l’oubli des effets de structure

Propositions entendues à diverses reprises : « L’effort de recherche est inférieur en France à ce qu’il est au Japon, aux
Etats-Unis ou en Suède, il faut inciter les entreprises à investir plus en R&D ». « Les entreprises de Poitou-Charentes (remplacez par la région de votre choix) n’exportent pas
assez, il faut les inciter à le faire davantage ». « L’Université de Poitiers (remplacez par l’Université de votre choix) forme de nombreux étudiants qui partent ensuite travailler dans
d’autres régions, il faut les informer sur l’activité des entreprises picto-charentaises, leur proposer des stages, pour qu’ils aient envie de rester ». « Le taux d’encadrement dans les
entreprises de Poitou-Charentes (remplacez etc…) est inférieur au taux national, il faut les inciter à embaucher plus de cadres ».

Je pourrais multiplier les exemples. Dans tous les cas, on compare des indicateurs nationaux ou régionaux, on observe une valeur
inférieure à la moyenne pour notre pays/région, on en déduit que les acteurs ne se comportent pas comme ils le devraient, on propose donc de mettre en place des systèmes d’information et/ou
d’incitation pour qu’ils révisent leurs comportements. Ce qui coûte en termes d’argent public. Les rares fois où les politiques incitatives mises en place sont évaluées, on se désespère de la
faiblesse des effets. Quelques années après, on propose donc de mettre en place une nouvelle politique dans le même but. Etc.

Où est l’erreur ? Dans l’absence de prise en compte, dans les écarts à la moyenne observés, de ce qui résulte d’effets de
structures et de ce qui résulte de comportements « individuels ». J’avais déjà parlé de la première
proposition
 : une intensité technologique (rapport des dépenses de R&D au PIB) plus faible en France que dans d’autres pays. Cette plus faible intensité peut s’expliquer : i)
par des effets de structure, en l’occurrence une spécialisation plus forte dans des secteurs ayant une intensité technologique intrinsèquement plus faible, ii) par des effets comportements
« individuels », autrement dit par une propension plus faible à investir dans la R&D à composition sectorielle identique. L’étude mentionnée montrait que les écarts d’intensité
technologique s’expliquaient pour  tous les pays par des effets structurels, sauf deux pays : la Suède, dont l’intensité était plus forte que ce que prédisait sa spécialisation, et
l’Espagne, dans la situation inverse.

Quid des autres questions ? Quelques intuitions : les entreprises de Poitou-Charentes exportent moins que la moyenne car ce
sont pour une part supérieure à la moyenne des PME sous-traitantes. Elles vendent donc à des entreprises qui exportent. Vous pouvez mettre des systèmes d’incitation sur elles, cela n’y changera
rien. Si vous voulez qu’elles exportent plus, il faut faire bouger les structures (les inciter à passer du statut de sous-traitant à celui de donneur d’ordre). Les étudiants poitevins partent,
diplôme en poche, travailler dans d’autres régions ? Ce n’est pas parce qu’ils ne connaissent pas/n’aiment pas les entreprises de notre région, c’est parce que les emplois sont, pour une
large part, ailleurs. Ils vont là où sont les emplois. Vous voulez qu’ils restent ? N’agissez pas sur eux, réfléchissez à la dynamique de création d’emplois en Région. Les entreprises
picto-charentaises ont un taux d’encadrement inférieur à la moyenne ? Effet de structure, encore : il s’agit de PME indépendantes, toujours, qui ont structurellement une propension plus
faible à engager des cadres.

Ce qui me désole, dans cette histoire, c’est que l’on sait depuis longtemps isoler statistiquement ce qui relève des effets de
structure des effets hors structure. Il est donc très facile, pour chaque problème donné, de voir si les effets de structure expliquent l’ensemble du problème, ou une partie seulement. Si les
effets de structure expliquent tout, et qu’on veut faire bouger le taux moyen, il faut faire bouger les structures. Si les effets de structure n’expliquent rien, il faut faire bouger les
comportements individuels. Dans le cas général, on se trouve entre ces deux extrêmes. Autant savoir précisément où avant de prendre des décisions…

L’attractivité des territoires

J’ai été invité hier à participer à une table ronde du Colloque « Développement durable, Territoires et Localisation des entreprises : Vers une
attractivité durable ? » organisé par Jean-Marie Cardebat du LAREFI de l’Université de Bordeaux IV. Table ronde intitulée « la mise en
œuvre de l’attractivité des territoires ». J’étais chargé d’ouvrir la séance et de donner un cadrage général sur la question. Histoire de susciter le débat, j’ai développé quelques idées
critiques sur le sujet, dont je viens vous faire part.

