J’ai participé en mars dernier à un colloque sur l’attractivité et le rayonnement des villes universitaires, organisé par l’Avuf (Association des Villes Universitaires de France). La synthèse de cette journée est disponible ici (format pdf). Petit résumé de mon propos page 4. Je vous invite également à lire la synthèse des propos de Michel Grossetti page 8 et 16.
Archives pour la catégorie Université
Dis-moi, l’enseignant, que penses-tu de tes élèves?
Comme un enseignant-chercheur est un enseignant, comme j’utilise intensivement Internet dans mon activité professionnelle, j’ai suivi avec intérêt le débat initié par cet article intitulé “comment j’ai pourri le web”. L’auteur, un enseignant, explique comment il a piégé ses élèves en postant sur internet des documents qu’ils ont ensuite utilisé pour faire leurs devoirs. Il conclut par une dénonciation du web. Les réactions ont été nombreuses et convaincantes, je trouve. Elles sont rassemblées ici.
Grâce à cette polémique, j’ai découvert, via @TotoroInParis sur Twitter, un article intéressant de Vinciane Despret visible ici. J’y ai découvert l’expérience intéressante de Robert Rosenthal relatée en introduction, résumée également sur Wikipédia à la rubrique “effet Pygmalion”.
Je ne résiste pas à l’envie de vous la faire partager. Que tous les profs la lisent. Y compris, et peut-être surtout, dans les Universités françaises…
Au milieu des années 1960, Robert Rosenthal, professeur de psychologie dans une université américaine, demande à ses étudiants de réaliser, dans le cadre de leurs travaux pratiques, une expérimentation portant sur les compétences d’apprentissage de rats. Ces rats, leur annonce-t-il, ne sont pas n’importe quels rats : d’une part, ils sont prêtés par une prestigieuse université, celle de Berkeley ; ils sont, d’autre part, le produit d’un long et minutieux processus de sélection basé sur leurs aptitudes au test du labyrinthe.
Quelques années auparavant, en effet, des scientifiques avaient conduit une recherche sur l’hérédité de l’intelligence : les rats les plus brillants aux tests avaient été soigneusement croisés entre eux, les plus médiocres également, et l’on avait évalué les performances de leurs descendants, au cours de plusieurs générations. Les résultats avaient montré une modification des courbes d’apprentissage au fur et à mesure que le temps passait, jusqu’à un effet de plateau. Cet effet stabilisé, plus personne n’avait continué à travailler avec ces rats, mais l’équipe de chercheurs avait veillé à garder quelques spécimens en continuant le processus de sélection, et ce, en vue d’une éventuelle recherche future. C’est à celle-ci que Rosenthal propose à ses étudiants de s’atteler : il s’agirait alors de remettre ces rats à l’épreuve du labyrinthe, et d’évaluer si les descendants de la lignée brillante peuvent montrer de bonnes performances, et si ceux issus de la souche médiocre le sont encore. Les étudiants sont répartis en groupes de deux et chaque équipe est ainsi invitée à évaluer les performances d’un rat dont ils connaissent, d’avance, l’origine. Le travail consiste donc à vérifier si les performances des rats sont en accord avec ce qu’on peut prédire en fonction de sa lignée originaire. Les prédictions s’avérèrent : les rats descendants de rats intelligents l’étaient encore, les autres présentèrent toutes les difficultés d’apprentissage que l’on pouvait attendre d’eux.
C’était justement là le problème : ces rats ont fait tout ce qu’on pouvait attendre d’eux. Car ces rats intelligents ou idiots n’étaient, ni les uns ni les autres, les descendants de lignées soigneusement sélectionnées pour leurs compétences ; ils n’avaient pas d’ancêtres prestigieux à Berkeley. C’étaient, selon les termes de Rosenthal, des rats « naïfs », achetés pour l’occasion à l’animalerie la plus proche. (source).
L’insertion professionnelle des diplômés de l’Université
Le Ministère a publié tout un ensemble de statistiques
sur l’insertion professionnelle des diplômés de l’Université. Les personnes interrogés sont les sortants de 2008, il s’agit donc d’une évaluation 30 mois après la sortie du système
éducatif.
On apprend ainsi que, France entière, les titulaires d’un DUT ont un taux d’insertion de 91%, que la part des emplois stables est de
73% et que la part des cadres/professions intermédiaires est de 59%.
