Fin du jeu !

non, non, je ne parle pas du CPE ou du blocus des facs, mais du jeu concours "qui a dit".

C’est en fait dans une réponse au commentaire n°1 de son billet "que s’est-il passé vendredi à Matignon" que François Fillon s’est laissé aller à ce commentaire.

Comme certains l’ont souligné, la formule est ambigue. La suite de son commentaire l’est moins…
Voici le commentaire dans son intégralité :

"Pour obtenir plus de flexibilité il faut améliorer les sécurités comme l’ont fait les Danois, les Suédois ou même dans une moindre mesure les britanniques. Cela passe par une réforme profonde de l’indemnisation du chômage, du service public de l’emploi et la montée en puissance du droit individuel à la formation tout au long de la vie. Le risque de la situation actuelle n’est pas de continuer à discuter pour un jeu à somme nulle, il est de bloquer le pays et de donner le pouvoir à une gauche qui dépend de plus en plus d’une extrême gauche qui n’a rien à envier à l’extrême droite!"

Merci à tous les participants. Devant le succès de la formule, il faudra sans doute recommencer !

Les nouvelles géographies du capitalisme…

La date de parution des "nouvelles géographies du capitalisme" approche… Les éditions du Seuil viennent de mettre en ligne une présentation de l’ouvrage, ainsi qu’en extrait l’introduction.
N’hésitez donc pas à la parcourir et à me faire part de vos premières impressions si vous le jugez utile !

N’hésitez pas non plus à parcourir la présentation de l’ouvrage de Suzanne Berger qui vient de sortir chez le même éditeur (Made in Monde) et à visionner son interview. Le peu que j’ai pu en voir me laisse penser que les deux ouvrages sont complémentaires puisque nous parvenons à des conclusions globalement similaires, elle en partant d’interview et d’études de cas d’entreprises, moi en partant d’une analyse économique plus générale.

Bonnes lectures !

Qui a dit…?

Jeu-concours : qui a affirmé récemment :
"Pour obtenir plus de flexibilité il faut améliorer les sécurités comme l’ont fait les Danois, les Suédois ou même dans une moindre mesure les britanniques. Cela passe par une réforme profonde de l’indemnisation du chômage, du service public de l’emploi et la montée en puissance du droit individuel à la formation tout au long de la vie."

Je laisse une journée de réflexion (disons jusqu’à demain soir), si personne ne trouve je donnerais un indice supplémentaire…

(on s’amuse comme on peut en attendant que les cours reprennent…).

Poitou-Charentes : une région qui perd?

J’inaugure avec ce nouveau billet une rubrique Territoires directement liée à mes travaux de recherche. Avec un titre un peu provocant (?), car il ne sera question ni de l’ancien président de Région (Jean-Pierre Raffarin), ni de la nouvelle (Ségolène Royal), mais plutôt du problème des disparités spatiales observées en France. Comment mesurer ces disparités? Quels résultats obtient-on quand on les mesure? Quelle est la situation de Poitou-Charentes en la matière?

Des éléments de réponse particulièrement importants (pour l’ensemble du territoire) figurent dans l’article de Davezie et Veltz venant de paraître dans Le Monde. (voir également pour des compléments la contribution de Davezie au rapport du CAE sur l’Aménagement du Territoire). Que constate-t-on? Notamment que les disparités interrégionales en termes de niveau de vie sont particulièrement faibles. Pourquoi? Non pas en raison d’une capacité identique des régions à créer des richesses (les écarts sont cette fois substantiels, notamment, et pour l’essentiel, entre l’Ile de France et les régions de Province), mais grâce d’une part au jeu redistributif de l’Etat (les richesses créées dans une région sont prélevées pour partie par l’Etat et redistribuées aux habitants des régions "pauvres"), et grâce, d’autre part, aux fonctionnaires et aux retraités, qui représentent une part tout à fait importante des revenus de certains territoires alors qu’ils ne contribuent pas à la création de richesses (marchandes) de ces mêmes territoires…

