Paquet fiscal : l’erreur d’analyse du Conseil Constitutionnel

Vous n’êtes pas sans le savoir, le Conseil Constitutionnel a
censuré une partie du dispositif « paquet fiscal »
, plus précisément l’article 5, qui porte
sur la déductibilité des intérêts d’emprunts
immobiliers, en estimant que « si le dispositif vise à favoriser l’accès à la propriété des “primo-acquérants”, alors “il n’en va pas de
même pour les prêts déjà accordés car, par définition, pour ceux-ci, le contribuable est déjà propriétaire de son habitation principale.” Le Conseil
ajoute :
«  Son coût (7,7 milliards d’euros) fait supporter à l’Etat des charges manifestement hors de proportion avec l’effet incitatif
attendu
. »
(souligné par moi).

Je crois que le Conseil n’a pas bien compris l’objectif : si la mesure (son caractère rétroactif y compris) de Nicolas Sarkozy relevait de l’incitation, il ne s’agissait pas d’une incitation
à accéder à la propriété, puisque, comme le Conseil le mentionne, les personnes concernées étaient déjà propriétaires de leur logement. Non, il s’agissait d’une incitation pour les accédants
récents à la propriété à voter Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles. A ce titre, l’incitation a été plutôt efficace. On peut même se demander si jamais incitationa été aussi
efficace.

C’est sans doute pour cela que le gouvernement promet de soumettre un nouveau projet à l’automne (Le Monde nous dit aujourd’hui que le gouvernement cherche « une mesure compensatoire après la censure par le Conseil constitutionnel de la
rétroactivité des avantages fiscaux sur les emprunts immobiliers »). Sans que rien ne soit dit sur le fond de l’argumentation du Conseil. L’important
est que la parole de notre président soit respectée, ce qui va jusqu’à énerver Alain Lambert, qui commet la
même erreur d’analyse que le Conseil. Ce qui compte, c’est que l’incitation à voter Sarkozy dans un peu moins de 5 ans ne faiblisse pas. Et vu l’enjeu, le coût du dispositif, franchement,
c’est
peanuts
.

Copé, organisme utile?

Gizmo nous a informé il y a quelques temps que notre
président était en train de dégraisser le Conseil d’Analyse Economique. On apprend cette semaine dans Paris Match que Jean-François Copé
propose d’aller plus loin, “en supprimant un tas d’organismes inutiles comme le Centre d’analyse stratégique, ex-Commissariat
général du plan, ou le Conseil d’analyse économique”
(propos repris ici). Le
Centre d’Analyse Stratégique a d’ailleurs bien conscience de son inutilité, si l’on en juge par cet édito trouvé
sur leur site
.

Subprime : compléments

Suite à mon billet d’hier, j’ai reçu de  Stéphane Couvreur (un grand merci à lui
!) une proposition de traduction du billet de Cecchetti  : la voici au format pdf.  On attend
maintenant la traduction libre disons même la contribution de Gizmo sur le sujet. Pour patienter, on peut lire
l’analyse juridique du problème chez Diner’s Room

add 19/08 : saison 1 épisode 1 & 2 disponibles chez Gizmo. episode 3 bientôt !

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la crise des subprimes

Pour trouver les réponses à toutes les questions que vous vous posez sur la crise des subprimes, je vous conseille de lire le billet suivant (en), trouvé via le blog de Dani Rodrik. Pour les non anglophones, si quelqu’un a le temps de traduire, qu’il n’hésite pas à transmettre, je mettrais en ligne. Sur un point complémentaire, lisez
également les contributions (en français cette fois) de A.B. Galiani sur le blog d’Alain Lambert. Si les journalistes du Monde avaient lu ces billets, ils auraient évité deux erreurs dans cet article :

 

* la première (commise dans la plupart des articles que j’ai pu recenser) consiste à ajouter les sommes injectées au jour le jour par la BCE. Le Monde affirme ainsi
que la BCE a injecté « plus de 250 milliards d’euros ». En fait, non : les prêts accordés par la BCE sont pour l’essentiel au jour le jour. Exemple purement théorique : la BCE
prête 100 lundi matin, se fait rembourser les 100 mardi matin, elle prête de nouveau 90 mardi matin, qu’elle se fait rembourser mercredi matin. Au total, elle a prêté au maximum 100, non pas
190.

