Le rapport Gallois, c’est quoi?

Le rapport Gallois, c’est :

  • 20 propositions consensuelles droite/gauche, plutôt techniques et donc jamais commentées, pour l’essentiel sur la compétitivité hors coût, déjà partiellement ou totalement mises en oeuvre, qui produiront des effets au mieux dans plusieurs années, certes utiles (on pourrait discuter dans le détail, mais je passe), mais non à même de dynamiser l’économie française à court terme (propositions 1 à 3 puis 6 à 22),
  • une proposition écologiquement incorrecte sur le gaz de schiste rejetée par le gouvernement (proposition n°5), je ne développe pas, donc,
  • une proposition (la proposition n°4), qui a focalisé toute l’attention des médias avant et après la sortie du rapport, qui a provoqué le quasi-orgasme quasi-évanouissement de l’ensemble des patrons du Medef. Je la cite :

“créer un choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu’à 3,5 SMIC – de l’ordre de 30 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB – vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique. Ce transfert concernerait pour 2/3 les charges patronales, et pour 1/3 les charges salariales.”

 Les économistes se sont logiquement focalisés sur cette dernière proposition (je cite des économistes comme il faut, des économistes que le gouvernement aimerait faire entrer au CAE je pense). Conclusion implacable : c’est du grand n’importe quoi. Philippe Martin et Pierre-Olivier Gourinchas, dans une tribune pour Libération, montrent que cette mesure s’apparente à une forme de dévaluation qui va à l’évidence peser sur le pouvoir d’achat des français, et que les autres mesures visant à améliorer la compétitivité hors coût, certes utiles pour la croissance de long terme, n’auront pas d’effet à court terme sur la croissance et l’emploi.  Pierre-Cyril Hautecoeur enfonce le clou sur le même point, dans Le Monde, en se désespérant des stratégies calamiteuses que tous les pays européens sont en train de mettre en oeuvre. Alexandre Delaigue les avait devancé sur le même sujet, dans ce billet (il y a de légères variations dans leurs analyses, mais ils convergent sur l’essentiel).

D’autres décentrent le débat : Thomas Piketty s’énerve dans Le Monde en reposant la question de la réforme fiscale, pour rappeler notamment, à juste titre, qu’une réforme fiscale n’a pas pour seul objectif de “renforcer les exportations pour 2013”. Alexandre Delaigue décentre autrement le propos sur Francetvinfo, en expliquant que ce rapport vaut moins par son contenu que par son rôle de “légitimation externe” de politiques que le gouvernement voulait mettre en oeuvre et en se désespérant du fait, qu’une fois de plus, les vrais sujets ne sont pas abordés.

Karine Berger, économiste proche du PS (puisqu’ayant participé à la rédaction du programme économique de François Hollande), a déclaré, le jour de la remise du rapport Gallois et la veille du séminaire gouvernemental (auquel elle a participé), qu’elle retiendrait vingt des vingt-deux propositions du rapport Gallois. Les vingt premières propositions dont je parlais. Visiblement, elle n’a pas été entendue. D’où son communiqué, qui vise à faire évoluer quelque peu le gouvernement lors du débat parlementaire. Courage…

Mon point de vue : i) valider les vingt propositions de Louis Gallois, ça ne mange pas de pain, ii) brancher une réforme fiscale telle que décrite par Piketty et al., plutôt que cette proposition n°4, inepte, iii) mettre au coeur de la stratégie de développement économique, enfin, les politiques relevant plutôt, traditionnellement, de l’économie du travail (politiques de formation, initiale et continue ; politiques visant à améliorer la mobilité professionnelle et géographique, etc.).

Pour conclure. Je ne suis pas naïf : ce que disent les économistes est rarement entendu, car il y a d’autres rationalités qui comptent, à commencer par la rationalité politique. Que les choix du gouvernement soient perpendiculaires aux enseignements de l’expertise économique n’est donc pas surprenant. Mais, sur ce coup là, je pense qu’ils sont aussi politiquement perdants…

Les soutiens de Copé sont-ils plus Lepénistes que les soutiens de Fillon?

Le Monde a publié la liste des députés et sénateurs qui soutiennent soit Copé, soit Fillon. Jean Véronis, sur Twitter, s’est interrogé : “quelqu’un peut-il calculer la corrélation avec le vote Le Pen?”