Pour les titulaires d’un Master, les chiffres sont respectivement de 91% (même taux), 74% (+1 point) et 89% (+30 points).
Pour les titulaires d’un Master en Economie, enfin, ils sont de 92% (+1 point par rapport à l’ensemble des masters), 76% (+2 points) et
88% (-1 point).
Vous trouverez sur le site des résultats encore plus précis par Université, discipline, etc.
A noter que le
Point n’a pas pu s’empêcher de bâtir un classement sur la base de ces chiffres, ce qui ne rime à rien, ne serait-ce qu’en raison du fait que les publics accueillis dans les Universités et les
marchés régionaux du travail diffèrent fortement d’un endroit à l’autre. Mais bon, c’est vendeur…
[Mise à jour : comme conseillé par Anne Lavigne en commentaire, lire sur le classement du Point ce billet de Pierre Dubois]
Universités : le match Poitiers – Paris
(retour sur le blog après quelques mois un peu trop intenses)
Aux nouveaux bacheliers qui s’interrogent sur leur avenir dans l’enseignement supérieur, petit comparatif rapide, en image, entre Paris n et Poitiers (fac de sciences économiques).
Paris n (source : Baptiste Coulmont)
Poitiers :
La déstructuration de la recherche française
Je suis atterré par la lecture de cet
article, où sont repris certains des propos de Jean-François Dhainaut, président de l’Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (Aeres). Notamment ce passage :
« Pour un certain nombre de régions hors des grandes métropoles, des collaborations serrées seront indispensables pour
atteindre la masse critique qui leur permettra de travailler à armes égales », a prévenu Jean-François Dhainaut, situant un seuil minimum de 500 chercheurs classés A + en dessous
duquel se situent nombre de régions.
Atterré qu’on nous ressorte cet argument de la taillle critique, qui n’a aucun fondement empirique, j’en ai parlé à plusieurs reprises
(voir ici par exemple). Atterré que cet argument soit avancé par le président de l’Aeres,
car compte tenu du rôle de plus en plus important de cette agence, il risque d’avoir de lourdes conséquences. Les acteurs, en effet, réagissent aux incitations. Dès lors que l’agence d’évaluation
affirme que l’avenir passe par des organisations constituées à minima de 500 chercheurs classés A+, les acteurs vont s’organiser
en conséquence. Je prédis que, dans la plupart des cas, les performances en termes de recherche ne vont pas s’améliorer, mais que les coûts d’organisation interne vont exploser (proposition qui
sera difficile à valider ou à invalider, puisqu’on ne se pose même pas la question du coût des transformations en cours (coût de la mise en place des PRES par exemple), des gains liés à ces
transformations, ni du bilan avantage/coût).
Le gouvernement défend cette ligne stratégique depuis plusieurs années. Les conclusions du rapport Juppé-Rocard semblent indiquer qu’elle fait consensus au sein des partis
de gouvernement (UMP et PS), au moins chez leurs principaux leaders. Il serait bon que certains politiques se réveillent rapidement, par exemple ceux issus des régions disparues de cette carte…
La démocratisation de l’enseignement supérieur passe par l’Université
Le débat sur les « 30 % de boursiers » en classes préparatoires tend à faire croire que la démocratisation de l’enseignement
supérieur passerait d’abord par un accès accru aux grandes écoles alors que les élèves des classes préparatoires ne représentent que 5 % d’une classe d’âge et qu’une infime minorité (2 à 3 %) des
enfants de milieu populaire accède aux grandes écoles. L’institution de masse par laquelle se fait l’essentiel de la promotion scolaire et intellectuelle des classes populaires reste
l’université. Si effort de réflexion et volonté politique il doit y avoir, c’est d’abord en ce domaine qu’il devrait porter : améliorer les conditions d’accueil, d’étude et de vie des
étudiants pour lutter contre l’échec en premier cycle, élargir le vivier des étudiants, diversifier les formations et lutter contre la spécialisation disciplinaire précoce, revaloriser cette
filière du post-bac notamment auprès des instances d’orientation, etc.(grassé par moi).
Source : Beaud et Convert dans le
numéro de juin des Actes de la Recherche en Sciences Sociales.
Synthèse du numéro ici. A noter également dans ce
numéro l’article de Sophie Orange, chercheure de l’Université de Poitiers, sur le choix du BTS (accès (restreint) à son article ici).
