Je suis un mec plutôt détaché…

Après plus de vingt ans comme enseignant-chercheur en poste à l’Université de Poitiers (j’ai été recruté comme maître de conférences en septembre 1999), je viens de commencer un détachement au sein du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine, pour diriger un nouveau service études et prospective du pôle Datar.

Cette volonté de changement s’explique sans doute en partie par une certaine lassitude du monde universitaire et de la drôle de façon dont il évolue. Il s’explique surtout par mon envie de me rapprocher de la fabrication des politiques publiques : après avoir beaucoup écrit sur les dynamiques territoriales, sur d’autres façons de les analyser, de repérer les problèmes à traiter ou les opportunités à saisir, j’aimerais voir dans quelle mesure il est possible de passer du discours aux actes. Travailler au sein d’une institution régionale, en lien avec les territoires infra-régionaux, me semble être une bonne façon de le tester.

Lorsque cela sera compatible avec mes nouvelles fonctions, je vous informerai des avancées en la matière.

Covid 19, épisode 15 : la mal-nommée “distanciation sociale”

Une des choses qui m’a surpris au début de l’épidémie, c’est l’emploi de l’expression “distanciation sociale”. Je trouve l’expression un peu pédante et obscure pour le commun des mortels, je me demande bien qui l’a proposée initialement.

Twitter me dit qu’on utilise pourtant l’équivalent en anglais (social distancing), en allemand (Soziale Distanzierung), en espagnol (distancia social), en polonais (Dystansowanie społeczne), en russe (социальная дистанция), …, mais en italien on fait plus simple avec l’expression distanza di sicurezza. Puisque l’idée est de dire qu’il faut respecter une distance d’un mètre cinquante entre les individus, parler de “distance (ou distanciation) physique”, ou de “distance de sécurité” m’aurait semblé plus simple et plus clair.

Il y a une autre raison plus fondamentale (déjà relevée par mes collègues et amis Jérôme Vicente sur twitter et Michel Grossetti sur Facebook) qui plaide pour une autre formulation : distinguer la distance physique de la distance sociale permet de mieux qualifier notre rapport aux autres et de mieux raconter ce qui se joue en ce moment. On peut ainsi considérer que nous sommes plus ou moins proches physiquement de certaines personnes : je suis proche de mon voisin de pallier en ce sens, et loin de ma fille qui habite à Bologne.  C’est l’inverse en revanche en termes de distance sociale : je suis proche de ma fille socialement (un lien familial nous unit) et loin de mon voisin de pallier à qui je me contente de dire bonjour quand nous nous croisons.

A ce titre, on observe plusieurs phénomènes intéressants en ce moment. Le confinement nous pousse d’abord, me semble-t-il, à prendre plus souvent des nouvelles des gens qui nous sont les plus proches socialement (liens familiaux, liens amicaux), plus souvent que lors des périodes hors confinement. Autrement dit nous cultivons nos liens forts. A l’inverse, nous n’entretenons pas ou peu nos liens plus faibles, avec nos voisins de bureau par exemple.  Il fait aussi que des voisins qui initialement s’ignoraient (ils n’étaient proches qu’en termes de distance physique) se mettent à interagir  : un individu propose à ses voisins d’acheter le pain, on discute de balcon à balcon, on joue ensemble, …, bref, ils se rapprochent du point de vue social. Une des questions intéressantes à ce titre est de savoir si ce nouveau lien social va survivre ou non à la fin du confinement. Dans d’autres cas encore, quand une personne demande à son voisin infirmier d’aller habiter plus loin, c’est la défiance qui s’installe (va-t-elle également perdurer ?).

Au final, le mot d’ordre aurait dû être de garder ses distances physiques mais de se rapprocher socialement pour affronter de manière mieux coordonnée l’épidémie…

Covid 19, épisode 2 : géographie des propriétaires de résidence secondaire

Suite à l’annonce du confinement, certains habitants de grandes villes sont allés se réfugier dans leur résidence secondaire. J’ai entendu hier sur les ondes Stéphane Richard, PDG d’Orange, indiqué que la population de Paris avait baissé de 17% suite à l’annonce, pendant que celle de l’Ile de Ré avait augmenté de 30% (chiffres obtenus à partir de données de téléphonie mobile, voir ici).

Ouest France s’en est fait l’écho hier, en indiquant que plus de 150 000 personnes sont venus se réfugier en Pays de la Loire, principalement en Loire-Atlantique et en Vendée, en précisant qu’il est “Impossible d’affirmer d’où viennent ces dizaines de milliers de personnes” (source ici).