Ni une ni deux, j’ai regardé en vitesse comment récupérer des données pour tester un lien éventuel : i) j’ai récupéré la liste publiée par Le Monde, ii) je me suis concentré sur les députés, iii) j’ai ensuite récupéré la liste des votes au premier tour des élections présidentielles 2012, par circonscription législative où des députés UMP ont été élus, pour en extraire le pourcentage de vote “Marine Le Pen” et le pourcentage de vote “Nicolas Sarkozy”, iv) j’ai du faire quelques manipulations fastidieuses pour apparier les deux bases (préparer une base de données est ce qu’il y a de plus chiant long).

Au final, je me suis doté d’une base qui me donne, pour chaque député UMP :

  • son sexe : homme ou femme
  • son soutien : Copé, Fillon ou autres
  • le pourcentage de vote Le Pen au premier tour des présidentielles 2012
  • le pourcentage de vote Sarkozy au premier tour des présidentielles 2012
  • la commission permanente de l’Assemblée Nationale dont il fait parti
A partir de là, j’ai fait des tests de comparaison de moyenne : est-ce que, en moyenne, le pourcentage de vote Le Pen au premier tour des présidentielles 2012 est significativement supérieur dans les circonscriptions des députés UMP qui soutiennent Copé? Pour élargir le propos, j’ai fait le même test sur le pourcentage de vote Sarkozy. J’ai ensuite testé un petit modèle (un logit multinomial on dit pour faire sérieux), avec comme variable expliquée la probabilité de soutenir Fillon, de soutenir Copé ou de ne soutenir ni l’un ni l’autre, et comme variables explicatives le sexe, le pourcentage de vote Le Pen, le pourcentage de vote Sarkozy et la commission permanente d’appartenance.
Résultats sur les différences de moyenne de vote au premier tour :

 (%) Le Pen Sarkozy
Fillon 19,3 32,4
Copé 19,4 31,7
Autres 18,6 31,2
Il y a quelques légères différences, mais encore faut-il savoir si elles sont statistiquement significatives. J’ai testé, la réponse est non : pas de différences significatives.
Quant à mon petit modèle plus sophistiqué, il nous dit la même chose : ni le vote Le Pen, ni le vote Sarkozy, ni le fait d’être un homme ou une femme n’influent sur la probabilité de soutenir plutôt Copé, plutôt Fillon, ou ni l’un ni l’autre. Le seul tout petit effet significatif est le fait d’appartenir à la commission permanente “Défense”. Dans ce cas, on penche plutôt du côté de Copé.
Moralité? Copé ou Fillon, à l’aune des variables testées, c’est Dupont T et Dupond D…
PS ; si quelqu’un veut ma base pour tester les mêmes choses ou d’autres choses, poster un commentaire avec votre mail.

 

Percevoir des allocations décourage-t-il de travailler?

Question récurrente dans le débat public : est-ce qu’octroyer des allocations à des personnes sans emploi ne les inciterait pas à ne pas travailler (les petites feignasses, serais-je tenté d’ajouter) ?

L’Insee s’est emparé de ce sujet en se concentrant sur le cas du RMI et du RSA. Une des difficultés de ce type d’évaluation est que, pour pouvoir mesurer l’impact précis d’un dispositif, il faut pouvoir contrôler tout un ensemble de biais potentiels, chose souvent difficile à moins de recourir à des expériences contrôlées, consistant par exemple à tirer au sort des personnes bénéficiant du dispositif (groupe test) et d’autre personnes n’en bénéficiant pas (groupe témoin). Stratégie souvent difficile voire impossible à mettre en œuvre pour tout un ensemble de raisons que je ne développerai pas ici.

Une autre stratégie, adoptée dans le cas de cet étude, consiste à comparer deux groupes de personnes très proches. En l’occurrence, de comparer des jeunes sans enfant, d’un tout petit peu moins de 25 ans, ne bénéficiant donc pas du RMI ou du RSA, à des jeunes toujours sans enfant, d’un tout petit peu plus de 25 ans, pouvant bénéficier de ces dispositifs. Les deux groupes étant quasiment identiques aux abords de la limite d’âge, le premier groupe constitue donc un groupe témoin presque parfait tandis que le second, le groupe test, est potentiellement affecté dans ses choix par la possibilité de recourir au RMI/RSA.

