L’a-théorie de Nicolas Sarkozy…


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Nicolas Sarkozy l’a affirmé le 29 juin 2007 : pour trouver les solutions au
problème d’emploi et de croissance, “inutile de réinventer le fil à couper le beurre. Toutes ces théories économiques… moi-même, parfois je suis un peu perdu. Ce que je veux c’est que les
choses marchent”. Mieux vaut, selon lui, faire du “benchmarking”, cette méthode qui consiste à regarder ce que font les autres pays.

 

Je passe sur le caractère populiste de cette déclaration (NS veut “que les choses marchent”, sous-entendu, “les autres politiques veulent que les choses ne marchent
pas”? ; il disqualifie également à l’avance les analyses de tous les intellectuels – très vendeur, tout cela…
optimum avait posté un petit billet suite à ces déclarations, un brin énervé
; idem pour les éconoclastes, encore plus laconiques : c’est
vrai qu’on peut difficilement faire pire…
) pour me concentrer sur le benchmarking.

Le principe de base du benchmarking est aussi simple que puissant : il consiste à observer les performances d’un échantillon de pays, repérer le pays qui obtient les meilleures performances,
puis identifier les mesures de politique économique qui sous-tendent ces performances, pour enfin les imiter.

 

En procédant de la sorte, on se débarrasse de toute accusation de biais idéologique : il ne s’agit plus de déduire de la théorie des préconisations en termes de
politique économique, mais d’adopter une posture pragmatique (comme le répètent à l’envie certains leaders de l’UMP), en faisant parler les faits et en s’en remettant aux données pour légitimer
son action.

 

Démarche séduisante, donc, mais qui pose de sérieux problèmes : il faut imiter le meilleur pays, certes, mais lequel choisir ? Les Etats-Unis ? Le
Royaume-Uni ? L’Allemagne ? Le Danemark ? Le choix n’est pas si réduit que cela… Regardons les données, me dira-t-on. Certes, mais quelles données ? Les taux de
croissance ? Les niveaux de vie ? Les taux de chômage ? La proportion de travailleurs pauvres ? L’évolution du solde commercial ? En fonction de l’indicateur utilisé, les
résultats risquent d’être profondément modifiés… Une combinaison de ces données, pourrait-on proposer. D’accord, mais s’il s’agit de bâtir un indicateur composite, le problème n’est que
déplacé : quels indicateurs élémentaires inclut-on ? Comment peut-on les pondérer ? Là encore, diversité des choix possibles et des résultats obtenus…

 

Et, en supposant que ces premiers problèmes soient réglés, il convient ensuite d’identifier les politiques explicatives de ces performances, ce qui est sans doute
encore moins simple : dans l’ensemble des mesures prises, lesquelles ont été les plus déterminantes ? Quelle période d’observation faut-il couvrir ? Dans quelle mesure la
reproduction de ces politiques est-elle pertinente dans un autre contexte institutionnel ? À une autre période ? etc.

 

Est-ce à dire que tout exercice de benchmarking est voué à l’échec ? Pas nécessairement. Disons qu’il existe un mauvais benchmarking, qui, au pire, est
révélateur de l’incompétence de celui qui l’exerce (roulons à gauche puisque les routes britanniques sont les plus
sûres
), et au mieux, relève de la manipulation (définissons astucieusement l’échantillon de pays, les indicateurs de performance et les mesures de politique qui nous arrangent afin de dégager
les conclusions auxquelles nous souhaitions parvenir)
[1]
.

 

Il existe aussi, potentiellement au moins, un bon benchmarking. Dans lequel le choix des indicateurs, des pays et des politiques à observer résulte d’analyses
économiques approfondies. Dans lequel les résultats obtenus sont ensuite analysés à la lumière des théories économiques, pour mieux comprendre les enchaînements à l’œuvre, mieux identifier les
complémentarités entre les politiques menées, et donc mieux évaluer la pertinence de la reproduction de certaines des mesures prises. Un benchmarking qui ne vise pas nécessairement à identifier
le modèle optimal, mais à se comparer pour mieux se comprendre.

 

Bref, un benchmarking qui ne s’oppose pas aux théories économiques, comme le suppose Nicolas Sarkozy, mais qui les complète, qui en découle et qui les nourrit en
retour.

 

 

[1] Je crains que les discours autour de la TVA
sociale relèvent plutôt d’un mauvais benchmarking (par incompétence ou par manipulation ? Peut-être un peu des deux…).

TVA sociale : une histoire belge?


