Etes-vous riche ou pauvre? Episode 2

Résultat de mon mini-sondage,
réalisé entre le 6 et le 26 novembre 2011 auprès d’un échantillon représentatif de la population mondiale (selon la méthode des quotas) : 9 des répondants se pensaient plus bas dans la hiérarchie
des salaires, 4 se pensaient plus haut, 8 se situaient à la bonne place. Sur les 8 se situant à la bonne place, 4 sont économistes ou familiers du sujet, avouent-ils (les fourbes).

Mon hypothèse était que les gens avaient tendance à se situer plus bas dans la hiérarchie des salaires. En commentaire, Julien renvoie
vers un billet qui montre que mon hypothèse n’était pas la bonne : la perception de
notre place dépend de notre place effective. Pour le dire autrement et plus précisément : les riches se pensent plus bas qu’ils ne le sont, les pauvres se pensent plus haut qu’ils ne le sont.
Bref, tout le monde se pense dans la moyenne. Preuve en image :


perceptionrevenu.jpg

En grisé le décile de revenu perçu, en blanc cerclé de noir, le décile effectif.

C’est grave docteur? Plutôt, oui. Comme le
montrent les auteurs
de l’étude cité dans ce billet, le fait que les gens se situent dans la moyenne les rends plutôt réticents à toute politique de redistribution. Lorsqu’ils sont informés
de leur situation effective, ils y sont plus favorables.

Attention, il s’agit d’une étude sur données argentines. Je serais curieux de voir ce que ça donne pour la France. Appel à Laurent Denant-Boemont, donc : vous ne pourriez-pas mener une petite expérience similaire?

Inégalités de patrimoine et de revenu

Doocument intéressant de l’Insee sur les
inégalités de patrimoine et leur évolution entre 2004 et 2010.

Si l’on ne regarde que le revenu disponible, les 10% les plus riches ont un revenu disponible 4,2 fois supérieur à celui des 10% les
plus pauvres. En termes de patrimoine, le ratio n’est pas de 4,2, mais de 205.

On y apprend également que ce ratio a aougmenté de 30% entre 2004 et 2010.

Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, de l’urgence d’une réforme fiscale en France.

Le modèle Allemand

15,6% des femmes allemandes sont obèses (Indice de Masse Corporelle supérieur à 30) contre 12,7% des femmes françaises. Pour les
hommes, les chiffres sont respectivement de 16,1% et 11,7%. Pas top le modèle allemand. Bon, le modèle britannique est pire : 23,9% pour les femmes, 22,1% pour les hommes.

La même étude
montre que l’obésité augmente avec l’âge et diminue quand le niveau d’éducation augmente.

Bon, je vais me refaire un sandwich au foie gras…

Présidentielle 2012 : conseil de lecture

A l’approche des éléctions 2012, je ne peux que conseiller de suivre assidûment les blogs d’économistes, de sociologues et de juristes
(voir par exemple la blogroll à gauche de l’écran), qui ne manqueront pas de décrypter les propositions des uns et des autres.

 

Je conseille également, et c’est l’objet du petit billet du jour, de suivre le blog
de Jean Véronis
, Professeur de linguistique et d’informatique, qui s’amuse souvent à produire des statistiques sur les mots utilisés par nos politiques. Dernier exemple en date, les critiques de l’UMP vis-à-vis d’Hollande, accusé de vouloir “réenchanter le rêve
français”. Il ne faut pas faire rêver les français, nous dit-on, mais les rappeler à la réalité, ce que ne manque pas de faire Nicolas Sarkozy, dixit l’incontournable Jean-François Copé : “Il ne
ré-enchante pas le rêve mais éclaire le chemin des Français ainsi que la raison profonde de son action et de sa mission”.

 

Jean Véronis est donc aller chercher des éléments de preuve de cet ancrage dans la réalité de notre Président, en s’appuyant sur les
discours de la dernière campagne présidentielle, en dénombrant le nombre de fois où les mots “rêves” ou “rêver” sont cités (en proportion du nombre de mots cités, bien sûr). Résultat des courses
:

 

sarkozy-reve

Les chercheurs sont globalement des gens pénibles…

êtes-vous riche ou pauvre?