Résultat attendu : si le RMI et le RSA désincitent à travailler, on devrait observer une rupture dans les taux d’emploi entre les deux groupes de personne. En l’absence de rupture, pas d’effet désincitatif. En cas d’effet, on peut également en mesurer l’ampleur.

Résultat de l’étude (résumé ici, étude complète ) : pas de rupture nette dans les taux d’emploi à 25 ans pour l’ensemble des jeunes sans enfant, ce qui indique que le RMI et le RSA n’auraient pas d’effet désincitatif marqué sur l’emploi des jeunes autour de cet âge. Une légère rupture dans les taux d’emploi est toutefois décelable pour les jeunes les moins diplômés (ayant au mieux le brevet des collèges) lors des premières années de l’étude (2004 et 2005), mais elle n’est plus repérable par la suite, en particulier après la mise en place du RSA.

Et la rupture est légère, j’insiste : “L’effet désincitatif du RMI sur l’emploi des jeunes célibataires sans enfant autour de 25 ans pour la période 2004-09 semble très faible et circonscrit à une population spécifique (jeunes célibataires sans enfant et non diplômés). Selon les spécifications, entre 1,7 % et 2,9 % de ces jeunes seraient découragés de travailler en raison du RMI, ce qui représente seulement entre 2,0 % et 3,4 % des jeunes allocataires du RMI de 25 ans, célibataires et sans enfant” (extrait de la conclusion).

Bien sûr ce résultat n’est pas généralisable à d’autres catégories de personnes, d’autres dispositifs, etc., mais, sur la base de ces résultats, la réponse à la question titre de cet article est claire : non.

L’Allemagne a du mal à reproduire “le modèle allemand”…

Document intéressant de Jacqueline Hénard, mis en ligne par La Fabrique de l’Industrie (Think Tank créé il y a quelques temps par Louis Gallois), intitulé “L’Allemagne : un modèle, mais pour qui?”. Il ne s’agit pas d’une nouvelle analyse, mais d’une synthèse de travaux récents, avec des sources côté français et côté allemand. Neuf chapitres courts, bien documentés.

Jacqueline Hénard rappelle notamment qu’il y a un peu plus de dix ans, l’Allemagne était considérée comme “l’homme malade de l’Europe”… Qu’il n’y a pas de “modèle allemand”, mais des réussites à l’échelle des Lander et des entreprises plus qu’à l’échelle du pays dans son ensemble. Que s’il y a un pays qui a du mal à reproduire le prétendu modèle allemand, c’est… l’Allemagne (dans l’ex-RDA). Que les caractéristiques du système économique allemand s’inscrivent dans l’histoire longue, parfois très longue pour certaines d’entre elles.

Conclusion forte, à laquelle je souscris totalement : quoique l’on pense de l’Allemagne, ce pays n’a pas procédé par imitation d’un modèle quelconque, mais plutôt par analyse de ses forces/faiblesses intrinsèques et mise en oeuvre ensuite de politiques jugées adaptées par les différents gouvernements.

Synthèse pas inutile, donc. Si on veut monter en généralité, on pourrait dire que ce document illustre l’intérêt des analyses en termes de diversité des capitalismes, qui rend stérile toute démarche procédant par tentative d’identification puis de reproduction d’un modèle prétendument supérieur. Il invite plutôt à un travail d’introspection ou, dit autrement, de prise en compte du contexte dans lequel s’inscrit le pays dont on souhaite la transformation : quels sont nos atouts? nos faiblesses? quelles solutions peut-on mettre en oeuvre? Quel est le coût économique ou social de ces solutions? etc.

Baisse du prix de l’essence : une proposition alternative

Franchement, une baisse de 6 centimes du litre d’essence, avec un litre de gazole ayant atteint un record de 1,46€ il y a quelques jours, je me demande de qui se moque le gouvernement… Personnellement, si j’étais aux responsabilités (heureusement pour moi : je suis irresponsable), j’aurai opté pour une baisse bien plus conséquente.

De combien me direz-vous? J’ai regardé sur le site de l’INSEE : l’inflation en juillet 2012 a été de -0,4%. Moi, si j’étais ministre de l’économie, j’aurai proposé une baisse du prix du litre de gazole de 4%. Entre -0,4% et -4%, il n’y a pas photo, non? C’est dix fois plus!!!