En fait, si, on peut savoir assez bien d’où ils viennent, en ressortant une de mes cartes préférées, extraite d’un article de Berroir et al. (2017), ” les systèmes urbains français : une approche relationnelle”, Cybergéo, qui relie la localisation des résidences secondaires à la localisation des résidences principales de leurs propriétaires.

L’article présente la même carte en excluant Paris, qui montre qu’on peut croiser sur les plages vendéennes quelques touristes qui ne viennent pas d’Ile-de-France :

Il n’est donc pas exclu que la propagation du Covid 19 à venir soit en partie orientée par cette géographie des résidences secondaires…

Géographie du Covid 19

Petit billet sur la géographie régionale et départementale du Covid 19, suite à une insatisfaction avec la façon quotidienne de présenter les chiffres dans les médias, sous la forme du nombre absolu de personnes contaminées ou décédées. Ces nombres absolus ne sont pas satisfaisants, dès lors que la taille des entités analysées varient : on devrait logiquement observer un nombre plus grand de victimes dans une grande région, si l’épidémie touche de manière homogène tous les territoires.

Pour éviter ce biais, il convient de diviser le nombre de cas par la population du territoire, ce que je vous propose de faire. Plus précisément : j’ai rapporté le nombre de cas par habitant des régions au même ratio observé France entière. Dès lors, une valeur de mon indicateur de 1 signifie que le nombre de cas par habitant de la région en question est similaire au nombre de cas par habitant observé en moyenne en France ; une valeur supérieure à 1 que le ratio est supérieur, d’autant plus que la valeur est forte.

A ce “jeu”, la région Grand Est est sans surprise la plus touchée, avec un indice de 2,69 pour le nombre de personnes contaminées en date du 23 mars 2020, suivie de la Corse (1,89) et de l’Ile-de-France (1,67). La région capitale reste donc moins touchée que Grand Est, même si le nombre absolu de cas observés est plus élevé (6211 contre 4256). Les régions les moins touchées de France métropolitaines sont les Pays de la Loire (indice de 0,27) et la Nouvelle-Aquitaine (indice de 0,40).

J’ai reproduit l’exercice avec le nombre de décès, à l’échelle des départements : les plus touchés relativement à la moyenne sont le Haut-Rhin (indice de 16,04), le Territoire de Belfort (13,35) et les Vosges (6,94).

Le dernier exercice auquel je me suis livré consiste à repérer la géographie départementale des personnes de 60 ans et plus, considérées comme les plus vulnérables face à l’épidémie, car cette géographie est assez marquée : la part des 60 ans et + varie en France métropolitaine de 39,3% dans le Doubs à 19,3% dans le Val d’Oise.

La géographie des décès et la géographie des personnes de 60 ans et + diffèrent sensiblement. Il n’est pas exclu qu’elles se rapprochent à mesure que l’épidémie se propage, et que les données collectées soient de meilleure qualité (jusqu’à présent les décès en Ephad ne sont pas comptabilisés par Santé publique France, cela devrait être le cas à partir de la semaine prochaine si j’ai bien compris).

Hausse de la triche au bac en 2014 ? Pas sûr du tout (les journalistes, je te jure…)

[Petite séquence : j’en ai marre de défaire mes cartons après déménagement…]

Le Parisien a publié un article intitulé “le plagiat, nouvelle plaie des examens”. Le Monde a relayé l’information en indiquant que “la triche aux examens est en forte hausse” : +10% (+9,8% très précisément) . Dans l’ensemble de ces fraudes, la part des tricheries au téléphone portable et calculatrice arrive en première position, avec 30,9% des cas détectés. Bigre, que se passe-t-il dans la tête de nos chers bambins ?

Bon, peut-être faut-il relativiser.

Premier point, calculer la hausse des fraudes sans s’interroger sur la hausse du nombre de candidats n’a pas trop de sens. Imaginez que le nombre de candidats ait augmenté de 10% et que le nombre de fraudes ait augmenté de 10%, vous en déduirez logiquement que la hausse de la fraude a été de 0%… En l’occurrence, ce n’est pas le cas, mais ceci conduit à réduire la hausse relative, puisque le nombre de candidats a augmenté de 3,3% d’après cet article : il est passé de 664 709 candidats à 686 907 candidats. L’augmentation de +9,8% tombe mécaniquement à +6,3%.

