L’innovation ne s’arrête pas à la technologie

Le quotidien économique suisse l’Agefi a publié, dans son supplément du 21 mai 2007, un dossier intitulé : “L’idée
et le marché”, dirigé par l’équipe de la Haute école de gestion -HEG- Arc, Neuchâtel, la Business School de l’arc
jurassien.

J’ai contribué à ce dossier avec un article intitulé “L’innovation ne s’arrête pas à la technologie”. Vous pouvez télécharger ma contribution (pdf), voire le dossier dans son ensemble.

Commentaires bienvenus.

Faut-il censurer Oui-Oui?


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Hier soir, j’ai lu un livre à ma fille :
oui-oui et le gendarme. J’en suis encore tout tourneboulé…

Il faut dire que ça commence très mal pour Oui-Oui : son oeuf à la coque a mauvais goût et un pneu de sa petite voiture est crevé. Et voilà que le gendarme l’accuse
d’avoir pillé le garde-manger de Mlle Chatounette pendant la nuit…

 

Et pourquoi donc l’accuse-t-il d’un crime si odieux, me direz-vous ? Eh bien simplement parce que plusieurs des victimes du pilleur de garde-manger ont entendu, sur
les lieux du crime, le grelot de Oui-Oui. Et comme, à Miniville, seul Oui-Oui a un grelot, l’enquête du gendarme est vite conclue. Bien trop vite.

 

C’est à ce moment que j’ai commencé à me dire qu’Enyd Blyton était une auteure subversive,
laissant entendre que les gendarmes pratiquaient le délit de sale gueule (ou de sale grelot, ce qui revient au même : on se limite aux apparences).

 

Mais ce n’est pas tout : après une enquête rondement menée avec son ami Mirou, Oui-Oui a réussi à débusquer le vrai coupable (je me doutais bien depuis le début,
moi, que ça ne pouvait pas être Oui-Oui). Et, tenez vous bien, vous savez qui est le vrai coupable ? Fred. Et vous savez ce qu’il fait dans la vie, Fred ? Il est soldat…

 

Eh oui, dans un petit livre pour enfant, un auteur arrive à mettre dans la tête de nos chérubins que premièrement, les gendarmes sont des incompétents et que,
deuxièmement, les soldats sont des voleurs. Alors, oui, j’ose le demander : ne serait-il pas temps de censurer Oui-Oui ?

(Bon, à la décharge d’Enyd Blyton, je signale que Oui-Oui vouvoie le gendarme).

Publicité spécial délocalisations…

Je suis en train de naviguer sur Internet pour prendre de l’info sur l’entreprise Jallatte,
fabricant de chaussures de sécurité et de bottes professionnelles, qui vient d’annoncer un plan social parachevant la délocalisation de la production vers la Tunisie.

Je tombe sur un article sur le site du Midi Libre (édition du 25 mai 2007),
et là, partie haute de l’article, je découvre une animation publicitaire de Gaz de France (les publicités changent régulièrement, pas sûr que ce soit celle que vous trouviez), qui commence par
cette image :


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Suivent différents plans résumant les points à ne pas oublier, puis celui-ci :

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Enfin, la solution :

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Ils sont un brin cyniques, chez GDF

(annonce du plan social confirmée aujourd’hui, le sous-préfet demande la suspension du plan social, affaire à suivre…).

 

L’indécent alternatif

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Le magazine anti_bug_fckMarianne n°527 du 26 mai au 1er juin 2007 publie un dossier titré “Les 100 qui peuvent reconstruire une alternative” et, oh surprise, je
suis l’un de ceux là, dans la rubrique “les économistes” aux côtés de Aghion, Askenazy, Cohen, Généreux, Muet, Piketty, Philippon, etc… A signaler également la présence des
Econoclastes, qui viennent de réagir et
commentent un peu

En introduction du dossier, les journalistes expliquent que “c’est une longue phase de dialogue qui s’ouvre dans l’ensemble de l’arc de l’opposition républicaine. Cet arc est fait d’acteurs, de
penseurs, de militants inventifs et engagés. Certains sont déjà connus (…), d’autres ne le sont pas encore (…). Tous ,n’attendent qu’une chose : le débat, enfin! Nous avons voulu leur donner
la parole. Regardez-les, lisez-les, écoutez-les : si l’espoir doit renaître dans l’opposition, ils compteront!”.

