montbéliard 6.8%
Nantes* 6.6%
Alès 5.8%
Bordeaux* 5.8%
Lorient 5.4%
Mulhouse 5.3%
Chambéry 4.6%
Lyon* 4.5%
Grenoble* 4.0%
Poitiers 3.7%
Quimper 3.3%
Beauvais 3.2%
Valence 3.0%
Périgueux 2.9%
Lille (partie française)* 2.7%
Saint-Quentin 2.6%
Annecy 2.4%

Ce n’est pas parce que en moyenne les aires comprises entre 50 000 et 200 000 emplois ont une croissance nulle que chacune connaît une croissance nulle, comme on le voit…

A contrario, comme indiqué dans la note, la croissance moyenne des 12 métropoles masque des disparités : baisse de l’emploi de 0,8% sur Nice et de 0,7% sur Rouen ; croissance inférieure à la moyenne pour Strasbourg (+0,1%) et pour Toulon (+0,2%), juste au dessus de la moyenne pour Tours (+0,9%). Cinq métropoles sur douze patinent, on a fait mieux comme modèle générique de développement…

Idem si l’on restreint l’analyse aux cadres des fonctions métropolitaines. Leur croissance a été France entière de 10,6%, 9,3% sur Paris, 15,9% sur les 12 métropoles et 8,6% sur les aires de 50 à 200 000 emplois. Mais de 26,1% à Niort, qui truste la première place, ou 22,4% à Lorient, troisième derrière Douai-Lens, tandis qu’elle n’est que de 6,7% à Nice, 7,2% à Rouen ou 7,6% à Strasbourg.

Pour identifier plus rigoureusement l’existence éventuelle d’un effet taille des métropoles, il convient de passer à l’économétrie. Résultat des courses : pas d’effet taille significatif si l’on raisonne sur l’ensemble de l’emploi ou sur l’emploi des fonctions métropolitaines. Effet faiblement significatif (au seuil de 5% mais pas au seuil de 1%) pour le sous-ensemble des cadres des fonctions métropolitaines, mais les différences de taille n’expliquent alors que moins de 5% des différences de taux de croissance. Résultats conformes à ceux obtenus sur la croissance de l’emploi privé, voir cet article pour des détails.

Bref, il y a un salut en dehors des métropoles, et évitez de raisonner sur les moyennes pour ne pas dire trop de bêtises…

Petit cours d’économie à l’attention des journalistes du Figaro et du Point qui disent n’importe quoi…

Le Figaro s’est fendu récemment du titre d’article le plus bête du monde : « Selon le FMI, neuf chômeurs français sur dix n’ont aucune chance de retrouver un emploi ». Le Point l’a repris immédiatement. La note du FMI sur laquelle s’est appuyée le Figaro est disponible ici. Elle ne dit pas du tout cela, comme l’explique bien Libération dans cet article.

Comme l’économie est une matière un brin complexe, je vous propose un petit cours, le plus simple possible, pour vous expliquer ce que dit la note, pourquoi le Figaro se trompe, et ce que l’on peut en déduire en matière de lutte contre le chômage.

L’économie française dispose d’un ensemble de ressources potentiellement mobilisables pour produire des biens et services vendus sur les marchés (nationaux et/ou mondiaux) : ressources naturelles, ressources en travail, ressources en capital, connaissances, … Elle se caractérise également par un certain degré de concurrence sur le marché des biens et des services, par certaines règles en matière de fonctionnement du marché du travail et des marchés financiers, par son système de formation, de recherche, par un système juridique, fiscal, social, …, qui influent bien sûr sur les comportements des acteurs. Tout ceci définit les contours de ce que l’on peut appeler les structures de l’économie française.

Compte-tenu de ces structures, on peut calculer la production nationale que l’on pourrait atteindre. Notons-là Y*. Compte-tenu de ce niveau de production potentielle, on peut en déduire un niveau d’emploi L* nécessaire pour l’atteindre, qui, ramené à la population active, permet de calculer un taux de chômage u*. Ce taux de chômage, on peut l’appeler le taux de chômage structurel.

Chaque entreprise ne s’amuse évidemment pas à calculer ce niveau macroéconomique de production pour savoir ce qu’elle va faire : elle s’en moque. Elle cherche plutôt à anticiper ses ventes et décide en fonction de son niveau de production, et donc d’investir ou pas, d’embaucher ou pas, etc. L’agrégation de ces décisions individuelles, les échanges réalisés ensuite sur les marchés, conduisent à la formation de la production non plus potentielle, mais effective. Notons-là Y. On peut déduire de ce niveau de production Y un niveau d’emploi L nécessaire pour l’atteindre, qui, ramené à la population active, permet de calculer un taux de chômage effectif u.