Deuxième point, quand un phénomène augmente, quel qu’il soit, demandez-vous toujours si l’augmentation n’est pas lié au fait qu’on le regarde plus attentivement qu’auparavant. On apprend par exemple dans cet article daté de mai 2014 que “l’imagination des prétendants au baccalauréat n’a pas de limites. Une évolution technologique qui a forcé le ministère de l’Education nationale à utiliser par exemple des détecteurs de téléphones portables dans les salles d’examens” . Difficile de quantifier l’impact d’une telle mesure, mais on peut penser qu’une partie de la hausse des tricheries détectées n’est pas liée à une hausse des tricheries, mais à une hausse des détections…

Dernier point, c’est gentil de raisonner en taux de croissance de la fraude, mais en nombre absolu, je signale qu’on est passé de 469 tricheries détectées à 515. Pendant ce temps, les candidats sont passés de 664 709 à 686 907. Alors on peut aussi s’amuser à calculer la part des fraudeurs dans l’ensemble. Elle est passée de 0,071% à 0,075% sans neutralisation de l’effet d’augmentation des candidats, et de 0,071% à 0,073% en neutralisant cette augmentation. Soit une hausse du taux de fraude de 0,002 points de pourcentage.

Sûr que ça méritait des billets alarmistes dans la presse nationale…

[Fin de la séquence, je retourne à mes cartons].

Eloge de la différence

Je suis en train de me spécialiser dans la rubrique nécrologique : après Ronald Coase, Albert Jacquard est mort. Certes, ce n’est pas un économiste. De plus, il avait un côté vieux sage à la Edgar Morin vraiment exaspérant, je trouve. Bon, à vrai dire, c’est moins lui (ou Edgar Morin) qui m’exaspère, c’est plutôt les gens qui l’adorent : ça fait un peu défaite de la pensée, d’adorer quelqu’un. Surtout quelqu’un qui doute, qui vous invite au doute.

En même temps, je lui dois beaucoup. Autour de mes 16 ans, je suis tombé, par hasard, sur l’un de ses bouquins : “Eloge de la différence : la génétique et les hommes“. Je ne crois pas avoir lu autre chose de lui. Mais quand on a un père un quart camerounais, moitié français, un quart allemand, ça marque (je ne suis pas sûr des proportions, vous pouvez modifier à la marge sans trop changer le goût, c’est pour donner l’idée).

A tel point qu’en début de thèse, un paquet d’années plus tard, alors que les théories de la croissance endogène (à la Romer, Barro, Lucas) étaient à la mode, qu’il fallait grave s’y investir pour réussir, je m’en suis détourné pour des trucs plus étranges mais qui me parlaient plus. Des trucs genre “An Evolutionary Theory of Economic Change”, de Nelson et Winter. Des trucs qui insistaient sur le rôle du hasard, de l’histoire, de la diversité. Des trucs qui vous détournent de la recherche du modèle idéal. Des trucs qui vous invitent à plus de modestie, qui vous font réfléchir.

Des trucs à la Jacquard.

Joyeux Noël (opération recyclage)

Comme c’est demain Noël et que je suis une grosse feignasse je veux sauver la planète, je recycle. En l’occurrence, un article d’il y a deux ans (preuve s’il en était besoin que mes billets ne se démodent pas…). Comme je suis gentil, j’ai ajouté une image, à la fin.

En fêtant Noël, vous allez participer :

1. à la désindustrialisation de la France, car vous allez acheter plein de produits Made in China,

2. à la destruction de la planète, car tous ces biens qui circulent, ça en fait du transport et des émissions de CO2,

3. à la souffrance des animaux, car le gavage des canards et des oies, c’est pas top écolo (vous allez très vite en avoir marre, vous aussi, d’être gavés),

4. au délitement du lien social, car les fêtes de famille se terminent souvent par des engueulades,

5. au trou de la sécurité sociale, car vous allez boire et manger pleins de trucs qui vont faire exploser votre mauvais cholestérol et donc la probabilité que vous ayez bientôt des problèmes cardio-vasculaires,

6. à la faillite de l’Etat français, car comment voulez-vous que les générations futures fassent preuve de rigueur et comprennent l’importance de la réduction de la dette si vous leur faites croire que le Père Noël existe, que donc on peut avoir plein de trucs sans effort ?

7. à la montée du sentiment d’insécurité, quand on découvrira demain qu’un mec habillé en rouge est entré par effraction dans des millions de foyers,

8. au pessimisme des générations futures, quand elles vont apprendre que le Père Noël n’existe pas,

9. à la baisse du pouvoir d’achat des français, parce qu’acheter des trucs qui servent à rien, ça vous empêche de faire des dépenses utiles,

10. au creusement des inégalités, car les jouets que le Père Noël offre aux riches sont plus chers que ceux qu’il apporte aux pauvres. Et ça, c’est vraiment dégueulasse…

Image bonus 2012!

