Boucherie économique



Amazon
vient de m’envoyer un mail, me recommandant d’acheter un ouvrage intitulé Economiquement incorrect d’Eric Le Boucher, rédacteur en chef au Monde pour ceux qui l’ignoreraient. Bon, j’avais dit du mal de lui dans un billet il y a quelques temps, mais je suis pas bégueule, je regarde donc sur le site le descriptif de l’ouvrage :

D’Asie en Amérique, le monde accélère. L’Europe s’arrête. Et la France recule. Affirmant mener une orgueilleuse " résistance " à la mondialisation et au libéralisme, le pouvoir politique a cédé aux corporatismes. L’immobilisme ruine le pays et met un jeune sur quatre au chômage. Pourquoi la France va-t-elle si mal quand d’autres pays s’en sortent ?
Ok, thèse décliniste, mais ce n’est pas ça qui me choque. Non, c’est plutôt cette phrase :
L’immobilisme ruine le pays et met un jeune sur quatre au chômage

Que peut-on espérer d’un type qui écrit un bouquin sur l’économie sans savoir ce que c’est qu’un taux de chômage (voir ici, , où )? C’est pas la France qui décline, c’est Le Boucher (bien que pour décliner, faut avoir été un peu plus haut sur la pente. En fait, il roule), Grasset (l’éditeur), et Le Monde (l’employeur)…

(D’un autre côté, vous me direz, Eric Le Boucher est honnête, tout est déjà annoncé dans le titre : économiquement incorrect…)

Vidéo France 3 + Demain TV

Je viens de recevoir un mail de Guénolé Seiler, journaliste à France 3, qui m’indique que " après bien des péripéties, l’émission de vendredi est en ligne sur le site france3.fr. elle restera visible pendant un mois."

Pour info, j’ai participé hier à l’enregistrement d’une émission ("de quoi demain sera fait?") d’une heure pour Demain TV, toujours sur le thème des délocalisations (titre : "Délocalisations : ça déménage"). Avec comme invités deux responsables d’entreprise, un ex-représentant syndical de Danone et  El Mouhoub Mouhoud (professeur d’économie à Paris Dauphine, auteur de plusieurs ouvrages très intéressants, l’un sur les délocalisations, l’autre sur les migrations, j’en reparlerai à l’occasion, notamment celui sur les migrations, qui permet de balayer quelques idées reçues…).  L’émission sera diffusée une  dizaine de  fois sur la chaîne,  première diffusion le 10 mars. Si j’ai le temps, j’en dirais deux mots  d’ici là.

Journalistes contre blogueurs



Quelques réflexions sur la petite guerre entre les journalistes traditionnels et les blogueurs, suite notamment à cette affirmation de José Bové, interpellé par Nicolas Demorand (France Inter) qui a cité pour appuyer ses propos un billet de Maître Eolas. Propos que José Bové n’a pas apprécié, si bien qu’il a affirmé "sur un blog, on peut dire n’importe quoi".

Une première façon de traiter le problème est de regarder la qualité de la production des journalistes, et celle des blogueurs. On arrive vite au constat que 4 configurations existent : bons journalistes / mauvais journalistes ; bons blogueurs / mauvais blogueurs. On n’est pas vraiment avancé, si ce n’est que les uns et les autres peuvent se renvoyer à la figure les bons exemples de leur camp et les mauvais exemples de l’autre camp (ce qui n’est pas inutile : voir le billet de Jules par exemple sur la prétendue supériorité des journalistes professionnels sur les journalistes citoyens)… Je propose les bribes d’une autre analyse.

Les journalistes et les blogueurs sont des producteurs de connaissance : ils collectent de l’information, la trient, l’analysent, la mettent en perspective, etc.. et la mettent à disposition de leurs lecteurs. Tout l’enjeu est de savoir quel est le niveau des compétences des personnes ou dispositifs censés transformer l’information en connaissance.

