Qui a dit (#7) ?

Allez, soyez joueur, ne regardez pas sur Google, et trouvez moi l’auteur de cette proposition :

"L’attribution de l’ensemble des appuis financiers et des aides publiques sera conditionnée à l’engagement des bénéficiaires de ne pas délocaliser les activités ainsi accompagnées."


Fin du jeu (#7) !



[Bravo à Alex, qui a, le premier, trouvé l’auteur]
Eh oui, ce n’était pas Ségolène Royal… mais le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ! Et ce n’était pas une proposition pour 2007, c’est écrit noir sur blanc dans ce document
relatif à la politique de Pôles de Compétitivité du CIADT (comité Interministériel d’Aménagement et de Développement des Territoires), Matignon, 14 septembre 2004, p. 6 …

Donc, quand Ségolène Royal annonce qu’elle veut :

"Conditionner les aides publiques aux entreprises à l’engagement de ne pas licencier quand l’entreprise dégage des profits substantiels et obtenir le remboursement en cas de délocalisation." (proposition 14, p. 7 dans ce document),


… elle ne fait que reprendre une proposition… de l’UMP. Et encore, elle est un peu "petits bras", puisqu’elle ajoute la condition de "profits substantiels"!

Bon, a minima, on peut dire que c’est une proposition …picto-charentaise, non?

Polémique autour des chiffres du chômage et autres petites choses sans importance…

On le sait, la publication des chiffres du chômage a été reportée à l’après élection présidentielle. Eric Maurin en a parlé récemment sur son blog ici et , Vincent Champain également, une première fois sur Débat 2007 fin janvier, une deuxième fois aujourd’hui, toujours sur Débat 2007. Eric Wasmer également, sur son blog, ici,   et . Bernard Salanié a également évoqué le problème, en expliquant que le reproche d’opacité ne lui paraissait pas recevable, mais en indiquant dans le même temps que les chiffres du chômage lui semblaient sous-évalués. Parallèlement, Eric Maurin avait protesté contre les gonflements des chiffres liés à l’évaluation du CNE ; j’en avais rajouté une couche ici (pendant ce temps, Jean-Michel Charbonnel et Laurent Bisault produisent une autre évaluation du CNE guère optimiste : "Nous pensons (…) que l’effet net sur l’emploi du CNE est au maximum de 35 000 emplois (…), et qu’il n’en créera pas en 2007").

Ce sont maintenant les statisticiens du ministère de l’emploi qui s’insurgent contre les « manœuvres » de minimisation des chiffres du chômage :

Dans leur lettre, les 63 signataires (sur 190 salariés) critiquent la position adoptée par le directeur adjoint, Philippe Ravalet, lors de son audition devant le Conseil national de l’information statistique, le 8 mars. La présentation « ne correspondait pas à ce qui avait été convenu en interne, la veille au soir », regrettent les signataires, parmi lesquels figurent les trois quarts de l’encadrement (sous-directeurs, chefs de département, etc.). Invité à chiffrer les mesures ayant réduit artificiellement les chiffres du chômage, l’ancien conseiller technique de Gérard Larcher n’a détaillé que deux des quatre mesures dont il était possible d’évaluer l’effet. « Ce travail a pourtant été réalisé par les services de la Dares », indiquent les salariés du ministère de l’Emploi.
Philippe Ravalet a notamment omis le basculent des contrats aidés dans la catégorie 5, une section qui n’influe pas dans le calcul du taux de chômage, et la mise en place du suivi mensuel, en 2006. L’ensemble de ces mesures a concouru à réduire le nombre de demandeurs d’emploi de 100.000, ce qui a permis d’afficher un taux de chômage de 8,6 % au lieu de 8,9 % à la fin décembre 2006, indiquent-ils. ‘source : Les Echos, 19 mars 2007

Tout cela commence à faire beaucoup pour un seul gouvernement… Je dirais qu’il y a quelque chose qui ressemble à des petits problèmes de gouvernance, avec d’un côté des producteurs de statistiques servant à l’évaluation des politiques publiques et, de l’autre côté, des politiques qui mettent en oeuvre la chose évaluée. Solution? Plus de transparence, plus d’indépendance. Tout un programme, mais sans doute pas pour 2007.

