Cagnotte scolaire : suite et fin

Le Monde indique que la cagnotte scolaire expérimentée dans trois lycées professionnels pour réduire l’absentéisme des élèves est supprimée. Pourquoi? Car l’évaluation menée
par des chercheurs de PSE montre que les résultats ne sont pas convaincants. L’impact sur l’abenstéisme et sur l’assiduité est faible, Luc Behaghel et Marc Gurgand émettent “des doutes importants sur la possibilité de généraliser le dispositif “. Je n’ai pas réussi à trouver le rapport, si quelqu’un a un lien, je suis
preneur!

 

Quelques petites remarques :

* pour rappel, la mise en place de cette expérimentation avait fait débat, j’en avais parlé ici, en exprimant plusieurs réserves,

* Je suis surpris de la réaction de Martin Hirsch qui “n’a pas caché sa déception de voir “sacrifier un programme,
sans lui donner sa chance”
. ” J’ai eu au téléphone l’un des trois proviseurs, qui à ma grande surprise m’a dit ‘Mais ce projet, il a transformé notre vie !'”.Il devrait plutôt
rester fidèle à la démarche qu’il a initiée, en acceptant les résultats de l’évaluation, plutôt de que faire une contre-évaluation sauvage en interrogeant une seule personne…

*Plusieurs personnes expliquent, y compris les évaluateurs, que “l’information communiquée aux enseignants et aux
élèves a été partiellement occultée par les images du dispositif diffusées dans certaines représentations médiatiques”
.En gros, la médiatisation aurait tué l’expérimentation en démotivant
les participants. Sans doute. Mais est-ce un problème? Peut-on s’attendre à ce que les personnes qui participent à de telles expérimentations soient parfaitement neutres? Il s’agit d’ailleurs là
d’une limite de ce type d’expérimentation, qui joue plutôt dans l’autre sens : les premières personnes impliquées sont généralement très motivées, les résultats sont bons, mais lors de la
généralisation, on peut s’attendre à une motivation moyenne plus faible, et à des résultats, en conséquence, également moins bons.

Les sciences sociales ne servent à rien (exemple de la carte scolaire)

Confrontés à un dysfonctionnement quelconque, Hirschman (1970) explique que les individus ont le choix entre deux comportements :

  • l’exit : la défection. Je ne suis pas satisfait, je m’en vais.
  • le voice : la prise de parole. Je ne suis pas satisfait, je me plains.

Exemple : je ne suis pas satisfait de la qualité des tomates vendues dans mon hyper préféré  (Leclerc, disons)? Je vais voir ailleurs, à Auchan, par exemple (exit), ou bien, autre solution, je me plains auprès du responsable du rayon fruits et légumes de chez Michel-Edouard (voice).

Quelle solution domine ? L’exit, nous dit Hirschman, sauf si les individus ont suffisamment confiance dans l’organisation pour penser que leur prise de parole peut la faire évoluer (c’est là qu’intervient le troisième terme de son modèle, le loyalty, souvent considéré comme une troisième possibilité de comportement mais qui constitue plutôt, après une lecture attentive de son analyse, un élément permettant d’arbitrer entre exit et voice : si j’ai confiance dans l’organisation (en fait, principalement, dans ma capacité à faire évoluer l’organisation, ou dans la capacité de certains à la faire évoluer) j’opte pour le voice, sinon, pour l’exit).

Application au lieu de scolarisation de mon enfant.

Période 1 : carte scolaire contraignante. Mon enfant est scolarisé dans un bahut difficile. Je ne peux que difficilement le faire changer d’endroit (exit difficile). J’ai beau me plaindre, les choses n’évoluent que lentement (voice difficile). L’autorité (l’Etat, en l’occurrence) a deux solutions : tenter d’améliorer l’exit (assouplir la carte scolaire) ou bien tenter d’améliorer le voice (favoriser l’émergence de solutions locales aux problèmes rencontrés).

Période 2 : le gouvernement a opté pour la première solution : assouplissement de la carte scolaire.