L’argument que je défendrai est que la différence fondamentale entre blogueurs et journalistes est liée au processus de sélection de ces compétences. Dans les médias traditionnels, on a un processus de sélection ex-ante des producteurs de connaissance : il faut, pour travailler dans ces médias, être passé par les écoles de formation ou les filières considérées comme les mieux adaptées, il faut franchir les tests de sélection et les entretiens d’embauches, faire ses preuves sur le tas pour ensuite accéder aux meilleures places, etc, etc… Ce processus de sélection ex-ante, s’il fonctionne de manière efficace, doit permettre d’éliminer les plus "mauvais" producteurs de connaissance. Ceci explique la position de certains journalistes, tel que décrit par Maître Eolas :

Les journalistes se veulent séparés du citoyen ordinaire en faisant de la "vraie" information, professionnelle, de qualité, vérifiée, recoupée et avec l’expertise que leur apporte leurs années de métier, tandis que les blogs serait le monde du n’importe quoi


Côté blog, en effet, il n’existe pas de processus de sélection ex-ante, n’importe qui peut créér son blog, mettre en ligne sa propre analyse, etc… C’est aux lecteurs de faire le tri, dans un processus de sélection ex-post. Sur internet, on va faire son marché. On le devine, la qualité est nécessairement plus hétérogène, puisqu’on n’a pas de sélection avant production des connaissances. Si bien que, comme le dit José Bové, "sur un blog, on peut trouver n’importe quoi."

Sauf qu’il y a un autre point essentiel, largement occulté par les journalistes. L’accélération et la complexité des savoirs à mobiliser pour décrypter les informations de base sont telles qu’aucun journaliste professionnel, par définition généraliste, n’est capable d’en traiter efficacement l’ensemble. Inversement, sur les blogs, les experts de domaines pointus peuvent s’exprimer (tous ne le font pas encore, loin de là). Si bien qu’on peut trouver des analyses plus fines de problèmes que les médias traditionnels ne peuvent que survoler. On a quelque chose qui ressemble à une opposition entre généralistes (médias traditionnels) et spécialistes (blogueurs experts).

quelle implication? Globalement, la qualité moyenne des deux types de média peut être la même, ils diffèrent en revanche certainement par la dispersion de la qualité :



[Modifications 19/02 – 14h00 suite à certains commentaires]
Sur le graphique, la qualité moyenne peut être supposée supérieure dans la presse traditionnelle (Qp) comparativement à la qualité moyenne des blogs (Qb). La courbe de densité des journalistes est plus "petite" afin de prendre en compte le fait que le nombre de journalistes sévissant dans les médias traditionnels est significativement inférieur au nombre de blogueurs. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, on suppose qu’il y a moins de mauvais articles dans la presse traditionnelle en raison du processus de sélection ex-ante, mais aussi moins de très bons articles, en raison de la moins grande spécialisation des journalistes.
De ce fait, si José Bové a raison de dire que sur un blog, on peut trouver n’importe quoi, il a profondément tort d’affirmer cela quand on sait que sur le blog cité par Demorand, ce qui était dit n’était pas n’importe quoi. Il s’agissait au contraire de l’analyse d’un expert, qu’on a du mal à trouver dans les médias traditionnels.

Si on garde en tête cette analyse, on comprend à quel point les deux médias peuvent être complémentaires, l’enjeu pour les médias traditionnels étant de repérer les billets et les blogs de qualité, et d’en faire l’une de leur source d’information. Nicolas Demorand ne fait rien d’autre quand il cite Maître Eolas.

Lune Terre Soleil Tourne Qui Autour ?



Un partenaire de footing et néanmoins ami (sauf quand il essaie de courir plus vite que moi), prof de physique-chimie dans un lycée poitevin à ses heures perdues, a décidé de poser à deux classes de seconde
la terrible question du jeu de Jean-Pierre Foucault. Pour mémoire, dans le jeu télévisé, 56% des personnes ont répondu que le Soleil tournait autour de la Terre.

En fait, il a posé la question suivante : "Quel astre gravite autour de la terre?" avec quatre réponses possibles : A : la lune, B : le soleil, C : mars, D : Vénus. Résultat des courses :

A – La Lune 70%
B – Le Soleil 11%
C – Mars 8%
D – Vénus 11%

 Les résultats sont significativement supérieurs à ceux du public de TF1 (c’est peu dire) et conformes à ceux de l’étude européenne posant une question approchante (29% d’erreur à l’item "le Soleil tourne autour de la terre : vrai/faux").

