Concentrer le financement de la recherche sur une “élite” est contreproductif

evangile_StMatthieu_Arras_1230En termes de financement de la recherche, la mode est à la concentration de l’effort au profit de quelques-uns : il faut subventionner les chercheurs excellents qui produiront donc plus de recherche et de la recherche de meilleure qualité. Cette stratégie est vue par la plupart des politiques comme une évidence, à l’échelle européenne, nationale, ou régionale. Dans le monde de la recherche lui-même, elle est considérée par beaucoup comme la bonne solution, même si certains se plaignent de passer trop de temps à rédiger des réponses à appels à projets. “Soutenir l’excellence” et “éviter le saupoudrage” sont devenus les mots d’ordre.

Le problème, c’est que cette évidence n’en est pas une. Repérer les projets excellents n’est pas si simple, si bien que ceux qui bénéficient des fonds, ce ne sont pas nécessairement ceux qui ont déposés les projets les meilleurs, mais ceux qui ont produit dans le passé plus de recherche ou de la recherche considérée comme de meilleure qualité, éléments plus facilement observables. Les financements seraient donc moins une incitation à produire de la bonne recherche dans le futur qu’une récompense pour la recherche passée. Si la performance des chercheurs était constante dans le temps, ce ne serait pas grave, mais si, à l’inverse, elle décroît, c’est une erreur.

Un deuxième problème potentiel est que si l’on donne des sommes très importantes à certaines équipes, ces équipes peuvent être confrontées à des coûts de coordination croissants, que de toute façon leur temps disponible a une limite (surtout s’ils doivent consacrer de plus en plus de temps à répondre à des appels à projets), si bien qu’on ne peut pas raisonnablement imaginer qu’en augmentant à chaque fois les subventions qu’on leur accorde, on va augmenter sans cesse et dans le même rapport leur production scientifique.

Pour savoir quelle stratégie adopter, la bonne démarche consiste donc à regarder les résultats des études empiriques sur le sujet. Ça tombe bien,  un article (découvert sur twitter via @bbernela et @gcabanac) de Philippe Mongeon, Christine Brodeur, Catherine Beaudry et Vincent Larivière vient d’être publié dans la revue Research Evaluation. Il s’intitule “Concentration of research funding leads to decreasing marginal returns”, ce que je traduirais par “Concentrer le financement de la recherche conduit à des rendements marginaux décroissants”. L’article est en accès payant, mais une version préliminaire est visible ici.

L’étude est particulièrement intéressante, car elle s’appuie sur des données de qualité qui lui permettent de mesurer la relation entre le montant des fonds alloués à 12 720 chercheurs québécois sur une période de 15 ans (1998-2012) et leur production scientifique (et l’impact de cette production) entre 2000 et 2013. Le résultat est clair : concentrer le financement sur quelques uns n’est pas efficace. Quelle implication en termes de politique publique ? Si l’objectif est que les chercheurs produisent plus de recherche, et de la recherche de meilleure qualité, il vaudrait mieux, en raisonnant à budget constant, accorder des subventions moins importantes à plus d’équipes, plutôt que de concentrer les financements sur quelques-uns.

Vivement le temps où les politiques et plus généralement les responsables en charge du financement de la recherche, qui, je n’en doute pas, sont convaincus de l’importance de la recherche, regardent un peu les résultats des études en sciences sociales qui portent précisément sur leurs actions…

On voit des métropoles partout, sauf dans les statistiques

Nouvelle livraison pour alimenter le débat sur la métropolisation ! L’article co-écrit avec Michel Grossetti a en effet plutôt bien diffusé, il nous semble que notre critique de l’indicateur PIB régional par habitant est globalement acceptée, mais certains chercheurs nous opposent d’autres arguments. Pierre Veltz, par exemple, dans un entretien pour la revue L’Economie Politique (€), reconnaît dans un premier temps le problème :

le PIB régional est un concept qui soulève de nombreux problèmes, qui s’ajoutent à ceux du PIB en général. Où situer, par exemple, la valeur ajoutée produite par une entreprise comme Renault ? Le Technocentre, avec ses salaires élevés, contribue évidemment au PIB de l’Ile-de-France ; mais cette valeur ajoutée n’existerait pas sans les usines de production situées en province ou à l’étranger. La notion de PIB local, dans une économie aussi interconnectée que la nôtre, est artificielle. Par ailleurs, PIB élevé veut dire surtout, en pratique, salaires élevés. Les économistes orthodoxes diront que le salaire élevé récompense une productivité marginale élevée ! Mais le raisonnement est circulaire. On sait bien que la formation des salaires obéit à des normes et des rapports sociaux autres qu’une « productivité marginale » impossible à mesurer. Au total, la valeur ajoutée n’est pas localisable : elle est dans le réseau (pp. 17-18).

