Faut-il créer des Masters Développement Durable en Sciences Sociales?

A l’évidence oui, me direz-vous : le développement durable, la croissance verte, c’est notre avenir. D’ailleurs,
nombre d’Universités et d’Ecoles ont déjà créé des formations dans ce domaine. Pas sûr, pourtant, que ce soit une bonne chose…


Si l’on en croît, d’abord, le Hors-Série Poche n°42 d’Alternatives Economiques, titré « 30 idées reçues sur
l’emploi et les métiers ». Idée reçue n°9 (€) : « le
développement durable va créer beaucoup d’emploi ». Petit résumé :

En modifiant nos modes de vie, le passage à une économie soutenable réorientera en profondeur l’activité de
nombreuses filières industrielles du bâtiment, etc. Mais là encore, plus qu’à l’apparition de nouveaux métiers, c’est à la transformation de ceux qui existent déjà que nous devrions
assister.


Même constat dans cette note du Centre d’Analyse
Stratégique. Extrait :

Quelle que soit l’ampleur de la création nette d’emplois, la croissance verte ne va pas susciter en masse de nouveaux
métiers, mais va essentiellement contribuer à faire évoluer les emplois existants voire traditionnels. En effet, la plupart des créations d’emplois recensées par les différentes études reposent
sur des emplois du bâtiment, des transports, où il s’agit, d’après les professionnels eux-mêmes, de mettre en œuvre les savoir-faire et gestes professionnels fondamentaux. Ce constat vaut aussi
pour certains emplois directement environnementaux. La majorité des emplois créés dans les énergies renouvelables par exemple, sont des emplois non spécifiques de comptables, d’analystes
informatique, d’avocats, etc. (…) Pour l’essentiel, les compétences « vertes » viennent ainsi compléter des aptitudes techniques sectorielles qui demeurent essentielles aux yeux des
professionnels des filières concernées et qui doivent elles-mêmes être maintenues ou renforcées. (…) Ce panorama impose une évolution des formations initiales, qui doivent incorporer le
développement durable plutôt que la création de nouvelles formations. (Graissé par moi).


Conclusion ? Si le développement durable vous intéresse, cherchez plutôt une formation dans un domaine existant
(développement économique local, stratégie des firmes, banque/finance, ntelligence économique, politiques publiques, marketing, management, etc.), vérifiez que le contenu de ces formations
incorpore cette dimension « développement durable », en accentuant éventuellement votre spécialisation via le choix de votre stage.

ps : marre de voir des étudiants céder à des effets de mode, pas envie qu’ils foncent tête baissée dans des impasses.
Je peux me tromper : je suis preneur de tout contre-argument crédible.

Votre bonne résolution de 2011 (interview France Inter : mise à jour)

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Le lien vers l’émission : ça
commence après 3’40. A noter les propos de Christian Chavagneux (invité du jour) suite aux portraits : il ne lit pas les blogs d’économistes français mais il a un avis dessus… (il n’y pas pas
grand chose en termes d’idées et d’analyses, ils ne sont pas dans l’actualité, trop universitaires, etc.).

Comme vous avez tous pris de bonnes résolutions pour 2011, je ne doute pas que vous serez debout dès 9h11 samedi 1er janvier 2011, pour
écouter sur France Inter l’émission Carrefour de l’Eco. Au sommaire, notamment : portraits de blogueurs par
Véronique Julia. Avec les Econoclastes (Alexandre Delaigue je crois),
les Ecopublix (Julien Grenet je ne sais pas qui) et moi-même. Questions sur “depuis
quand”, “pourquoi”, “quelle influence”, etc. Pas sûr d’avoir dit des choses intéressantes, mais les tôliers d’à côté, sûrement!

Si jamais vous n’êtes pas encore debout, vous pourrez toujours l’écouter après coup, mais bon, ce serait pas très sérieux…

Bonne année à tous d’ici là!

Rémunération des administrateurs

Chez Saint-Gobain, les administrateurs sont tellement compétents que, même quand ils ne siègent pas au conseil
d’administration, ils perçoivent 25 600€ par an. Gilles Pélisson, idem : directeur d’Accor, il siège chez Bic et TF1, perçoit 53 500€ l’année pour ces deux mandats, mais explique que “les
réunions du Conseil d’administration de TF1 demandent peu de préparation et durent deux heures en moyenne
“. Plein d’autres exemples aussi croustillants dans cet article de l’expansion… Il est beau,
le petit monde des dirigeants des grandes entreprises françaises

Internet et les industries culturelles

Le CREDOC vient de publier une étude très intéressante sur les
pratiques culturelles des ménages, en comparant les connectés et les non connectés à Internet (trouvé via Denis
Colombi
).