Complément important : ayant échangé avec certains élèves, on s’aperçoit qu’une partie a été piégée par le vocabulaire. Certains savaient que la lune tourne autour de la terre, mais n’étaient pas sûr que la lune était un astre. D’autres s’interrogeaient sur le terme "gravite". De plus, comme le signale mon partenaire de footing et néanmoins ami "ceux qui ne répondent pas "réponse A la lune" sont-ils pour autant nuls en sciences ? pas sûr, car à coté de cet exemple où la mise en situation et l’énoncé de la question peuvent déstabiliser, certains s’étant trompés sont capables par ailleurs de se livrer à une réelle démarche scientifique ( appréhender une situation, formuler une hypothèse argumentée, élaborer un protocole expérimental pour valider l’hypothèse, modéliser …)".

Proposition, donc : si des enseignants sont intéressés pour faire passer le questionnaire à différentes classes, ou groupes de classes, on pourrait imaginer des variantes dans la formulation de la question, et voir si les résultats sont modifiés, histoire de discriminer entre connaissances en science et connaissances en français. Par exemple :

G1 : qu’est-ce qui tourne autour de la terre?
G2 : qu’est-ce qui gravite autour de la terre?
G3 : quel astre tourne autour de la terre?
G4 : quel astre gravite autour de la terre?

N’hésitez pas à m’envoyer vos résultats, je les mettrai en ligne au fur et à mesure.

Audience du blog

Bientôt un an de blog (date anniversaire : le 10 février prochain). Petit point rapide sur l’audience, qui continue à progresser (ce qui n’est pas une fin en soi, je précise) :


Mois Visiteurs uniques Pages vues
février 216 1077
mars 3218 15837
avril 4750 25594
mai 6953 39556
juin 6343 30019
juillet 4904 24145
août 5858 30246
septembre 10771 57882
octobre 11753 78999
novembre 15444 104554
décembre 17022 100694
janvier 24185 132264
Total 111417 640867


En moyenne, il y a donc eu, sur le dernier mois, 780 visiteurs et 4 267 pages vues par jour.

J’ai quelques éléments sur des requêtes Google un peu loufoques ayant amené certains visiteurs sur mon blog :
* bouba regarde la pêche
* bouba le clown sur la une
* bouba : au bout de mes rêves
* la star bouba (n’en jetez plus…)

Celle-ci n’est pas mal non plus :
* les trois quarts des bacheliers ne savent pas l’orthographe

Ou encore :
* poisson compatible avec poisson rouge
* évolution du maillot de bains de 1875 à  aujourd’hui
* emploi du temps des bonnes au 19ème siècle
* gazelle en Poitou

La palme pour celle-ci :
* soutien gorge clignotant

Ce visiteur n’a pas dû trouver ce qu’il cherchait…

Pour finir, un petit comparatif de mon audience et de celle d’Alain Lambert, dont je parle de temps en temps :



Conclusion : vive l’économie!

Science et religion : complément



bon, vu les commentaires au dernier billet, un petit complément.
* ok, l’étude a de nombreuses limites, je trouvais les résultats plutôt rigolos, mais bien sûr, on ne peut pas en tirer de relation de causalité. J’aurais dû préciser en gros, gras et souligné "corrélation n’est pas causalité", ça m’apprendra à vouloir faire des titres raccoleurs et un petit peu d’humour sans avertissement visible…
* si on avait accès aux stats de base, on pourrait aller plus loin dans l’analyse, mais on n’y a pas accès, et après un rapide tour d’horizon, je n’ai encore rien trouvé… Ce n’est pas une raison me direz vous, j’aurai pu avancer sur le contenu explicatif pour dire qu’a priori, je doute de l’existence d’une corrélation (HUMOUR je doute de l’existence de Dieu aussi, mais c’est une autre histoire… FIN HUMOUR). Je crois que deux enchaînements (qui demanderaient à être validés/invalidés) peuvent être formulés :

Une première hypothèse qui ressort de certains commentaires serait la suivante :
i) les personnes les moins formées ont des pratiques religieuses plus fréquentes
ii) les personnes les moins formées ont de moins bons scores en science
iii) d’où la corrélation négative « pratiques religieuses » – score en sciences, qui ne serait pas due directement aux pratiques, mais au niveau de formation.