Il renvoie cependant, dans le même entretien, à d’autres arguments avancés par Davezies et Pech (2014) résultant de l’exploitation des données sur l’emploi salarié de l’Acoss, pour la période 2008-2012, par Aire Urbaine et par commune et affirme :

Cela dit, et c’est l’essentiel, il y a bien d’autres indicateurs de la force et des effets positifs de la métropolisation que le PIB : la concentration de la qualification, celle de l’emploi… La dynamique récente est à la concentration des créations d’emplois dans les zones métropolitaines (p. 18)

Dans une interview pour Xerfi Canal, il reprend le même argument.

Nous avions pour notre part montré l’absence d’effet taille à l’échelle des zones d’emploi, sur la période 1999-2011, mais le problème est que la comparaison de nos résultats avec ceux de Davezies et Pech (2014) est rendu difficile pour trois raisons : i) le zonage géographique n’est pas le même (zones d’emploi vs. aires urbaines), ii) la variable retenue n’est pas la même (ensemble des actifs occupés vs. emplois salariés privés), iii) la période d’étude n’est pas la même (1999-2011 vs. 2008-2012).

Nous avons donc décidé de mobiliser les mêmes données que ces auteurs, sur la période la plus récente disponible (2009-2014) pour éprouver la validité de leurs conclusions. Résultat? Leurs conclusions sont invalidées, ce qui s’explique notamment par un sévère problème de méthode dans l’analyse déployée. Une analyse rigoureuse montre qu’on ne peut conclure à un avantage général des métropoles en matière de création d’emplois sur la période d’étude.

Notre article vient d’être publié sur Hal, vous pouvez le télécharger en cliquant sur ce lien. As usual, toute remarque est la bienvenue !

Femmes au foyer, immigrés, temps de travail : quelques mélanges…

Je viens de voir passer cet article de mars dernier, qui circule un peu ces derniers jours sur les réseaux sociaux, titré “les femmes au foyer pour libérer l’emploi : la proposition hallucinante d’un député FN”, publié sur le site Terrafemina.

Dominique Martin, eurodéputé FN, y explique notamment que “ça aurait l’avantage de libérer des emplois”. L’article, très critique, a été partagé près de 50 000 fois. Je partage également, le propos est absurde.

Si je me fends d’un billet, c’est que l’absurdité ne se niche pas forcément là où on l’imagine (j’imagine que Marine et Marion ont assez peu apprécié, elles ne semblent pas être retournées à leurs fourneaux, en tout cas).

L’absurdité réside plutôt, comme indiqué dans mon dernier billet, dans l’idée que le nombre d’emplois disponibles dans un pays serait assimilable au nombre de parts de gâteau que l’on pourrait se partager et que, désolé, si le nombre de convives augmente un peu trop, autant en exclure certains, histoire de manger à notre faim, quand même.

Cet eurodéputé considère qu’exclure les femmes serait une bonne solution. Je ne doute pas qu’un sondage réalisé auprès des français (sondage représentatif auprès de la population française selon la méthode des quotas, bien sûr), montrerait que la majorité des français sont contre.

En revanche, je m’interroge sur les résultats du même sondage si la question n’était plus “d’exclure les femmes”, mais plutôt “d’exclure les immigrés”. Dans les deux cas, il s’agirait de réduire le nombre de postulants à l’emploi. Du point de vue de l’économie d’un pays, la question est la même. Pas sûr que la réponse soit la même, je pressens que la majorité des français serait pour la limitation des postulants immigrés. Vous pouvez être “pour” l’accès des femmes et “contre” l’accès des immigrés, mais reconnaissez que ce n’est plus un problème économique, un problème de discrimination, plutôt.

