Le sort de ce livre est entre vos mains

Du 1er au 31 octobre 2018, à la bibliothèque Michel Foucault, le livre du mois du Fonds ancien est consacré à La cartomancie ancienne et nouvelle ou Traité complet de l’art de tirer les cartes par Arthur Halbert d’Angers (17..-18..)

 

Diseuse de bonne aventure

 

L’auteur

Dans l’ouvrage Typographes et gens de lettres de Décembre-Alonnier (1864), le polygraphe et chansonnier Arthur Halbert d’Angers ou Albert d’Angers (17..-18..), est présenté ainsi : « Écrivain et poète, il est d’une fécondité prodigieuse et peut être appelé l’Alexandre Dumas de ce genre de littérature. Sa réputation est venue de la singularité de son nom qui le fit rechercher par les éditeurs de livres de colportage qui lui confièrent l’exécution de traités des songes, de magie, etc., qui, ornés de la signature d’Halbert d’Angers, pouvaient passer aux yeux des bonnes gens pour être l’œuvre d’un descendant du grand Albert… Il étudia d’abord la médecine. Après l’étude de la machine humaine, il passa à celle de l’horlogerie ; puis s’adonna à l’arquebuserie. Il fit aussi de la gravure. »

Halbert d’Angers a publié de nombreux ouvrages :

  •  Le chansonnier des amis de la gaîté (1851)
  •  Le chansonnier de la Guinguette ou Les délices des buveurs (1851)
  •  Les amours de Béranger : chansonnier nouveau (1856)
  •  Le favori des dames, chansonnier des villes et des campagnes (1857)
  •  Les échos de la gaité française, recueil de chansons, chansonnettes, romances anciennes et modernes (1858)
  •  Refrains joyeux : chansons nouvelles (1858)
  •  Trésor des chansons joyeuses et populaires, anciennes et nouvelles (1860)
  •  Le bon vivant ou La joie du foyer, choix des meilleurs chansons (1878)

L’œuvre

L’ouvrage du Fonds ancien énumère tous les systèmes connus pour interpréter les cartes (système français, égyptien, tarots…). Il détaille aussi les principes de lecture et d’interprétation des horoscopes, de la chiromancie (art d’interpréter les lignes et signes de la main), de la physiognomonie, de la phrénologie (étude du caractère d’un individu d’après la forme de son crâne), etc.

Chiromancie

Selon Halbert d’Angers, ce fut Etteilla seul qui mit au point la manière française de tirer les cartes. Jean-Baptiste Alliette (1738-1791), plus connu sous le nom d’Etteila (anagramme de Alliette), est l’auteur de livres sur l’art et le tarot divinatoire. Il inventa deux jeux divinatoires, le Grand Etteilla, ou tarots égyptiens de 78 cartes, et le Petit Oracle des dames, ou Petit Etteilla. Son Etteilla, ou Manière de se récréer avec un jeu de cartes (Amsterdam et Paris, 1770) est le plus ancien traité de cartomancie en Occident ; c’est grâce à cet ouvrage qu’Halbert d’Angers a été connu comme le premier « tireur de cartes » professionnel. Etteilla publia quelques années après, en 1772, un recueil astrologique (Le zodiaque mystérieux, ou Les oracles d’Etteilla).

Cartomancie

Halbert d’Angers décrit avec minutie et grandiloquence les deux jeux de tarots inventés par Etteilla. L’emphase est de mise dans de savoureux portraits intitulés « Horoscopes des hommes » et sous-titrés « Voyons le portrait de mon mari ». Octobre (le scorpion) sera ainsi « méchant en sa jeunesse, ce qui lui causera des ennemis… c’est pourquoi il sera pauvre. Il fera plusieurs voyages comme vagabond, il sera impitoyable, prendra une femme avec difficulté et aura du bien par adresse ; à la fin il sera en danger d’être tué ». De courts chapitres sont ensuite consacrés à la « physiognomonie ou l’art de juger des inclinations par l’inspection des traits de la figure », au « pronostic du docteur Melchisedech sur la destinée de chaque personne », à « l’alectromatie ou divination par le moyen d’un coq ». Halbert d’Angers termine son ouvrage comme il l’a commencé avec une adresse « aux jeunes personnes dans les pensionnats, les couvents, les réunions pour connaître le nom d’une personne bien chère, ou celle que l’on doit haïr », à travers deux méthodes « L’oracle des petits papiers » et « L’oracle de Vulcain ».