1. Sur l’attractivité de la France

Première idée, à une échelle macroéconomique, la France est un pays attractif. On peut se référer par exemple aux données d’Ernst et Young sur l’implantation de projets en Europe, la France est systématiquement au deuxième rang derrière le
Royaume-Uni, avec une part des projets accueillis qui tourne autour de 15%. Toujours sur la base de ces données, deuxième idée, la part des pays est relativement stable dans le temps.

2. Attractivité vs. développement endogène

Mon sentiment général est que les politiques, sur la plupart des territoires, se focalisent trop sur la question de l’attractivité. On
pense que le développement du territoire passera par l’arrivée d’entreprises extérieures. D’où, dans un premier temps, le développement un peu partout de zones d’activité dont la plupart sont
restées désespérément vides… D’où, dans un deuxième temps, le développement un peu partout de politiques de Marketing Territorial pour vanter les mérites et l’unicité de son territoire… Quand ce
ne sont pas les entreprises que l’on veut attirer, ce sont les personnes, mais pas n’importe lesquelles : les créatifs, au cœur du processus d’innovation.

Une autre stratégie de base me semble pourtant plus pertinente, surtout au regard des déterminants de la mobilité des entreprises et
des personnes, qui montrent que les marges de manœuvre des politiques en la matière sont plutôt faibles (voir ici s’agissant de la mobilité des créatifs) : travailler à l’accompagnement des entreprises déjà présentes. Une
stratégie de développement endogène plutôt que d’attractivité, donc. Avec des besoins évidents en matière de formation des personnes, de reprise d’entreprises, d’innovation, etc.

On m’objectera que ces deux stratégies de base ne sont pas exclusives. Certes. Mais dans un contexte où les ressources des
collectivités sont limitées, l’enjeu est de savoir quelles sommes sont allouées à chacune de ces stratégies et quel est, à chaque fois, le retour sur investissement. Il faudrait un peu
d’évaluation des politiques publiques, donc, mais je pressens que le retour sur investissement des politiques d’attractivité est plutôt faible (cf. le dernier point de ce billet).

3. Des effets de mode

En matière d’attractivité, on observe également des effets mimétiques assez calamiteux, qui exacerbent la concurrence territoriale. Il
fut un temps où tout le monde voulait attirer des entreprises de la nouvelle économie, vous vous rappelez ? Aujourd’hui, cette mode est passée, on préfère tout ce qui relève de la croissance
verte… Certes, dans un domaine et dans l’autre, on sait qu’il y a des foyers de création de richesse et d’emplois importants. Mais on ne sait pas sur quels créneaux précis. Conformément au
processus évolutionniste d’émergence de nouvelles activités, on est donc face à une première phase correspondant à un jeu d’essais/erreurs, avec beaucoup de projets développés, nombre d’entre eux
vont échouer, quelques uns vont aboutir. Que tous les territoires injectent des sommes importantes sur des projets proches et très risqués peut donc laisser perplexe en matière de bonne
utilisation de l’argent public…

4. La guerre des territoires

Parler d’attractivité des territoires, ou parler d’attractivité des villes, des Universités ou que sais-je encore, c’est d’emblée
considérer que l’on est dans une espèce de guerre économique ou de compétition sportive, quelque chose qui ressemble en tout cas à un jeu (à somme nulle) entre entités plus ou moins
autonome.