S’agissant de ma modeste personne, Marianne commence en disant que j’ai 40 ans, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas, même si j’aimerais bien. Ensuite, la question qui tue : “comment faire
entendre sa voix quand on est prof dans une université de province?”, suivie de la réponse : “on se propulse dans la blogosphère”…  pour finir par ce petit commentaire plutôt sympa
“vu de Poitiers, on décortique mieux les politiques publiques, assurant un coup d’avance sur les phénomènes de la mondialisation”. Un coup d’avance dans la compréhension des problèmes, peut-être,
mais s’agissant de leur résolution, les politiques n’ont pas encore embrayés, me semble-t-il…

L’Affaire SFR


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L’entreprise SFR vient de décider de transférer trois centres d’appel pour le grand public, deux à SR Teleperformance (sites de Lyon, 582 personnes, et de
Toulouse, 724 personnes), un à Arvato Services, n°2 des centres d’appel en Europe, filiale du groupe allemand Bertelsman (site de Poitiers, 571 personnes). Sur le site de Poitiers (je ne sais pas
pour les autres), les syndicats de salariés ont immédiatement appelé à la grève, inquiets d’assister à une dégradation des conditions de travail (hausse des heures de travail, baisse des
rémunérations, question de la pérennité de l’emploi, etc.)
[1]. Les politiques poitevins n’ont pas encore réagi…
 
Cette décision correspond à ce que l’on appelle en économie une externalisation : une activité réalisée préalablement au sein de l’entreprise
est confiée à une entreprise extérieure
[2]. Quels sont les avantages (et les risques) d’une externalisation ? En fait, ils sont nombreux.
[add 28 mai : ce qui suit relève d’une analyse générale des avantages de l’externalisation, pas du cas précis SFR. L’enjeu serait de savoir si pour SFR, ils
jouent ou pas, ce qui supposerait, pour pouvoir se prononcer, d’avoir plus d’infos]
 
Premier avantage, une économie sur les coûts de production : SFR service client ne dispose que des clients SFR. Supposons qu’ils sont au
nombre de x. En sous-traitant à une autre entreprise, qui dispose déjà de y clients, la nouvelle entité sera dotée d’un portefeuille client de taille supérieure x+y.
Dès lors qu’il existe des possibilités d’économies d’échelle ou de gamme (mutualisation de certains services ou équipements par exemple), le coût unitaire de production va diminuer. Dit
autrement, on assiste à un approfondissement de la division industrielle du travail, les prestataires de ces nouveaux services agrègent les demandes du marché, dégagent des gains de productivité
et/ou améliorent la qualité du service rendu.
 
Problème éventuel pour les salariés : sur un marché stagnant, ceci peut se traduire par des réductions d’effectifs. Sur un marché en
croissance forte, en revanche, le risque est faible. Or, les études disponibles montrent qu’on doit plutôt s’attendre à un accroissement des effectifs dans les centres d’appel en France sur les
prochaines années (j’y reviendrai dans un prochain billet).
 
Problème éventuel pour l’entreprise : Les approches en termes de coût de transaction montrent que si l’entreprise externalise une
activité alors que le nombre de prestataires est réduit, elle va devenir fortement dépendante de ce prestataire, et donc encourir un risque d’opportunisme (le partenaire peut
« trahir », en augmentant ses tarifs par exemple). Le nombre de prestataire peut être faible avant l’entrée en relation (il n’existe sur le marché que quelques firmes pouvant rendre le
service) ou après la mise en relation (si le contrat de sous-traitance implique que le prestataire investisse dans des actifs spécifiques, celui-ci deviendra quasiment incontournable). Dans le
cas de SFR, je dirai que ce risque est a priori plutôt faible : il existe un ensemble assez grand de prestataires dans le domaine, les actifs sont relativement peu
spécifiques.
 