L’ouvrage est volontairement destiné, comme le précise l’avis, aux femmes : « Le sort de ce livre est entre les mains des dames ; ainsi, il est bien juste de leur dédier un ouvrage qui n’a pour but que d’interroger le sort sur ses secrets… Puisque l’amour et la tendresse ont fait naître la Cartomancie, ce devait nécessairement être chez le beau sexe qu’elle devait avoir accès».

La présente édition est ornée de nombreuses gravures sur bois dont le dessin exact des mains de l’Empereur Napoléon et de Joséphine de Beauharnais.

 

Lignes de la main

En conclusion

Au cours du XIXe siècle, de nombreux titres d’ouvrages, se voulant populaires ou non, se sont vendus par colportage. Parmi ces livres et ces opuscules bon marché édités en nombre, se trouvaient des guides pratiques de divination ordinaire, souvent associés à d’autres moyens de prédire l’avenir (marc de café, tarots, astrologie, etc.).

Halbert d’Angers livre ainsi une approche complète de ces différentes méthodes de divination. Et, comme il l’affirme dans un autre ouvrage paru en 1857, L’oracle des dames et des demoiselles, « le temps de l’incrédulité est passé. Des choses si merveilleuses ont été produites de nos jours par les savants qui s’occupent des sciences occultes, qu’en présence de ces prodiges si souvent renouvelés le doute n’est plus permis, et l’on sent que l’esprit humain est encore loin d’avoir atteint l’élévation et la perfection auxquelles il doit parvenir. »

 

Pour aller plus loin :

 

 

La Perse vue de France au Siècle des Lumières

Voyages en Perse, et autres lieux de l'Orient / Jean Chardin.- Paris : André Cailleau, 1723 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Up 40)

Voyages en Perse, et autres lieux de l’Orient / Jean Chardin.- Paris : André Cailleau, 1723 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Up 40)

Jusqu’au 30 septembre, à la BU Michel Foucault, dans le cadre d’une manifestation organisée par Les Clés de Notre-Dame et intitulée « La Perse à Poitiers », sont exposés quelques ouvrages montrant l’intérêt, voire la fascination, de la France pour la Perse à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle.

Les premiers contacts entre la France et la Perse, devenue « Iran » en 1934, sont établis au Moyen Âge. Mais c’est sous Louis XIV, grâce à Colbert, que de vrais liens politiques et commerciaux sont établis. La création de la Compagnie des Indes orientales (pour les régions à l’est du Cap de Bonne-Espérance) permet d’envoyer en 1665 une mission auprès du shah de Perse, qui veut bien signer un traité de commerce. Mais aucune suite n’est d’abord donnée à son offre, malgré les efforts de Colbert, puis de Pontchartrain. Une nouvelle ambassade est envoyée par la France en 1705. En 1708, un traité de commerce, portant sur les douanes, est négocié. En 1714, à la fin de la Guerre de succession d’Espagne, la Perse envoie un ambassadeur pour essayer de réveiller les relations avec la France. Ce personnage inspire Montesquieu pour ses Lettres persanes et Voltaire pour Zadig. Après d’habiles négociations de part et d’autre, un nouveau traité est signé en 1715. Mais la France ne souhaite pas s’investir militairement et, au retour de l’ambassadeur après une longue absence, des changements ont eu lieu en Perse. En 1794, Agha Mohammad Khan Kadjar, fondateur d’une nouvelle dynastie qui règne jusqu’en 1925, monte sur le trône. La Perse subit une agression russe, mais la France, après avoir hésité, ne vient pas en aide à la Perse. Lire la suite