Ami lecteur, je t’en supplie, dis que tu es d’accord avec moi : une baisse de 4% du prix du litre de gazole, ça a une autre gueule qu’une baisse de 6 centimes, tu ne trouves pas?

J’ai été interviewé à la télé!!! (retour d’expérience)

Comme expliqué dans mon précédent billet, France 3 (attention : National, pas Régional!) m’a sollicité pour une interview, rapport aux affaires en cours : PSA, Doux, Unilever, etc.

Tout a commencé par un mail de Camille B. :

Bonjour !

Je me permets de vous contacter en urgence : je suis journaliste au service éco de la rédaction nationale de France 3, ancienne élève de la rue Saint-Guillaume (promo 2000 !), et la rédaction en chef vient de me demander un dossier pour diffusion mercredi soir, sur le thème : “Doux, PSA, Elephant and co : quelle marge de manœuvre pour Arnaud Montebourg”. Vaste sujet !!! Ma question est simple : êtes vous actuellement sur Paris, et pourrions nous vous interviewer dans le créneau qui vous conviendrait d’ici mercredi 15h (ensuite je serai en montage), sur cette problématique de l’ingérence de l’Etat dans les plans sociaux et la réaction des grands patrons (celui d’Unilever par ex) qui alertent sur le fait que cela risque de décourager les invetsissements étrangers en France ? J’ai lu votre blog, pris connaissance de vos interviews précédentes, c’est passionnant et je suis sûre que ce serait une vraie valeur ajoutée pour le sujet. Vous pouvez me joindre au 06********. Un très grand merci, à très vite j’espère,

Je précise le contexte de réception du mail : après dix jours sur des transats espagnols (obtenus de haute lutte) à lire des livres (de langue française) ne parlant pas (surtout pas!) d’économie, je roulais tranquillement, sur des autoroutes espagnoles, d’abord, françaises, ensuite, pour réintégrer mes pénates.

Je notais en passant, à la lecture du mail, le besoin de Camille B. de se signaler, au sens de Spence, en m’indiquant, douze ans après sa sortie du système éducatif, qu’elle était passée par la rue Saint-Guillaume. Une sorte de code secret entre personnes informées – la rue Saint-Guillaume, c’est Science-Po Paris. (Personnellement, je suis passé ce matin, rue Magenta, à Poitiers, pour acheter une baguette de pain. Mais parler de la rue Magenta, à Poitiers, ce n’est pas comme parler de la rue Saint-Guillaume, à Paris : ce n’est pas un signal au sens de Spence. C’était juste pour accompagner ma salade. Pourtant, le pain est bon).

Mais, magnanime, l’esprit quelque peu engourdi par mon séjour espagnol sans doute (ses bières, son rosé, sa sangria), je me suis dit que, pourquoi pas, papoter un peu des élucubrations de notre nouveau gouvernement, ça me dégourdirait l’esprit. J’acquiesçais, donc, en précisant cependant que me rendre sur Paris ne me convenait pas trop, qu’un topo via Poitiers devrait être possible. Ce fut possible.

Quelques échanges de mails/textos plus tard, j’obtenais enfin les questions que Camille B. voulait me poser, questions dont je vous ai fait part dans mon précédent billet. J’y ajoute mes réponses :