Ceci laisse ouverte la question suivante : pourquoi les personnes les moins formées ont des pratiques moins fréquentes? C’est ce que certains supposent dans les commentaires, pas sûr que cet enchaînement donne une meilleure image de la pratique religieuse…

Autre hypothèse, à mon avis plus pertinente :
i) les personnes âgées ont des pratiques religieuses plus fréquentes
ii) les personnes âgées ont eu des formations moins poussées en science que les jeunes générations
iii) d’où la corrélation pratiques religieuses / score en science, qui serait liée à une baisse des pratiques religieuses (évolution culturelle affectant prioritairement les jeunes générations) et  à une hausse, dans le même temps,  du niveau d’éducation.

Les deux hypothèses peuvent être combinées, il faudrait évaluer le pouvoir explicatif de chacune.

On peut voir de petits éléments de preuve de la dernière hypothèse dans le fait que les plus mauvais scores sont obtenus par ceux qui i) ont arrété leurs études à 15 ans (sur-représentation plausible dans les veilles générations), ii) ont plus de 55 ans, iii) ont des pratiques religieuses très fréquentes (sur-représentation plausible dans les vieilles générations)

Sous cette dernière hypothèse, il n’y a plus de lien nécessairement de lien entre pratiques religieuses et niveau en science… HUMOUR vous pouvez retourner à la messe (ou autre pratique religieuse) tous les jours, voire plusieurs fois par jour! FIN HUMOUR

Tout ceci me rappelle un billet d’éconoclaste sur le lien entre l’allaitement le niveau de QI des enfants (corrélation positive significative), d’où les préconisations de certains médecins/pédiatres. Mais les études avaient oublié le lien entre QI des parents, penchant à alléter et QI des enfants : la corrélation de base masquait la corrélation QI des parents/QI des enfants.

HUMOUR En branchant les deux études, on doit pouvoir collecter de l’info pour montrer que les enfants ayant bénéficié de l’allaitement ont des pratiques religieuses moins fréquentes, les représentants des différentes religions auraient donc intérêt à prôner la généralisation du biberon… FIN HUMOUR

N’allez pas (trop souvent) à la messe…



Vous vous souvenez peut-être de cette étude sur les connaissances scientifiques des européens, commentée dans un précédent billet. 13 propositions scientifiques ont été proposées aux citoyens des pays de l’Union, à charge pour eux de dire, pour chacune d’entre elles, si elle est vraie ou fausse, ou dans le doute de s’abstenir. C’est ainsi que l’on apprend que 29% des personnes interrogées pensent que le Soleil tourne autour de la Terre (score significativement inférieur à celui obtenu par le public de "Qui veut gagner des millions", rappelons-le).

Petit complément : l’étude s’interroge ensuite sur certaines caractéristiques des personnes interrogées, et croise ces caractéristiques avec les scores obtenus. C’est ainsi que l’on dispose de résultats liés à la pratique religieuse des répondants. Voici le tableau (p. 44 du rapport) :


Résultat plutôt intéressant : la moyenne "bonnes réponses" décroît avec la fréquence de la pratique religieuse. Le score est particulièrement mauvais pour ceux qui se rendent plus d’une fois par semaine aux "services religieux". C’est en fait la caractéristique qui conduit au deuxième plus mauvais score, juste derrière le fait d’avoir arrêté ses études à 15 ans (cf. le tableau complet, p. 44).

On note en passant que la moyenne "mauvaises réponses" croît, mais moins fortement, avec la fréquence de la pratique religieuse : c’est plutôt la part des non réponses qui augmente (dans le doute, abstiens-toi…).

Autre petite remarque : le meilleur score n’est pas obtenu par ceux qui n’ont aucune pratique religieuse (70% de bonnes réponses), mais par ceux qui ont une pratique inférieure à moins d’une fois par an (71% de bonnes réponses). Certes,  la différence est sans doute non significative; d’autant plus que la moyenne "mauvaises réponses" est inférieur d’un point. Mais bon, ceux qui le souhaitent peuvent continuer à aller à la messe, mais moins d’une fois par an, du moins s’ils veulent avoir de bonnes notes en sciences…