On oublie ce faisant que l’économie n’est pas un jeu à somme nulle, que les entités dont on parle sont fortement interdépendantes,
qu’elles s’inscrivent dans une hiérarchie ou un système urbain ou territorial, qu’il existe des processus de division du travail et des systèmes de production et d’innovation qui tous traversent
les territoires. Bref, qu’il faut plus se penser comme un élément d’un système plus vaste et réfléchir à la façon dont on s’organise avec les autres, sur les possibilités de coopération, de
division du travail et des fonctions à assurer. On en est loin…

5. La course aux armements

Dernier point, les politiques d’attractivité des territoires font penser à une course aux armements. Les territoires financent de plus
en plus de services aux entreprises pour les attirer, mais comme tous les territoires font de même, on n’observe pas de modifications significatives en termes d’attractivité (cf. le premier
point). Les territoires sont donc enfermés dans un jeu plutôt malsain : soit elles n’effectuent pas ces dépenses et elles risquent de perdre en matière d’attractivité, soit elles effectuent
ces dépenses pour ne pas perdre, mais elles ne gagnent rien pour autant. L’effet essentiel est que des dépenses préalablement effectuées par des entreprises privées sont maintenant effectuées par
les territoires.

Petit jeu pour bien faire comprendre l’idée. Raisonnons sur deux territoires A et B qui effectuent ou non des dépenses pour attirer un
nombre N d’entreprises. On suppose que ces deux territoires ont des caractéristiques intrinsèques qui font que, en dehors de toute dépense territoriale, le territoire A attirerait disons 1/3 des
entreprises et le territoire B 2/3. On suppose également que les dépenses territoriales sont parfaitement efficaces : si un territoire développe une politique de marketing territorial et que
l’autre ne le fait pas, il attirera toutes les entreprises (on pourrait compliquer en considérant que seule une fraction des entreprises change de décision, il faudrait aussi intégrer le montant
des dépenses, mais je simplifie, ça ne change rien aux résultats). On arrive à cette configuration :

 

B

pas de dépense

dépense

A

pas de dépense

N/3 ; 2N/3

0 ; N

dépense

N ; 0

N/3 ;2N/3

 

Il s’agit d’un jeu non coopératif symétrique. Plaçons nous du point de vue de A : si B n’effectue pas de dépense, A a intérêt à en
effectuer (N>N/3). Si B effectue des dépenses, il a aussi intérêt à en effectuer (N/3>0). Il a donc toujours intérêt à en effectuer. Idem pour B. On est donc dans la même situation, en
matière d’attractivité, que si aucun n’effectuait de dépense…

Comment sortir de cette situation ? Il conviendrait que les territoires sortent de cette situation de jeu non coopératif. On en
revient donc à l’idée développée à la fin du point précédent. Mais comme je l’ai dit, on en est loin…

Tu habites loin de chez ta maman?

J’ai participé début juillet à un programme intensif Erasmus à Padoue. J’ai notamment pu entendre Maria Castiglioni, qui a présenté quelques statistiques intéressantes sur la localisation des
personnes.

 

Question posée lors d’une enquête réalisée en 2005 à des personnes de plus de 15 ans mariés ou vivant en couple : à quelle distance de
la maison de votre mère vivez-vous aujourd’hui? (si votre mère est décédée, précisez la distance qui vous séparait de son domicile au moment de son décès).

Tableau de résultats :

 

(% cumulés) ITA  FRA  GER  HUN  CZE 
Je vis avec elle 35.6 24.4 17.9 29.8 25.5
Au même endroit mais dans un appartement/maison différent 43.4 30.6 26.2 32.5 31.3
à moins d’un kilomètre 57.2 35.9 33.8 46.7 44.4
1-10 kilomètres  78.6 53.9 52.9 71.4 68.7
10-50 kilomètres 89.4 69.5 73.6 86.9 86.5
50-100 kilomètres  92.6 75.4 85.7 90.8 93.5
plus de 100 kilomètres  100 100 100 100 100
Nombre de personnes interrogées 900 902 901 1240 964

 

On observe certes des différences selon les pays, mais dans tous les cas, les chiffres sont particulièrement forts. Plus de 75% des
français interrogés vivent à moins de 100 kilomètres de leur mère, proportion qui dépasse les 90% pour l’Italie, la Hongrie et la République Tchèque. Un bon tiers des français et bien plus de la
moitié des italiens vivent à moins d’un kilomètre de leur mère.

