Très vite après la publication des résultats aux élections européennes, des cartes à la commune sont apparues, le choix majoritaire consistant à représenter la liste arrivée en tête (voir ici par exemple, ou pour une carte intégrant la répartition inégale de la population voir ici). Le Rassemblement National couvre la quasi-intégralité du territoire, à l’exception des plus grandes villes.
Il n’a pas fallu longtemps pour qu’une interprétation géographique du vote apparaisse : le rural vote Bardella, seul l’urbain le plus dense résiste, c’est lié au fait que les populations rurales se sentent abandonnées, diront certains, pendant que d’autres expliqueront que l’urbain, en exposant à la diversité, prémunit de ce vote extrême.
J’avais déjà alerté avec beaucoup d’autres chercheurs sur les limites fortes de ces interprétations géographiques du vote (voir ici et là). Oui, quand on compare vote urbain et vote rural, il y a un écart très important pour certains candidats. Mais pour l’essentiel, c’est un effet de composition sociale : lorsqu’on compare le vote rural et le vote urbain à niveau de diplôme et tranche d’âge identique, on n’observe pratiquement plus de différence.
Le tableau ci-dessus reprend les résultats des calculs que je viens de réaliser sur la base des résultats par commune au élections européennes de dimanche dernier. Je me suis concentré sur les 7 listes arrivées en tête, et j’ai regroupé les 31 autres listes dans une catégorie « autres ». J’ai ensuite calculé le score moyen selon que la commune étant rurale ou urbaine au sens de la grille communale de densité. Pour Bardella, le score dans l’urbain est en moyenne de 27,7%, il est de 38,0% dans le rural, soit un écart brut de +10,3 points. L’autre différence importante concerne la liste Aubry, avec un score sensiblement plus fort dans l’urbain (12,7%) que dans le rural (5,2%), cette fois.
J’ai ensuite analysé l’impact sur les différences urbain-rural d’effets de diplôme, d’âge et d’appartenance régionale, ce qui permet de calculer un effet rural net. Il s’avère alors que la différence rural-urbain pour le vote Bardella tombe de +10,3 points à +1,3 point. L’écart n’est pas nul, il reste statistiquement significatif, mais il est bien plus réduit. C’est également le cas pour la liste Aubry, les effets d’âge et de diplôme réduisent substantiellement l’écart rural-urbain, qui reste cependant supérieur à 2 points. Pour tous les autres candidats, l’écart devient très faible, inférieur à 1 point.
Pour l’essentiel, donc, la différence rural-urbain dans le vote Bardella est un effet de diplôme et d’âge, bien plus qu’un effet de localisation.