Deuxième avantage, mis en évidence par les approches en termes de compétences : l’entreprise ne dispose pas des compétences les plus
pointues pour réaliser l’activité, elle préfère s’en remettre à un spécialiste du domaine. La qualité du service rendue sera améliorée, ce qui renforce l’avantage concurrentiel de l’entreprise
ayant externalisé. C’est l’argument essentiel avancé par les responsables de SFR, Hervé-Matthieu Ricour (responsable de l’activité service client) déclarant par exemple « SR Teleperformance
et Arvato Services sont experts dans le traitement des appels (…) les deux sociétés vont augmenter le niveau de qualité du traitement des appels » (Les Echos, 24/05/2007). Problème
éventuel : si l’activité externalisée est au cœur de l’avantage stratégique de l’entreprise, elle se vide de sa substance et risque de devenir une « firme creuse ». Deuxième
problème éventuel : à partir du moment où l’entreprise décide de diviser le travail et de faire appel à un partenaire extérieur, se pose la question du mode de coordination entre les deux
entités. Si la coordination est difficile, prend du temps et se révèle peu efficace, la qualité du service rendu se dégradera.
 
Troisième avantage, la flexibilité. Quand une entreprise développe une activité en interne, elle doit assumer des coûts fixes (masse
salariale, équipements, bâtiments, …), c’est-à-dire des coûts indépendants du volume d’activité. Quand elle externalise, elle transforme des coûts fixes en coûts variables, c’est au sous-traitant
de s’adapter. C’est une des raisons essentiels des stratégies d’externalisation des entreprises et un moyen essentiel de flexibiliser l’entreprise. Dans le cas de SFR, cet avantage joue sans
doute beaucoup, surtout si l’activité est cyclique. Dans ce cas, en effet, certains équipements ou certaines personnes sont sous-employées à certaines périodes. En externalisant l’activité auprès
d’un spécialiste qui dispose de plusieurs clients, et à condition (comme c’est le plus probable) que les cycles des différentes clientèles ne coïncident pas parfaitement, on réduit la
sous-utilisation des facteurs de production.
 
Au total, on a donc trois grands avantages potentiels : accès à des compétences pointues, réduction des coûts de production et meilleure
gestion de la flexibilité ; et deux inconvénients potentiels : disparition des compétences au cœur de l’avantage concurrentiel de l’entreprise et risque d’opportunisme. Dans le cas SFR,
on peut penser que les avantages sont supérieurs aux inconvénients.
 
Est-ce à dire que les salariés ont tort de protester ? Difficile de le dire sans savoir plus précisément quelles sont les nouvelles conditions de travail qui
attendent les salariés. Pascal Fraty (FO) déclare ce matin « nous sommes très inquiets car nous allons perdre nos acquis sociaux. Nous avions une mutuelle, des tickets restaurant, un
13ème mois, une prime à l’intéressement, une participation au bénéfice. Soit environ seize mois de salaire. A compter du 1er août, nous n’aurons plus droit à la prime
d’intéressement, à la participation au bénéfice et pas davantage aux primes de performance d’équipe. Nous passerons de 16 mois de salaire à 12 mois. Soit 25% de nos revenus annuels en
moins »
[3] Pourtant, si les avantages de
l’externalisation que je viens de recenser sont suffisamment importants, la dégradation des conditions de travail ne devrait pas avoir lieu, car ce n’est pas de cette dégradation que l’entreprise
attendrait un renforcement de son avantage concurrentiel. A minima, les conditions de travail devraient être maintenues. A charge pour les différents acteurs du dossier de s’en
assurer…
[Add 28 mai : voir ce billet pour un
complément]
 