Rien ne garantit que le taux de chômage effectif soit égal taux de chômage structurel. Dans tout un ensemble de cas, en effet, les entreprises se trompent dans leurs anticipations, par exemple suite à une crise, elles ont tendance à se méfier de l’avenir, à investir moins qu’elles ne pourraient, ne serait-ce que par qu’elles « sentent » (ou pensent sentir) que les consommateurs eux-mêmes ont peur de l’avenir et qu’ils consomment moins qu’ils ne pourraient. On observe donc potentiellement un Y<Y* et donc un u>u*. La différence entre u et u* est le chômage que l’on peut qualifier de conjoncturel, résultant de ces inévitables erreurs d’anticipation.

Que dit la note du FMI, alors ?

Que le taux de chômage en France, qui est d’environ 10%, est pour une très large part structurel : le u* de la France serait de 9%. Dit autrement, 90% du chômage français serait d’origine structurelle, 10% d’origine conjoncturelle. C’est pour cela que le Figaro croit pouvoir dire que « 9 chômeurs sur 10 ne pourront jamais retrouver d’emploi ». Mais c’est faux. Éventuellement, on pourrait plutôt dire, si l’on en croit l’analyse du FMI : « 9 chômeurs sur 10 sont au chômage en raison des problèmes structurels de l’économie française ». Le titre du Figaro est sexy et faux, le titre que je propose est moins sexy mais juste. A vous de choisir.

Dire que 90% du chômage est d’origine structurelle, cela signifie que, si on veut le réduire, il faut mettre en place des politiques structurelles afin de faire monter Y* et donc de réduire u*, la note du FMI en listant quelques unes. Si, à l’inverse, le chômage est massivement d’origine conjoncturelle, il faut mettre en place des politiques conjoncturelles afin de rapprocher u de u*.

Prenons l’exemple de la loi El Khomri pour montrer que ces quelques éléments permettent de mieux comprendre les débats entre économistes.

Dans la tribune signée par Piketty et al., défavorable à la loi, le premier argument consiste à dire que la composante conjoncturelle du chômage est importante : la crise a fait passer le chômage en France de 7% à 10%, l’Europe aurait dû mettre en place une politique conjoncturelle (faire de la dépense publique par exemple) pour compenser le faible investissement et la faible consommation privés, ce qu’elle n’a pas fait.

Les autres arguments avancés dans le cadre du débat, ensuite, montrent que les économistes, s’ils reconnaissent tous la nécessité de mettre en place des politiques structurelles, ne sont pas d’accord sur les priorités. La tribune d’Aghion et al. considère que la loi va dans le bon sens en se focalisant sur certaines « règles du jeu » sur le marché du travail, l’autre tribune considère que non, qu’empiriquement il n’y a pas de lien entre protection des salariés et chômage, que le problème se situe plutôt côté système de formation et marché du logement. L’essentiel des débats entre économistes se situent là, d’ailleurs, quels que soient les sujets : quelles sont les politiques structurelles à mettre en œuvre en priorité ?

Je préconise une autre réforme structurelle, qui ne changera pas la face du monde, certes, mais qui ne serait pas inutile : renforcer l’enseignement de l’économie dans les formations suivies par notre élite politique et médiatique…

Inversion de la courbe du chômage : un nouveau petit point

L’Insee vient de mettre en ligne les taux de chômage trimestriels par zones d’emploi (304 zones en France métropolitaine) pour le 4ème trimestre 2015. L’occasion de refaire un point à l’échelle infra-nationale sur la question de l’inversion de la courbe du chômage.

A l’échelle du pays, c’est clair, le chômage stagne : la moyenne simple des taux de chômage par zone d’emploi était à 9,9% fin 2012, 9,8% fin 2013, 10,2% fin 2014 et 10,1% fin 2015. Mais rien ne dit que des choses ne bougent pas à des échelles plus fines.

La dernière fois que je m’étais livré à l’exercice, on observait peu de changement, moins d’une dizaine de zones avaient vu leur taux de chômage baissé. Cette fois, leur nombre est plus important : 75 des 304 zones d’emploi ont un taux de chômage au dernier trimestre de 2015 inférieur à leur taux de chômage au dernier trimestre de 2012. Dans certains cas, la variation est faible, dans d’autres cas, elle est relativement forte.

Pour le montrer, on peut commencer par cartographier l’écart entre les deux taux de chômage (taux 2012 – taux 2015). Une valeur positive signifie que le taux de chômage a baissé, d’autant plus que la valeur est élevée.

inversion

Les zones en bleu sont celles qui ont connu une hausse du chômage ; celles en jaune et en orange ont connu une baisse du taux : entre 0,1 et 0,6 points de pourcentage pour les zones en jaune, entre 0,6 et 1,2 points de pourcentage pour celles en orange.