Animation sympathique de l’Observatoire des Inégalités pour se situer
dans l’échelle des salaires en France. Il suffit de cliquer sur l’image ci-dessous, d’indiquer votre salaire mensuel net, puis de valider. Vous découvrirez la part des salariés qui gagnent moins
que vous.

Mon hypothèse : la plupart des salariés pensent être plus bas dans la hiérarchie des salaires. Petite exercice pour valider/invalider
cette hypothèse : postez si vous le voulez bien un commentaire en indiquant seulement “plus bas”/”plus haut”/”bonne place” selon que vous pensiez être plus bas dans la hiérarchie, plus haut, ou à
la bonne place. Jeu sans obligation d’achat.


logopagesalaire.jpg

TVA anti-délocalisation

Les élections présidentielles 2012 approchent. L’occasion d’entendre des propositions innovantes, peut-on espérer.

Pas vraiment en fait… Pour preuve, l’interview de Jean Arthuis au Monde, qui nous exhorte à oser le débat sur la TVA anti-délocalisation. Bon, je pourrais écrire un article pour dire ce que j’en pense, mais c’est plutôt inutile : billet déjà fait il y a 4 ans, intitulé “La TVA sociale anti-délocalisation anti-chomage non inflationniste qui va faire payer les méchants étrangers”.

Je la pressens reposante pour les économistes blogueurs, cette campagne 2012 : il nous suffira juste de poster des liens vers des billets d’il y a 5 ans!

L’insertion professionnelle des diplômés de l’Université

Le Ministère a publié tout un ensemble de statistiques
sur l’insertion professionnelle des diplômés de l’Université. Les personnes interrogés sont les sortants de 2008, il s’agit donc d’une évaluation 30 mois après la sortie du système
éducatif.

On apprend ainsi que, France entière, les titulaires d’un DUT ont un taux d’insertion de 91%, que la part des emplois stables est de
73% et que la part des cadres/professions intermédiaires est de 59%.

Pour les titulaires d’un Master, les chiffres sont respectivement de 91% (même taux), 74% (+1 point) et 89% (+30 points).

Pour les titulaires d’un Master en Economie, enfin, ils sont de 92% (+1 point par rapport à l’ensemble des masters), 76% (+2 points) et
88% (-1 point).

Vous trouverez sur le site des résultats encore plus précis par Université, discipline, etc.

A noter que le
Point n’a pas pu s’empêcher
de bâtir un classement sur la base de ces chiffres, ce qui ne rime à rien, ne serait-ce qu’en raison du fait que les publics accueillis dans les Universités et les
marchés régionaux du travail diffèrent fortement d’un endroit à l’autre. Mais bon, c’est vendeur…

 

[Mise à jour : comme conseillé par Anne Lavigne en commentaire, lire sur le classement du Point ce billet de Pierre Dubois]

Chômage des jeunes : où est la spécificité française?

Dans « La machine à trier », Cahuc et al. s’inquiètent, dans le premier chapitre, du taux de chômage des jeunes français :

« fin 2010, le taux de chômage des 15-24 ans atteignait 24% contre 8,5% pour les 25-49 ans. Le rapport est donc d’un à trois. (…) Certes, les jeunes rencontrent des difficultés d’insertion dans l’emploi dans de nombreux pays (…) [mais] en 2009, le taux de chômage des jeunes n’était « que » d’une fois et demie celui des adultes en Allemagne, deux fois au Danemark, aux Pays-Bas, en Suisse, au Canada, aux Etats-Unis, et même en Espagne, et non trois fois comme en France » (p. 15-16).

J’ai été plutôt surpris en lisant ce passage, qui semble indiquer une vraie spécificité française. Je me suis donc empressé de collecter des données complémentaires sur Eurostat, de faire quelques calculs, qui conduisent non pas à infirmer ce qui est dit par les auteurs, mais à préciser le diagnostic dans un sens cohérent, d’ailleurs, avec ce qu’ils développent dans les autres chapitres.