Implication ?

115.003 demandes de dérogations ont été formulées en 2008, soit une hausse de 20,7% par rapport à l’année précédente. Pour le collège, les demandes de dérogation (75.536) ont augmenté de 29%, principalement pour le choix du collège d’entrée en classe de 6ème (58.676 demandes).

Pour le lycée, le même constat peut être fait, mais à une moindre échelle, avec une hausse de 7,8% des demandes de dérogations, surtout pour l’entrée en 2nde (4.170 demandes supplémentaires par rapport à celles de 2007-2008, qui s’élevaient à 37.141).

Source : ici, page 146.

Les parents ayant les ressources nécessaires pour jouer l’exit préfèrent jouer cette carte là. Les autres ne peuvent que se résigner. Phénomène classique de ghettoïsation, pris en exemple par Hirschman dans son ouvrage de 1986, où il revient sur son modèle exit-voice, en citant en passant, sur cet exemple précis, les travaux de Schelling.

Le gouvernement aurait pu jouer une autre carte : réfléchir aux modalités d’amélioration de la prise de parole. C’est ce que préconisait Hirschman il y a 40 ans. En insistant sur le fait que les possibilités d’exit et de voice sont des construits institutionnels. 

Ben oui, la qualité de la prise de parole, ça ne tombe pas du ciel, ça suppose des investissements, ça se travaille dans le long terme. Mais s’engager dans un tel investissement ça supposerait d’écouter un peu ce que disent les sciences sociales. Et les sciences sociales, c’est bien connu, ça ne sert à rien.

Conclusion? Les problèmes vont se concentrer de manière croissante dans les mêmes lieux. Ils vont concerner une proportion politiquement marginale de la population. Tant que ça dure, pourquoi se priver…

Source :

Hirschman A.O., 1970, Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and States. Cambridge, MA: Harvard University Press.

Hirschman, A.O., 1986. Vers une économie politique élargie, Paris, Éditions de Minuit.

 

Etrange argumentaire gouvernemental…

J’avoue que je reste sans voix devant la puissance du raisonnement de certains de nos ministres…

Sur la question de la réduction de leur rémunération, d’abord (voir ici). Eric Woerth affirme “Si je devais
baisser mon salaire cela voudrait dire que les salaires des agents publics baissent aussi, ce dont il n’est pas question”. Georges Tron le suit : “Il n’y a pas de raison de baisser le salaire des
ministres en France puisque le salaire des fonctionnaires ne baisse pas.” Je ne peux que souscrire. Comme on ne remplace qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, je propose, lors du
prochain remaniement, de fermer un ministère sur deux. Il n’y a pas de raison de faire différemment (on peut aussi généraliser au privé : l’accroissement de la rémunération d’un dirigeant ne peut
excéder celle de ses salariés. Ce serait rigolo, tiens!).

Sur le voile intégral, ensuite et surtout, les réactions à la réaction du Conseil d’Etat sont savoureuses (voir ici) : le conseil d’Etat estimant qu’une
interdiction globale ne reposerait sur “aucun fondement juridique incontestable”, Coppé commente “Si la recommandation est ‘ne faites rien’, je dis ce n’est pas acceptable”. il
est un peu glob/pas glop Jean-François… Le Conseil d’Etat a juste dit qu’une interdication globale était problématique, pas qu’il ne fallait rien faire…

La suite est encore plus délicieuse :  “Il existe aujourd’hui des interdictions générales et absolues : par
exemple, on n’a pas le droit de se balader tout nu dans la rue sinon on est sanctionné”
. Je sais pas comment il est passé des femmes en burqa à des gens tous nus dans la rue… un peu
pervers, le type, quand même… Remarquez, je suis d’accord avec lui : ça va poser un problème pour les femmes nues sous leur burqa, tout ça. A tous les coups elles perdent…


Bon, c’est bien gentil toutes ces petites diversions, mais ça nous donne pas la réponse à la seule question qui vaille :
c’est quand qu’il augmente les impôts not’gouvernement? Et comment il s’y prend? Parce que franchement, aujourd’hui, tout le reste me semble très accessoire…

Ubuesque Manipulation des Pourcentages (UMP)

Déclaration de l’UMP sur le bouclier fiscal :

“60% des bénéficiaires ont des revenus modestes”


Ce n’est pas faux. C’est même vrai. Sauf que…


Prenez 100 personnes bénéficiaires du bouclier fiscal. Sur ces 100 personnes, 60 ont des revenus modestes, 40 ont des
revenus importants (ils payent l’ISF).