Quid de Poitou-Charentes? La note de recherche que je viens de terminer montre que cette région n’échappe pas à la règle : le revenu par habitant de Poitou-Charentes rapporté au revenu par habitant de l’ensemble des régions de la Métropole est de 94%. Si on compare non pas aux 22 régions métropolitaines, mais aux 21 régions de Province, l’indicateur est de 99%. Autrement dit, le niveau de vie moyen en Poitou-Charentes est identique à celui observé en moyenne dans l’ensemble des régions de Province. Si l’on regarde maintenant non plus le revenu par habitant (indicateur de niveau de vie) mais le PIB par emploi (indicateur de productivité), on observe une sous-productivité de Poitou-Charentes de 13% vis-à-vis de la moyenne France entière, et de 5% vis-à-vis des régions de Province. On notera que l’écart s’accentue vis-à-vis de la moyenne France entière si l’on raisonne non plus en termes de PIB par emploi, mais en termes de PIB par habitant, l’écart passant de 13% à 17%. Pourquoi? Car en plus du problème de productivité, se pose un problème de niveau d’activité (Cf. la note de recherche pour des précisions).

Que peut-on en conclure? D’abord que les fonctionnaires et les retraités sont utiles à la société! Ensuite que le processus de décentralisation ne doit pas faire oublier le rôle essentiel de l’Etat-Nation en matière de résorption des disparités spatiales (localisation des fonctionnaires, redistribution des revenus). Enfin qu’il existe de vraies disparités en matière de création de richesse que la politique de Pôle de Compétitivité aura du mal à résorber… Mais c’est une autre histoire, sur laquelle e reviendrai ultérieurement…

Prévisions de croissance : compléments

Ceteris Paribus vient de poster un billet tout à fait intéressant sur les prévisions de
croissance, en réponse à mon propre billet sur “les prévisions de croissance du gouvernement sont-elles crédibles?“. Il montre à
juste titre que  les écarts observés s’expliquent plus par la difficulté de l’exercice que par une sorte d’opportunisme des gouvernants, avec un bémol quand même pour 2006 (la prévision du
gouvernement est significativement supérieure à celle des experts) et dans une moindre mesure pour 2005 (la prévision du gouvernement était aussi supérieure, mais dans une moindre mesure, à celle
des experts, les experts s’étant significativement trompés avec des prévisions trop optimistes). Voir aussi sur ce sujet  le dossier dans Enjeux – Les Echos de janvier 2006 : “pourquoi les
économistes se trompent (presque) toujours?”.

Pour compléter l’analyse, je me suis amusé (!) à construire la courbe des taux de croissance du PIB pour  la période 1997-2005 (source des données : Insee) :



De 1997 à 2000, le taux de croissance est plutôt sur une pente croissante, les experts et le gouvernement ont tendance à sous-estimer la croissance. De 2000 à 2003, le taux de croissance diminue,
les experts sur-estiment la croissance. 2004, le taux remonte, experts et gouvernements sous-estiment ; 2005, processus inverse…
Comment expliquer cela? J’attends vos propositions!

Nouvelle leçon !

nouvelle leçon d’économie sur le blog d’Alain Lambert :
"Quant aux comparaisons internationales, elles suggèrent qu’un degré de protection de l’emploi trop important développe un sentiment paradoxalement d’insécurité de l’emploi chez les salariés"
Sans trahir son auteur, on peut donc en déduire une nouvelle proposition, ayant valeur de loi économique fondamentale : protection = précarité.
On se rappelle des lois économiques présentés dans le précédent billet :
Loi Dassault : précarité = emploi
Loi Villepin : CPE=anti-précarité

Déductions :
protection=précarité (loi Lambert) =emploi (loi  Dassault)
CPE=anti-précarité (loi Villepin) =chômage (loi Dassault)

on combine tout ça :
CPE=anti-précarité=protection=précarité=emploi=chômage…

pftt, c’est dur l’économie…

croissance et décroissance…

Les commentaires relatifs à mon dernier article sur les prévisions de croissance du gouvernement ont déplacé le débat vers la question : "la croissance économique est-elle souhaitable?".  Et certains de citer Goergescu-Roegen, considéré comme le "père" des théories de la décroissance.

Personnellement, je suis plus que dubitatif vis-à-vis de cette approche… Je ne développe pas, mais vous renvoie à deux textes, l’un de Serge Latouche, considéré comme le chef de file en France de ces théories, et Jean-Marie Harribey, membre du conseil scientifique d’Attac, plutôt critique vis-à-vis de l’argumentation de Latouche. Le texte d’Harribey démontre de manière convaincante que l’on peut ne pas adhérer aux thèses de la décroissance sans être pour autant taxé d’économiste libéral !