Premier point, j’ai collecté des données pour un ensemble plus large de pays européens, en calculant d’une part le taux de chômage des 15-24 ans et d’autre part ce taux rapporté au taux des 25-64 ans.

Pays taux jeunes jeunes/25-64 ans
Belgique 22.4 3.20
Danemark 13.8 2.23
Allemagne 9.9 1.48
Irlande 27.8 2.34
Grèce 32.9 2.96
Espagne 41.6 2.31
France 23.7 2.89
Italie 27.8 3.97
Luxembourg 15.8 4.16
Pays-Bas 8.7 2.35
Autriche 8.8 2.38
Suède 25.2 4.27
Royaume-Uni 19.6 3.38
Union européenne à 15 20.4 2.46

On retrouve le ratio d’environ 3 pour 1 pour la France et de 1,5 pour 1 pour l’Allemagne. Mais on observe que d’autres pays souffrent de rapports équivalents, voire supérieurs, à celui de la France : la Belgique, le Royaume-Uni, le Luxembourg et la Suède. On remarque ensuite qu’un ratio élevé peut s’accompagner d’un taux de chômage des jeunes inférieur à la moyenne européenne (cas du Royaume-Uni) et que, symétriquement, un ratio plus faible peut s’accompagner d’un taux de chômage beaucoup plus fort (cas de
l’Espagne). La simple présentation du ratio peut donc être trompeuse, car la situation Espagnole, notamment, peut être considérée comme moins préférable à celle de la France, alors que le ratio espagnol est inférieur au ratio français.

Deuxième complément, plus important sans doute. Le taux de chômage des jeunes est toujours à prendre avec précaution, car la part des jeunes actifs est beaucoup plus faible que la part des actifs dans la population d’ensemble, ceci pour tous les pays, pour une raison évidente : nombre de jeunes sont en étude (les étudiants ne sont pas considérés comme actifs). Plutôt que de calculer le taux de chômage des jeunes, on préfère donc souvent calculer la part des jeunes au chômage.

Ces différents indicateurs peuvent être mis en évidence grâce à une décomposition comptable du taux de chômage. Notons u le taux de chômage, a le taux d’activité (rapport de la population active sur la population totale) et p la part des personnes au chômage (rapport du nombre de chômeurs sur la population totale). On montre facilement que u=p/a. En procédant comme Cahuc et al., on peut rapporter les indicateurs des 15-24 ans aux indicateurs de la classe d’âge supérieure (25-64 ans), pour travailler sur des ratios et effectuer des comparaisons entre pays. En notant x(j) l’indicateur jeunes et x(v) l’indicateur « vieux », on obtient : u(j)/u(v)=(p(j)/p(v))*(a(v)/a(j)).

Dans le cadre de comparaison entre pays, on peut donc voir, dans les écarts entre ratios globaux (u(j)/u(v)), ce qui relève d’une problématique essentiellement « marché du travail » (côté p(j)/p(v)) et ce qui relève d’une problématique essentiellement « formation/éducation » (côté a(v)/a(j)). Voici ce qu’on obtient pour les pays de mon échantillon :

Pays u(j) u(j)/u(v) a(j)/a(v) p(j)/p(v)
Belgique 22.4 3.20 0.45 1.43
Danemark 13.8 2.23 0.75 1.66
Allemagne 9.9 1.48 0.62 0.92
Irlande 27.8 2.34 0.67 1.57
Grèce 32.9 2.96 0.60 1.79
Espagne 41.6 2.31 0.72 1.66
France 23.7 2.89 0.54 1.57
Italie 27.8 3.97 0.63 2.52
Luxembourg 15.8 4.16 0.29 1.23
Pays-Bas 8.7 2.35 0.64 1.51
Autriche 8.8 2.38 0.60 1.44
Suède 25.2 4.27 0.65 2.77
Royaume-Uni 19.6 3.38 0.72 2.42
Union européenne à 15 20.4 2.46 0.65 1.60