Ce qui, désolé, serait moyennement cohérent : si vous pensez que l’afflux de représentantes de la gente féminine sur le marché du travail ne pose pas de problème, vous devez penser aussi que l’afflux d’immigrés ne pose pas de problème. Si vous pensez, à l’inverse, que l’afflux d’immigrés pose problème, vous devez penser que l’afflux de femmes pose problème. Vous faites ce que vous voulez, bien sûr, mais un peu de cohérence ne nuit pas. Je comprends cependant que vous ne vouliez pas de discrimination, ni contre les femmes, ni contre les immigrés. Vous devriez alors valider l’existence d’un tirage au sort aléatoire d’un certain nombre de personnes définitivement exclues du marché du travail, parce que la faute à pas de chance, un truc genre Française des Jeux, quoi.

On pourrait multiplier les exemples : j’ai entendu, il y a quelques temps, un syndicat étudiant expliquer que si on décalait l’âge de la retraite, cela augmenterait le taux de chômage des jeunes, car plus de “seniors” en emploi, c’est plus de jeunes au chômage. Ou encore, par d’autres, l’idée que réduire le temps de travail serait la solution. Gâteau à partager, toujours.

Bref, si vous êtes cohérent, vous devez être pour :

  1. la limitation de l’immigration,
  2. le retour des femmes au foyer,
  3. le maintien de l’âge de la retraite à ce qu’il est aujourd’hui,
  4. la réduction du temps de travail.

Ou bien, si vous êtes cohérent, toujours, vous devriez vous dire que :

  1. l’accès des femmes au marché du travail n’est pas un problème,
  2. l’immigration n’est pas un problème,
  3. décaler l’âge de la retraite n’est pas un problème,
  4. réduire le temps de travail n’est pas la solution.

Je pressens des problèmes de dissonance cognitive.

J’imagine un politique de droite expliquer que décaler l’âge de la retraite, mon bon monsieur, cela ne posera pas de problème sur le chômage, mais que, en revanche, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, l’immigration, vous comprenez… Et puis les 35 heures, quand même!

J’imagine un politique de gauche, énervé par les discours un brin (une poutre) xénophobes ou antiféministes, se désespérant des discours anti-immigrés, mais se désolant du décalage de l’âge de la retraite, quand même, parce que les jeunes, quoi, et puis la réduction du temps de travail, ça semble pas mal, quand même…

Les propos de Dominique Martin sont absurdes, ça ne fait aucun doute. Au-delà de cette cible facile, réfléchissons chacun à nos contradictions.

Economie des migrations

Mercredi dernier, j’ai pris une heure de mon temps de cours auprès des deuxièmes années de licence de sciences économiques pour leur présenter une synthèse des études économiques consacrées à la question des migrations. Vu le contexte, c’était une façon de commencer à passer d’une phase “émotion” à une phase “réflexion”, en traitant un sujet connexe qui risque de resurgir, celui de l’impact des migrations sur l’économie d’un pays comme la France.

Comme je leur ai expliqué, si certains sujets font débat entre économistes, celui-ci, pas du tout : les résultats sont clairs et convergents et conduisent à rejeter les idées qui circulent sur la question (en France, les spécialistes du sujet, côté économie, sont notamment E. M. Mouhoud et L. Ragot, je vous conseille de les lire, vous trouverez rapidement certains de leurs écrits sur le net).

J’ai organisé mon propos en passant en revue quatre de ces idées : 1) la France et l’Europe accueillent toute la misère du monde, 2) l’immigration conduit à un accroissement du chômage, 3) les immigrés pèsent sur les budgets publics, compte-tenu des prestations qu’ils reçoivent, 4) l’immigration choisie serait cependant la solution. Je vous laisse découvrir mon diaporama (version pdf ici), avant de résumer les principales idées.

Sur le point 1, les migrations dominantes sur la planète ne sont pas les migrations Sud-Nord (37% de l’ensemble environ), mais les migrations Sud-Sud et Nord-Nord (60%). La France se situe dans la moyenne, assez loin dans le classement des pays de l’UE ou de l’OCDE si on raisonne sur la part des flux récents, un peu en dessous de la moyenne si on raisonne en stock.

Sur le point 2, sans doute le plus important car le plus contre-intuitif : l’immigration ne fait pas monter le chômage. Si vous pensez cela, il faut que vous pensiez aussi que la montée de l’activité des femmes doit faire monter le chômage, idem si on décale l’âge de départ à la retraite, puisqu’à chaque fois, ce sont des gens en plus qui peuvent participer. En fait, la faille dans le raisonnement banal, c’est que l’on considère que le nombre d’emplois disponibles dans une économie est comparable à un gâteau de taille donnée : si plus de gens veulent participer, il faudrait couper des parts plus petites (réduction du temps de travail par exemple) ou bien exclure certains convives, qui n’auront pas le droit de manger du gâteau, à commencer par les migrants (on l’entend moins pour les femmes aujourd’hui, mais je ne doute pas que certains le pensent encore).