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Inquiets pour la sécurité routière en Belgique, le gouvernement a demandé à un groupe d’éminents experts d’étudier les systèmes en vigueur dans
quelques pays d’Europe, afin d’identifier puis d’imiter les meilleures pratiques. Après quelques mois d’études approfondies (avec une foultitude de tests statistiques et économétriques), les
experts parviennent aux conclusions suivantes : les routes anglaises sont parmi les plus sûres, ce qui s’explique par le fait que les automobilistes roulent à gauche.

Séduit par ces conclusions, le gouvernement belge décide d’adopter la mesure. Mais, bien conscients des incertitudes qui pèsent sur certains points de
l’étude, ils décident de commencer par une expérimentation, avec généralisation au bout d’un an, si le système s’avère efficace : ainsi, de juillet à décembre, seuls les camions seront
autorisés à rouler à gauche
[1]


Le parallèle est-il possible avec la TVA sociale ? Pas impossible…

Le gouvernement explique en effet que la TVA sociale a été adoptée par l’Allemagne et le Danemark, que ces pays ont des bonnes performances économiques en matière de
croissance
(performances à relativiser, soit dit en passant) et de lutte contre le chômage, l’adopter à notre tour semble donc pertinent (c’est le discours tenu par Jean-François Copé dans une interview pour France 3 il y a deux ou trois jours). En oubliant de s’interroger plus
avant sur les déterminants des performances de ces pays , et sur le rôle effectif qu’a pu y jouer la TVA sociale.

Sur le volet expérimentation, également, les propositions que j’ai pu voir laissent un peu rêveur : certains nous disent que l’agriculture pourrait être le secteur
test pour la TVA sociale (la FNSEA est demandeuse), rebaptisée, je vous le rappelle, TVA anti-délocalisations par notre premier ministre. Si le dispositif fonctionne, on ne verra donc plus passer
le “train des délocalisations” (ce sont les termes de notre président) de vaches charolaises ou de champs de maïs qui, c’est bien connu, traversent quotidiennement les voies ferrées françaises pour s’expatrier en
Chine…

Si le secteur retenu est le secteur automobile (hypothèse entendue à plusieurs reprises, évoquée ici par exemple), on peut également s’interroger mais pour
d’autres raisons. Ce secteur est en effet marqué par un recours important à la sous-traitance. Dès lors, le dispositif concernera-t-il uniquement les donneurs d’ordre, ou bien sera-t-il étendu
aux sous-traitants ? Dans le premier cas, se pose un problème évident : si deux constructeurs ont un degré d’internalisation différent, le constructeur qui sous-traite le moins sera
clairement avantagé par la mesure. Altération peu défendable de la concurrence. Dans le deuxième cas, idem : si le dispositif concerne les sous-traitants, quid de la concurrence entre les
sous-traitants qui sont fournisseurs de l’automobile et d’un autre secteur, mettons l’aéronautique, et d’autres sous-traitants qui ne sont eux fournisseurs que de l’aéronautique, et qui seraient
en concurrence avec les précédents ? Les premiers bénéficieront d’un allègement de charge, pas les derniers. Si on décide alors d’étendre le dispositif à ces derniers, on risque de devoir le
généraliser, de proche en proche, à l’ensemble des entreprises. Bref, l’expérimentation peut être une bonne chose dans certains cas, mais dans ce cas précis, je m’interroge…

PS : petite précision à destination de notre nouveau ministre gaffeur d’Etat : je n’ai pas dit que, pour réduire le chômage, il fallait
autoriser les camions à rouler à gauche sur les routes françaises…


[1] merci à Philippe N. pour la version initiale de l’histoire belge.

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La tentation protectionniste

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Le numéro de juin du magazine Alternaltives Economiques vient de paraître (€). J’y ai contribué (à l’invitation de Philippe Frémeaux et Guillaume Duval, que je
remercie au passage pour cette proposition et nos interactions) avec un article intitulé “La tentation protectionniste”, p. 33-35, remis au goût du jour en Europe, et
particulièrement en France, en raison notamment de la montée en puissance de la Chine.

