Polémique autour des chiffres du chômage et autres petites choses sans importance…

On le sait, la publication des chiffres du chômage a été reportée à l’après élection présidentielle. Eric Maurin en a parlé récemment sur son blog ici et , Vincent Champain également, une première fois sur Débat 2007 fin janvier, une deuxième fois aujourd’hui, toujours sur Débat 2007. Eric Wasmer également, sur son blog, ici,   et . Bernard Salanié a également évoqué le problème, en expliquant que le reproche d’opacité ne lui paraissait pas recevable, mais en indiquant dans le même temps que les chiffres du chômage lui semblaient sous-évalués. Parallèlement, Eric Maurin avait protesté contre les gonflements des chiffres liés à l’évaluation du CNE ; j’en avais rajouté une couche ici (pendant ce temps, Jean-Michel Charbonnel et Laurent Bisault produisent une autre évaluation du CNE guère optimiste : "Nous pensons (…) que l’effet net sur l’emploi du CNE est au maximum de 35 000 emplois (…), et qu’il n’en créera pas en 2007").

Ce sont maintenant les statisticiens du ministère de l’emploi qui s’insurgent contre les « manœuvres » de minimisation des chiffres du chômage :

Dans leur lettre, les 63 signataires (sur 190 salariés) critiquent la position adoptée par le directeur adjoint, Philippe Ravalet, lors de son audition devant le Conseil national de l’information statistique, le 8 mars. La présentation « ne correspondait pas à ce qui avait été convenu en interne, la veille au soir », regrettent les signataires, parmi lesquels figurent les trois quarts de l’encadrement (sous-directeurs, chefs de département, etc.). Invité à chiffrer les mesures ayant réduit artificiellement les chiffres du chômage, l’ancien conseiller technique de Gérard Larcher n’a détaillé que deux des quatre mesures dont il était possible d’évaluer l’effet. « Ce travail a pourtant été réalisé par les services de la Dares », indiquent les salariés du ministère de l’Emploi.
Philippe Ravalet a notamment omis le basculent des contrats aidés dans la catégorie 5, une section qui n’influe pas dans le calcul du taux de chômage, et la mise en place du suivi mensuel, en 2006. L’ensemble de ces mesures a concouru à réduire le nombre de demandeurs d’emploi de 100.000, ce qui a permis d’afficher un taux de chômage de 8,6 % au lieu de 8,9 % à la fin décembre 2006, indiquent-ils. ‘source : Les Echos, 19 mars 2007

Tout cela commence à faire beaucoup pour un seul gouvernement… Je dirais qu’il y a quelque chose qui ressemble à des petits problèmes de gouvernance, avec d’un côté des producteurs de statistiques servant à l’évaluation des politiques publiques et, de l’autre côté, des politiques qui mettent en oeuvre la chose évaluée. Solution? Plus de transparence, plus d’indépendance. Tout un programme, mais sans doute pas pour 2007.

5 commentaires sur “Polémique autour des chiffres du chômage et autres petites choses sans importance…

  1. Etant agent de l’Anpe, je suis directement concernés par le problème des statistiques du chômage.Les fraudes (car il s’agit bien de fraudes , c’est à dire de falsifications délibérées) ont pris un caractère de masse en Aout 1997. Apartir de cette période, on a pu constaté que au fur et à mesure que le volume des inscrits en catégorie 1 diminuait, celui de deux autres catégories  (les catégories deux et trois) augmentait! Le glissement a représenté au moins 400.000 inscrits.Al ‘époque, c’était Jospin qui était Premier Ministre et Martine aubry Ministre de l’emploi.Ce glissement ne peut s’opérer que par l’action des agents de l’Anpe. Sur chaque dossier nous avons le moyen de faire ce changement de catégorie … Cinq secondes suffisent!20.000 agents faisant un changement par jour (ce qui est très très peu!) et vous faites baisser le nombre des chômeurs (catégorie 1) de 200.000 en 10 jours! Serul "problème", il ne faut pas que ce soit trop voyant … alors on fait moins …
     

  2. C’est pas nouveau tout ça… mais le fait que cela soit affiché publiquement est important.Il suffit de connaître quelques demandeurs d’emplois pour constater à quel point l’ANPE est une machine à produire de "fausses" statistiques orientées selon les besoins. Il y avait également les blogs d’agents de l’ANPE me semble t’il, qui avaient détaillé cela, dans le passé…C’est marrant, je bosse actuellement pas mal sur la manière dont le système soviétique a réussi à développer une autre réalité à l’aide de faux rapports et faux chiffres. C’est l’une des bases du totalitarisme, selon Arendt : la lutte contre la réalité. (Qui ne peut connaître de repos que lorsque le fantasme totalitaire est confronté à la réalité objective : par exemple, plus d’ouverture sur d’autres pays, ou alors une guerre.)Je ne dis pas que la France, tout comme d’autres pays développés, glissent vers une forme de totalitarisme, hein.Mais concernant certains principes, comme par exemple le développement d’une réalité fantasmée par des institutions officielles et "sérieuses", la comparaison est assez effrayante.Comme un penseur l’a affirmé, "la carte n’est pas le territoire". Me semble qu’on devrait rappeler plus souvent cela lorsqu’on parle de jugement du réel par des spécialistes. Surtout lorsque les cartographes connaissent des influences externes visant à modifier leur travail afin de le faire correspondre à une vision politique. (J’entends ici "politique" au sens de la politique des élus et hauts-fonctionnaires, hein.)AJC

  3. Le commentaire de Jacques Heurtault me semble mieux délimiter le problème : une administration totalement subordonnée et tenue au silence comme l’est l’administration française ne peut guère qu’agir de sorte à ce que les souhaits des politiques du moment, qu’ils soient de droite ou de gauche, soient satisfaits.A-t-on par exemple oublié qu’une bonne part de la crise du logement en France vient de la sous-évaluation manifeste de l’immigration en France par les administrations compétentes ?Dès lors, fonder sa politique ou construire le bilan de son action sur des indicateurs réalisés par les administrations revient soit à mentir sciemment en sachant que ces chiffres sont manipulés, soit à foncer droit dans le mur en menant une action déterminée et raisonnée à partir de données fausses.

  4. Je représente le commentaire car la mise en page du premier est trop aérée et je ne sais pas pourquoi. C’est pas trés bien pour ton blog. je suis désolé. Tu pourras supprimer le précédent.
    Bonjour Olivier Bouba-Olga, Je partage ton avis, si j’ai bien compris,  exprimé dans ce paragraphe : « Tout cela commence à faire beaucoup pour un seul gouvernement… Je dirais qu’il y a quelque chose qui ressemble à des petits problèmes de gouvernance, avec d’un côté des producteurs de statistiques servant à l’évaluation des politiques publiques et, de l’autre côté, des politiques qui mettent en oeuvre la chose évaluée. Solution? Plus de transparence, plus d’indépendance. Tout un programme, mais sans doute pas pour 2007. » Pour l’année 2007, les vrais problèmes et les urgences sociales sont ailleurs. Les questions de transparence et d’indépendance statistique, indispensables à traiter, le seront plus tard.
    C’est ce que j’ai essayé d’expliquer ci-dessous. Le vrai problème, c’est le chômage de masse !
    http://democratieetavenir.over-blog.com/article-5952125.html
    Et ici : Urgences sociales et indépendance statistique
    http://democratieetavenir.over-blog.com/article-5975285.htmlQu’en dis tu ?Bravo, en tout cas, pour ce rappel de la hiérarchie des problèmes.David Mourey

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