J’aime bien ce genre de statistiques : la mondialisation, la nécessaire mobilité des personnes, tout ça semble tout à coup très
loin…

Les régions françaises dans le concert des pays de l’UE27

Eurostat vient de
publier
les PIB régionaux par habitant de l’UE27 (en standards de pouvoir d’achat) pour l’année 2008. J’ai récupéré les chiffres pour l’ensemble des pays de l’UE, pour l’ensemble des régions
françaises, puis je me suis “amusé” à construire ce graphique (sous le logiciel R), qui permet de situer les régions françaises les unes par rapport aux autres mais aussi, exercice moins souvent
pratiqué, par rapport aux autres pays de l’UE.

L’axe à droite du graphique reprend les valeurs du PIB par habitant par rapport à la moyenne de l’UE27 : une valeur de 100 signifie
donc que le pays/région en question a un PIB par habitant égal à a moyenne de l’UE27.

 

PibReg.jpg

L’Ile de France est au-dessus du plus “riche” des pays de mon échantillon (j’ai en fait enlevé un pays, le Luwembourg, indice de 279),
Rhônes-Alpes et la France sont pile dans la moyenne de l’UE, entre la Belgique et l’Italie. 7 régions sont situées entre l’Espagne et la Grèce, 3 entre la Grèce et la Slovénie, 10 (dont
Poitou-Charentes) entre la Slovénie et la République Tchèque. Viennent ensuite les DOM/TOM, la Guyane fermant la marche.

Attention, ne pas déduire de ce graphique que, par exemple, les habitants de Poitou-Charentes ont un niveau de vie compris entre les
slovènes et les tchèques : il s’agit de données sur le PIB par habitant, le niveau de vie dépend beaucoup plus du revenu par habitant, or si les différences entre ces deux agrégats sont faibles à
l’échelle des pays, elles sont fortes entre les régions d’un même pays, en raison notamment de la redistribution des richesses par les Etats.

Regards croisés sur Poitou-Charentes

A noter sur vos tablettes : l’UFR de Sciences Economiques de Poitiers
organise une table ronde/débat sur le développement économique de la région Poitou-Charentes, le jeudi 17 mars 2011, à partir de 18h. Entrée libre et gratuite.

La Direction Régionale de la Banque de France, la Direction Régionale de l’Insee et le CRIEF (Centre de Recherche sur l’Intégration
Economique et Financière) présenteront des analyses complémentaires du sujet. Tout n’est pas totalement calé, mais en gros, l’idée serait que la Banque de France présente son analyse des tendances régionales, que l’Insee présente
son analyse récente de l’attractivité de la Région
Poitou-Charentes
et que le CRIEF présente les principaux résultats des études menées récemment (sur le Nord Deux-Sèvres et/ou
sur Cognac par exemple, analyses pour l’instant non diffusées). Présentations suivies d’un débat entre les participants et avec la salle sur les méthodes mobilisées, leur intérêt/limites, sur la
complémentarité des études, les points qui font débat, etc.

L’ensemble sera animé par les étudiants du Master Développement
Economique Local
.

La géographie de la population française

L’Insee vient de
publier
des données sur les populations légales par commune pour 2009. Cela m’a donné l’idée de récupérer les données disponibles par commune, zone d’emploi, département et région du
recensement de 1962 à cette dernière livraison.

La question est la suivante : assiste-t-on à une concentration croissante de la population ? Si oui, à quelle échelle
spatiale ?

Afin de répondre à ces questions, j’ai construit pour chaque année et chaque échelle un indicateur de concentration, l’inverse de
l’indice d’Herfindahl. Pour un ensemble de n entités, l’indice prend la valeur 1 en cas de concentration
maximale (tout se passe comme si tout était concentré dans une seule entité) et la valeur n en cas de répartition parfaitement homogène. Pour les régions, par exemple, on aura la valeur
1 en cas de concentration maximale et la valeur 22 en cas de concentration minimale. Pour les départements, entre 1 et 96, pour les zones d’emploi entre 1 et 348 et pour les communes entre 1 et
36 568.