L’Université de Poitiers, aux origines de la vie
Découverte importante à l’Université de Poitiers : voir ici et là par exemple. L’article scientifique vient de paraître dans Nature (€), il en fait même la
couverture.
Ce n’est pas en économie qu’on pourrait faire de telles découvertes… Quoique : mon voisin de bureau (un certain
Christian C.), nous propose de partir à la recherche du premier homo oeconomicus…
Master Développement Local
J’avais posté il y a quelques temps un billet titré « quel Master choisir ? ». J’avais notamment attiré l’attention sur l’importance de
collecter de l’information stratégique sur les débouchés à l’issu du Master, pas seulement sur l’intitulé du Master, le titre des cours ou que sais-je encore.
Voici donc un complément aux informations données sur le Master Développement Economique Local de Poitiers (le site du Master contient déjà pas mal d’informations, que l’on complète au fur et à mesure).
En effet, nous avons lancé le 31 mars dernier une enquête auprès des anciens du Master Développement Economique Local de
Poitiers. 287 personnes, membres des promos 1984 à 2008 ont été interrogées (celles pour lesquelles nous disposions d’une adresse mail). Nous avons reçu 208 réponses, dont 206 exploitables sur
certaines questions, un peu moins sur d’autres (non réponses partielles).
Voici quelques premiers résultats, pouvant intéresser de futurs étudiants.
197 des 206 personnes occupaient un emploi au 31/03/2010, soit un ratio de 96%. Parmi les 9 personnes n’occupant pas un
emploi, 2 poursuivent leurs études, 4 sont en recherche d’emploi et 3 sont dans une autre situation (dont un créateur d’entreprise et un mandat d’élu). Le taux de chômage des enquêtés ayant
répondu est donc particulièrement bas (4 personnes sur 202, un peu moins de 2%).
S’agissant de la situation professionnelle, 135 sont fonctionnaires ou en CDI, 32 en CDD (dont 1 en CAE), 5 sont
indépendants, auto-entrepreneurs ou profession libéral (25 questionnaires ne sont pas renseignés sur cet item).
Rémunération mensuelle enfin. On obtient le tableau des effectifs suivant par classe de revenu mensuel net (hors
primes) :
Rémunération |
Nombre |
Part |
– de 1.000 €uros |
3 |
2% |
de 1.000 à 1.199 |
4 |
3% |
de 1.200 à 1.399 |
10 |
6% |
de 1.400 à 1.599 |
20 |
13% |
de 1.600 à 1.799 |
22 |
14% |
de 1.800 à 1.999 |
23 |
14% |
de 2.000 à 2.199 |
19 |
12% |
de 2.200 à 2.399 |
19 |
12% |
de 2.400 à 2.599 |
7 |
4% |
de 2.600 à 2.799 |
8 |
5% |
de 2.800 à 2.999 |
5 |
3% |
3.000 €uros ou + |
20 |
13% |
Total général |
160 |
100% |
Il faut bien sûr faire attention à l’interprétation de ces résultats : on peut penser que parmi les non répondants,
certains ne répondent pas car ils ne sont pas satisfaits de leur situation. Les résultats doivent également être interprétés en fonction de l’année de sortie du Master, pour mieux cerner les
évolutions récentes. S’agissant des rémunérations, il faudrait repérer les temps partiels. Etc. Une exploitation plus complète est en cours, résultats à suivre d’ici fin juin.
Faut-il ouvrir un Master supplémentaire?
Je reprends une idée dévéloppée autrement dans d’autres billets.
Les Universités sont en train, par vague successive, de calibrer leur offre de diplômes. L’autonomie croissante des
Universités fait qu’elles font un peu ce qu’elles veulent. Le Ministère se contente de leur dire : “faites ce que vous voulez, vous fonctionnerez à budget constant”.
Parallèlement, le nombre d’étudiants attendus dans les Universités françaises est plutôt décroissant. Soyons optimistes,
supposons qu’il soit constant, disons égal à n.
Supposons de plus que les étudiants se répartissent aléatoirement entre les formations proposées (la qualité des diplômes
est difficilement observable). Dès lors, si une université propose x formations sur un ensemble X de formations, elle accueillera donc (x/X)*n étudiants. Sa dotation sera de x/X de la dotation
globale.