  • Des dossiers très chauds attendent le gouvernement en cette rentrée : Doux, PSA, Elephant…. Le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg multiplie les déclarations d’intention. Mais l’Etat peut-il réellement intervenir de manière directe dans tous ces dossiers brûlants ?
Bof, bof. L’activisme d’Arnaud de Montebourg ressemble quelque peu à l’activisme du précédent président (quel est son nom, déjà?). Sur ce point, il y a plutôt continuité. Pour rappel, on estime que, chaque jour (j’insiste : chaque jour), plusieurs milliers d’emplois sont créés et détruits. Si notre ministre du redressement productif veut s’occuper de chaque emploi détruit, il risque d’avoir un problème d’agenda.
Plus sérieusement : que l’Etat s’intéresse à ces cas qui défraient la chronique, rien de plus normal : l’Etat édicte des règles, il convient de veiller à leur respect. De s’interroger, aussi, à l’évolution des règles, si elles ne sont pas satisfaisantes. Mais, dans ce cas, pour ne pas renouveler les erreurs passées (continuité, toujours), il conviendrait d’y réfléchir, comment dire, à tête reposée.
  • Quelle est la marge de manœuvre des politiques face à des problématiques économiques qui dépassent largement le cadre des frontières nationales, et qui concernent des entreprises privées ?
Question non vraiment posée comme ça ce matin (Paris-Poitiers, c’est loin). Il s’agissait plutôt de savoir si l’Etat pouvait faire quelque chose. J’ai dit oui, bien sûr. En insistant sur le fait que les problèmes à régler étaient des problèmes structurels (croissance, chômage), qu’il fallait donc des réponses adaptées (innovation, formation des personnes), qui ne produiraient leurs effets que dans 5, 10 ou 15 ans. Ce qui pose un problème de décalage, souvent, entre agenda politique et agenda économique. C’est un petit bout de ce petit passage qui a été repris.
  • Le PDG Monde d’Unilever, à propos du dossier Fralib, s’ext exprimé dans les Echos, indiquant que le gouvernement, par son ingérence excessive, risquait de décourager les investissements étrangers en France. C’est un vrai risque ?
Réponse en deux temps.
Les dirigeants d’entreprise sont de mauvais économistes (la réciproque est vraie). La France est un pays attractif, l’un des plus attractifs d’Europe, même. Pour des éléments de preuve, consulter les statistiques. Les entreprises s’intéressent avant tout aux facteurs structurels (qualité de la main d’oeuvre, des infrastructures, des compétences des sous-traitants, etc.), plutôt moins aux déclarations des dernières vingt-quatre-heures du nouveau sous-ministre.
Ceci dit : le cas Unilever n’est pas inintéressant, il pose la question de la stabilité du système de propriété intellectuelle. Si le gouvernement oblige à la rétrocession de la marque l’Eléphant à la Scop, ça va être le bazar en France. Mais le sachant, le gouvernement ne s’y risquera pas.
  • Lionel Jospin disait : « l’Etat ne peut pas tout ». Il avait raison ?
Economiquement, oui, politiquement, non (je vous laisse méditer, il est tard).
  • Le rôle de l’Etat est-il d’intervenir, d’empêcher, d’interdire, ou plutôt de « guérir » en améliorant la prise en charge des salariés qui perdent leur emploi, leur reconversion, leur indemnisation etc… ?
Le rôle de l’Etat est de s’occuper des personnes qui souffrent le plus, les salariés peu qualifiés, donc, prioritairement. Agir après coup, c’est trop tard. L’enjeu est donc d’anticiper, de mettre le paquet sur la formation en amont, de telle sorte qu’une personne qui perd son emploi puisse en retrouver rapidement un autre. Vouloir qu’aucun emploi ne disparaisse est stupide. Des emplois disparaîtront. D’autres seront créés. L’enjeu est de gérer les transitions, les flux, plus que le stock.
Bref. Je ne dis pas que mes réponses sont particulièrement innovantes (l’effet retard du rosé espagnol, sans doute). Mais : j’ai passé quelques minutes à échanger des mails, textos, coups de fil avec Camille B. sur mon trajet de retour, plutôt fatiguant. J’ai perdu ce matin une bonne heure pour l’interview (trajet aller, interview, trajet retour). Tout ça pour environ dix secondes inintéressantes sur France 3. Avec, en prime, des propos stupides d’un dirigeant d’entreprise (Clairefontaine, de mémoire), juste après moi, histoire de contrebalancer, sans doute. Coût d’opportunité énorme, pour moi (j’aurais pu dormir, pendant ce temps).
Conclusion : expérience pas inintéressante, sur la façon dont se construit l’information. Sûr que les journalistes ont un avantage énorme sur les blogueurs : ils sont professionnels.

Interview France 3

A peine levé de mon transat, France 3 m’appelle pour me demander de réagir aux affaires en cours : PSA, Doux, Unilever, etc. Petite interview ce matin, depuis Poitiers, diffusée dans l’édition nationale du 19/20, ce soir (ça devrait pouvoir se regarder ici ensuite).

