Fallait-il sauver le soldat Heuliez ?

Il n’aura échappé à personne que l’entreprise Heuliez fait l’objet de toutes les attentions du Conseil Régional de Poitou-Charentes depuis de nombreuses années et que régulièrement ce dossier fait la une des médias régionaux (ici par exemple tout récemment), bien sûr, mais aussi nationaux (là, fin septembre).

En bon économiste soucieux de l’utilisation de l’argent public et de l’évaluation des politiques mises en oeuvre sur les territoires, on peut se demander si cette attention est légitime et surtout si les sommes engagées l’ont été à bon escient.

A ce titre, je souhaite mettre en évidence un point particulier rarement évoqué dans les médias et dans le débat public : Heuliez est une entreprise localisée dans le Nord Deux-Sèvres, plus précisément dans le bocage Bressuirais. Quelle importance, me direz-vous ?

L’importance est grande : venir au secours d’une grande entreprise située sur un territoire connaissant un taux de chômage important et où les possibilités de redéploiement des personnes perdant leur emploi sont faibles, c’est une chose ; procéder de même sur un territoire où le taux de chômage est faible et où les personnes perdant leur emploi en retrouve rapidement un autre, c’en est une autre. D’où la question : qu’en est-il du Bressuirais ?

Pour y répondre, j’ai collecté les taux de chômage trimestriel, par zone d’emploi, de 2003 à 2013, pour différentes zones d’emploi de Poitou-Charentes. Pour faciliter l’analyse des chiffres, j’ai construit pour chaque zone un indicateur compris entre 0 et 100% qui permet de la situer dans l’ensemble national : si l’indice de la zone est compris entre 0 et 10%, c’est que la zone fait partie des 10% des zones d’emploi ayant le plus faible taux de chômage. Si son indice est compris entre 90% et 100%, la zone fait partie des 10% des zones ayant le plus fort taux de chômage.

Voici ce que ça donne pour les zones d’emploi sélectionnées :

heuliez.png

Surprise : la zone d’emploi de Bressuire est celle qui connaît le plus faible taux de chômage de la Région depuis le premier trimestre 2003 et ce sans discontinuer. C’était vrai avant, depuis longtemps en fait. Elle fait partie en gros des 10% des zones d’emploi françaises qui connaissent les plus faibles taux de chômage.

Comment l’expliquer ? Le Bressuirais est en fait très proche du choletais et fonctionne de manière assez similaire : on y trouve de très nombreuses PME et les salariés circulent plutôt bien entre ces entreprises. Quand Heuliez va mal, les PME alentours peuvent recruter certains de ses salariés (et quand Heuliez va bien, les PME alentours ont toutes les peines du monde à trouver la main d’oeuvre dont elles ont besoin…). Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce territoire, je vous invite à parcourir l’étude que nous avions mené il y a quelques temps, en ligne sur le site de mon laboratoire (dédicace spéciale à Benjamin Guimond qui a fait un travail colossal sur cette étude).

A contrario, la situation des zones d’emploi de Rochefort, Royan et dans une moindre mesure La Rochelle est… comment dire… problématique… Les deux premières font partie des 20% des zones d’emploi ayant les plus forts taux de chômage. Forte dégradation sur Châtellerault entre 2007 et 2009, lente décroissance (relativement à l’ensemble national) depuis. Cognac a vu sa situation se dégrader un peu en 2009 (effondrement des ventes de Cognac), mais les choses se sont globalement rétablies. Niort et Poitiers vont bien, merci (un peu moins bien que sur le Bressuirais, mais ça va).

On pourra m’objecter que c’est précisément l’activisme du Conseil Régional qui permet d’observer cette situation sur le Bressuirais. Acceptons cette idée d’une intervention particulièrement efficace des instances régionales : on a très envie, alors, de leur demander de se pencher rapidement sur les cas de Rochefort, Royan, La Rochelle, Angoulême et Châtellerault. Autrement dit sur les cinq zones d’emploi de la Région qui, depuis plus de dix ans, souffrent le plus…

NB1 : merci à Olivier C. pour l’idée de ce graphique comparant les différentes zones de la Région, j’étais parti au départ sur la seule courbe du Bressuirais, cette version est beaucoup plus saisissante.

NB2 : après quelques échanges entre chercheurs de l’Université de Poitiers, nous nous sommes dit que le cas Heuliez était un cas particulièrement intéressant pour traiter de la dynamique économique de certains territoires et de la pertinence des politiques publiques. Nous allons nous atteler à la tâche dans les prochains mois, des suites à ce billet sont donc à attendre.