[1] Source de ces éléments factuels : La Nouvelle
République du Centre-Ouest, « SFR veut se séparer de son centre d’appels », Centre Presse, « SFR-Poitiers vendu à un groupe allemand », Les Echos, « SFR transfère trois
centres d’appels chez des sous-traitants », La Tribune, « SFR sous-traite ses centres d’appels » – édition du 24/05/2007 pour les quatre.
[2] Hier soir, j’ai vu en incrustation sur i-télé (ou LCI je
ne sais plus) le message suivant : « SFR décide de la fermeture de trois sites à Poitiers, Toulouse et Lyon ». Ce n’est pas une fermeture, mais une externalisation.
[3] La Nouvelle République, 25/05/2007, p. 3.

Gloubi-boulga


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J’ai un patronyme particulièrement complexe : il est composé de deux mots séparés par un trait d’union, le premier mot est composé de 5
lettres, le deuxième de 4 lettres. Ce qui fait dix signes à mémoriser dans un ordre bien particulier. Ceci explique sans doute les coquilles rencontrées à droite ou à gauche.

 

Google me renvoie par exemple quatre résultats pour Bouba-Oulga, notamment un commentaire chez Embruns, un lien élogieux (rubrique « blogeconomitude, respect ») chez Blogizmo (dont je salue au passage l’arrivée dans la blogosphère et que je vais suivre avec attention, enfin… dès que la coquille est rectifiée 🙂 add 21/05 : ca y est, c’est rectifié – quelle célérité!), et une référence dans une
communication en colloque.

 

Un peu mieux quantitativement (neuf résultats), mais surtout qualitativement, pour Boulba-Olga : c’est d’abord Denis Clerc qui écorche mon nom dans sa recension de mon livre « économie de l’entreprise » (je précise : j’ai bien aimé la recension ; je préfère cette recension avec coquille qu’une mauvaise recension sans coquille ou
encore –le pire pour un auteur!– pas de recension du tout…), c’est également Ségolène Royal en personne (ou
son nègre : tient, je fais une hypothèse) dans le chapitre 2 de son ex-futur ouvrage

 

J’ai trouvé aussi du Olivier Boula-Olga dans les liens du blog Les cafés économiques, ainsi que du
Bouda-Olga (restons zen) dans certains commentaires (par Frednetick, à plusieurs reprises).

 

Allez, pour vous aider : pensez pour le premier mot au petit ourson (qu’est-ce qu’on est pas
obligé de faire…) et pour le deuxième, dites vous que c’est comme le prénom. Pour le trait d’union, je n’ai pas
trop d’idée, mais de toute façon, il est facultatif…

ça coule de source…

La Nouvelle République du Centre Ouest d’aujourd’hui (page 5, dans la rubrique « Echos de campagne
») reprend l’histoire de la phrase tronquée du tract de Jean-Yves Chamard, dont je vous avais parlé ici. Ça ne
m’étonnerait pas que le journaliste se soit inspiré de mon billet pour rédiger son petit article, auquel cas ce serait bien de citer ses sources…

Bon, franchement ce n’est pas bien méchant, mais ça m’a amusé de découvrir cela juste après avoir lu une interview de Jean-Marie Colombani dans l’Express, qui dénonce le “phénomène que l’on pourrait baptiser «Monpointdevue.com»” et loue parallèlement le journalisme fait de regards distanciés et équilibrés, de
rigueur et de qualité.

Recherche publique : Paris et le désert français?


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A peu près tous les économistes convergent sur l’idée suivante : la croissance économique de la France doit se nourrir de l’innovation,
l’innovation se nourrit elle-même, pour partie au moins, d’une activité amont de recherche (privée et publique), accroître l’effort financier et améliorer l’organisation de la recherche est donc
tout à fait essentiel.