Vous pouvez découvrir le détail des 75 zones d’emploi ici : le nom de la zone, sa région d’appartenance, le taux de chômage aux deux dates et la variation du taux. Elles sont classées de la plus forte variation à la plus faible. Les 15 zones en orange sont les suivantes :

zone d’emploi région  2012  2015 écart
Douai Nord-Pas-de-Calais-Picardie 14.8 13.6 1.2
Calais Nord-Pas-de-Calais-Picardie 16.8 15.7 1.1
Vesoul Bourgogne-Franche-Comté 10.0 9.1 0.9
Vallée de l’Arve Auvergne-Rhône-Alpes 10.5 9.6 0.9
Lens-Hénin Nord-Pas-de-Calais-Picardie 17.0 16.1 0.9
Ussel Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes 7.8 7.1 0.7
Verdun Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine 11.6 10.9 0.7
Saint-Flour Auvergne-Rhône-Alpes 6.6 5.9 0.7
Limoux Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées 13.6 12.9 0.7
Sens Bourgogne-Franche-Comté 11.3 10.7 0.6
Saint-Malo Bretagne 9.8 9.2 0.6
Château-Thierry Nord-Pas-de-Calais-Picardie 12.2 11.6 0.6
Vendôme Centre-Val-de-Loire 8.7 8.1 0.6
Bar-le-Duc Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine 9.0 8.4 0.6

On peut symétriquement regarder les zones qui ont connu la dégradation la plus forte de leur situation. En voici la liste :

zone d’emploi région 2012 2015 écart
Porto-Vecchio Corse 10.5 12.8 -2.3
Bastia Corse 10.0 11.6 -1.6
Autun Bourgogne-Franche-Comté 9.3 10.8 -1.5
Sartène-Propriano Corse 11.2 12.7 -1.5
Morteau Bourgogne-Franche-Comté 6.5 7.9 -1.4
Troyes Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine 11.2 12.4 -1.2
Ganges Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées 12.6 13.8 -1.2
Menton Vallée de la Roya Provence-Alpes-Côte d’Azur 8.8 10 -1.2
Montereau-Fault-Yonne Ile-de-France 11.0 12.1 -1.1
Guingamp Bretagne 9.5 10.6 -1.1
Carhaix-Plouguer Bretagne 9.4 10.4 -1.0
Montauban Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées 10.9 11.9 -1.0
Céret Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées 15.0 16 -1.0
Orly Ile-de-France 9.9 10.8 -0.9
Romorantin-Lanthenay Centre-Val-de-Loire 9.5 10.4 -0.9
Aubenas Auvergne-Rhône-Alpes 13.0 13.9 -0.9
Nice Provence-Alpes-Côte d’Azur 9.7 10.6 -0.9
Cavaillon-Apt Provence-Alpes-Côte d’Azur 12.4 13.3 -0.9

Comme dit dans un autre billet, attention cependant à l’interprétation des taux de chômage : certaines zones ont un faible chômage qui se conjugue à de faibles créations d’emploi, d’autres un fort chômage mais une dynamique forte de création d’emploi, etc. Il est aussi possible que sur certains territoires, le “renoncement” à chercher un emploi soit plus fort, ce serait à regarder. Cela semble quand même bouger un peu, en positif, notamment dans quelques zones de la nouvelle région “Hauts de France”, particulièrement exposées au problème du chômage.

Loi El Khomri : Battle entre économistes

Joli débat entre économistes, par tribunes pour le Monde interposées (hélas en édition abonnés seulement). Première tribune datée du 4 mars, signée par Aghion, Algan, Benassy-Quéré, etc, favorables à la réforme, même si les auteurs estiment qu’elle doit être complétée. Deuxième tribune datée du 8 mars, signée par Askenazy, Bacache, Behaghel, etc, défavorables à la réforme, même si les auteurs notent quelques points positifs.

Qui a raison ? Pour trancher, certains seront tentés de “compter les galons”, car on sent bien que chaque groupe a cherché à rassembler de prestigieuses signatures, mais comment départager entre Aghion, Tirole, Blanchard, …, d’un côté et Piketty, Cohen, Askenazy, …, de l’autre ? Il y a plus intelligent que ce genre de comptabilité… D’autres encore vont peut-être tenter de repérer le positionnement politique des uns ou des autres, se dire que ceux les plus proches de leurs propres convictions ont certainement raison… Pas beaucoup plus intelligent…

La troisième façon de faire, la plus pertinente selon moi, celle que j’ai proposé à un groupe d’étudiants qui souhaitent échanger sur le sujet la semaine prochaine dans le cadre d’un cours, consiste à recenser les arguments des uns et des autres, identifier les points de convergence et de divergence et, surtout, de s’interroger sur les éléments de preuve avancés par les deux “camps”.