 

* la deuxième, liée à la précédente, consiste à croire que cette injection « a pour effet de provoquer un gonflement de la masse monétaire, donc en totale
contradiction avec son discours de vigilance anti-inflationniste ». Ce serait vrai si les prêts étaient de plus long terme. En prêtant de l’argent un jour (et de moins en moins : 95
milliards d’euros le 9 août, 60 le 10 août, 48 le 13 août et 25 le 14 août) mais en les retirant presque immédiatement, elle n’accroît pas substantiellement la masse monétaire. C’est un
accroissement plus durable de la masse monétaire qui pourrait conduire à un accroissement des prix, donc à des risques de tension inflationniste.

 

 Jeu concours : quelles autres erreurs d’analyse ont été commises sur le sujet ces jours derniers ?

La TVA sociale, une arme anti-délocalisations?


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Retour
tranquille de vacances et plus rapide sur la TVA sociale, pour souligner un paradoxe.

On le sait, la TVA sociale a été introduite notamment par l’Allemagne. Le gouvernement français estime qu’elle est à l’origine des bons résultats
économiques de ce pays, il souhaite donc reprendre la mesure. Elle a été rebaptisée par François Fillon TVA
anti-délocalisations
. J’en avais parlé ici assez longuement, puis .

Or, qu’apprend-on dans les Echos ? Que « Le
ministère fédéral des Finances prépare un texte de loi visant à taxer les bénéfices réalisés par les entreprises allemandes grâce à des délocalisations à l’étranger (…)
les deux objectifs
recherchés étant de taxer les bénéfices réalisés à l’occasion de délocalisations dans des pays où le coût de la main-d’oeuvre est moins élevé qu’en Allemagne et, indirectement, de freiner cette
stratégie qui contribue à l’appauvrissement de l’activité industrielle dans ce pays qui compte encore 3,7 millions de demandeurs d’emploi ». Les industriels s’inquiètent de
cette initiative, en expliquant que « L’Allemagne ne serait jamais devenue championne du monde de l’exportation en n’investissant pas tous les ans plusieurs dizaines de milliards d’euros à
l’étranger et, il faut le reconnaître, en délocalisant une partie de sa production» (Sur les aspects ambivalents des délocalisations, voir ce billet).

20
minutes
reprend l’information et complète un peu en renvoyant sur mon blog, pour signaler que les délocalisations représentent  4,5% des emplois détruits en France,
contre 7,2% en Allemagne (pour une moyenne de 5,9% dans les pays européens enquêtés par l’European Restructuring
Monitor
).

Donc, si je résume : le gouvernement français veut reprendre une mesure du gouvernement allemand pour lutter contre les délocalisations, alors même
que ce pays délocalise plus que la France (même si, comme dit à de multiples reprises sur mon blog, les délocalisations pèsent globalement peu, en France comme en Allemagne, dans
l’ensemble des emplois détruits), que le gouvernement allemand s’en désespère, et que les industriels considèrent que ces délocalisations sont une des composantes de la réussite de ce pays en
matière d’exportations.

Je ne sais pas vous, mais moi, quelque chose m’échappe dans le raisonnement de notre gouvernement. Mais sans doute le
rapport Besson sur la TVA sociale
va-t-il très bientôt nous éclairer sur ce point, comme sur tous les autres…

La Roche Posay : complément

Certains commentaires au petit jeu L’Oréal – La Roche Posay (solution du jeu ici) laissaient entendre que les produits La Roche Posay n’utilisaient pas les sources éponymes. De source sûre, comme on
dit, il s’avère que c’est faux : le laboratoire utilise bien la source pour ses préparations. Idem pour les produits Avène de Pierre Fabre.
Nanotruc a raconté
une gigabêtise…

Professeurs d’Université : ne coupons pas le turbo

 


Commentaire rapide sur un point particulier du projet de loi relatif aux libertés
et responsabilités des universités
 adopté cette nuit par le Sénat :

 
Chapitre II. « Le président »
(…)
Article 5, point 7 : « Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national
d’agrégation de l’enseignement supérieur, aucune affectation
ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé »
 (…)

Qu’est-ce à dire ? C’est simple : le Président à un droit de veto sur le recrutement des personnels. Enfin, de tous les personnels sauf les
lauréats du concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur, qui concerne les disciplines Droit, Economie et Gestion.