Publication



Pour information, le numéro 72 1/2007 de Pouvoirs Locaux, revue trimestrielle de l’Institut de la Décentralisation, vient de paraître, avec un dossier titré "La "compétitivité des territoires" : vertus et limites d’une politique".
Il y a 12 articles, dont un intitulé "Délocalisations et désindustrialisation : que peuvent faire les collectivités?" dont je vous laisse deviner l’auteur…

Résumé : Les citoyens, les politiques et les médias portent une attention quasi-obsessionnelle sur les délocalisations vers les pays en développement, accusées de vider progressivement le territoire national de toute activité industrielle. Le problème est pourtant ailleurs : la France, comme les autres pays de la planète, est affectée par un processus plus général de réorganisation transnationale des activités économiques, au sein duquel les délocalisations pèsent finalement peu.

 

Nous proposons dès lors de présenter les différentes logiques qui sous-tendent ce processus de réorganisation : logique de coût, logique d’innovation et logique financière. A chaque fois, nous montrons le caractère trop réducteur des analyses (et donc des préconisations) qui en sont faites, et nous insistons sur les pistes en termes d’action publique que permet d’ouvrir une analyse approfondie. Nous insistons enfin sur la nécessité de mettre en œuvre de nouvelles méthodes de diagnostic territorial, dont quelques éléments sont présentés, afin de répondre aux nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les acteurs en charge du développement économique local.

PS: la photo de la couverture n’est pas la bonne, j’ai récupéré celle que j’ai mis ici sur le site de l’Institut de la Décentralisation qui, manifestement, n’est pas à jour…

Chroniques Picto-Charentaises

Inauguration d’une nouvelle rubrique, pour vous faire part de temps en temps de l’actualité économique, sociale ou politique de Poitou-Charentes. Je commence avec les petites phrases de certains politiques.

Lundi dernier, d’abord, commission permanente du Conseil Régionale. Ségolène Royal, absente, laisse la présidence de séance à Jean-François Fountaine, premier vice-président. Débat autour d’un pôle de compétitivité non labellisé intitulé "West Eating Sustainable Territory" (WEST). Réaction d’Henri de Richemont, chef de file de l’opposition, apparemment anglophobe :

"Est-ce que vous avez vocation à être colonisé? (…) C’est affligeant qu’un pays comme le nôtre ne soit pas capable de défendre ses valeurs" (Source : Nouvelle République, mardi 13 mars 2007, p. 3, c’est moi qui souligne)

Lundi, toujours, Jean-Yves Chamard (j’en avais parlé ici), député UMP, Balladurien en 1995, Sarkozyste aujourd’hui, réagit à l’intervention de Chirac :

"je le verrais bien à la tête d’une organisation mondiale de l’environnement avec des gens comme Al Gore", car "c’est un domaine dans lequel il s’est déjà impliqué fortement" (Source : Nouvelle République, lundi 12 mars 2007, p. 2)

 

Comme vous pouvez le constater, les politiques picto-charentais ont parfois un grand sens de l’humour…

Article dans Centre Presse



C’est finalement aujourd’hui que l’article de Philippe Bonnet paraît dans
Centre Presse. Avec, s’il vous plaît, un encart en première page, pas loin du trio ségolène – Nicolas – François, titré "L’économiste poitevin note les politiques".

Et un article page 5 au titre dévastateur : "Sarko-Ségo : 0/20 en éco". Bienvenu, donc, aux lecteurs de Centre Presse qui viendraient s’égarer sur ce blog.

Vous pouvez naviguer librement sur le blog, bien sûr. Si vous cherchez la correction de la copie de Nicolas S. elle est ici. Pour Ségolène R, c’est là. Ils ont passé également un oral commun ici

Pour François B., il y a eu ce petit billet, ainsi qu’une analyse des propos de Jean Arthuis, son conseiller spécial sur la Mondialisation, ici et .

Bon, je me moque un peu, mais fondamentalement, je trouve que cela n’est pas drôle du tout : ils sont censés nous gouverner, ces politiques, et ce qu’ils proposent, sur le volet économique en tout cas, n’est pas des plus pertinents…

Le Polimètre : les biais d’un sondage

Via Versac et Débat 2007, je découvre le Polimètre. Ce sondage, qui doit permettre à chacun de définir de quel(le) candidat(e) à l’élection présidentielle il se sent le plus proche, utilise ce qui ressemble à une échelle de Likert : on nous propose un ensemble d’affirmations, l’ensemble des réponses possibles est exprimé sur une échelle graduée entre « tout à fait d’accord » et « pas d’accord du tout ». Petite capture d’écran :



Ce type de sondage présente plusieurs biais :

1. Le biais de tendance centrale : les répondants hésitent à donner les réponses extrèmes (tout à fait d’accord, fortement opposé)

2. Le biais d’acquiescement : Les personnes répondent en général positivement aux propositions faites, autrement dit, la formulation des propositions n’est pas neutre. Petit exemple, juste ci-dessus avec la proposition "Moins d’immigration permettrait de réduire le chômage en France". Il y en a d’autres : "globalement, la France est en déclin" ou encore "Le niveau scolaire baisse". Pour éviter ce biais, on peut formuler positivement/négativement les questions.