De riches gravures polysémiques

Emblemata / André Alciat - Paris : Jérôme de Marnef et Veuve Guillaume Cavellat, 1583 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, XVI 688)

Emblemata / André Alciat – Paris : Jérôme de Marnef et Veuve Guillaume Cavellat, 1583 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, XVI 688)

Lundi 24 septembre à 18h et jeudi 27 septembre à 12h, au Fonds ancien, Pierre Martin (Maître de conférences à l’UFR Lettres et langues de l’Université de Poitiers) anime une Heure du Livre ancien consacrée aux livres d’emblèmes. L’entrée est libre et gratuite, mais il est nécessaire s’inscrire (05 49 45 32 91 ou FondsAncien@univ-poitiers.fr). 

Selon la sixième édition du Dictionnaire dit de Trévoux (Paris, 1771), l’emblème, toujours composé d’une image et d’un texte, est « un symbole fait pour instruire et qui regarde en général tout le monde ». Il a deux valeurs principales : comme un miroir qui reflète les qualités, mais aussi les faiblesses de celui qui le regarde, il a une fonction morale et, comme une médaille qui réunit, de manière organisée et souvent frappante, sur un petit espace plusieurs symboles ou informations, il a un rôle mnémotechnique. Lire la suite

D’étonnants ex-libris découverts au Fonds ancien (3/3)

Photo d’Auguste Dubois (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien)

Difficile de dire ce qui surprit le plus les bibliothécaires du Fonds ancien : découvrir les ex-libris superposés de Madame Sabatier et d’Alfred Mosselman, son amant, ou faire cette trouvaille au sein du Fonds Dubois !

Auguste Dubois (1866-1935)

L’enseignant à l’origine du Fonds Dubois

Chargé de cours à la Faculté de droit de Lille en 1896, Émile Marie Félix Auguste Dubois enseigna à la Faculté de Poitiers à partir de 1899, comme chargé de cours d’économie politique, puis, entre 1908 et 1935, comme professeur d’histoire des doctrines économiques et économie politique. À son décès, il légua sa bibliothèque de travail –  plus de six mille ouvrages et brochures – à l’Université de Poitiers, où elle constitue aujourd’hui le noyau du Fonds Dubois, conservé au Fonds ancien.

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D’étonnants ex-libris découverts au Fonds ancien (2/3)

Une collection de récits de voyages imaginaires abritant deux ex-libris superposés, de personnes ayant entretenu une relation amoureuse pendant une dizaine d’années, tel est le genre de découverte que l’on peut faire au Fonds ancien !

Les 17 premiers volumes (sur 36) des Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques / [éd. par Charles-Georges-Thomas Garnier].- Amsterdam [i.e. Paris], 1787-1789 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FD 1511)

 

Cette collection, ce sont les 36 volumes des Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques, publiés entre 1787 et 1789, et les ex-libris, celui d’Alfred Mosselman, objet d’un précédent billet, et de Madame Sabatier, évoquée dans celui-ci.

Un troisième billet est consacré à Auguste Dubois, entré en possession de ces exemplaires, légués après son décès à l’Université de Poitiers, où il enseignait.

 Aglaé Joséphine‎ Savatier, dite Apollonie Sabatier (1822-1890), Madame Sabatier ou la Présidente

L’égérie des artistes et des écrivains Lire la suite

D’étonnants ex-libris découverts au Fonds ancien (1/3)

Quelle n’a pas été la surprise des bibliothécaires découvrant deux ex-libris superposés, celui de Madame Sabatier et dessous, visible par transparence, celui d’Alfred Mosselman, son amant !

Ex-libris de Madame Sabatier et d’Alfred Mosselman au tome 23 des Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques / [éd. par Charles-Georges-Thomas Garnier].- Amsterdam [i.e. Paris], 1787-1789 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FD 1511-23)

 

 Ces ex-libris ont été trouvés sur la garde collée d’ouvrages parus entre 1787 et 1789 dans la collection Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques. Les trente-six volumes qui constituent cet ensemble portent tous ces deux ex-libris, à l’exception du quatorzième, où ils ont visiblement été ôtés.

