Inflation

Titre étrange de Reuters :
“Christine Lagarde voit une hausse de l’inflation en 2008”. Elle voit ça dans sa boule de cristal, comme
Gizmo ?

Réaction étrange du PS, qui pointe “l’impuissance du gouvernement” suite à cette déclaration de Lagarde. En matière de lutte contre l’inflation, quand celle-ci résulte de la hausse des prix du pétrole et des matières
premières, le gouvernement français ne peut effectivement pas faire grand chose, qu’il soit de gauche ou de droite.

 

Heures supplémentaires supplémentaires

C’est aujourd’hui que la
détaxation des heures supplémentaires entre en vigueur
. L’objectif, je vous le rappelle, est de faire en sorte que les salariés puissent travailler plus pour gagner plus.

Bon, apparemment, il y a eu un léger problème d’évaluation du
coût de la mesure , puisque le gouvernement a “oublié” de comptabiliser le coût des heures supplémentaires supplémentaires
, préférant raisonner à
volume constant, ce qui est un comble quand on introduit une mesure visant à augmenter ce volume…

Bon, on me répondra que nos ministres ne sont pas fous : si le volume des heures sup augmente, cela va se traduire par plus de consommation, donc plus de croissance, donc plus de rentrées
fiscales, donc des moyens de financement de l’accroissement initial du volume. Les économistes s’étant penchés sur le sujet sont plutôt sceptiques, si l’on en juge par ce rapport du Conseil d’Analyse Economique signé par Cahuc, Artus et Zylberberg. Extrait :

L’attention se porte désormais sur la diminution du taux de majoration et des charges sociales sur des heures supplémentaires pour accroître les revenus et
valoriser le travail. Pourtant, rien n’indique que de tels dispositifs seraient susceptibles d’atteindre ces buts. Au contraire, ils contribueront à complexifier la législation avec un
risque de coût exorbitant pour les finances publiques et un impact très incertain sur l’emploi et les revenus
. Une diminution du taux de majoration des heures supplémentaires entraîne
une augmentation de la demande d’heures supplémentaires de la part des entreprises et une substitution des heures de travail aux postes de travail défavorable à l’emploi et au revenu global.
Cet effet défavorable est néanmoins contrebalancé par une diminution du coût global du travail. En théorie, l’impact sur l’emploi et le revenu d’une hausse du taux de majoration des heures
supplémentaires est donc ambigu, il dépend de la technologie des entreprises et de la sensibilité de la demande par rapport au prix de leurs produits. Empiriquement, la connaissance des ordres
de grandeur sur les différents paramètres technologiques et de demande ne permet pas de déterminer avec certitude l’effet sur l’emploi. (…)
Un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires accroît le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale. Néanmoins, en contrepartie, le
financement de cet allégement réduit le revenu des salariés qui ne font pas d’heures supplémentaires. En outre, cette mesure a un effet négatif sur l’emploi, puisqu’elle incite les entreprises
à substituer des heures de travail aux hommes. Au total, l’allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires a donc un impact très incertain sur l’emploi et le revenu
lorsque son financement est pris en compte.
Mais là n’est pas l’essentiel : un inconvénient majeur de ce type de mesure est qu’il risque de favoriser des comportements «opportunistes». Ainsi, un employeur et son salarié
peuvent conjointement gagner à abaisser (ou à ne pas augmenter) le taux de salaire des heures normales et à déclarer fictivement un grand nombre d’heures supplémentaires (ce qui est très
difficilement contrôlable) afin de bénéficier des avantages fiscaux. Certes, ce phénomène ne se réaliserait sans doute pas du jour au lendemain. Mais, à terme, la durée réelle du travail ne
s’en trouverait pas modifiée, et les finances publiques en souffriraient grandement.

Bon, mais il n’y a pas de souci, l’opportunisme peut s’exprimer : Eric Woerth a
prévu une réserve de précaution de 7 milliards d’euros
,
réserve qui “pourrait servir en cas de “dépenses imprévues”, comme par exemple un succès supérieur
aux prévisions des heures supplémentaires défiscalisées”.