3. Le biais spatial, le plus surprenant : la plupart des personnes ont un biais d’attention à gauche, ce qui peut biaiser les résultats des études. Un groupe de chercheurs a présenté à deux groupes d’étudiants le même questionnaire, mais pour la moitié de l’échantillon, l’échelle était construite de gauche (tout à fait d’accord)  à droite (pas du tout d’accord), alors que pour l’autre moitié, l’échelle allait de droite (tout à fait d’accord) à gauche (pas du tout d’accord). Résultat de l’étude : le groupe utilisant l’échelle où "tout à fait d’accord" est à gauche ont 27% de réponses "tout à fait d’accord" en plus que dans l’autre groupe… Une solution existerait, non mise en oeuvre dans le polimètre je pense : proposer 50% de questionnaire avec les items classés de gauche à droite, et 50% de droite à gauche.

Sachant cela, donc, j’ai testé le questionnaire en répondant "tout à fait d’accord" à toutes les questions, sans réfléchir une seconde. Histoire de voir si le questionnaire permettait d’éviter un tant soit peu le biais spatial et le biais d’acquiescement : s’il est bien fait, on doit avoir des scores équilibrés des candidats, s’il est mal fait, les scores seront déséquilibrés. Résultat :

 

"Légèrement" biaisé, le sondage, semble-t-il…

 

L’instrumentalisation des peurs…



[Nouveau billet posté sur La campagne déchiffrée, je le poste aussi ici. Commentaires bienvenus, ici ou là-bas!]

Sarkozy, ce n’est pas nouveau, lorgne du côté de l’extrême droite en mettant sur la table le thème de l’immigration. Il plaide depuis quelques temps pour une « immigration choisie », il propose maintenant un ministère de « l’immigration et de l’identité française ».

François Bayrou et Ségolène Royal ont sévèrement critiqués cette proposition. Qu’à cela ne tienne, déclare Sarkozy : « La rupture que je propose, c’est de parler sans tabou. Je suis le candidat qui exprime les idées que pensent et que portent les Français » (entretien au Journal du Dimanche, 11 mars 2007). Et il a sans doute raison : sa proposition risque d’être cohérente avec ce que pense un bon nombre de français. Pourquoi ? Car pour les migrations, comme pour les délocalisations, les citoyens français ont une vue biaisée des phénomènes.

 

Concentrons-nous d’abord sur les migrations. L’Enquête sociale européenne a sondé en 2003 les opinions publiques de tous les pays d’Europe. Interrogés sur le nombre de migrants que reçoit leur pays comparé aux autres pays européens de même taille, 57% des personnes interrogées répondent plus ou bien plus, contre 14% qui répondent moins ou bien moins : les chiffres que les citoyens ont en tête sont mutuellement incompatibles, la plupart surestiment les mouvements réels… Que nous apprennent les chiffres les plus récents pour la France ? François Héran (2007) montre que sur les années 2003, 2004 et 2005, les mouvements migratoires contribuent pour 30% à la croissance annuelle de la population française, contre 80% en moyenne dans l’UE à 15 et 85% dans l’UE à 25. Sur une population de 1000 habitants, la migration se solde chaque année par deux migrants nets. C’est moins qu’en Espagne, c’est moins qu’en Italie, c’est moins qu’en Allemagne, c’est moins qu’au Royaume-Uni, etc… Comme le souligne Héran, en France, « le problème majeur de l’immigration n’est pas l’afflux des migrants, qui reste modéré, mais l’intégration des enfants, ou descendants d’immigrés » (p. 58). Et je passe sur l’ensemble des études économiques qui montrent l’impact économique positif de l’immigration (voir le billet d’Alexandre Delaigue ici)…

 

