Interpreter Chopin – Partie 3 : The real Chopin complete works on period instruments

Ce dernier article est la suite de deux travaux qui ont permis, pour le premier de déterminer les caractéristiques des instruments dont disposait le célèbre compositeur à son époque ; et le deuxième, de définir le « jeux Chopin ». Qu’en est-il aujourd’hui et quels seraient les choix d’un pianiste contemporain s’il devait s’exécuter sur un instrument d’époque. Cet article, à partir des deux précédents, a pour objectif d’essayer de répondre à cette question.

Il est courant d’entendre des violonistes jouer sur des instruments du XIXe siècle, mais il l’est un peu moins pour les pianistes. Le Fryderyk Chopin Institute de Varsovie nous offre la possibilité d’entendre – grâce à son coffret édité en janvier 2011 et comportant 21 disques – l’intégralité des œuvres de Chopin sur piano d’époque, jouées par 12 pianistes (Fou TS’ONG ; Kaling COLLEEN LEE ; Nelson GOERNER ; Dang THAI SON ; Tatiana SHEBANOVA ; Wojciech SWITALA ; Janusz OLEJNICZAK ; Kevin KENNER ; Dina YOFFE ; Nikolai DEMIDENKO ; Ewa POBLOCKA ; Marek DREWNOWSKI)

Grâce au premier article – Chopin et Pleyel, partie 1- nous pouvons déterminer si oui ou non les choix des instruments utilisés pour ces enregistrements sont justifiés et s’ils correspondent au profil technique établi. Trois pianos à queue sont utilisés pour ces enregistrements.

Le premier, un Érard de 1849, est représentatif des nouvelles technologies qui apparaissent vers les année 1820 : il possède des renforts métalliques, proche des cadres en fonte contemporains. Une importante contradiction est à relever dans la description du livret. Il y est dit que tous les éléments sont d’origine, sauf ceux que l’on a habituellement l’habitude de changer après usure (très probablement les mouches d’enfoncement et de balancier, ainsi que les feutres de barre de repos ou de mortaise de clavier). Cependant une autre mention est faite, nous informant qu’une restauration avait été effectuée grâce à des éléments conçus avec les matériaux employés à la moitié du XIXe siècle. Il est possible que certains éléments tels que les revêtements des têtes de marteaux répondent au cahier des charges « historiques ». Cependant, si une intervention sur le plan de corde a été effectuée, nous sommes en droit de nous interroger sur la conformité des cordes utilisées puisque aucune étude scientifique n’a permis pour l’instant de déterminer avec précision la composition exacte de l’époque et leurs techniques de fabrication (tréfilage, polissage, etc.)

Le deuxième, un Pleyel de 1848 est la propriété du Fryderyk Chopin Institute depuis son achat lors de la vente de la collection Chris Maene en 2005. D’après la description du livret, les marteaux ainsi que la table d’harmonie sont d’origine. Cependant la mention « Its historical substance, is preserved virtually intact » ne précise toujours pas si les cordes ainsi que le plan de cordes sont d’origine.

Enfin, le troisième piano utilisé pour ces enregistrements est un Pleyel datant de 1847, alors propriété d’une élève qui fut joué par Chopin en 1848. Il est à ce jour la propriété du Jagiellomian University Museum de Cracovie. Comme les deux précédents, il répond aux caractéristiques mécaniques de l’époque (simple échappement pour les deux Pleyel et double échappement pour le Erard).

Malgré le choix justifié de ces instruments d’un point de vue mécanique, il est tout de même important de signaler que les pianos à queue n’étaient pas les seuls à trôner dans les salons bourgeois. Dans cette première moitié de XIXe siècle, d’autres modèles de pianos coexistent. Plus célèbre que le pianino (piano droit), le piano carré, moins encombrant que son concurrent le piano à queue, était très répandu dans les salons. Nous pouvons donc nous interroger quant au choix du piano à queue. Pourquoi d’autres modèles de piano (comme le piano carré) n’ont-ils pas été utilisés ? Une première piste de réflexion peut être le fait que, dans notre vision contemporaine, il est d’usage d’utiliser le piano à queue pour les concerts et les enregistrements. Cependant, la musique de Chopin était-elle destinée simplement à être jouée lors de concerts ? Les nocturnes et préludes par exemple sont des pièces qui étaient plus souvent jouées dans les salons pour un public restreint. Chopin, lorsqu’il se produisait en petit comité, ne disposait généralement que de l’instrument présent sur place. Et comme nous l’avons mentionné plus tôt, les pianos carrés et pianinos étaient très répandus chez les particuliers.

Nous pouvons également nous demander si l’interprétation historiquement informée exige l’emploi d’un piano similaire à celui du compositeur (utilisé pendant la composition) ou d’un piano utilisé par les interprètes de l’époque (professionnels ou amateurs). Une expérience a été menée à Majorque : un pianino similaire à celui de Chopin lors de son séjour a été acheminé depuis Paris pour un concert célébrant le 75e anniversaire du Museo Chopin Celda. L’objectif était clair : rejouer les œuvres de Chopin lors de son séjour à Majorque sur le piano où elles avaient été composées. En voici un extrait :

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=A-NY56c-fJU[/youtube]

                    Aya Okuyama, 2008

Nous nous sommes également intéressés au livret afin de déterminer quel était le but et les attentes du Fryderyk Chopin Institut en éditant ce coffret. Or ce livret de quelques 200 pages ne nous informe pas quant à la démarche du Fryderyk Chopin Institut ; mais nous renseigne plutôt quant aux genres (valse, mazurka, nocturne etc) plébiscités par Chopin pour ses compositions.

Les biographies des 12 interprètes ce de coffret sont brèves et ne nous renseignent pas non plus quant à leur démarche : Se sont-ils renseignés, avant d’enregistrer, quant au jeu de Chopin, son « idéal » sonore ?

La seule information qui nous est donnée à ce sujet concerne Raoul Koczalski (1884-1948) dont les enregistrements qui datent de la première moitié du XXe siècle (les dates exactes ne sont pas précisées) ont été insérés dans le coffret. En effet, Koczalski est considéré comme l’un des plus grands interprètes de Chopin et a initié le mouvement de l’interprétation historique. Sa grande connaissance des œuvres de Chopin est due, en partie, au fait qu’il a étudié avec Karol Mikuli dans les années 1890, lui même élève de Chopin. Le jeu de Koczaski est souvent comparé à celui de Chopin, souple, avec subtilité et sensibilité. Enregistrement de Koczalski datant de 1938 :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=-Ti6c6bhdTE[/youtube]

                    Ballade n°1, op. 23,Chopin

Voici en comparaison en enregistrement récent de Nelson Goerner au Fryderyk Chopin Institut sur le Pleyel de 1848 :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=vLx4Q72PgWk [/youtube]

                    Ballade n°1, op. 23, Chopin

Guillaume Chartreu et Marion Quintard

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