Je montre chiffres à l’appui que la “menace chinoise” est à nuancer fortement. J’insiste aussi sur l’idée qu’une politique commerciale protectionniste est un bien
mauvais moyen de pallier les faiblesses de nos politiques de croissance, industrielle et sociale. Confronté à des difficultés, il est tellement plus facile d’externaliser la faute…

Je dis ça, et en même temps, ça ne m’étonnerait pas que notre nouveau président tente de négocier un mini-traité en échange de quelques mesures protectionnistes. Ca ne m’étonnerait pas que les
citoyens en soient très satisfaits. Ca ne m’étonnerait pas qu’à gauche de l’échiquier politique certains en reste sans voix, incapables de critiquer des décisions qu’on aurait bien aimé
prendre…

En plus de l’article principal, j’ai rédigé un encadré reprenant quelques éléments du débat récent, par blogs interposés, entre économistes américains (Mankiw, Rodrik, Blinder, Krugman notamment). Guillaume Duval a complété avec un encadré titré “Les outils du
protectionnisme”.

Commentaires bienvenus.

La prime de beauté…



Document de travail plutôt intéressant de Belot, Bhaskar et Van de Ven (CEPR
Discussion Paper n°6276, une version est disponible ici) intitulé « Insidious
Discrimination ? Disentangling the Beauty Premium on a Game Show ». Les auteurs ont travaillé sur les données collectées suite à la diffusion de 69 épisodes du jeu Shafted aux Pays-Bas en 2002. Pour gagner à ce jeu, qui n’est pas sans rapport avec le Maillon Faible, il faut :

1. répondre correctement et rapidement à un ensemble de questions

2. être capable de coopérer avec les autres joueurs (la dernier partie du jeu consiste en un dilemme du
prisonnier
)

3. ne pas être éliminé par les autres joueurs

 Les auteurs s’interrogent sur le rôle de l’apparence physique. Ils montrent que les personnes attrayantes ne répondent pas mieux, en moyenne, aux questions posées, qu’ils
n’ont pas une aptitude supérieure à la coopération, mais qu’ils sont moins souvent éliminés par les autres. Il existe donc une prime à la beauté, qui assure en moyenne des gains multipliés par
deux aux joueurs considérés comme attrayants.

 Cette prime à la beauté n’existe pas seulement dans ce jeu : Hamermesh et Biddle, dans une étude de 1994, montrent qu’une prime d’environ 15% récompense les personnes
physiquement attrayantes sur le marché du travail… Certains ont tenté de rationaliser ce résultat : i) les personnes attrayantes ont plus confiance en elles, elles parviennent mieux à
développer leurs compétences sociales sur leur lieu de travail, ii) causalité inverse : les personnes qui réussissent bien sur le marché du travail ont la possibilité et sont plus incitées à
investir dans leur apparence (plus grande estime de soi), iii) les clients, les autres employés, les responsables aiment “consommer” (consciemment ou inconsciemment) de la beauté, ce qui
expliquerait l’existence d’une telle prime. L’intérêt principal du document de travail cité consiste précisément à montrer que seul le dernier élément semble jouer, d’où l’expression de
“discrimination insidieuse”.

Extrapolation de circonstance : les deux finalistes de dimanche soir ne sont peut-être pas ceux qui ont produit les meilleures réponses aux problèmes que la France doit
régler, ni ceux qui sont le mieux à même de coopérer au sein de l’arène politique, mais seulement ceux que les français ont jugé le plus attrayant…

Eh, mon ami, t’aimes ça manger des peutates?

J’ai découvert cette vidéo (source ici) il y a quelques jours (sans doute après nombre d’entre vous!) et je ne sais pas vous, mais moi, ça m’a un peu fait penser à la campagne présidentielle…


Non, c’est vrai, que font d’autres nos candidats, si ce n’est i) dire qu’aujourd’hui, sans eux, tout va mal (on est en train d’éplucher nos peutates avec nos mains), ii) qu’ils ont trouvé le remède miracle (le willi waller two thousand six), iii) que ça nous coûtera quasiment rien de le mettre en oeuvre (4 paiements de 29,99) et iv) tout ça avec un joli sourire et une telle assurance ! Bon, ça fait toujours une possibilité de reconversion pour le perdant de dimanche soir…

Le gène de l’intelligence…

Je ne fais que reprendre une citation-devinette trouvée chez françois/phnk  :

J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense.


L’auteur? Cherchez un peu, puis allez ici, si vous "séchez".

J’aime bien les indices proposés par françois/phnk :
i) 
L’auteur n’a bien évidemment aucune formation scientifique, et tout semble indiquer que son niveau de culture générale est proche de celui du plus faible percentile national,
ii) Par conséquent non, ce n’est pas un montage entre les théoriciens du gène du crime du dix-neuvième-siècle et les psychologues évolutionnistes du vingtième, même si ça pourrait (reconnaissons à l’auteur sa capacité de synthèse).
iii) "Pédophiles, suicidés, fumeurs, même combat" : la confusion désormais commune chez l’individu entre psychiatrie et criminalité devrait vous mettre définitivement sur la voie.