Question métaphysique : l’Université en question a-t-elle intérêt à ouvrir une formation supplémentaire? On est en fait
dans une configuration de dilemme du prisonnier :
|
Autres Universités |
||
Ouvre |
N’ouvre pas |
||
Université A |
Ouvre |
x+1/X+y+1 |
x+1/X+1 |
N’ouvre pas |
x/X+y |
x/X |
Plaçons nous dans le cas de l’Université A.
Première possibilité, y universités (autres qu’elle) ouvrent une formation (avec y>=1). L’Université A à le choix
entre ouvrir une formation, elle touche x+1/X+y+1 de la dotation, ou ne pas ouvrir de formation, elle touche x/X+y. Je vous laisse montrer que, dans tous les cas, si au moins une autre université
ouvre une formation, elle a intérêt à en ouvrir une.
Deuxième possibilité : aucune autre université n’ouvre de formation. Si elle-même n’en ouvre pas, elle touche la même
somme qu’auparavant, soit x/X. Si elle en ouvre une, et elle seule, elle touche x+1/X+1 de la dotation. Je vous laisse montrer que x/X<x+1/X+1, donc qu’elle a intérêt à ouvrir.
Le jeu est symétrique. Conclusion : dans tous les cas, on a intérêt à ouvrir une formation supplémentaire. Comme on
fonctionne à budget constant, le nombre de formations va exploser, et le budget par formation, lui, va diminuer. “Individuellement”, aucune université n’a intérêt à jouer un autre jeu.
Collectivement, c’est une catastrophe.
Prédiction : on court à la catastrophe…
PS : alternatives : i) l’Etat joue son rôle de régulateur : peu crédible, ii) les Universités sortent du jeu non
coopératif et se concertent : peu crédible également. On court à la catastrophe, je vous dis…
Où faut-il faire sa Licence?
Exercice intéressant du Ministère d’évaluation de la
réussite en Licence par Université. L’idée est de calculer la réussite en Licence en tenant compte des différences de caractéristiques des étudiants accueillis.
Sauf erreur, via l’application d’une analyse structurelle-résiduelle : on calcule un taux de réussite théorique par
Université, en appliquant le taux de réussite observé nationalement pour une population aux caractéristiques comparables. La différence entre ce taux théorique et le taux effectivement observée
permet de calculer la valeur ajoutée de l’Université. Cette dernière est positive si le taux de réussite effectif est supérieur au taux de réussite théorique.
Une difficulté mentionnée par les auteurs tient au fait que les étudiants bougent d’une année sur l’autre. Si bien que ce
sont trois méthodes d’évaluation qui sont proposées : i) valeur ajoutée par Université pour les étudiants ayant fait leur première année de licence dans cette Université, ii) idem pour ceux ayant
fait leur troisième année dans cette Université, iii) idem pour ceux ayant fait leurs trois années dans cette Université.
A partir des données fournies par le Ministère, j’ai repéré le sous-ensemble des Universités dégageant une valeur ajoutée
positive avec les trois méthodes. Sur les 83 Universités, 32 y parviennent. Ne figurent pas dans cette liste les Universités
d’Aix-Marseille 1 ; Bordeaux 2, 3 et 4 ; Grenoble 2 et 3 ; Lille 1, 2 et 3 ; Montpellier 1, 2 et 3 ; Strasbourg 1, 2 et 3 ; Toulouse 1, 2 et 3. Ni les Universités de Paris 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8, 10, 11, 12… Pourquoi je parle de ces Universités? Ben… c’est la quasi-totalité des Universités labellisées Campus d’Excellence…
cherchez l’erreur…
Erreur facile à trouver en l’occurrence : ce n’est pas l’excellence qui est récompensée par la labellisation, mais, pour
l’essentiel, la taille. Et les quelques chiffres publiés semblent plutôt montrer (il faudrait creuser bien sûr) une relation négative entre taille et performance, ce qui n’est pas surprenant
outre mesure.
En revanche, Poitiers y figure, et en très bonne position si on regarde la valeur ajoutée apportée aux étudiants
commençant leur Licence dans notre Université, puisque le taux de réussite effectif est de 40,7%, contre un taux attendu de 31,7%. C’est le meilleur différentiel (+9%), juste derrière Limoges
(+9,8%). Pas loin derrière, La Rochelle (en 5ème position selon ce critère), avec un différentiel de +7%. Poitiers, Limoges, La Rochelle : les 3 Universités d’un même PRES… mais rassurez-vous,
ce PRES ne sera jamais Campus d’Excellence…