Or, les choses ne marchent pas comme cela : des gens en plus qui participent, ce sont aussi des consommateurs en plus, qui font monter le niveau de l’activité économique et donc les besoins en emplois. Pour filer la métaphore, le système économique a ceci de “magique” que, si vous avez plus d’invités, votre gâteau grossit très rapidement. Toutes les études sur différents pays et différentes périodes le montrent, la migration n’a pas d’effet sur le niveau de chômage. Les seuls qui sont parfois lésés, ce sont en fait les générations précédentes de migrants, pas les natifs…

Sur le point 3, pour le cas français, les migrants rapportent plus qu’ils ne coûtent. Sur l’aspect chômage, ce n’est pas le cas, car ils ont un taux de chômage plus élevé et des salaires plus faibles en moyenne, dont ils reçoivent plus qu’ils ne cotisent. Mais ceci est plus que compensé par les budgets retraites et santé : les migrants sont jeunes, ils ont massivement entre 25 et 50 ans, ils sont donc très nombreux à cotiser pour la retraite mais très peu perçoivent des pensions. Côté santé, ils recourent moins au système de soins que les natifs. Au global, on estime qu’ils contribuent pour 12 milliards d’€ aux budgets publics, soit, en moyenne, 2250€ par immigré.

Sur le point 4, il y a un énorme problème de faisabilité dans le discours “immigration choisie” : qui choisit ? qui est capable d’anticiper les besoins de l’économie à horizon de 5 ans ? On reste dans le mythe d’un planificateur omniscient, qui n’existe pas. Si on passe sur ce problème, les études montrent que l’intérêt de “choisir” ses migrants peut être avantageux à court terme, moins à long terme. A court terme, puisque les migrants que l’on veut choisir sont plutôt des personnes qualifiées, qui vont donc percevoir des salaires plus élevés, leur contribution aux budgets publics sera plus forte que si l’on accueille des personnes à plus faibles qualifications, donc plus souvent au chômage et bénéficiant de salaires plus faibles. Mais à long terme, c’est moins évident : les personnes à plus haut revenu ont une espérance de vie plus longue et recourent plus au système de santé.

J’ai conclu en indiquant que les idées qui circulent sont largement démenties par les études sérieuses consacrées au sujet. Ce qu’aucun politique n’ose dire : certains font de l’immigration la source de tous nos maux, les autres en font un sujet tabou dont on ne parle pas. Je rêve d’entendre un responsable national le clamer haut et fort, j’ai peur que ce ne soit pas demain la veille…

Entreprises-Universités : de timides fiançailles ?

Je viens de voir passer un article du Monde se désespérant du peu de relations entre Universités et Entreprises, à l’occasion de la signature d’un “pacte” entre le MEDEF et  des représentants du monde de l’enseignement supérieur.

S’il y a des marges de progrès, notamment sur la part du financement privé dans les budgets des Universités évoquée en fin d’article, ou encore sur la faible reconnaissance des doctorats dans les entreprises, je tiens à préciser que les relations entreprises-universités existent bel et bien et sont forts nombreuses, contrairement à ce que pensent nombre d’acteurs et à ce que sous-entend plus ou moins cet article.

Je prends l’exemple que je connais le mieux, celui de la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers, étant entendu que nous ne sommes pas l’exception, même si je sais que la situation est hétérogène.

En licence, nos étudiants ont la possibilité de :

  • faire des stages courts d’un à deux mois entre la première année et la deuxième année, plutôt des stages d’observation pour découvrir des univers professionnels susceptibles de les intéresser,
  • faire un stage long de quatre à six mois, au premier ou au deuxième semestre de licence, qui remplace l’ensemble des enseignements. C’est une vraie mission qui leur est confiée, co-encadrée côté entreprise et côté fac,
  • créer une start up dans le cadre d’un partenariat que nous menons avec l’association européenne de dirigeants d’entreprises “Entreprendre pour Apprendre”. Quatre start up ont été créées ces deux dernières années,
  • participer à des projets tuteurés : des entreprises nous sollicitent pour, par exemple, réaliser une étude de marché. Une équipe d’étudiants produit cette étude, co-encadrée par un enseignant et le responsable de l’entreprise,
  • participer au forum des métiers qui a lieu chaque année et permet aux étudiants d’échanger avec un large panel de professionnels,
  • plus classiquement, les étudiants ont chaque semestre un module de professionnalisation, avec préparation de CV, lettres de motivation, interviews de professionnels, simulation d’entretiens d’embauche, …