Les emplois verts, avenir du Monde (avec les relocalisations, quand même…)

Que les choses soient claires, car je sens que je vais me prendre des remarques désobligeantes. La destruction de la planète, c’est comme le sida : je suis contre.

Ceci étant dit, la médiatisation de la croissance verte (puisque c’est le terme aujourd’hui consacré), ou plutôt le décalage entre la communication politique sur le sujet et la réalité des faits me fatiguent un tantinet.

C’est donc avec intérêt que j’ai découvert les résultats de cette étude de la Direction Régionale de l’Insee Poitou-Charentes sur le nombre d’emplois verts et le nombre d’emplois verdissants en région, leur part dans l’ensemble des emplois, et le rang de Poitou-Charentes dans l’ensemble des régions.

Les emplois verts stricto sensu pèsent 0,5% de l’ensemble des emplois de la Région, ce qui est le taux moyen de la France métropolitaine. Poitou-Charentes occupe la 13ème place (sur 22 régions métropolitaines).

0,5%, c’est un peu plus, pour rappel, que ce que pèsent les emplois créés pour motif de relocalisation dans l’ensemble des emplois créés suite à des investissements dans notre beau pays. Relocalisation et croissance verte étant sans doute les termes les plus utilisés dans les discours des politiques relatifs à l’avenir de notre économie, j’en déduis que moins un phénomène existe, plus nos politiques en parlent. Leur côté visionnaire, sans doute.

Si l’on élargit la perspective en dénombrant les emplois verdissants (en gros, des métiers existant qui doivent s’adapter), ils pèsent 14,6% en Poitou-Charentes, contre 15,3% France entière. Je n’ai pas trouvé le rang précis, mais notre région est dans le groupe des 7 dernières régions.

Comme on peut toujours trouver un indicateur permettant de bien se situer dans un classement, on apprend quand même dans le document que Poitou-Charentes est la 2ème région de métropole pour l’importance des niveaux CAP-BEP dans l’ensemble des emplois verdissants. Médaille d’argent. Yep.

PS : je précise, pour expliquer mon côté un tantinet fatigué, que pendant que je lisais cette étude, trônait sur mon bureau une carte de voeux reçue d’une collectivité dont je tairais le nom, qui affichait comme slogan “l’excellence environnementale a trouvé son territoire”…

Communication universitaire

Puisque j’en suis à prodiguer des conseils en communication, je vous fais partager la photo de deux prospectus destinés aux étudiants de l’Université de Poitiers, l’un et l’autre informant sur des sujets sérieux.

Ces deux plaquettes sont à disposition des étudiants, posées sur une table, l’une à côté de l’autre, dans la “salle d’attente” du secrétariat du doyen de notre UFR. Juxtaposition qui brouille un peu les messages, je trouve…

22% de pauvres à Poitiers

Rue89 a publié un article sur la pauvreté dans les 100 plus grandes villes françaises, suite à l’étude de Compas disponible ici. Le taux de pauvreté est défini comme la part dans la population des ménages disposant d’un revenu, après versement des prestations sociales, de 60% du revenu médian. Pour un ménage composé d’une personne seule, ceci correspond à une somme de 954€ par mois.

Ce taux oscille de 7% à Neuilly-sur-Seine à 46% à Roubaix, avec une moyenne France entière de 15%. De manière générale, les plus grandes villes connaissent des taux de pauvreté plus importants, pour des raisons bien expliquées dans l’article et l’étude.

Centre Presse m’a demandé de réagir sur le taux observé pour Poitiers, qui est de 22%, sensiblement plus fort que la moyenne France entière. Taux qui m’a surpris au départ, mais après réflexion, on trouve plusieurs éléments explicatifs :

  • Poitiers est une ville dont la population étudiante pèse beaucoup dans l’ensemble de la population, il s’agit même de la ville française dont le ratio étudiants/population est le plus élevé. Certes, tous ne résident pas sur Poitiers, mais ils sont nombreux à y être logés,
  • Ce n’est pas la seule dans ce cas cependant : Dijon, de taille comparable, présente également un ratio élevé. Pourtant, le taux de Pauvreté y est beaucoup plus faible (13%). Comment expliquer cet écart entre Poitiers et Dijon?
  • Première possibilité : la dynamique économique (chômage plus faible, croissance plus forte) et la structure des activités économiques (plusd’emplois à faible rémunération),
  • Deuxième possibilité : l’étude a calculé des taux de pauvreté sur les villes, non pas sur les agglomérations. Or, sur Dijon, le taux de pauvreté est plutôt faible car les logements sociaux sont majoritairement localisés dans les communes alentours. Sur Poitiers, nous sommes dans la configuration inverse : les logements sociaux sont majoritairement situés dans la ville centre, non pas dans les communes alentours comme Saint-Benoît, Buxerolles ou Mignaloux.

