Sondage pour économistes : êtes-vous protectionniste moderne, libre-échangiste intégriste ou économiste ni-ni ?



Dans une interview pour Télérama, Emmanuel Todd propose de mettre en place un protectionnisme européen raisonnable. Pourquoi ? Afin de lutter contre la « montée d’un prolétariat chinois sous-payé », qui a « un effet gravement déflationniste sur les prix et les salaires des pays industrialisés ». Effet qui n’est pas près d’être enrayé, « car la Chine est un pays totalitaire ». Il convient donc d’ériger des « barrières douanières et des contingentements provisoire ». Dans un article de Libération, Marcel Gauchet, autre adepte du protectionnisme, justifie sa position par le fait que «nous sommes dans une période de transition ultrarapide qu’il faut réguler ». David Cayla (Paris 1), Bernard Gerbier (Grenoble 2 ), Jean-Luc Gréau et Edouard Husson (Strasbourg), Gérard Lafay (Paris 2) et Jacques SAPIR (EHESS) se rangent à leur côté, en dénonçant la mise « en concurrence des travailleurs dont les salaires varient de 1 à 20 ou 30 parfois, ainsi que la mise en concurrence « pure et parfaite » avec des pays qui justement refusent ces règles et pratiquent tous les dumpings et protections possibles et imaginables…. » (voir ce document). Ils dénoncent donc à la fois l’écart de salaires avec la Chine et le dumping fiscal et social de certains pays.

Selon eux, les économistes qui s’opposent à leurs propositions n’ont rien compris : ils sont « victimes du dogme du libre-échange » (E. Todd), ils usent « d’arguments d’autorité » dont Marcel Gauchet « a plus qu’assez ». Cayla et al. ajoutent qu’il est « indispensable de refuser le terrorisme intellectuel d’une poignée de clercs dont aujourd’hui l’ultime argument est de maudire les partisans du protectionnisme face à l’échec de plus en plus flagrant de leurs théories. » Dans cette perspective, ils lancent un « défi public à l’intégrisme libre-échangiste », et proposent « une confrontation égalitaire entre partisans d’un protectionnisme moderne et partisans du libre échangisme intégriste, afin que nos compatriotes puissent juger, en leur âme et conscience, du seul et véritable enjeu économique qui vaille la peine » (c’est moi qui souligne).

 Je ne souhaite pas ici commenter leur analyse. Philippe Martin l’a fait sur Libération ; Lionel Fontagné sur Telos-Eu. Jacques Sapir a répondu à Philippe Martin ici, Econoclaste a commenté sa réponse. Les arguments de Cayla et al. peuvent être consultés sur ce site. Je renvoie aussi aux billets que j’ai pu rédiger sur ce blog sur des sujets proches (par exemple celui posté sur La Campagne Déchiffrée). Libre à chacun de consulter les arguments des uns et des autres.

Je tiens simplement à dire qu’opposer des économistes protectionnistes modernes à des économistes libre-échangistes intégristes me semble quelque peu réducteur. Personnellement, je me qualifierai d’économiste ni-ni : ni protectionniste moderne, ni libre-échangiste intégriste.  Non pas  entre les deux, mais quelque part ailleurs dans l’espace (multidimensionnel!) de l’analyse économique.

Je dirai qu’un économiste ni-ni considère globalement que la mondialisation est un jeu à somme positive, qui permet de créer plus de richesses et d’emplois à l’échelle de la planète, mais que cette production de richesses et d’emplois produit des inégalités sociales et spatiales. Côté pays développés, ce sont prioritairement les personnes les moins qualifiées qui sont touchées. Ce sont prioritairement les régions périphériques qui sont affectées. D’où un appel répété, non pas à un "protectionnisme européen raisonnable", mais à des régulations, à différentes échelles de territoire (local, national, européen, mondial), afin d’accompagner les salariés et les territoires les plus exposés.

Pour avancer dans le débat d’une manière un peu originale, je propose aux économistes (enseignants d’économie de lycées, enseignants, enseignants-chercheurs ou chercheurs du supérieur) de se positionner dans la typologie proposée. Il leur suffit de m’envoyer un mail (avec "sondage" en objet) en précisant leur nom, prénom, fonction, établissement et surtout, bien sûr, leur positionnement : économiste tendance protectionniste moderne ? économiste libre-échangiste intégriste ? économiste ni-ni ? (Bien sûr, il peut y avoir des positionnements un peu intermédiaires/hybrides, l’idée est de se ranger dans la catégorie de laquelle on se sent le plus proche).

[Modif 8/07 12h30 : à la vue de certains mails, je précise que ceux qui le souhaitent peuvent être rangés dans deux cases (nini et libre-échangistes par exemple). J’inclus également, une catégorie "aucune des cases".]

Je mettrai en ligne régulièrement les statistiques sur la part de chaque catégorie. Ceux qui le souhaitent peuvent me demander dans le mail de mentionner leur nom sur le blog et leur catégorie d’appartenance. Toute personne jugeant cette initiative un tout petit peu intéressante est libre de diffuser autour de lui, auprès des économistes de son entourage!