Ces exemplaires sont parvenus entre les mains d’Auguste Dubois qui à sa mort, en 1935, les légua, ainsi que le reste de sa bibliothèque, à l’Université de Poitiers, où il enseignait. Ils sont à présent conservés au Fonds ancien.

Alfred‎ Mosselman‎ (1810-1867)

L’homme

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De l’écriture cunéiforme à l’invention de l’imprimerie

Contrat archaïque sumérien concernant la vente d’un champ et d’une maison Shuruppak, inscription pré-cunéiforme, 2600 av. J.-C. Paris, Musée du Louvre

Marie Godard, en L1 à l’UFR de Lettres et Langues à l’Université de Poitiers, a fait un stage de deux semaines au Fonds ancien. Elle nous propose un parcours historique, de la naissance de l’écriture à la fin du XVe siècle…

La Mésopotamie, berceau de l’écriture

Au cours du septième millénaire avant notre ère, les mésopotamiens utilisent des jetons en argile (calculi) Lire la suite

Flore médicale

Du 1er au 22 juin 2018, dans le hall de la BU Lettres, le Livre ancien du mois est consacré à la Flore médicale, écrite par Chaumeton, Poiret et Chamberet. L’ouvrage est habituellement conservé au Fonds ancien.

Flore médicale / décrite par MM. Chaumeton, Poiret, Chamberet ; peinte par Mme E. P. et par J. Turpin. – Paris : C. L. F. Panckoucke, 1828-1832 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, MED 573-01)

 

La Flore médicale est la flore du Dictionnaire des sciences médicales, ouvrage en soixante tomes, publié de 1812 à 1822 par le même éditeur, Charles-Louis-Fleury Joseph Panckoucke. Elle traite de chacune des 350 plantes qui font l’objet d’une entrée dans le Dictionnaire, dont elle adopte le classement alphabétique. Avec ses planches et sa description botanique plus développée, elle complète le Dictionnaire qui insiste davantage sur les aspects thérapeutiques des plantes, également abordés dans la Flore. Les souscripteurs du Dictionnaire bénéficiaient d’un tarif préférentiel pour l’acquisition de la Flore dont la première édition parut sous forme de livraisons de 1814 à 1820. Les deux titres connurent un très grand succès. Lire la suite

Gustave Doré illustre la Divine Comédie (2/2)

Ce billet complète celui du 9 mai 2018, consacré à Dante Alighieri et la Comédie, ainsi qu’à leur influence jusque vers les années 1860.

Gustave Doré (1832-1883) et La Divine Comédie

Quand, en 1861, Gustave Doré publia L’Enfer de Dante, il avait déjà illustré Rabelais (1854), les Contes drolatiques de Balzac (1855), Le Juif errant (1856) et fourni des caricatures lithographiques au Journal pour rire (1847-1850).

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Gustave Doré illustre La Divine Comédie (1/2)

Du 2 au 31 mai 2018, dans le hall de la BU Lettres, le Livre ancien du mois est consacré à La Divine Comédie de Dante, illustrée par Gustave Doré. Elle est habituellement conservée au Fonds ancien.

Dante Alighieri (1265-1321) et la Comédie

Perdu dans une forêt obscure (celle de l’erreur, du péché ?) le Jeudi Saint de l’an 1300, Dante doit traverser, vivant, l’Enfer et le Purgatoire, guidé par le poète Virgile. Il accède finalement au Paradis, sous la conduite de Béatrice, la femme aimée, qui siège parmi les bienheureux, près de Dieu. Telle est sommairement la trame de La Divine Comédie, l’ouvrage le plus célèbre de Dante Alighieri et sans doute de la littérature italienne. Le florentin appelait son œuvre, aux styles mêlés, en langue vernaculaire et au dénouement heureux, Comedia (ou Commedia). Boccace, le plus illustre de ses biographes, la qualifia de « divina », épithète intégrée au titre dans la seconde moitié du XVIsiècle. Lire la suite