Voici le tableau de résultats :

1962

1968

1975

1982

1990

1999

2009

REG

13.7

13.4

13.3

13.4

13.1

13.1

13.0

DEP

55.7

57.3

59.1

60.3

60.7

60.8

61.1

ZE

103.0

108.0

115.1

119.8

121.0

121.4

120.4

COM

214.5

261.6

339.9

399.3

444.8

475.2

490.4

 

La valeur de l’indice augmente aux échelles des départements, des zones d’emploi et des communes (on a donc déconcentration spatiale à
ces échelles) et diminue au niveau des régions (concentration spatiale). Les évolutions sont cependant très faibles à l’échelle régionale et à l’échelle départementale, un peu plus forte à
l’échelle des zones d’emploi et surtout très forte à l’échelle des communes. Ce que l’on voit mieux graphiquement (axe de droite pour l’échelle communale, axe de gauche pour les trois autres
échelles) :

 
geo_pop.jpg

Que peut-on dire alors de l’évolution de la géographie de la population française sur ces 50 dernières années ? Sur la base de ces
chiffres, je dirais forte inertie aux échelles régionales et départementales, déconcentration spatiale jusqu’aux années 1980 puis inertie à l’échelle des zones d’emploi et déconcentration
spatiale continue à l’échelle des communes. Signe de la tendance à la périurbanisation/étalement urbain.

A noter également, en statique, les valeurs des indices, par exemple pour 2009 : en France, tout se passe comme si la population était
répartie de manière homogène entre 13 régions. Soit environ 60% du nombre de régions. A l’échelle des départements, un peu plus : indice de 61 pour 96 départements, soit environ 64%. A l’échelle
des ZE, on tombe à 35%. A l’échelle des communes, enfin, on est à 1,3%. Effet pour partie mécanique, bien sûr (plus on réduit la focale, plus la concentration est forte), mais le chiffre à
l’échelle communale est révélateur de l’émiettement administratif français : 36 000 communes dans les faits, mais tout se passe comme si la population était répartie entre un peu moins de 500
communes…

Chômage et territoires

L’Insee a publié récemment les taux de chômage par zone d’emploi, pour la période
1999-2008 (vous trouverez une carte et les noms des 348 zones d’emploi qui composent le territoire français ici).

Petites analyses statistiques.

J’ai commencé par calculer la moyenne simple des taux de chômage en début de période (1999-2001) et en fin de période (2006-2008),
histoire de lisser quelque peu les évolutions. J’ai ensuite calculé quelques indicateurs statistiques de base :

1999-2001 2006-2008
Minimum 3.1 3.9
Q1 6.7 6.4
Médiane 7.9 7.5
Moyenne 8.3 7.8
Q3 9.6 8.9
Maximum 17.0 14.3

 

 

La moyenne et la médiane ont reculé, le minimum a augmenté, le maximum a diminué, bref, légère réduction du taux de chômage et léger
tassement des écarts entre zones d’emploi. Résultat que l’on retrouve si on représente les courbes de densité des taux de chômage pour ces deux périodes.

Choze

J’ai ensuite construit 4 classes de zones d’emploi, 25% de zones d’emploi par classe, de la classe “–” pour les 25% ayant les plus
forts taux de chômage à la classe “++” pour celles ayant les plus faibles taux. Et ce aux deux dates. Ce qui permet de construire la matrice de passage suivante :

+ ++
65 22 0 0
19 48 19 1
+ 4 13 51 19
++ 1 2 19 65

 

Avec en ligne les classes sur la période 1999-2001 et en colonne les classes sur la période 2006-2008.

 

A partir de cette matrice, on peut calculer :

* un taux d’inertie, égal à la proportion de zones d’emploi appartenant à la même classe aux deux dates. On obtient un taux de
66%

* un taux de mobilité ascendante, égal à la proportion de zones passant vers une classe plus favorable (classe “”-” à la classe “+” par
exemple). On obtient un taux de 18%

* un taux de mobilité descendante, symétrique du précédent. Le taux obtenu est de 17%

 

En résumé : l’inertie domine, mais elle s’accompagne malgré tout d’un peu de mouvement, vers du plus favorable pour certaines zones,
vers du moins favorable pour d’autres.