A ce jeu, l’une des tribunes m’apparaît plus convaincante. Mais je ne vous dirai pas laquelle : livrez-vous à l’exercice, rien n’est plus formateur.

Femmes au foyer, immigrés, temps de travail : quelques mélanges…

Je viens de voir passer cet article de mars dernier, qui circule un peu ces derniers jours sur les réseaux sociaux, titré “les femmes au foyer pour libérer l’emploi : la proposition hallucinante d’un député FN”, publié sur le site Terrafemina.

Dominique Martin, eurodéputé FN, y explique notamment que “ça aurait l’avantage de libérer des emplois”. L’article, très critique, a été partagé près de 50 000 fois. Je partage également, le propos est absurde.

Si je me fends d’un billet, c’est que l’absurdité ne se niche pas forcément là où on l’imagine (j’imagine que Marine et Marion ont assez peu apprécié, elles ne semblent pas être retournées à leurs fourneaux, en tout cas).

L’absurdité réside plutôt, comme indiqué dans mon dernier billet, dans l’idée que le nombre d’emplois disponibles dans un pays serait assimilable au nombre de parts de gâteau que l’on pourrait se partager et que, désolé, si le nombre de convives augmente un peu trop, autant en exclure certains, histoire de manger à notre faim, quand même.

Cet eurodéputé considère qu’exclure les femmes serait une bonne solution. Je ne doute pas qu’un sondage réalisé auprès des français (sondage représentatif auprès de la population française selon la méthode des quotas, bien sûr), montrerait que la majorité des français sont contre.

En revanche, je m’interroge sur les résultats du même sondage si la question n’était plus “d’exclure les femmes”, mais plutôt “d’exclure les immigrés”. Dans les deux cas, il s’agirait de réduire le nombre de postulants à l’emploi. Du point de vue de l’économie d’un pays, la question est la même. Pas sûr que la réponse soit la même, je pressens que la majorité des français serait pour la limitation des postulants immigrés. Vous pouvez être “pour” l’accès des femmes et “contre” l’accès des immigrés, mais reconnaissez que ce n’est plus un problème économique, un problème de discrimination, plutôt.

Ce qui, désolé, serait moyennement cohérent : si vous pensez que l’afflux de représentantes de la gente féminine sur le marché du travail ne pose pas de problème, vous devez penser aussi que l’afflux d’immigrés ne pose pas de problème. Si vous pensez, à l’inverse, que l’afflux d’immigrés pose problème, vous devez penser que l’afflux de femmes pose problème. Vous faites ce que vous voulez, bien sûr, mais un peu de cohérence ne nuit pas. Je comprends cependant que vous ne vouliez pas de discrimination, ni contre les femmes, ni contre les immigrés. Vous devriez alors valider l’existence d’un tirage au sort aléatoire d’un certain nombre de personnes définitivement exclues du marché du travail, parce que la faute à pas de chance, un truc genre Française des Jeux, quoi.

On pourrait multiplier les exemples : j’ai entendu, il y a quelques temps, un syndicat étudiant expliquer que si on décalait l’âge de la retraite, cela augmenterait le taux de chômage des jeunes, car plus de “seniors” en emploi, c’est plus de jeunes au chômage. Ou encore, par d’autres, l’idée que réduire le temps de travail serait la solution. Gâteau à partager, toujours.

Bref, si vous êtes cohérent, vous devez être pour :

  1. la limitation de l’immigration,
  2. le retour des femmes au foyer,
  3. le maintien de l’âge de la retraite à ce qu’il est aujourd’hui,
  4. la réduction du temps de travail.

Ou bien, si vous êtes cohérent, toujours, vous devriez vous dire que :

  1. l’accès des femmes au marché du travail n’est pas un problème,
  2. l’immigration n’est pas un problème,
  3. décaler l’âge de la retraite n’est pas un problème,
  4. réduire le temps de travail n’est pas la solution.

Je pressens des problèmes de dissonance cognitive.

J’imagine un politique de droite expliquer que décaler l’âge de la retraite, mon bon monsieur, cela ne posera pas de problème sur le chômage, mais que, en revanche, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, l’immigration, vous comprenez… Et puis les 35 heures, quand même!

J’imagine un politique de gauche, énervé par les discours un brin (une poutre) xénophobes ou antiféministes, se désespérant des discours anti-immigrés, mais se désolant du décalage de l’âge de la retraite, quand même, parce que les jeunes, quoi, et puis la réduction du temps de travail, ça semble pas mal, quand même…

Les propos de Dominique Martin sont absurdes, ça ne fait aucun doute. Au-delà de cette cible facile, réfléchissons chacun à nos contradictions.