En Master, (nous en avons deux sur Poitiers, l’un dans le domaine de la banque, l’autre plus orienté “économie internationale”) cela continue :

  • la moitié des enseignements de M2 sont assurés par des professionnels du domaine du Master,
  • stage long obligatoire de quatre à six mois en fin d’études,
  • pour notre Master “banque”, possibilité de suivre la deuxième année en alternance (contrat d’apprentissage ou contrat de professionnalisation),
  • pour notre Master “international”, possibilité de remplacer le deuxième semestre de première année par un stage long en entreprise, solution adaptée pour ceux qui sont partis à l’étranger en L3 plutôt que de faire un stage,
  • organisation de plusieurs conférences, chaque année, avec des professionnels.

Le deuxième axe stratégique que nous défendons dans notre faculté concerne l’internationalisation, avec la possibilité pour les étudiants de partir à l’étranger au moins une fois, voire deux fois, pour un semestre ou une année à chaque fois, dans le cadre de plus de quarante conventions avec des universités partenaires.

Notre objectif : que nos étudiants qui entrent dans nos masters aient fait au moins un stage et un séjour à l’étranger. Qu’ils sortent de nos masters avec au moins deux stages et un séjour à l’étranger. Vu le menu que nous leur proposons, certains peuvent très bien faire trois stages et bénéficier de deux mobilités.

Au niveau de l’Université de Poitiers, je n’ai pas les chiffres précis, mais je crois que ce sont 3 ou 4000 stages qui sont réalisés par les étudiants chaque année (pour des effectifs globaux autour de 25 000 étudiants).

Bref, on n’en est peut-être toujours au stade des fiançailles, mais elles sont particulièrement actives…

La métropolisation, horizon indépassable de la croissance économique ?

En septembre 2014, Terra Nova a publié une note de Laurent Davezies et Thierry Pech intitulée « La nouvelle question territoriale ». Cette note repose pour une bonne part sur les travaux menés depuis une dizaine d’années par Laurent Davezies (2008, La République et ses territoires ; 2012, La crise qui vient ; tous deux au Seuil/La République des Idées).

Laurent Davezies est un chercheur influent, dont les travaux diffusent largement hors sphère académique. Le problème est que, s’il a dans le passé mis en évidence des choses intéressantes (la déconnexion entre PIB par habitant et Revenu par habitant à l’échelle régionale par exemple), ses analyses souffrent parfois de sérieux défauts. Ce qui ne les empêche pas d’être mobilisées pour justifier certaines réformes.

Cela fait plusieurs années que Michel Grossetti et moi-même nous disions qu’il nous fallait rédiger quelque chose d’un peu consistant pour mettre en évidence ces limites. Nous l’avons fait un peu, chacun de notre côté, lui ici par exemple, moi dans ce billet là, mais de manière partielle. Cette fois, nous nous sommes décidés à développer nos analyses convergentes dans un texte commun.

Nous avons fini une première version de ce texte, que nous venons de déposer sur Hal. Voici le résumé :

En septembre 2014, Terra Nova a publié une note de Laurent Davezies et Thierry Pech intitulée « La nouvelle question territoriale ». Cette note repose pour une bonne part sur les travaux menés depuis une dizaine d’années par Laurent Davezies (2008, 2012). Elle nous semble représentative des travaux menés par cet auteur et par d’autres chercheurs qui partagent ses analyses, travaux qui inspirent en partie les réformes politiques en cours, qu’il s’agisse de la fusion des régions ou du soutien à la métropolisation. Dans ce texte, nous discutons leur analyse, qui souffre à notre sens de plusieurs limites importantes, limites à la fois théoriques, méthodologiques et empiriques, ce qui invalide largement certaines de leurs conclusions et de leurs préconisations. Cette discussion s’appuie d’une part sur un traitement des mêmes données selon une perspective différente et d’autre part sur une critique de l’usage qu’ils font de l’économie géographique.