La photo de l’année 2007

Vu les discours de nos politiques sur la valeur travail, je propose de réinscrire sur le fronton de tous les établissements publics et privés la formule suivante…


Histoire de se distraire : sauriez-vous retrouver le lieu où
cette photo a été prise?

"N’est-ce pas trop dur de se faire insulter de la sorte?"

Dans mon dernier billet relatif à l’interview de Libé, j’ai fait référence aux commentaires de certains lecteurs que je trouve assez désolants… Olivier Simard me demande en commentaire s’il n’est « pas trop dur de se faire insulter de la sorte ? ». Randochev se désespère également du discours anti-universitaire… 

En fait non, les insultes ne me perturbent pas. D’abord, sur mon blog, c’est plutôt rare. Il y en a plus souvent sur le site de Libé, mais tant qu’il s’agit de critiques externes, genre « ce que vous dites est forcément stupide puisque vous êtes un universitaire », je ne vois pas en quoi cela peut être troublant. Ça me fait plutôt sourire et en général je ne commente pas.

Bon,  une autre stratégie serait possible : Bruno Amable n’hésite pas à ruer dans les brancards des commentateurs stupides, ce qui est plutôt amusant. Peut-être vais-je l’imiter à l’avenir, histoire de me défouler, mais bon, c’est prendre beaucoup de temps pour pas grand chose, me semble-t-il…

Je pense même que ces critiques sont assez instructives : elles révèlent d’abord à quel point il est difficile d’aller contre certaines idées reçues,  et ce d’autant plus quand les politiques s’en font le relais.  Ce qui explique le ton féroce que j’emploie parfois contre ces politiques, car j’estime que leur responsabilité est grande : ils instrumentalisent les peurs des citoyens pour se faire élire, plutôt que de faire de la pédagogie des enjeux. On peut bien sûr se dire qu’une fois au pouvoir, ils mettront en oeuvre des politiques mieux adaptées, mais j’estime que le mal est fait. Qu’ils ne déplorent pas, ensuite, les peurs de la population et les votes extrémistes.

Ces commentaires révèlent ensuite l’incapacité de certaines personnes à produire des critiques internes à un discours : il est tellement plus simple, quand on n’est pas d’accord avec quelqu’un, de discréditer son discours en l’accusant d’être universitaire, ou bien gauchiste, ou bien libéral, etc… que d’essayer de repérer d’éventuelles failles dans son raisonnement… Quand il s’agit de citoyens "lambdas", passe encore. Quand il s’agit de personnes ayant un pouvoir non négligeable, c’est plus embêtant.

Dans cette perspective, je ne peux m’empêcher de vous faire part d’un échange sur le blog de François Fillon : ce dernier a posté un billet suite au ralliement d’Olivier Blanchard à la candidature de Nicolas Sarkozy. Comme je venais de lire la réaction d’Amable et l’analyse d’Econoclaste suite à ce ralliement, je me suis permis de lui en faire part en commentaire (commentaire n°1) :

Certains économistes, comme certains acteurs, chanteurs, écrivains, sportifs, etc…, prennent position pour tel ou tel autre candidat : Blanchard pour Sarkozy, Piketty pour Royal, par exemple…

Chacun est libre de faire ce que bon lui semble, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose, surtout quand on reprend le propos des uns ou des autres en soulignant leur pedigree. Voir ce billet de Bruno Amable, que je trouve plutôt convaincant . Sur le fond de l’argument de Blanchard, voir aussi ce billet d’Econoclaste. Je ne crois pas que ce soit le rôle des économistes de dire pour qui ils votent, où alors, ils doivent le faire en tant que citoyen, pas du haut de leur chaire. Je reprend la conclusion d’Econoclaste :

 "les économistes sont plus utiles lorsqu’ils cherchent à comprendre et à faire comprendre le fonctionnement de l’économie que lorsqu’ils montent en chaire pour prendre des positions partisanes. Cela contribue à l’idée hélas largement répandue que l’économie n’est que l’énonciation péremptoire sous un verbiage incompréhensible de ses préjugés politiques."

 Bon, ça se voulait assez nuancé (j’ai pris soin d’évoquer à la fois le ralliement de Piketty à Royal et celui de Blanchard à Sarkozy) et, j’avoue que je me posais honnêtement la question de la prise de position des économistes, étant moi-même économiste.