Sarkozy fait de l’économie

Je sais pas vous, mais moi, j’ai un peu de mal avec l’économie, sous Sarkozy. En janvier
dernier, il nous déclare :
« Je propose de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux de fonctionnaires. Cela veut dire pas un seul licenciement. Pour le
reste, on partage les gains de productivité. La moitié de l’économie ainsi réalisée est destinée à la réduction du déficit budgétaire de la France et l’autre moitié sert à augmenter les
fonctionnaires qui restent.
 »

 Là, moi, j’avais compris ça : notons L le nombre de fonctionnaires employés.
Notons Y les services rendus par ces fonctionnaires. Sarkozy, considérant que certains services sont rendus de manière peu efficace, propose d’améliorer l’efficacité des heures travaillées (d’où
la référence à des « gains de productivité »), donc de continuer à « produire » Y de services, mais avec moins de fonctionnaires (baisse de L). En supprimant les doublons dans
la fonction publique, en supprimant les décharges de services de certains enseignants, en
supprimant des heures de cours inutiles
, etc. L’Etat fait donc
instantanément des économies, 50% vont à la réduction du déficit, le reste permettant d’augmenter les fonctionnaires qui restent. Clair et
limpide.
 
Et voilà qu’aujourd’hui, après l’intervention d’un enseignant se plaignant que « le salaire de base reste
insuffisant et ne suive pas l’augmentation de la charge de travail », Not’Président répond,
par “une leçon d’économie politique” nous dit le journaliste : « Si on décide d’augmenter tout le monde (…) sans qu’on augmente les heures de travail dans
la fonction publique
ou la création de richesse dans le privé, comment on paye ? Je suis président depuis quatre mois, je trouve 1.200 milliards d’euros de dette, un déficit, comment on
s’en sort ? »

Ben, et les gains de productivité, alors, ils sont passés où ???

intérêt de la déduction des intérêts

Un peu avant que Christine Lagarde annonce le doublement du crédit d’impôt accordé aux nouveaux acquéreurs d’un logement sur la première année (40% des intérêts
d’emprunt contre 20% initialement prévus), l’Insee, qui ne fait rien qu’embêter tout le temps notre gouvernement, publie un document sur
l’endettement domestique des ménages début 2004.

 On y apprend par exemple que :

Du fait de leur capacité de remboursement, les ménages disposant de revenus supérieurs aux revenus médians ont plus facilement accès ou recours aux
emprunts, en particulier pour l’habitat
. Parmi les ménages disposant d’un niveau de vie supérieur à 15 000 euros par unité de consommation, six ménages sur dix sont endettés contre
un peu plus de quatre ménages sur dix pour ceux dont le niveau de vie est plus faible. La différence est encore plus marquée pour les emprunts immobiliers puisque les ménages ayant un
niveau de vie supérieur à 15 000 euros ont deux fois plus souvent un emprunt en cours que ceux disposant d’un niveau de vie moins élevé
“. 
Plus loin, on nous dit logiquement que “la disparité des montants d’endettement en fonction du niveau de vie se retrouve au niveau des catégories sociales. Les
professions libérales ont très fréquemment un niveau d’endettement à l’habitat très élevé, dans une moindre mesure les cadres et chefs d’entreprise.” (souligné par moi).

 Les gains liés à la déduction étant peu susceptibles d’accroître la capacité d’emprunt des ménages les plus modestes, on peut donc penser que ce sont surtout
les ménages aux revenus élevés qui vont bénéficier du dispositif [1]. Pour partie des personnes qui, de toute façon, avaient prévu l’achat (elles vont éventuellement
l’anticiper), et qui vont donc bénéficier d’un effet d’aubaine.

Et encore, faudra-t-il que l’effet inflation ne soit pas trop fort : si la demande de logement augmente fortement, compte-tenu de l’inertie de l’offre de logements,
les prix de l’immobilier risquent d’augmenter. Pour information, l’effet inflationniste des déductions d’emprunt a pu représenter jusqu’à 30% de la hausse des prix immobiliers aux Etats-Unis
dans les années 70 (James Poterba « Tax Subsidy to Owner-Occupied Housing: An Asset Market Approach », Quaterly Journal of Economics, 1984, cité dans ce billet incontournable des Ecopublix). Ce sont alors essentiellement les agences immobilières et les vendeurs qui seront
gagnants.