Pour contribuer à la réflexion, on peut s’interroger sur un point particulier, à savoir le poids des différentes régions en matière de recherche publique. Et là, à
première vue, on se dit que, hors de Paris, point de salut… Pensez donc : l’Ile de France, qui concentre, en 2003, 19% de la population, 22% de l’emploi et 29% du PIB rassemble :
* côté ressources mobilisées pour la recherche (en 2003 pour tous les chiffres) : 40,2% des effectifs de R&D, 41,1% des chercheurs et 43,6% de la DIRD (Dépense
Intérieure de Recherche et Développement),
* côté résultats de l’activité de recherche : 36,7% des publications (en 2003), 34,5% des doctorats (en 2004), 40,16% des brevets déposés à l’OEB (Office Européen
des Brevets – données cumulées sur 4 ans 1999-2002) et 38,44% de ceux déposés auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle – même période).

Bref, que ce soit côté ressources ou côté résultats, le poids de l’Ile de France est bien supérieur à son poids dans la population, l’emploi ou la production de
richesses. Ça ressemble un peu, côté recherche, à du « Paris et le désert français »…

Sauf que ces chiffres, d’un point de vue économique, n’ont pas beaucoup de sens : en effet ce qui compte, plus que la concentration spatiale de la recherche, c’est
son efficacité. L’enjeu n’est donc pas de mesurer la production scientifique des régions, mais leur productivité.
Or, on la mesure rarement. Un seul exemple,
l’ouvrage de l’Observatoire des Sciences et Techniques (OST), groupement d’intérêt public créé en 1990, qui « a pour mission de concevoir et de produire des indicateurs quantitatifs sur la R&D pour contribuer au positionnement stratégique de la France en Europe et dans le monde, et à
l’analyse des systèmes de R&D ». J’ai sous les yeux l’édition 2002 : le chapitre 2 est consacré aux régions françaises, on y analyse côté recherche publique (1) les
ressources humaines et financières (1.1), la production scientifique mesurée par les publications (1.2) puis l’enseignement supérieur et les thèses soutenues (1.3). A chaque fois, c’est le poids
des régions qui est mesuré (l’Ile de France arrive dès lors toujours en tête, et très largement). On s’approche quelque peu d’un indicateur de productivité en rapportant la production à la
population, mais c’est un piètre indicateur de productivité, car la population n’est pas assimilable à un input de l’activité de recherche (on trouve le même problème dans les comparaisons des
niveaux de productivité entre pays ou régions, lorsqu’on utilise comme indicateur les PIB par habitant).

Un document du CNER (comité National d’Evaluation de la Recherche) sur l’analyse de la politique
de recherche publique en Aquitaine
, publié en mars 2007, permet d’aller plus loin (rapport auquel a contribué
Christian Aubin, professeur d’économie de
l’Université de Poitiers et “accessoirement” (!) doyen de notre faculté – j’en profite pour le remercier de m’avoir fait passer ce rapport et pour nos premiers échanges sur le sujet)

. Dans la section C du chapitre 2 (page 39 et s.), en effet, différents indicateurs de productivité ont été calculés, en rapportant la production scientifique
[mesurée par i) les publications, ii) les citations, iii) les doctorats, iv) les diplômes d’ingénieur, v) les brevets déposés auprès de l’OEB, vi) les brevets déposés auprès de l’INPI] aux
ressources mobilisées [mesurées par i) les dépenses de R&D, ii) les effectifs de R&D, iii) les effectifs de chercheurs de R&D].

Je me focalise ici sur la première série de résultats (tableau 14, page 41), qui rapporte la production de la recherche aux dépenses de R&D. Les auteurs ont calculé un indice de productivité relative : on divise la
productivité de chaque région par la productivité nationale. Si l’indice est égal à 1, cela signifie que la productivité de la région considérée est égale à la productivité nationale, si l’indice
est supérieur à 1, la productivité est supérieure à la productivité nationale, etc.

Concentrons nous sur le premier indicateur de productivité, qui correspond au ratio nombre de publications sur dépenses de R&D. Résultat pour l’Ile de France :
l’indice pour les publications est égal à 0,94, soit une sous-productivité de 6%. Il est en revanche égal à 1,10 pour les citations, mais inférieur à 1 pour tous les autres indicateurs.

