Les taux de réussite en licence : classement des Universités

Le Ministère de l’enseignement supérieur vient de sortir les derniers chiffres sur les taux de réussite en licence : taux de réussite L1/L2, d’une part, taux de réussite de la licence en 3 ans, d’autre part. L’intérêt est cependant ailleurs selon moi : le Ministère calcule en effet le taux de valeur ajoutée des établissements, en calculant la différence entre le taux de réussite observé et le taux de réussite attendu, compte-tenu des caractéristiques des entrants. Par exemple, Paris 4 et Paris 6 ont plutôt des bons taux de réussite à la licence en 3 ans, mais leur valeur ajoutée est plutôt faible (0,9 points pour Paris 4, -0,1 pour Paris 6), leurs bons scores semblent donc s’expliquer principalement par les caractéristiques des entrants.

Le Monde a rendu compte de ces chiffres dans cet article, et a fait un focus sur l’Université d’Angers, qui est sur la première marche du podium (Poitiers s’en sort également très bien, avec le 7ème taux pour le passage en L2, le troisième pour la réussite de la licence en 3 ans et le 6ème pour la valeur ajoutée sur ce dernier critère).

L’article sur Angers laisse entendre au début qu’il y aurait un effet taille, avec avantage aux “petites universités”. Je me suis donc empressé de calculer le lien entre la valeur ajoutée des universités et le nombre d’inscrits :

  • pour le passage L2, pas de lien statistiquement significatif,
  • pour la réussite en 3 ans à la licence, lien négatif mais faiblement significatif (significatif au seuil de 10%), 1000 étudiants en plus en licence réduirait de 1 point de pourcentage la valeur ajoutée,
  • pour la réussite en 3 ou 4 ans (cohorte 2010), pas de lien statistiquement significatif.

Bref, être une petite ou une grande Université, ça ne joue pas vraiment sur la valeur ajoutée des établissements…

En complément, je vous signale que j’avais analysé ce type d’exercice il y a quelques mois, après la parution des chiffres de l’année précédente, en alertant sur l’intérêt et les limites de l’exercice. Je vous renvoie à ce billet et vous rappelle rapidement quelques points importants :

  • la réussite est moins lié à l’Université qu’à la filière de bac, bons taux pour les bacs généraux, beaucoup moins pour les bacs technologiques, encore moins pour les bacs pro,
  • la problématique de l’échec est massivement une problématique L1, ensuite les taux sont élevés voire très élevés, et sur l’échec en L1, voir le point précédent,
  • problème important dans les données : le Ministère ne peut pas suivre les L1 qui se réorientent hors Université (en BTS, prépa, écoles notamment), les étudiants concernés sont donc considérés comme ayant échoué, ce n’est bien sûr pas toujours le cas, loin de là,
  • sur la valeur ajoutée des Universités, précision méthodologique importante, elle est calculée sur la base des caractéristiques observables des lycéens, des caractéristiques non observables peuvent jouer fortement, auquel cas on attribuera à tort à l’Université une valeur ajoutée à laquelle elle ne contribue pas.

La fragmentation des processus productifs

J’en avais déjà parlé ici et , la comptabilité traditionnelle du commerce international masque la tendance à la fragmentation croissante des processus productifs : quand une entreprise française exporte une voiture pour une valeur de 100, on ajoute 100 aux exportations françaises, en négligeant le fait que cette voiture incorpore des composants importés par le fabricant français. Comment intégrer cette tendance? Il convient de mesurer le commerce en valeur ajoutée, autrement dit déduire des 100 exportés ce que le fabricant a acheté à l’étranger.

Robert Johnson et Guillermo Noguera viennent de publier sur Vox-Eu un billet présentant les résultats du travail qu’ils ont réalisé en ce sens. On y découvre que le déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine est réduit de 40% avec cette nouvelle comptabilité, car la Chine importe nombre des composants qu’elle assemble ensuite, une part importante de la valeur ajoutée lui échappe donc. Pour tous les pays, on observe que l’industrie pèse moins et les services pèsent plus qu’on l’imagine dans le commerce mondial. Les ratios calculés pour la France sont dans la moyenne des pays de leur échantillon.