Le postulat de base à interroger pourrait être le suivant : les internautes sont enfermés dans leur monde, ils ne lisent plus, ne
sortent plus, etc. Pire : ils piratent allègrement les DVD, CD, etc, ce qui plombe l’industrie culturelle.

Les résultats invalident ce genre de proposition. Premier résultat sous forme graphique, qui montre que les internautes consomment plus
de produits culturels que les non internautes :


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Bien sûr, une question se pose : cette sur-consommation s’explique-t-elle par le fait d’être connecté, ou par d’autres caractéristiques
“cachées” des connectés (plus riches, plus urbains, plus diplômés, plus jeunes, etc.)? L’étude du CREDOC répond également à cette question, puisqu’ils ont neutralisé l’effet de ces
caractéristiques observables. On obtient alors ceci :


internet2.jpg

S’agissant des livres et des sorties, l’explication serait la suivante : “Pour les livres comme pour d’autres oeuvres culturelles,
l’effet propre d’Internet s’explique, en particulier, par le regain de visibilité dont jouissent les productions à tirages plus confidentiels. Pour les sorties culturelles, l’effet positif
d’Internet tient autant à l’élargissement de la visibilité de l’offre qu’au net accroissement de confort permis par l’information et la réservation à distance.”

4 minutes

C’est le temps que j’ai tenu à écouter not’président interrogé par Jean-Pierre Pernaut. Faut dire que ça a commencé fort
: interview d’une jeune diplômée d’école de commerce (ESG), domaine marketing-communication, qui est au chômage. Elle explique que les bac+5 se font piquer les postes par les bac+2. Jean-Pierre
Pernaud indique que le chômage des jeunes est un fléau, “1 jeune sur 4 est au chômage”. Not’Président acquiesce. En toile de fond, le taux de chômage des jeunes apparaît : 23,8% de chômeurs. Pas
loin de 25%, 1 jeune sur 4, donc. Il expique que c’est la faute aux 35 heures. Ca s’explique aussi, nous dit-il, par le fait que les formations universitaires sont trop éloignées des besoins des
entreprises (je rappelle que la jeune femme a fait l’ESG…). Quatre conneries inepties en 4 minutes, je me suis dis que ça suffisait. Je vous
laisse jouer au jeu des 4 erreurs…

L’affaire Proglio

Quelques remarques sur l’affaire Proglio :

“Proglio est très bien payé parce qu’il dispose de compétences rares” (Copé sur France
Inter
)  : faux. Même si l’on s’en tient à la ligne de défense la plus robuste du niveau de rémunération des dirigeants, développée par Landier et Gabaix, les fortes rémunérations ne traduisent pas de forts écarts de compétences, mais
plutôt de fortes capitalisations boursières. Dès lors que la capitalisation d’une entreprise est très élevée, un écart minime de compétence se traduit par des gains/pertes importants, d’où la
nécessité de rémunérer fortement ces faibles écarts. Il serait donc plus correct de dire : “Proglio est très bien payé parce qu’il dispose de compétences un tout petit peu plus élevées que les
autres candidats potentiels”. Et encore… L’argumentation de Landier/Gabaix a un peu de plomb dans l’aile (voir ici et ) : i) la relation qu’ils établissent marche pour certaines périodes, pas pour d’autres, ii) elle est
robuste pour certaines variables de taille, pas pour d’autres, iii) elle repose sur l’idée q’un dirigeant d’entreprise change tout, alors qu’on sait bien que la performance d’une entreprise
dépend avant tout de l’investissement que chaque salarié y met, et de la qualité des interactions entre ces salariés, plutôt que du pedigree du PDG.