Ah oui, et surtout, ce soir, en repartant, n’oubliez-pas (trouvé via @adelaigue ou @econoclaste, je ne sais plus…) :

 

L’élection de Miss France : une activité ludo-éducative…

 

Ce soir c’est le concours Miss France. Concours de beauté. Un concours de beauté consiste à désigner la plus belle des Miss. Imaginons que vous puissiez gagner un prix : ceux qui désignent la Miss qui sera élue se partagent une somme considérable, sachant que la Miss élue sera celle qui aura collecté le plus de suffrages des votants.

Rapport avec l’économie plutôt étroit. Puisque la Miss qui va gagner est celle qui aura obtenu le plus de suffrages, l’enjeu pour vous n’est pas de trouver celle que vous considérez comme la plus belle (vu vos goûts de chiottes, vous allez perdre), mais celle que la majorité des votants considérera comme étant la plus belle.

Jeu complexe, auquel on peut s’amuser avec des étudiants, de la façon suivante : plutôt que de désigner une Miss, demandons de désigner un nombre entier compris entre 0 et 100. Le vainqueur est celui qui aura choisi l’entier le plus proche de la moitié de la moyenne de l’ensemble des entiers proposés.

Pour l’avoir fait à plusieurs reprises, on obtient des choses intéressantes : i) certains ont du mal à comprendre ces quelques règles, répondent au hasard, donnent leur chiffre préféré ou que sais-je encore, ii) d’autres comprennent qu’il faut anticiper les choix des autres joueurs, font l’hypothèse que les autres jouent au hasard, que la moyenne des nombres proposés sera de 50, ils proposent donc la moitié de 50, soit 25, iii) d’autres anticipent un peu plus, se disent que tous vont développer le raisonnement précédent, que tous vont proposer 25, ils proposent donc 12 ou 13, iv) certains (rarement) vont un cran plus loin, pour proposer 6 ou 7, v) exceptionnellement, un étudiant propose 3, 1, ou 0…

L’ensemble des étudiants pourrait se partager la somme considérable que je leur propose, donc tous gagner, en proposant tous 0. Mais ceci repose sur l’hypothèse héroïque que tous les étudiants déroulent le raisonnement jusqu’à la fin, et surtout que tous supposent que tous les autres étudiants vont dérouler le même raisonnement qu’eux jusqu’à la fin (sachant qu’ils ne peuvent communiquer entre eux : il s’agit d’un jeu non coopératif).

Jeu terrible, donc, qui permet par exemple de faire comprendre aux étudiants une proposition fameuse relative au fonctionnement des marchés financiers (je vous laisse trouver l’auteur) : on ne peut pas gagner contre le marché.

Peut-on sortir de ce type de situation infernale ? Oui, répond un autre économiste (je vous laisse trouver son nom, je suis joueur). Modifions un peu les règles du jeu pour faire comprendre son raisonnement : il vous faut toujours trouver un nombre entier compris entre 0 et 100. Pour gagner, il vous faut désigner le nombre qui sera désigné par la majorité des joueurs (plutôt que des nombres, on peut demander d’écrire sur une feuille un prénom, une ville, une fleur, ce que vous voulez).

En jouant au hasard, vous êtes sûr de perdre. Mais si vous vous dites que tous les autres joueurs connaissent les mêmes règles du jeu, ça converge assez vite : certains proposent 0, d’autres 100, la majorité proposent 50. Alors que 101 choix étaient possibles, seuls 3 sont retenus. Quand j’ai demandé aux étudiants de désigner une ville plutôt qu’un nombre, sachant que j’enseigne à Poitiers, une bonne partie a choisi Poitiers, une autre partie a choisi Paris. Alors que l’ensemble des possibles est immense. Bref, vous avez compris : quand il s’agit de deviner ce que les autres vont proposer, autant s’en remettre à ce que l’économiste dont je vous parlais appelle des « points saillants ». Sans jamais se coordonner, alors même que l’ensemble des possibles peut être immense, on peut gagner, car les “points saillants” sont peu nombreux, même si l’ensemble de référence est grand.