Ces deux textes ont été publiés dans Le Monde Diplomatique, respectivement en 2003 et 2004.

[Lien vers le texte de Latouche] [Lien vers le texte de Harribey]

Les prévisions de croissance du gouvernement sont-elles crédibles?

Le ministère de l’économie et des finances vient de publier ses prévisions de croissance pour 2006 et 2007 :  la croissance française se redresserait et serait
comprise entre 2 % et 2½ % en 2006 et en 2007 » (p. 2 du rapport, à télécharger en
cliquant ici
).

Ces prévisions sont-elles crédibles? Pour en juger, on peut s’en remettre à un petit exercice très simple : quelles ont été les prévisions de croissance du gouvernement pour 2005? Quel résultat
effectif a-t-on observé?
Petite chronologie instructive :
* Fin 2004, pour construire son budget, le gouvernement table sur 2,5% de croissance.
* février 2005 : Thierry Breton révise les prévisions à la baisse : croissance située entre 2 et 2,5%
* mi-août 2005 : il redresse encore, prévision entre 1,5% et 2%
* au final, la croissance aura été de 1,4%…

Problème d’incompétence? Pas sûr… Deux raisons essentielles expliquent ce trop grand optimisme :
– La croissance dépend pour une partie non négligeable des anticipations que les acteurs en ont : si les consommateurs anticipent de la croissance, ils vont consommer plus ; si les entreprises
anticipent de la croissance, elles vont investir plus. Le politique a donc tout intérêt à convaincre les acteurs que la croissance attendue est forte. Tout le problème étant de savoir si les
prévisions sont crédibles.
– les recettes fiscales de l’Etat sont le produit du taux d’imposition et des richesses créées. Avec une taux de croissance anticipée important, on peut inscrire dans la loi des finances des
recettes plus importantes, et caler les dépenses en conséquence…
Bien sûr en fin d’année, quand on constate que la croissance n’a pas été au rendez-vous, on
se désole de voir le déficit se creuser… mais on s’empresse, de nouveau, de faire des pronostics très optimistes pour l’année suivante !

Quelle solution? Sans doute de demander à une institution indépendante de procéder aux estimations, et d’obliger le gouvernement à s’en remettre aux prévisions de cette institution. Sur le
premier point, l’Insee fait déjà le travail, et force est de constater que ses prévisions de croissance sont toujours moins optimistes que celles du gouvernement. Mais jusqu’à présent, le
gouvernement a tout loisir de s’appuyer sur ses propres prévisions, plutôt que de s’en remettre à celles de l’Insee…

Arcelor – Mittal : une guerre des communiqués instructive…

Dans l’édition du mardi 28 janvier 2006, un article de La Tribune sur les objectifs annoncés par Arcelor d’un côté et par Mittal de l’autre.

– Arcelor promet de créer de la valeur pour les actionnaires : "nous sommes une machine à générer du free cash flow" indique le directeur financier du groupe et de promettre : "tout cash excédentaire (…) sera rendu aux actionnaires" (p. 12)

– Mittal, de son côté, insiste sur des avantages en termes d’emploi : aucune suppression de poste au-delà de celles prévues par Arcelor, voire annulation de certaines décisions de fermeture de site.

Bien sûr, on ne peut pas savoir si ces objectifs sont crédibles et si les engagements pris seront tenus, mais ce qui est promis par les uns et les autres est cependant intéressant en soi : Arcelor est dans une pure logique shareholder, où seule compte la valeur actionnariale ; Mittal, en insistant sur les bénéfices attendus pour les salariés, est plutôt dans une logique stakeholder, dans laquelle on considère que les salariés sont pleinement partie prenante de l’entreprise. Ces visions différenciées de l’entreprise ne sont pas sans lien avec le mode de gouvernance attaché à chacun des deux groupes.

Pour une présentation du débat gouvernance shareholder / gouvernance stakeholder, je renvoie à un document de travail rédigé il y a un peu plus d’un an et publié depuis sous une forme révisée dans la Revue Economique et Sociale de mars 2005 : [cliquez pour télécharger!]

