Chopin et Pleyel – Partie 1

Pleyel, la signature sonore de Chopin ?

Une interprétation « authentique » des œuvres de Frédéric Chopin se résume-t-elle à l’utilisation d’un piano Pleyel d’époque ? Force est de constater que ces instruments participent en partie à une restitution sonore proche de celle de l’époque. Mais dans quelle mesure et qu’elles en sont les raisons ?
Le début du XIXe siècle est une période charnière dans la facture du piano. Moitié pianoforte, moitié piano moderne, ces instruments sont le plus souvent le reflet d’un idéal sonore national dont l’évolution est le fruit d’une multitude de progrès (métallurgique par exemple) ainsi que d’un désir perpétuel de perfectionnement.
Pour comprendre le lien qui unissait les pianos Pleyel et Chopin il faut adopter le regard d’un organologue car s’il est certain que ces derniers diffèrent de nos piano contemporains, ils diffèrent bien souvent d’une manufacture à l’autre et ce à une même époque.

« Dans les années 18230 et 1830, les facteurs de l’Europe entière créaient et définissaient chacun à sa manière le piano romantique. »1

Pour simplifier l’étude organologique de ces instruments, l’organisation de ce propos selon les différents éléments constitutifs du piano s’impose. De plus, pour le moment seules les caractéristiques des pianos à queue de Pleyel seront étudiées puisqu’il est bien rare que des interprétation contemporaines dites « authentiques » soient réalisée sur des pianos carré et des pianinos, pourtant très répandus au début du XIXe siècle.

La mécanique
Lien entre le pianiste et la sonorité, la mécanique des pianos de l’époque de Chopin est aussi l’élément le plus difficile à étudier puisqu’elle diffère et évolue selon les époques, cependant certaines caractéristiques des mécaniques utilisées par la manufacture Pleyel peuvent être soulignées.
Pleyel, s’inspire pour la réalisation de ses pianos du système de mécanique anglais, l’English grand action, issue de la mécanique inventée par Cristofori malgré quelques différences. Celle de Cristofori possède un levier intermédiaire qui agit sur le marteau alors que la mécanique anglaise possède un échappement qui agit directement sur la noix du marteau. Cette particularité se retrouve sur tous les pianos de la marque, et ce jusqu’à son adoption tardive du système à double échappement. L’échappement des pianos Pleyel a pour particularité de s’inspirer d’une autre mécanique, la mécanique de Petzold pour le déplacement du bâton d’échappement. Ce dernier ne se déplace pas vers l’extérieur de la touche mais dans le sens contraire, vers l’intérieur.
De plus elle dispose d’un premier élément de réglage, le bouton d’échappement, qui permet de déterminer avec précision la limite de décrochement du marteau et donc de préciser le toucher. Lorsque le marteau retombe, si la touche reste enfoncée, le bouton d’échappement empêche le bâton de retrouver sa place sous la noix de marteau. Il est donc nécessaire de replacer la touche pour rejouer la note.
Le principe double échappement, inventé depuis 1822 par Erard, n’apparaîtra pas sur les pianos de la marque Pleyel avant 1863.

English Grand Action

English Grand Action

Les cordes
Donner une description précise des caractéristiques des cordes installées sur les pianos de la marque Pleyel est difficile puisqu’à cette époque, et ce pour toutes les manufactures de piano, on voit une évolution propre à chaque modèle d’instrument. Cependant, cette évolution concerne non seulement la longueur des cordes mais aussi leur diamètre. Ce progrès est avant tout le fruit d’innovations dans le domaine de la métallurgie, permettant l’utilisation de cordes plus résistantes. Cette augmentation de résistance permit l’augmentation de la tension totale des cordes dans l’instrument à partir des années 1820. Les pianos Pleyel ont suivi cette évolution jusque dans les années 1841-1844

Les marteaux
Pleyel resta, contrairement aux autres manufactures, très attaché à l’utilisation de matériaux fermes pour les couches intérieures et de plus en plus souple vers l’extérieur. L’objectif était l’obtention d’une frappe douce, pour cela il utilisa de multiples couches de peau collées les unes sur les autres autour d’une fine lame de bois, procédé retrouvé sur les pianos anglais de l’époque.
Les marteaux qui étaient recouverts de feutres sont eux percés au centre afin de conférer une plus grande souplesse au noyau. Les dimensions importantes par rapport à la masse et à la tension des cordes sont aussi une caractéristique des marteaux utilisés par Pleyel.

La table d’harmonie
La table d’harmonie est un élément essentiel pour construction de l’identité sonore d’un instrument. Une fois de plus, la manufacture de piano Pleyel s’émancipa de l’esthétique sonore et de la conception d’une direction commune aux autres facteurs. La table d’harmonie d’un piano est composée de plusieurs éléments: la table elle-même, membrane sonore qui permet la transmission des vibrations des cordes à l’air; le chevalet, qui permet la transmission des vibrations des cordes vers la table; et les barres, qui offrent résistance et élasticité à la table. Afin de créer une identité sonore au piano, le facteur joue donc sur ces différents paramètres: plus le chevalet est haut, plus les hautes fréquences seront valorisées, le timbre sera donc « brillant ». A l’inverse, un chevalet bas favorise les sons fondamentaux rendant le timbre de l’instrument sombre. La raideur de la table d’harmonie a pour influence la réponse dynamique du son. plus elle est légère, plus elle diffuse rapidement le son. Pleyel fit le choix d’utiliser une table d’harmonie fine, mais mit au point une table en contreplaqué ayant la résistance d’une table plus épaisse. Cet astucieux système permit aux tables de ces instruments de vibrer dans leur totalité et non de manière restreinte.

Guillaume Chartreu

 

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