On observe alors que la part des jeunes au chômage relativement à la part de la tranche d’âge supérieure, est, en France, inférieure à la moyenne des pays de l’Union à 15. Elle est notamment inférieure au ratio de l’Espagne ou du Danemark pris en exemple dans l’ouvrage. En revanche, le ratio « taux d’activité » de la France est l’un des plus faibles de mon échantillon, seuls la Belgique et le Luxembourg ayant des ratios plus faibles. C’est donc plutôt de ce côté-là qu’il convient de s’interroger. A ce titre, on peut penser que l’organisation du système éducatif français n’est pas étrangère à ce résultat : survalorisation de la voie générale, dévalorisation des filières d’apprentissage, objectif d’amener un maximum de jeunes au bac, etc. Pas sûr que cette organisation soit la plus efficace qui soit…

Présidentielle 2012 : la question Jeunes

La campagne présidentielle 2012 s’amorce. L’occasion de parler de sujets importants, des réformes structurelles dont la France a besoin.

Dans cette perspective, une première lecture incontournable, dont j’ai déjà parlé ici, est l’ouvrage de Landais, Piketty et Saez. La France souffre d’un système fiscal injuste, réformer ce système permettrait d’une part de tendre vers plus de justice sociale et d’autre part de se doter de marges de manœuvre pour financer des dépenses publiques utiles.

Un deuxième ouvrage, qui aborde une autre thématique essentielle, vient d’être publié : « la Machine à trier », co-écrit par Cahuc, Carcillo, Galland et Zylberberg. Il pose la question de la jeunesse française, coupée en deux, avec, d’un côté, des jeunes diplômés qui s’en sortent bien et, de l’autre, des jeunes non ou faiblement diplômés, condamnés à vie.

Dans ce petit ouvrage d’environ 140 pages, les auteurs commencent par montrer que le problème ne réside pas dans une opposition jeunes/vieux. Ceux qui souffrent sont les jeunes non diplômés, le diplôme étant en France le sésame incontournable et définitif pour accéder à un emploi stable de qualité. Ils démontrent ensuite que ce problème des jeunes non diplômés n’est pas lié à leurs caractéristiques intrinsèques (ils sont fainéants, asociaux, etc.) mais à la conjugaison de dysfonctionnements dans les familles, à l’école, sur le marché du travail et dans le système de protection sociale.

Le système éducatif français est un système qui « fait émerger une petite élite sans se soucier vraiment de ceux qui restent sur le bord de la route » (p. 85) (…). « En France, le diplôme n’est pas conçu comme un investissement en capital humain qui permet de mieux se vendre sur le marché du travail (…) c’est un titre, l’équivalent d’un titre de noblesse, qui confère des droits et ouvre l’accès à une place donnée dans la hiérarchie sociale » (p. 94). Le marché du travail ne permet pas de corriger ces inégalités premières : les jeunes sans diplômes sont notamment ceux qui profitent le moins de la formation professionnelle et de dispositifs d’accompagnement.  Le système de protection sociale français les laisse également de côté, puisque, contrairement à de nombreux pays, ils ne peuvent bénéficier de l’assistance sociale (pas de Rmi ni de RSA avant 25 ans dans la plupart des cas).

Le diagnostic dressé par les auteurs, c’est une des forces de cet ouvrage, est abondamment documenté par un ensemble de statistiques et de comparaisons internationales. Du diagnostic dressé, ils déduisent logiquement un ensemble de préconisations en termes d’action publique, en insistant sur les réformes à introduire sur le marché du travail et dans le système éducatif.

Réformes qui coûteront chers et que la situation des finances publiques pourrait contrarier. Sauf que, comme ils le précisent en conclusion, « on trouve chaque année 5 milliard d’euros pour défiscaliser les heures supplémentaires sans effet sensible sur la durée du travail, et trois autres milliards pour baisser la TVA dans la restauration sans effet démontré sur l’emploi. Investir dans l’avenir de notre jeunesse semble bien plus prioritaire ». Au-delà de ces deux points, on est en fait renvoyé à la lecture du premier ouvrage indiqué dans ce billet : une réforme fiscale rapidement mise en œuvre permettra de se donner des marges de manœuvre pour traiter des problèmes essentiels. Le problème traité dans cet ouvrage est à l’évidence l’un de ceux-là.