économie du ticket de métro



Mardi 23 janvier 2007. Au programme de la journée, une conférence à l’ENS-LSH Lyon (en passant, merci encore à Alexis pour l’invitation et l’accueil!). Départ de Poitiers, arrivée gare de Montparnasse. Direction gare de Lyon en métro. Mince, plus de ticket. Solution : acheter un ticket au guichet. Prix à l’unité : 1,40€. Problème : la file d’attente aux guichets comme aux machines n’en finit pas…
 

Solution alternative : des vendeurs à la sauvette me proposent un ticket au tarif de 1,40€. J’achète ou pas ? Ils me proposent le ticket au même prix après tout. A bien regarder les gens autour de moi, beaucoup refusent. Peut-être ont-ils le temps d’attendre? Pourtant, ils ont l’air bien pressés, à voir comme ils trépignent en faisant la queue. S’ils refusent, c’est peut-être qu’ils pensent qu’on veut les arnaquer. Les billets doivent être faux. Où périmés. D’autant plus que, délit de faciès oblige, ils n’ont pas l’air français quinzième génération, ces vendeurs…

Ils auraient dû faire fac d’éco, ces voyageurs en transit, parce que, économiquement, ça se tient, ce petit commerce : si je n’ai besoin que d’un ticket, le fait de le leur acheter ou de l’acheter au guichet ne change rien pour moi. Si, de plus, je dois attendre pour accéder au guichet, je gagne à le leur acheter : le prix du ticket est le même, mais j’économise en temps d’attente, temps auquel je peux attribuer une valeur monétaire, correspondant au gain réalisé. De leur côté, les vendeurs à la sauvette achètent des carnets de tickets tarifs réduits (10,90€ le carnet de 10) et les revendent à l’unité plein tarif. Ils empochent donc un gain par ticket vendu de 0,31€ (=1,40 – 10,90/10), gain tout à fait légitime, puisqu’ils permettent aux voyageurs de ne pas perdre de temps. En fait, ces vendeurs ne font rien d’autre que me permettre d’économiser sur les coûts d’utilisation du marché du ticket de métro, coûts que les économistes qualifient de coûts de transaction.Dès lors, pourquoi autant de personnes refusent-elles de leur acheter des tickets ? Parce qu’on ne les connaît pas, ces vendeurs à la sauvette, me direz-vous. Certes, mais c’est un peu court comme argument : vous ne connaissez pas non plus la personne au guichet qui vous vend un ticket… En fait, il y a une différence de taille : dans le dernier cas, ce n’est pas à une personne que vous vous adressez, mais à une institution (la RATP), institution en laquelle vous avez confiance. Plus que dans les vendeurs à la sauvette, en tout cas. L’acheter à ses derniers vous fait courir un risque (objectif ou non), auquel on peut attribuer également une valeur monétaire. Si on ne leur achète pas de ticket, c’est que l’on considère que le coût lié à ce risque est supérieur au gain de temps.

Si, maintenant, vous achetez, malgré tout, un ticket de métro à un vendeur à la sauvette (chose que je fais de temps en temps), et que vous êtes satisfait de la transaction (ça a toujours été le cas), vous avez de fortes chances de récidiver la fois d’après. Même si ce n’est pas le même vendeur à la sauvette. Car votre première expérience vous aura appris à faire confiance non pas au vendeur précis qui vous a vendu le ticket, mais au groupe formé par l’ensemble des vendeurs, groupe que l’on peut assimiler à une nouvelle institution, de nature plus informelle cette fois. Les interactions passées vous ont appris à leur faire confiance, le risque disparaît.

Dans tous les cas, on le voit, le marché du ticket de métro (c’est vrai des autres marchés) est tout sauf naturel. Il suppose, pour fonctionner, des règles du jeu clairement établies et acceptées par les participants. C’est un construit institutionnel (Douglas North définit précisément les institutions comme les règles du jeu dont les organisations sont les acteurs, ou encore comme “des contraintes d’origine humaine qui structurent les interactions entre les acteurs” (dans sa lecture pour le Nobel)). Et si l’on n’a pas confiance dans les institutions, ou si les institutions sont déficientes, le marché peut disparaître (pas toujours, j’y reviendrai à l’occasion)…

Bon, il y a une autre solution : acheter un carnet de ticket tarif réduit en gare de Poitiers. En général, il y a moins de monde…