 
Ce qui signifie que certains de ces lauréats peuvent continuer à opter pour un poste leur permettant de minimiser leur temps de trajet laboratoire d’origine / poste
de professeur de destination (Poitiers est à cet égard assez bien placé pour les profs issus des labos parisiens), de limiter leur présence au strict nécessaire (disons un jour ou deux le temps
de faire son service d’enseignement à la chaîne), de ne pas s’investir dans le laboratoire de recherche de leur université d’affectation, de ne pas s’investir dans les tâches administratives, de
mener des recherches sans aucun lien avec les thèmes de recherche du labo de destination, etc.
 
Ouf, la recherche en économie va pouvoir continuer de se développer sur ces bases particulièrement saines, qui permettent de s’affranchir du localisme
 
Remarques complémentaires (merci à Christian A. pour ces compléments) :
1/ le problème des turbo-profs n’est malheureusement pas spécifique aux nouveaux agrégés du supérieur. On le rencontre aussi dans des disciplines où le
recrutement ne passe pas par un concours national d’agrégation et il existe aussi parfois des turbo-maîtres de conférences. Les universités pourraient théoriquement essayer de lutter contre ces
pratiques en faisant appliquer plus strictement l’obligation de résidence. Mais contraindre ainsi les personnes concernées ne suffit pas à s’assurer de leur implication positive dans la vie de
leur fac…
2/ s’agissant de la restriction du droit de veto du président en matière de recrutement : en le rendant inapplicable en cas de recrutement par
concours d’agrégation de l’enseignement supérieur, le texte autorise le président à s’opposer au choix collectif d’une commission locale (dont on peut espérer qu’elle a conscience des priorités
du projet d’établissement) mais non au choix individuel d’un nouveau promu (dont on ne peut exclure quelque souci de confort personnel). Il y a là une forme de paradoxe que le législateur ne
semble pas avoir relevé…

Jeu de l’été (1) – solution

Voici la réponse au jeu proposé, peu éloignée  de celle développée par
Nanotruc.

Les responsables de l’Oréal ont  déclaré que le rachat relève moins d’une volonté de gérer la « matière première » que de se prémunir contre d’éventuels
« prédateurs », autrement dit d’autres groupes cosmétiques
. On peut effectivement mobiliser la théorie des coûts de transaction :  la fabrication des produits La Roche
Posay  résulte de la transformation des eaux de la source,  ces eaux sont, pour reprendre les termes de Williamson, des actifs localisés en un lieu spécifique. Le risque auquel s’expose
L’Oréal est le suivant : un de ses concurrents rachète la source, le privant de cet actif spécifique, l’ empêchant dès lors de valoriser les produits La Roche Posay.

Dans l’économie de l’entreprise, j’ai développé
un exemple proche (p. 74), repris de Carlton et Perloff
: dans les années 1980, deux fabricants de lecteurs de disquette (Seagate Technology et Conner Peripherals) s’approvisionnent chez le même fournisseur d’un composant critique  (Imprimis
Technology) entrant dans la fabrication des lecteurs (composant assimilable à un actif physique spécifique). Seagate a alors racheté Imprimis et ce dernier, une fois racheté, a refusé de
conserver Conner Peripherals comme client (d’où procès, mais Carlton et Perloff ne nous en donnent pas les conclusions).

PS :  je suis preneur  d’éléments de preuve de ce qu’avance Nanotruc, selon lequel les produits n’utilisent  pas les eaux. Ceci
n’invaliderait pas nécessairement le raisonnement, comme il le dit, mais ce serait assez intéressant, ma foi!