Voici la réponse de François Fillon, potentiellement futur premier ministre de la France :

Je me doutais que monsieur Bouba-Olga serait le premier à réagir, lui qui démolit jour après jour le programme économique de Nicolas Sarkozy sur son blog!
Voilà une magnifique illustration de l’intolérance pour ne pas dire du totalitarisme de la gauche: massacrer le prgramme économique de l’UMP c’est porter un jugement objectif, mais en dire du bien, c’est "monter en chaire pour prendre des positions partisannes".
A vous de juger!

 

 Bon, franchement, ça a plutôt flatté mon ego que François Fillon m’interpelle si vite et si directement sur son blog : se faire traiter, dans une même phrase, par une telle personne, à la fois d’intolérant, de totalitariste, de massacreur du programme de l’UMP et de partisan, ce n’est quand même pas donné à tout le monde!

Je lui ai répondu ceci :

@ François Fillon : Mazette, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère dans votre réponse!  Bon, pour information, les gens de droite me traitent généralement d’affreux gauchiste, et les gens de gauche d’horrible libéral… Vous m’accusez de massacrer le programme économique de l’UMP, d’autres m’accusent de massacrer celui du PS (d’autres encore me trouvent très méchant avec Jean Arthuis, conseiller éco de Bayrou)… Difficile, parfois, la vie d’économiste…

Mais, encore une fois, ça ne m’a pas perturbé d’être ainsi "insulté". Ce qui est plus perturbant, c’est la capacité de réflexion de certains politiques qui ont occupé, ou occuperont, un jour ou l’autre, des responsabilités importantes (Aïe! Je vais me faire traiter de sale gauchiste…)

Polémique autour des chiffres du chômage et autres petites choses sans importance…

On le sait, la publication des chiffres du chômage a été reportée à l’après élection présidentielle. Eric Maurin en a parlé récemment sur son blog ici et , Vincent Champain également, une première fois sur Débat 2007 fin janvier, une deuxième fois aujourd’hui, toujours sur Débat 2007. Eric Wasmer également, sur son blog, ici,   et . Bernard Salanié a également évoqué le problème, en expliquant que le reproche d’opacité ne lui paraissait pas recevable, mais en indiquant dans le même temps que les chiffres du chômage lui semblaient sous-évalués. Parallèlement, Eric Maurin avait protesté contre les gonflements des chiffres liés à l’évaluation du CNE ; j’en avais rajouté une couche ici (pendant ce temps, Jean-Michel Charbonnel et Laurent Bisault produisent une autre évaluation du CNE guère optimiste : "Nous pensons (…) que l’effet net sur l’emploi du CNE est au maximum de 35 000 emplois (…), et qu’il n’en créera pas en 2007").

Ce sont maintenant les statisticiens du ministère de l’emploi qui s’insurgent contre les « manœuvres » de minimisation des chiffres du chômage :

Dans leur lettre, les 63 signataires (sur 190 salariés) critiquent la position adoptée par le directeur adjoint, Philippe Ravalet, lors de son audition devant le Conseil national de l’information statistique, le 8 mars. La présentation « ne correspondait pas à ce qui avait été convenu en interne, la veille au soir », regrettent les signataires, parmi lesquels figurent les trois quarts de l’encadrement (sous-directeurs, chefs de département, etc.). Invité à chiffrer les mesures ayant réduit artificiellement les chiffres du chômage, l’ancien conseiller technique de Gérard Larcher n’a détaillé que deux des quatre mesures dont il était possible d’évaluer l’effet. « Ce travail a pourtant été réalisé par les services de la Dares », indiquent les salariés du ministère de l’Emploi.
Philippe Ravalet a notamment omis le basculent des contrats aidés dans la catégorie 5, une section qui n’influe pas dans le calcul du taux de chômage, et la mise en place du suivi mensuel, en 2006. L’ensemble de ces mesures a concouru à réduire le nombre de demandeurs d’emploi de 100.000, ce qui a permis d’afficher un taux de chômage de 8,6 % au lieu de 8,9 % à la fin décembre 2006, indiquent-ils. ‘source : Les Echos, 19 mars 2007

Tout cela commence à faire beaucoup pour un seul gouvernement… Je dirais qu’il y a quelque chose qui ressemble à des petits problèmes de gouvernance, avec d’un côté des producteurs de statistiques servant à l’évaluation des politiques publiques et, de l’autre côté, des politiques qui mettent en oeuvre la chose évaluée. Solution? Plus de transparence, plus d’indépendance. Tout un programme, mais sans doute pas pour 2007.