 

On peut enfin regarder dans le détail les zones qui ont le plus bougé dans la matrice (celles ayant fait des sauts de plus de deux
catégories) :

* 1 zone est passée de la classe “-” à la classe “++”, il s’agit de la zone d’emploi de Chambéry

* 4 zones sont passées de la classe “+” à la classe “–” : Commercy, Montbéliard, Le Sud-Ouest Champenois, Belfort

* 2 zones sont passées de la classe “”++” à la classe “-” : Oyonnax et Strasbourg

* enfin, le pompon pour la zone qui est passée de la classe “++” (elle était parmi les 25% de zones d’emploi ayant le taux de chômage
le plus faible) à la classe “–” (elle est parmi les 25% présentant le chômage le plus fort) : il s’agit de … Mulhouse.

 

Il fait pas bon vivre dans l’Est de la France…

Géographie du revenu des ménages

Le n°1309 d’août 2010 d’Insee
Première
s’intéresse à l’évolution de la géographie du revenu des ménages entre 2002 et 2007.

Résumé :

Entre 2002 et 2007, les écarts de revenus entre les différentes zones du territoire métropolitain se réduisent. D’une part, les
revenus augmentent plus rapidement dans les régions aux revenus les plus faibles ; d’autre part, les différences entre campagne et ville s’atténuent.

Toutefois, dans un contexte où les écarts de revenus se creusent entre les classes d’âge, les disparités restent importantes au
sein des pôles urbains, où la situation des jeunes ménages les moins aisés tend à devenir de plus en plus difficile.

 

On trouve dans le document cette jolie carte :

revenuReg.jpg

La réduction des écarts entre monde urbain et monde rural observée par l’Insee est sans doute sous-tendue par les nouveaux choix de
localisation des ménages et la poursuite du processus de péri-urbanisation. Certains territoires ruraux restent cependant à l’écart. La zone en gris foncé au sud-est de la Vienne en est un
exemple (territoire autour de Montmorillon sauf erreur de ma part).

Je vous laisse découvrir la situation dans votre département/région!

Mobilité spatiale et emploi

Conférence intéressante sur Poitiers d’Eric Le Breton, sociologue rennais, sur la question des mobilités. Il a notamment proposé une typologie plutôt
convaincante des personnes : i) les ubiquistes, ii) les navetteurs, iii) les insulaires. Termes suffisamment clairs pour que je ne développe pas sur les caractéristiques de chacun. Je doute
cependant de la réalité de la première catégorie, correspondant à des personnes ultra-mobiles. Je veux bien s’agissant de la mobilité temporaire (dans le travail ou lors des vacances), je
m’interroge plus sur leur mobilité résidentielle. J’ai le sentiment que, y compris pour ces personnes, l’inertie spatiale n’est pas négligeable. Pas eu le temps de lui poser la question, je vais
enquêter…

 

Dans la discussion suite à sa présentation, il a évoqué les recherches d’une autre sociologue, Cécile Vignal, sur la
question de la mobilité des salariés suite à la décision de délocalisation (infra-nationale) d’un établissement. Après quelques recherches, j’ai trouvé cet article, visible ici, dont je vous livre quelques extraits de l’introduction :

 

« En 2000, les trois cents salariés d’une usine de câbles électriques de Laon (Picardie) furent confrontés à la
fermeture de leur établissement et à la délocalisation des emplois à deux cents kilomètres de leur domicile. (…)

L’ensemble des salariés dut choisir entre trois options : accepter la mutation de leur emploi à Sens, ou bien tenter une
mutation d’essai d’au moins six mois dite « période probatoire », ou bien encore opter pour le licenciement. (…)

Quelques indicateurs permettent de décrire rapidement le profil des salariés refusant la mutation : être propriétaire ou
accédant à la propriété de son logement, appartenir à un ménage composé d’une famille avec enfants, être âgé de plus de quarante ans. Les dimensions socioprofessionnelles, comme le fait d’être
ouvrier ou d’appartenir à un couple bi-actif, se conjuguent souvent chez les salariés qui optent pour le licenciement. »

 

J’ai trouvé dans l’article cette référence à une autre étude: « l’enquête « Proches et parents » réalisée en 1990
par l’INED révèle que malgré les migrations et grâce au processus de concentration urbaine, une personne sur cinq habite la même commune que sa mère, et plus de une sur deux le même
département
(Bonvalet et al., 2003). » (souligné par moi).

J’ai le vague sentiment qu’on néglige trop souvent l’inertie des comportements…