Des quotas en classe préparatoire pour les meilleurs élèves…

Je découvre dans le Monde que François Hollande propose de fixer des quotas pour permettre un plus large accès aux classes préparatoires. Extraits :

“Dans tous les lycées de France, quels qu’ils soient, une part des élèves de terminale devront aller dans les classes préparatoires aux grandes écoles sans qu’il y ait de système particulier. Ça peut être 5 à 6 % des élèves”.

(…) Cette mesure est inspirée d’une proposition de loi défendue en 2005 entre autres par le député de l’Essonne Manuel Valls, qui proposait que “les meilleurs élèves de chaque lycée de France auraient un droit d’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles et aux premières années des établissements qui sélectionnent à l’entrée (Instituts d’études politiques ou Dauphine par exemple)”, en fixant le poucentage de ces élèves à 6 %.

Je vous avoue qu’à chaque fois que je lis ce type de propos, les bras m’en tombent… C’est que, vous comprenez, je suis prof à l’Université, alors entendre qu’il faut que les meilleurs élèves aillent dans les grandes écoles ou dans les établissements qui sélectionnent à l’entrée, parce que quand même c’est tellement mieux, c’est à pleurer… Le problème, c’est que notre élite politique, de droite comme de gauche, est issue de ces grandes écoles. Comment, dès lors, attendre qu’ils fassent bouger le système ?

Une suggestion? Lisez les travaux des chercheurs. Sur le sujet évoqué dans l’article, je vous conseille cet article de Marie Duru-Bellat et Annick Kieffer, très complet. Je vais reprendre la conclusion, tiens, car on dirait que c’est une réponse à l’article du Monde…

Promouvoir l’égalité des chances ne peut se limiter à jouer à la marge sur les processus de sélection dans les filières d’« élite » par différents systèmes de discrimination positive (comme les procédures d’admission spéciale pour les élèves des lycées défavorisés) alors que, par définition, celles-ci resteront toujours quantitativement restreintes.

Il conviendrait de jouer bien en amont, sur les inégalités de réussite précoce et donc sur les chances d’accéder aux voies scolaires les mieux adaptées à ces filières (en l’occurrence l’accès aux baccalauréats généraux). De multiples actions en aval sont bien sûr concevables, telles que favoriser les formations tout au long de la vie qui sont, en France, particulièrement rares, ce qui donne encore plus de portée aux inégalités scellées très tôt dans l’éducation initiale.

Dis, l’ESSEC, c’est quoi un taux de chômage?

Dans la rubrique Economie du Monde, je découvre cet article, intitulé “« Jeunes diplômés : le grand défi du premier emploi », au Sénat le 12 mars”. C’est annoncé sur Le Monde, ça se passe au Sénat, c’est organisé par “Le Café de l’avenir et l’Executive MBA ESSEC & Mannheim”, nous dit-on.

Que du beau monde.

L’article commence par cette phrase :

Un rappel, d’abord, en guise de préambule : 23% des jeunes de moins de 24 ans sont aujourd’hui au chômage en France.

Je ne sais pas qui est le coupable : Le Monde? l’ESSEC? Le Sénat? L’article semble signé par l’ESSEC Business School. Donc je vais considérer que c’est l’ESSEC Business School qui est l’auteur de l’article. Ça claque, je trouve, l’ESSEC Business School (je sais, je me répète. La pédagogie, comme l’humour, se nourrit de répétition).

Dommage qu’ils ne savent pas ce que c’est qu’un taux de chômage, à l’ESSEC. Enfin, c’est surtout dommage pour ceux qui vont payer quelques milliers d’euros chaque année pour être diplômé de cette école (ce Mastère est à 16000€ par exemple).

Je dis ça, parce qu’un taux de chômage de 23% (c’est le taux de chômage des jeunes en France), ça ne veut pas dire que 23% des jeunes sont au chômage. Ça veut dire que 23% des jeunes actifs sont au chômage. Comme beaucoup de jeunes sont en étude (donc non comptés comme actifs), la part des jeunes au chômage est autour de 8%, non pas de 23%.

Sinon, à l’Université, l’année coûte beaucoup moins de 16000€. Je dirais au maximum de l’ordre de 300€. Ce que vous ne payez pas est payé par l’Etat. Et vous savez quoi? A l’Université, on sait ce que c’est, un taux de chômage…