Pour compléter l’analyse, j’ai construit un indice composite, égal à la somme des six indicateurs élémentaires de productivité. Pour faciliter l’interprétation, j’ai divisé la somme par 6, puis
multiplié le tout par 100 : une valeur de 100 indique une productivité synthétique relative égale à la moyenne, une valeur supérieur à 100 une sur-productivité, une valeur inférieure à 100 une
sous-productivité. On obtient les résultats suivants :

Région

Poids dans les dépenses de R&D

indice synthétique de productivité

Ile-de-France

39,15%

98

Rhône-Alpes

10,67%

133

Provence-Alpes-Côte d’Azur

7,71%

84

Midi-Pyrénées

6,93%

74

Languedoc-Roussillon

6,03%

61

Bretagne

3,60%

118

Aquitaine

2,97%

106

Nord-Pas-de-Calais

2,75%

128

Alsace

2,66%

138

Pays-de-la-Loire

2,62%

123

Lorraine

2,55%

113

Centre

1,82%

129

Auvergne

1,18%

136

Poitou-Charentes

1,16%

116

Bourgogne

0,92%

156

Basse-Normandie

0,89%

145

Haute-Normandie

0,84%

194

Picardie

0,64%

239

Franche-Comté

0,64%

227

Champagne-Ardenne

0,54%

171

Limousin

0,43%

151


Résultat plutôt intéressant : en dehors de Rhône-Alpes, les plus grandes régions en termes de dépenses de R&D (Paris, bien sûr, mais aussi PACA, Midi-Pyrénées et
Languedoc-Roussillon) ont un indice faible. On a du mal à voir les effets positifs de la concentration spatiale des dépenses… Des petites régions comme la Picardie ou la Franche-Comté obtiennent
en revanche les meilleurs scores.

En calculant les coefficients de corrélation linéaire entre le poids dans la R&D et les 6 indicateurs de productivité, on trouve des coefficients négatifs dans 5
cas, avec des valeurs comprises entre -0,27 et -0,46. Le coefficient est positif pour les citations, mais la relation n’est pas significative (le coefficient est égal à 0,09).

Est-ce à dire qu’on a une nouvelle version du “small is beautiful” (les petites régions sont plus productives que les grandes)? Pas sûr, si on s’en tient au
graphique suivant, construit en excluant l’Ile de France, sur lequel on observe plutôt une courbe en U (en abscisse le poids des régions et en ordonnée l’indicateur synthétique de productivité)
:


productiviterecherche.gif
Résultat à prendre avec précaution toutefois, vu le faible nombre de points (le U tient pour beaucoup à Rhône-Alpes, on devine aussi l’hétérogénéité des
performances des petites régions est élevée, etc) .

Précision supplémentaire, relative à l’ensemble des résultats précédents : la sous-productivité de certaines régions pourrait s’expliquer par des biais disciplinaires, il conviendrait donc de
compléter l’analyse. Bon, mais disons qu’on a avec ces statistiques de premiers éléments assez intéressants conduisant à une conclusion plutôt contre-intuitive…


Pour finir, un petit message aux chercheurs parisiens : faudrait voir à vous remuer un peu, soit pour nous trouver d’autres stats permettant d’infirmer mes
conclusions, soit pour améliorer votre productivité parce que, si vous voulez gagnez plus…

Législatives

Dans ma boîte aux lettres, aujourd’hui, j’ai reçu le prospectus de Jean-Yves Chamard, candidat UMP aux
élections législatives sur la circonscription de Poitiers-Sud. Petit encart intitulé Immigration et développement, qui commence par ce texte : “la France ne peut accueillir toute la misère du
monde” disait Michel Rocard.

Je signale donc à Jean-Yves Chamard qu’il y a eu un bug dans son copier-coller, la phrase exacte étant :
“La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part.

Rocard est revenu en 1996 sur l’oubli récurrent et bien sûr tout à fait involontaire de la deuxième partie de sa phrase dans un article du Monde.