Voici les questions :

  1. Des dossiers très chauds attendent le gouvernement en cette rentrée : Doux, PSA, Elephant…. Le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg multiplie les déclarations d’intention. Mais l’Etat peut-il réellement intervenir de manière directe dans tous ces dossiers brûlants ?
  2. Quelle est la marge de manœuvre des politiques face à des problématiques économiques qui dépassent largement le cadre des frontières nationales, et qui concernent des entreprises privées ?
  3. Le PDG Monde d’Unilever, à propos du dossier Fralib, s’ext exprimé dans les Echos, indiquant que le gouvernement, par son ingérence excessive, risquait de décourager les investissements étrangers en France. C’est un vrai risque ?
  4. Lionel Jospin disait : « l’Etat ne peut pas tout ». Il avait raison ?
  5. Le rôle de l’Etat est-il d’intervenir, d’empêcher, d’interdire, ou plutôt de « guérir » en améliorant la prise en charge des salariés qui perdent leur emploi, leur reconversion, leur indemnisation etc… ?

Comme nous sommes encore dans la période des jeux-vacances, je ne vous donne pas mes réponses : si ça vous amuse, vous pouvez poster vos prévisions (ou vos avis) en commentaire.

Je ne sais pas ce qui sera gardé dans le reportage (forcément court), je compléterai si besoin ce soir ou demain.

Pauvre Europe…

Je crois que l’on a atteint des sommets que je pensais inaccessibles avec la déclaration de Herman Van Rompuy, Président de l’Union Européenne :

l’austérité est le fondement sur lequel nous devons développer une stratégie complète en faveur de la croissance

Je suggère à notre Président de réviser un peu son économie. Consulter un manuel de macroéconomie de première année d’Université devrait suffire. Il peut également lire cet article de Christina D. Romer (trouvé via Gizmo), Professeur d’Economie à Berkeley et Directrice du Council of Economic Advisers d’Obama, paru dans les colonnes du New York Times et justement intitulé Hey, Not So Fast on European Austerity. Il peut lire aussi, régulièrement, les tribunes de Paul Krugman, en commençant par celle-là, par exemple.

Vu la situation actuelle de l’Europe, prôner l’austérité en période de récession, c’est s’assurer de plus de récession encore. Avec un creusement encore plus important des déficits et de la dette, panne de croissance oblige. Que dire d’autre? S’en amuser s’en doute, comme le fait Maître Eolas sur twitter, en détournant la formule  : “La maladie est le fondement sur lequel nous devons développer une stratégie complète en faveur de la guérison”… Pour ma part, je proposerais bien quelque chose comme : “La stupidité est le fondement sur lequel nous devons développer une stratégie complète en faveur de l’intelligence”. Ça colle bien à l’Europe en ce moment, je trouve…

Présidentielle 2012 : le poids des mots

Article très intéressant de François Guillem (trouvé via un tweet de Baptiste Coulmont).

Prenez les discours des candidats à l’élection présidentielle 2012. Faites une analyse statistique des mots qu’ils utilisent. Classez alors les candidats par groupe, en fonction de leur proximité. Vous obtiendrez cela :

Cette classification résulte de la proximité entre candidats que l’on retrouve dans cet espace à deux dimensions :

Notez la proximité entre François, François et Eva… et celle entre Marine et Nicolas… Pourquoi cette proximité? Comme dit initialement, ce sont les mots qu’ils utilisent qui explique cela :

L’axe horizontal oppose des termes plutôt de gauche à des termes plutôt de droite. L’axe vertical des termes relevant plutôt du registre de l’émotion à des termes relevant d’un registre plus technique.

Dis, l’économiste, tu vas voter pour qui?

Il est assez drôle ce décalage : si vous demandez à un échantillon-représentatif-de-la-population-française-établi-selon-la-méthode-des-quotas (un truc scientifique, quoi) ce qu’il pense de ce que pensent les économistes, sûr que la plupart en feront des suppôts du marché / libéralisme / capitalisme / finance / dérégulation / patrons / salauds / etc.

Pourtant : vous avez, à gauche, des économistes bon tein, plutôt parisiens. Très parisiens, même. Et à la gauche de ces économistes de gauche, des économistes limite girondins, je dirais. Pas d’économiste sarkozyste. Même un économiste juste de droite, vous aurez du mal à en trouver un…