Application possible aux marchés financiers, une fois de plus : on ne peut pas gagner contre les marchés, mais un peu quand même, si on identifie les « points saillants » en vigueur sur ces marchés. Genre, fin des années 2000, « les bonnes entreprises sont des entreprises de la nouvelle économie ». Peu importe que vous y croyez, si vous considérez qu’il s’agit d’un « point saillant », vous pouvez gagner. Surtout du côté d’Orléans.

Ce soir, si vous regarder le concours Miss France, donc, ne vous demandez pas quelle est la plus belle. Demandez-vous quels sont les points saillants autour desquels vont converger les votes du public, qui vont les faire voter pour telle ou telle. Ou encore mieux : faites autre chose.

Le classement des villes universitaires où il fait bon étudier (“L’Etudiant” bashing)

Je ne connais pas la progression des ventes ou des visites du site du magazine l’Etudiant, mais à mon avis, c’est plutôt positif. Il faut dire qu’ils se sont mis sur un créneau porteur : produire des classements. Des lycées, des écoles d’ingénieurs, des écoles de commerce, des prépas Math spé, des prépas commerciales, etc.

Dernier exemple en date : le classement des villes universitaires où il fait bon étudier. Classement toutes catégories, classement métropole, classement grandes villes, classement villes moyennes.

Je te vois venir, lecteur perfide : tu te dis que, “ça y est, encore un chercheur mécontent du rang de la ville universitaire où il travaille, qui va dénigrer bêtement le classement produit mais en fait c’est parce qu’il n’est pas content, tout ça, tout ça”. Ben non : L’Etudiant titre justement “la consécration pour Toulouse, Montpellier et Poitiers”. Poitiers est au premier rang des villes de taille moyenne. Youpi…

Ce n’est donc pas le problème. Le problème, c’est que ce classement, c’est du grand n’importe quoi. Il suffit de jeter un oeil sur la méthodologie et de mobiliser quelques neurones (un ou deux peuvent suffire) pour s’en convaincre :

  • 37 critères sont retenus cette année (tiens, l’an passé c’était 39 critères?!), classés en 9 thèmes. 37 critères auxquels sont appliqués des coefficients de 1 à 4 (on ne connait pas les coefficients appliqués), ce qui permet de définir 4 catégories… Critères, thèmes, catégories, coefficient… Vous suivez? Peu importe : seul le classement compte, on fait confiance à la déontologie du producteur du classement pour le reste…
  • liste des critères ensuite, avec, à l’évidence, plusieurs corrélés entre eux : nombre d’étudiants, nombre de fauteuils de cinéma, nombre de bars, nombre de formations supérieures. Plein de fois la même information, donc, et je vous dis pas avec le jeu des coef. ce que ça donne…
  • critères corrélés entre eux, mais, de plus, corrélés avec la taille des villes et/ou des Universités. Big is beautiful, apparemment (pour le lecteur non informé, je rappelle que le nombre d’étudiants à Harvard est le même que le nombre d’étudiants à l’Université de Poitiers),
  • un classement avec des évolutions radicales : Poitiers est passé du rang 3 au rang 1 des villes moyennes en 1 an, Bordeaux à gagné 5 places, Nancy, 6 places, Dijon en a perdu 5, etc. Quand vous vous intéressez à des éléments structurels, qui bougent lentement par définition, et que vous vous apercevez que le classement change très vite, une conclusion s’impose : votre “thermomètre” est pourri. Si vous voulez faire un meilleur boulot, il faut changer de thermomètre. Si les ventes sont bonnes, il faut le conserver.
Invité l’an dernier à intervenir lors d’une journée sur l’attractivité et le rayonnement des villes universitaires, j’avais déjà commencé mon topo sur ce classement pour faire les mêmes remarques. En amont de la préparation de mon intervention, en expliquant à l’un des organisateurs tout le bien que je pensais de ce classement, je m’étais exposé à la remarque classique “ah oui, comme vous êtes mal classés, etc” (d’où ma digression ci-dessus). J’avais également envoyé un mail à L’Etudiant, afin qu’ils me transmettent leurs données de base. Mail resté sans réponse.
Lors de la conférence, après mon intervention, la personne de l’Etudiant qui produit ce classement a réagi (elle était présente dans la salle, je ne savais pas). Pour me dire que oui, sans doute, ce classement avait des limites, mais que c’était juste de l’information donnée aux lecteurs, que c’était sans prétention, que les gens pouvaient ensuite en faire ce qu’ils voulaient, etc. Un côté naïf presque touchant, je dirais.
Bon, c’est pas tout ça, faut que je vous laisse : un article à réviser pour publication, histoire de faire monter mon Université dans le classement de Shangaï…