On pourrait également s’interroger sur l’intérêt économique de faire de la France un pays de propriétaires, surtout lorsqu’on observe des corrélations robustes entre proportion de propriétaires et taux de chômage : le fait d’être
propriétaire réduit la mobilité spatiale des individus, qui est une des composante (souvent négligée) de leur mobilité dans l’emploi. Point intéressant à souligner, au moment où le gouvernement
met en place la
“commission pour la libération de la croissance française”
, qui a notamment pour but d’identifier les moyens “d’améliorer le fonctionnement du marché des biens et des services et de renforcer
le dynamisme et la mobilité de l’emploi“…


[1] Petit exemple, qui s’appuie sur les simulations parues dans les Echos (avec les
anciens chiffres apparemment, mais ça ne change pas grand chose). Un ménage emprunte 250 000 € sur 15 ans au taux fixe de 4,05% (hors assurance). Montant de la réduction d’impôt sur 5 ans :
7582 €. Emprunter 250 000 € sur 15 ans à 4,05% vous fait rembourser au total 333 988 €. Les 7582 € représentent donc 9% des intérêts versés et 2,3% de la somme totale.

 

Paquet fiscal : l’erreur d’analyse du Conseil Constitutionnel

Vous n’êtes pas sans le savoir, le Conseil Constitutionnel a
censuré une partie du dispositif « paquet fiscal »
, plus précisément l’article 5, qui porte
sur la déductibilité des intérêts d’emprunts
immobiliers, en estimant que « si le dispositif vise à favoriser l’accès à la propriété des “primo-acquérants”, alors “il n’en va pas de
même pour les prêts déjà accordés car, par définition, pour ceux-ci, le contribuable est déjà propriétaire de son habitation principale.” Le Conseil
ajoute :
«  Son coût (7,7 milliards d’euros) fait supporter à l’Etat des charges manifestement hors de proportion avec l’effet incitatif
attendu
. »
(souligné par moi).

Je crois que le Conseil n’a pas bien compris l’objectif : si la mesure (son caractère rétroactif y compris) de Nicolas Sarkozy relevait de l’incitation, il ne s’agissait pas d’une incitation
à accéder à la propriété, puisque, comme le Conseil le mentionne, les personnes concernées étaient déjà propriétaires de leur logement. Non, il s’agissait d’une incitation pour les accédants
récents à la propriété à voter Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles. A ce titre, l’incitation a été plutôt efficace. On peut même se demander si jamais incitationa été aussi
efficace.

C’est sans doute pour cela que le gouvernement promet de soumettre un nouveau projet à l’automne (Le Monde nous dit aujourd’hui que le gouvernement cherche « une mesure compensatoire après la censure par le Conseil constitutionnel de la
rétroactivité des avantages fiscaux sur les emprunts immobiliers »). Sans que rien ne soit dit sur le fond de l’argumentation du Conseil. L’important
est que la parole de notre président soit respectée, ce qui va jusqu’à énerver Alain Lambert, qui commet la
même erreur d’analyse que le Conseil. Ce qui compte, c’est que l’incitation à voter Sarkozy dans un peu moins de 5 ans ne faiblisse pas. Et vu l’enjeu, le coût du dispositif, franchement,
c’est
peanuts
.

Copé, organisme utile?

Gizmo nous a informé il y a quelques temps que notre
président était en train de dégraisser le Conseil d’Analyse Economique. On apprend cette semaine dans Paris Match que Jean-François Copé
propose d’aller plus loin, “en supprimant un tas d’organismes inutiles comme le Centre d’analyse stratégique, ex-Commissariat
général du plan, ou le Conseil d’analyse économique”
(propos repris ici). Le
Centre d’Analyse Stratégique a d’ailleurs bien conscience de son inutilité, si l’on en juge par cet édito trouvé
sur leur site
.