Sur ce dernier point, un travail réalisé par la Communauté d’Agglomération de Poitiers est plutôt éclairant, j’en reprends une des cartes les mieux adaptées au sujet (page 34) :

Les personnes disposant de contrats précaires sont localisés dans la ville centre, elles sont même fortement concentrés dans quelques quartiers.

Autre point important : être pauvre à Poitiers ou dans des villes plus grandes (Paris, Bordeaux, Marseille, …), ce n’est pas la même chose. Prenons le cas d’une personne seule disposant d’un revenu de 900€ à Poitiers, comparé au cas d’une personne percevant le même revenu mais localisée sur Paris. Compte-tenu du fonctionnement du marché du logement, il est clair que le coût pour se loger ne sera pas le même. Que la localisation de la personne pauvre sur Paris risque de la reléguer en périphérie lointaine ce qui va peser sur leur budget transport, etc. En complément, l’article évoque des prolongements intéressants, en étudiant par exemple le lien entre pauvreté monétaire et pauvreté ressentie.

La situation économique de Poitou-Charentes

Je serai sur le plateau de France 3 Poitou-Charentes ce soir, à 19 heures, pour évoquer la situation économique de notre région, ses atouts, ses faiblesses, etc., dans le cadre du 19/20.

Intervention qui devrait durer plus de dix secondes, visible quelque part ici en suite.

Pourquoi faire des études? Pour se sentir bien et pour penser que les autres vont bien…

Comme chaque année, les étudiants de la troisième année de Licence de Sciences Economiques réalisent une enquête. Cette année, il s’agissait d’interroger les poitevins  (plus de 1600 personnes interrogées) sur leurs principales préoccupations, à la demande de “7 à Poitiers”, qui avait fait état des principaux résultats dans ce dossier.

Dans le questionnaire, nous demandions aux enquêtés d’évaluer leur situation personnelle, la situation des poitevins et la situation de la France sur une échelle de 1 (très mauvaise) à 10 (très bonne). Comme nous disposons parallèlement du niveau de diplôme des personnes interrogées, je me suis lancé dans la construction de ce petit graphique :

Deux résultats intéressants : i) la situation personnelle est systématiquement jugée meilleure que la situation des poitevins, elle-même jugée meilleure que la situation de la France, ii) l’évaluation des trois situations augmente avec le niveau de diplôme.

Que la situation personnelle soit jugée meilleure quand le niveau de diplôme augmente ne m’a pas surpris. En revanche, que l’évaluation de la situation des autres personnes augmente avec le niveau de diplôme est moins intuitif, je trouve. Je vous laisse exposer en commentaire des hypothèses d’explication…

Les priorités des poitevins

Cette année, les étudiants de troisième année de la Licence de Sciences Economiques de Poitiers ont réalisé une enquête sur les enjeux
considérés comme prioritaires par les poitevins, pour le magazine 7 à Poitiers (plus de 1600 personnes interrogées) : construction des questionaires, passation, premières exploitations
statistiques.

Tout un ensemble de résultats figurent dans le numéro de cette
semaine
(p. 4 et 5). D’autres exploitations à venir ici!

Regards croisés sur Poitou-Charentes

Rappel : l’UFR de Sciences Economiques de Poitiers
organise une table ronde/débat sur le développement économique de la région Poitou-Charentes, mardi 12 avril prochain, à partir de 18h. Entrée libre et gratuite.

La Direction Régionale de la Banque de France, la Direction Régionale de l’Insee et le CRIEF (Centre de Recherche sur l’Intégration
Economique et Financière) présenteront des analyses complémentaires du sujet. Présentations suivies d’un débat entre les participants et avec la salle sur les méthodes mobilisées, leur
intérêt/limites, sur la complémentarité des études, les points qui font débat, etc.

L’ensemble sera animé par les étudiants du Master Développement Economique Local. Voici l’affiche :



Regards Croisés

Regards croisés sur Poitou-Charentes : changement de date

En raison de la campagne électorale des cantonales et du devoir de réserve des fonctionnaires, nous avons décidé de reporter la date de
la table ronde Banque de France, Insee, Crief (voir ici pour la présentation de la table
ronde), initialement prévue le 17 mars prochain.

nouvelle date : mardi 12 avril 2011

lieu : UFR de Sciences Economiques, 93 avenue du Recteur Pineau – 86022 Poitiers. Amphi 201 (à confirmer).

heure : 18h-19h30