“que voulez-vous, c’est la concurrence, c’est le marché qui veut ça” (Copé, même source, Lagarde à
l’Assemblée
) : faux.  Croire que le marché des dirigeants est un marché qui fonctionne bien est vraiment risible, surtout si on s’intéresse au cas de la France… Premier point : le
marché des dirigeants, contrairement à ce que disent nos politiques ou le Medef, n’est pas un marché global, il est encore très marqué géographiquement, avec une surreprésentation de dirigeants
français en France, de dirigeants américains aux Etats-Unis, etc. Croire qu’il faut rémunérer nos dirigeants français comme leurs concurrents étrangers pour éviter qu’ils ne s’expatrient est
donc erroné : on peut toujours les payer moins qu’à l’étranger, ils auront bien du mal à s’expatrier, personne n’en veut de toute façon… Deuxième point : dans certains pays (Royaume-Uni par
exemple), on fait appel à des chasseurs de tête pour recruter les meilleurs dirigeants ou membres des conseils d’administration. En France, on préfère la cooptation. C’est le règne des réseaux
sociaux, avec comme effet induit des performances plutôt médiocres des entreprises (cf. cet article de Kramarz et
Thesmar). Le marché des dirigeants d’entreprise est encastré socialement, pour reprendre les termes de Granovetter (1985), et même surencastré, d’où ses performances médiocres. Ce qui n’est pas
sans lien avec la sous-représentation des femmes, soit dit en passant : plutôt que d’imposer des quotas histoire de faire joli, il conviendrait plutôt de mettre fin à ce système de cooptation. Le petit monde de l’élite économique française se retrouve dans les différents conseils
d’administration des grandes entreprises et, en l’absence de contre-pouvoirs, les administrateurs/dirigeants s’octroient des rémunérations de plus en plus délirantes (voir ce billet). Troisième point : même sans ce jeu des réseaux sociaux, le marché des
dirigeants reste, dans tous les pays, un marché très étroit. On préfère piocher les dirigeants soit dans le marché des dirigeants déjà en place, soit, très souvent, via de la promotion interne.
Ceci afin de réduire le risque de l’erreur de casting. Ceci confère aux candidats un pouvoir de marché important, qui explique pour partie le niveau de leur rémunération.

Quelle solution? Franchement, la plus simple et la moins coûteuse est sans doute celle proposée par Askenazy : plafonner la rémunération des dirigeants. Et encore une fois, la géographie du marché des dirigeants permet de l’instaurer dans un pays, même si les autres
pays ne le font pas immédiatement.

Dernier point, sur le cumul des fonctions de Proglio. Il traduit selon moi la cohérence de Sarkozy qui, je l’ai déjà signalé, est obsédé par la taille : il veut de grandes universités, un grand
Paris, de grandes entreprises. Dans cette affaire, il cherche à constituer un champion national de l’énergie avec, à terme, une fusion Véolia, EDF, Areva. Bon, bien sûr, laisser Proglio à
cheval sur Véolia et EDF, ça fait des conflits d’intérêts et ça réduit la concurrence dans le secteur. Mais bon, la concurrence, on s’en moque, non? Et puis si c’est pour disposer d’un
mastodonte de l’énergie à l’échellle mondiale, ca vaut le coup, n’est-ce pas?

Festival filmer le travail

La deuxième édition du festival Filmer le travail aura lieu sur Poitiers entre le 28 janvier et le 6 février 2011. Toute l’information
se trouve ici. La première édition était vraiment très bien, la deuxième s’annonce également excellente! A noter, entre autres : i)
une journée sur l’évolution du travail dans les services publics (01/02), ii) une soirée police au travail (04/02), iii) un documentaire sur les profs de collège et lycée le 03/02 à
14h30, iv) la séance d’ouverture sur le passage en SCOP de l’entreprise Merceron (28/01 à
18h30).

Audimat des sciences sociales

Comme Jean Véronis et Denis Colombi, je m’amuse avec Google Ngram Viewer. J’ai
notamment testé les termes “économiste”, “sociologue” et “psychologue”, histoire d’évaluer l’audimat de sciences sociales s’intéressant aux comportements des individus. Voici le résultat :

socialscience-copie-1.jpg

Les économistes se sont fait doubler par les sociologues dans les années 1980 et par les psychologues dans les années 2000. Je vous laisse vérifier que les
résultats ne sont pas les mêmes quand on teste avec les termes
anglais
ou bien avec les termes en espagnol.

Une invitation à un peu plus de modestie des économistes (français).

PS : je ne sais pas ce que vaut cet outil, mais je trouve le résultat amusant…

Renault en Turquie

Pour comprendre la dynamique du secteur automobile, on peut bien sûr s’en remettre à un fin connaisseur. Je vous conseille plutôt de vous tourner vers le Gerpisa, initialement un réseau de chercheurs français spécialistes du secteur automobile, qui est devenu en 1992 le réseau international de
l’automobile. Vous trouverez sur le site tout un ensemble de ressources précieuses (inscription nécessaire (mais gratuite) pour accéder à certaines d’entre elles).
Le Gerpisa est également doté d’un blog,  sur lequel on trouve notamment la chronique hebdomadaire de Bernard Jullien, directeur du
Gerpisa. Dernier billet en date : “Derrière le psychodrame sur la Clio 4, la voie étroite de la défense du site France en
2010″
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