Nous avançons plus précisément quatre grandes critiques : 1) l’inversion de la courbe de Williamson, base empirique qui sous-tend tout leur raisonnement, n’est pas d’actualité, 2) le fait empirique majeur en matière d’évolution des disparités interrégionales est celui d’un accroissement, sur les dernières années, du PIB par habitant de l’Ile-de-France relativement à la moyenne des régions, ce qui n’est pas synonyme de surproductivité intrinsèque de la région capitale, mais qui pose plutôt question en termes d’évolution des inégalités sociales, 3) le renvoi systématique aux analyses de la nouvelle économie géographique pour légitimer d’un point de vue théorique le soutien à la métropolisation est insatisfaisant, les auteurs faisant selon nous une lecture erronée de ces travaux qui ne concluent pas au renforcement inéluctable de la concentration des activités, 4) si les auteurs montrent que quelques métropoles réussissent très bien en matière de création d’emplois, ils montent ensuite trop vite en généralité pour affirmer que les métropoles sont désormais le lieu presque unique de concentration de l’activité productive ; l’analyse systématique du lien entre taille des territoires et croissance de l’emploi montre en effet clairement l’absence d’effets taille, ainsi que l’existence d’autres effets, sur lesquels il convient de se pencher.

N’hésitez pas à nous faire part de toute remarque, commentaire, question, critique et, bien sûr, à diffuser largement si vous le jugez utile. Nous travaillons à une version plus synthétique que nous devrions pouvoir diffuser bientôt.

Le grand n’importe quoi de l’obsolescence programmée

J’ai pu constater hier soir, lors d’une discussion passionnée et particulièrement arrosée entre amis, à quel point le mythe de l’obsolescence programmée imprégnait les esprits. Ce qui n’est pas très grave pour les personnes en question : elles ne votent pas les lois. C’est plus embêtant quand il s’agit de nos politiques, qui perdent leur temps à produire des textes inutiles.

Plutôt que d’écrire un long billet pour vous expliquer pourquoi, je vous renvoie plutôt vers ce billet d’Alexandre Delaigue, précisément intitulé “Le mythe de l’obsolescence programmée”. Il a plus de trois ans mais n’a pas pris une ride.

Le culte de l’attractivité

Excellent billet de Michel Grossetti sur le culte de l’attractivité, qui conduit à tant de dépenses au final improductives sur nos territoires… Il compare ce culte de l’attractivité au culte du Cargo, expliqué dans une petite vidéo que je reprends ici :

Le culte du cargo par wesh

Je vous invite à la visionner, puis à aller lire son billet, dont voici le chapô :

Depuis quelques années, l’attractivité est devenue une préoccupation constante des élus et de ceux qui les conseillent, qu’ils soient en charge d’une ville, d’une région ou d’un pays. Il faut attirer des entreprises, des activités, des cadres, des personnes « créatives », des étudiants, bref, tout ce qui est censé contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois. En revanche, personne ne semble envisager d’encourager la venue de migrants pauvres, y compris lorsqu’il s’agit d’étudiants, ou de personnes en situation de réinsertion sociale.

Qui vient à l’Université ? Le cas de Sciences Eco Poitiers

Hier matin, 1er septembre 2014, c’était la rentrée des premières années de Licence de Sciences Économiques de l’Université de Poitiers. L’occasion de rédiger un petit billet sur le profil des lycéens qui nous rejoignent, car les choses bougent, suite à l’introduction depuis plusieurs années de différentes innovations résumées dans ce billet et d’une politique active d’information auprès des lycéens de l’académie (avec tout un ensemble d’actions menées par l’Université de Poitiers dans son ensemble et d’autres plus spécifiques à notre composante).

L’évolution des effectifs

Nous avons accueillis hier matin, à la réunion de rentrée, 154 étudiants, ce qui confirme la tendance à la hausse observée depuis deux ans. Figurent également dans le tableau le nombre de vœux déclarés sur APB (stable cette année) et le sous-ensemble des voeux 1 (forte hausse).

2012-2013

2013-2014

2014-2015

vœux APB

371

632

621

dont vœux 1

52

71

125

présents jour de rentrée

86

109

154

inscrits jour de rentrée

91

120

159

inscrits définitifs

111

154

?