Fusion Suez – GDF : l’énergie du désespoir…

Quelques jours après l’affaire Mittal – Arcelor, voilà que le projet de fusion Suez – GDF défraye la chronique. Quelle analyse peut-on en faire?

Premier point : ce projet de fusion s’inscrit dans une dynamique plus générale de réorganisation des activités à l’échelle mondiale. Pour rester compétitive, les entreprises se recentrent sur leur coeur de métier et procèdent à des fusions – acquisitions afin d’atteindre une taille critique. Cette taille critique leur permet de bénéficier d’économies d’échelle (l’accroissement de la production d’un même bien permet de baisser le coût unitaire de production) et d’économies de champs (le coût unitaire de fabrication de deux biens diminue quand ces deux biens sont produits par la même entreprise). Sur ce dernier point, s’agissant de la fusion Suez – GDF, on nous dit qu’elle permettra de proposer aux clients des offres duales, combinant gaz et électricité. Si l’on en reste à cet argument, la fusion semble donc souhaitable : elle permettra de réduire les coûts de production et donc de gagner en compétitivité.

Les choses sont cependant un peu plus complexes… D’abord parce qu’il ne faut pas simplement comparer l’efficacité des deux anciennes entités à l’efficacité supposée de la nouvelle entité, il faut aussi s’interroger sur l’efficacité que l’on pourrait attendre d’autres rapprochement d’entreprises : par exemple, un groupe Suez – GDF est-il nécessairement plus efficace qu’un groupe Enel – Suez? La question mérite au moins d’être posée…

Ensuite parce ce ne sont pas seulement les coûts de production qu’il faut comparer, mais aussi ce que certains appellent les coûts d’organisation interne (d’autres diraient des coûts de gouvernance). C’est en tout cas ce qu’invite à faire la théorie des coûts de transaction (pour une présentation, je vous invite à lire le deuxième chapitre de mon ouvrage "L’économie de l’entreprise" ). Dans le cas qui nous intéresse, ces coûts d’organisation interne risquent de ne pas être négligeables, compte tenu, comme l’on dit, des différences dans les cultures de ces deux entreprises; et ils pourraient très bien plus que compenser les avantages en termesde coûts de production. Dans cette perspective, un rapprochement entre EDF et GDF aurait sans doute été moins problématique…

Troisième élément à prendre en compte : le risque que la nouvelle entité occupe une position dominante sur certains territoires… Pour ne prendre qu’un exemple,  à l’issue de la fusion, la nouvelle entité contrôlera plus de 96% de la fourniture en gaz de la région flamande et 90% de sa fourniture en électricité. D’ici que des pratiques anti-concurrentielles n’émergent… Ceci explique le positionnement différent de l’Europe dans les deux affaires récentes Mittal – Arcelor, d’un côté, Suez – GDF de l’autre : dans le premier cas, le risque de position dominante est faible, dans le deuxième, il est avérée. L’Europe, en charge de la politique de la concurrence, voit donc plutôt d’un mauvais oeil le projet français.

On objectera que, quand même!, une fusion entre deux groupes français sera toujours préférable à une prise de contrôle d’un fleuron de notre industrie par un groupe étranger (bon, là, ce serait moins grave que pour Arcelor : Enel est italien…). On aurait moins à redouter en termes d’emploi. On retrouve donc le sacro-saint principe de "patriotisme économique". Mais je l’ai déjà dit pour l’affaire Mittal – Arcelor, ce principe est tout à fait contestable : certains groupes bien français n’hésitent pas à délocaliser une partie de leur activité; a contrario, des groupes bien étrangers sont implantés de manière durable sur le territoire national. Bref, la nationalité du groupe n’est pas le critère déterminant. Il faudrait plutôt s’interroger, indépendamment de la nationalité, sur les pratiques effectives des différents acteurs en présence  i ) en termes d’organisation et de localisation des activités, ii) en termes de gestion des ressources humaines. L’enquête de l’Expansion parue dans le numéro de mars le montre bien s’agissant de Mittal: les salariés de l’établissement localisée près de Metz considèrent qu’ils ont gagnés en passant du groupe Arcelor au groupe Mittal.

Le gouvernement ne s’est apparemment pas posé toutes ces questions. Il est vrai que a fusion lui permet de privatiser rapidement un groupe public sans que grand monde s’en émeuve, puisque c’est au nom du patriotisme économique…