Tournons-nous maintenant du côté des délocalisations. Emmanuel Todd, entre autres, propose d’instaurer « un protectionnisme européen raisonnable », pour se prémunir de la concurrence chinoise. Tout part en Chine, nous dit-on. Et quand l’activité ne part pas en Chine, ce sont leurs produits qui inondent nos marchés et mettent à mal nos entreprises. D’où la volonté d’ériger des barrières. Là encore, gageons qu’une majorité de français adhère au diagnostic. Mais, là encore, les chiffres font mal : moins de 1% des investissements directs de la France à l’étranger vont en Chine contre  plus de 80% qui vont dans des pays développés (dont plus de 50% dans l’UE à 15 et 25% aux Etats-Unis). S’agissant des importations de la Chine vers l’Union à 25, elles représentaient en 2000 2,7% de l’ensemble et en 2005 4,7%. Pour l’Asie dans son ensemble, les chiffres sont passés de 12,1% à 12,4% sur la même période. En fait, l’essentiel du commerce international, en Europe, est intra-européen : en 2005, 73,4% des exportations des pays de l’UE à 25 vont vers l’UE à 25 ; 70,4% des importations proviennent de l’UE à 25. Et je passe sur l’ensemble des études économiques qui montrent le faible poids des délocalisations dans l’ensemble des emplois détruits…

 

Tout ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème. Mais laisser croire que l’immigration en provenance des pays en développement d’une part, les délocalisations vers ces mêmes pays, d’autre part, sont les problèmes majeurs qui expliquent le niveau de chômage et la faible croissance française est tout sauf exact. Les politiques comme Sarkozy et les chercheurs comme Todd ont normalement pour mission d’éclairer leurs concitoyens en faisant de la « pédagogie des enjeux », c’est-à-dire en expliquant quels sont les problèmes que rencontre effectivement la France, et quelles solutions ils proposent de mettre en œuvre pour les résoudre. Les quelques chiffres rappelés ici montrent qu’ils remplissent très mal leur mission : ils préfèrent sans doute instrumentaliser les peurs pour atteindre leurs objectifs propres.

Article dans Centre Presse



Philippe Bonnet, journaliste à Centre Presse, m’a interviewé il y a quelques temps sur mon blog et mon activité d’économiste "s’invitant dans la campagne présidentielle".
L’article doit paraître dans l’édition d’aujourd’hui (lundi 12 mardi 13 mars mercredi 14 mars ??? 2007).
Bienvenu aux lecteurs de Centre Presse si certains s’aventurent ici !

Médiocratie Cumulative…



Fin du jeu : c’était donc
une citation de F. McKinney Hubbard. Voici l’original : “We’d all like to vote for the best man, but he is never a candidate.” Vous avez tout un ensemble de citations du même ici.

Ce n’est pas là que je l’ai trouvé, mais, mise en exergue, dans un document de travail du NBER de Mattozzi et Merlo intitulé "Mediocracy" (NBER, 2007, WP n°12920, abonnement nécessaire). Le résumé :

In this paper, we study the initial recruitment of individuals in the political sector. We propose an equilibrium model of political recruitment by a party who faces competition for political talent from the lobbying sector. We show that a political party may deliberately choose to recruit only mediocre politicians, in spite of the fact that it could afford to recruit better individuals who would like to become politicians. We argue that this finding may contribute to explain the observation that in many countries the political class is mostly composed of mediocre people. (c’est moi qui souligne, c’est eux qui le disent…)

Les deux mêmes récidivent dans un autre Working Paper du NBER, intitulé cette fois 
"Political Careers or Career Politicians?" ((NBER, 2007, WP n°12921). Résumé :

Two main career paths are prevalent among politicians in modern democracies: there are career politicians (i.e., politicians who work in the political sector until retirement), and political careers (i.e., there are politicians who leave politics before retirement and work in the private sector). In this paper, we propose a dynamic equilibrium model of the careers of politicians in an environment with a private sector and a political sector, where individuals are heterogeneous with respect to their market ability and political skills. Our analysis provides an explanation for the existence of career politicians and individuals with political careers, and their motivations. We also investigate the effects of monetary incentives and other features of the political-economic environment on the quality of politicians and their careers. We show that an increase in the salary a politician receives while in office decreases the average quality of individuals who become politicians, decreases turnover in office, and may either decrease or increase the average quality of career politicians.


Bon, en clair, les politiciens seraient structurellement médiocres, et si vous décidiez de les payer plus chers, primo leur qualité baisserait et secundo ils ne décolleraient pas de leur siège.

Toute ressemblance avec des personnages ou des situations existants ou ayant existé etc, etc…