Les inscriptions se déroulant jusque fin septembre, on peut estimer le nombre d’inscrits définitifs aux environs de 200 étudiants.

Profil des lycéens

Plus important, l’évolution du profil des étudiants accueillis. Lorsque nous informons les lycéens, nous insistons beaucoup sur le fait que les études en Sciences Économiques sont très bien adaptées aux bacs ES et S, beaucoup moins bien aux autres bacs. Le message passe, et de mieux en mieux, puisque cette année notre public cible pèse 88% de nos effectifs.

2012-2013

2013-2014

2014-2015

% cible (ES+S)

71%

80%

88%

% mention AB, B ou TB

35%

52%

56%

% mention B ou TB

10%

22%

24%

% mention France bac généraux

54%

54%

52%

Vous pouvez également constater que la part des bacheliers avec mention est importante, plus de la moitié de nos effectifs depuis l’an passé. Pour les bacs mention B ou TB, la proportion France entière (non reprise dans le tableau)  est de 30% ; elle est de 24% chez nous. Deux précisions cependant : i) les mentions B et TB sont surreprésentées France entière chez les bacs S (36% en 2013), or nous accueillons majoritairement des bacs ES (2/3 de notre promotion environ), qui sont 24% à avoir obtenu en 2013 une mention bien ou très bien France entière, ii) la part des bacs généraux avec mention B et TB est plus faible dans notre académie que France entière. Compte-tenu de ces éléments, on peut donc considérer que la part des bacs avec mention B ou TB est conforme, voire un peu supérieure, à la part attendue de notre bassin de recrutement.

Sciences Eco Poitiers, un choix par défaut ?

Dernier résultat suite à la petite enquête réalisée hier, une part très importante des étudiants que nous accueillons sont là par choix.

vœu 1

vœu 1 ou 2

ensemble des étudiants

73%

84%

bacs avec mention

82%

90%

bacs avec mention B ou TB

81%

87%

73% des étudiants présents hier nous avaient placés en vœu 1 sur APB, proportion qui monte à 84% si l’on agrège vœu 1 et vœu 2. Autre résultat intéressant : une proportion encore plus forte de bacs avec mention nous avaient placés en 1er vœu (plus de 80%) et/ou en deuxième vœu (autour de 90%).

Conclusion : nous accueillons un nombre croissant d’étudiants, venus des filières adaptées à des poursuites d’études en économie, qui ont un bon niveau scolaire, savent où ils mettent les pieds et le font par choix. On est loin de certaines idées véhiculées sur l’Université…

On ne voit de relocalisation nulle part : petits compléments

Dans mon billet d’hier, vous avez vu que si les relocalisations n’existent pratiquement pas, les journaux en parlent de plus en plus. J’ai laissé entendre en fin de billet que l’activisme d’Arnaud Montebourg sur le sujet expliquait ce décalage, mais sans apporter de preuve. En voici une, car sur Factiva, en plus de pouvoir récupérer le nombre d’articles par année, on peut visualiser le nuage des mots les plus fréquents dans les articles. Une petite copie d’écran et hop!, on obtient cela :

cloud_relocBingo !

Autre complément : comme je n’ai des statistiques sur les relocalisations effectives que depuis 2009, j’avais restreint la quantification des articles incluant l’item “relocalisation” à cette période. Or, dans Factiva, on dispose des archives des Echos depuis 1997, on peut donc procéder à la quantification depuis cette date. De plus, j’ai élargi la recherche en repérant les articles incluant les termes relocaliser, relocalise, relocalisation, etc (il suffit en fait d’indiquer comme mot recherché relocalis*). On obtient ce nouveau graphique :

reloc_97_13On retrouve la croissance très forte de fin de période (la période Montebourg, baptisons-la), mais également un curieux pic autour de 2004. Je me suis donc empressé de générer le nuage de mots-clés pour la période allant du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2005. On obtient ceci :

cloud_reloc2Arnaud Montebourg, digne successeur de Nicolas Sarkozy, en somme (par contre, je ne sais absolument pas qui est ce Pierre Raffarin…).

En résumé : les politiques parlent beaucoup de phénomènes qui n’existent pas, les journalistes parlent beaucoup de ce dont parlent les politiques et les économistes tentent d’expliquer qu’on ferait mieux de se concentrer sur les vrais sujets. Mais personne ne parle de ce dont parlent les économistes, alors ils s’en vont jouer à Candy Crush Saga…