Vous avez 100€ à répartir. Vous donnez 99€ et 20 centimes aux 40 personnes les plus riches et 80 centimes d’euros aux 60 personnes à revenu modeste. Vous pouvez donc affirmer que votre redistribution bénéficie majoritairement aux personnes à revenu
modeste…

 

Poursuivons. Sur les 40 personnes les plus riches, vous donnez 90€ et 40 centimes aux 28 les plus riches. Vous avez donc
la décomposition suivante :

* Les 57 les plus pauvres se répartissent 80 centimes d’euros

* Les 43 les plus riches se répartissent 99€ et 20 centimes

* parmi ces 43 personnes :

** les 15 les plus pauvres se répartissent 8€ et 80 centimes

** les 28 les plus riches se répartissent 90€ et 40 centimes


Poursuivons encore. Sur ces 28 personnes les plus riches des plus riches, vous donnez 63 euros aux 6 les plus riches des
plus riches. Vous avez donc la décomposition finale suivante :

* Les 57 les plus pauvres se répartissent 80 centimes d’euros

* Les 15 suivants se répartissent 8€ et 80 centimes

* les 22 suivants se répartissent 27€ et 40 centimes

* les 6 derniers se répartissent 63€.


Vous pouvez faire l’addition, ça fait bien 100€. Bien sûr, si ce n’est pas 100 euros mais 585,6 millions d’euros que vous
répartissez, les 6% les plus riches toucheront non pas 63€, mais, en moyenne, 376 000€.

 

Mais tout ceci n’est qu’un détail : nous avons bien 60% des bénéficiaires qui ont des revenus modestes…

 

Source : http://www.lesechos.fr/info/france/afp_00242300.htm?xtor=RSS-2059

 

Chantal Jouanno veut une Ile-de-France “autosuffisante sur le plan alimentaire”

Chantal Jouanno veut une Ile-de-France “autosuffisante sur le
plan alimentaire”.

Moi, j’suis d’accord. Les parisiens veulent manger des bananes? Faut les faire pousser en Ile-de-France. Idem pour les oranges, citrons, huitres, moules, foie gras, etc.

Pis faut pas s’arrêter à la (mal)bouffe. Ils veulent skier, les parisiens? faut consturire des montagnes en IDF. Ils veulent lézarder au soleil? Faut planter des palmiers et chauffer la seine à
28°.

ah, les élections… ça fait réver, non?

Je suis d’accord avec Brice Hortefeux (si! si!)

Sur les gardes à vue, je suis d’accord avec Brice Hortefeux : il ne faut pas que
les policiers deviennent des boucs émissaires
.

Les comportements des policiers s’expliquent pour l’essentiel par les systèmes d’incitation/contrôle qu’on leur impose : dites aux policiers que leurs performances seront évaluées sur la base d’un
indicateur quantitatif (nombre de gardes à vue) et les gardes à vue vont exploser. 800 000 en 2008, soit 1% de la population française environ. Nouvel exemple de stratégie absurde.

Remarquez, peut-être pas si absurde que ça : l’explosion des gardes à vue peut légitimer la demande de moyens supplémentaires par le Ministère de l’Intérieur…

Question  : quelqu’un aurait les chiffres sur l’évolution des gardes à vue classées sans suite? Ce serait rigolo que ce chiffre explose également…

4 minutes

C’est le temps que j’ai tenu à écouter not’président interrogé par Jean-Pierre Pernaut. Faut dire que ça a commencé fort
: interview d’une jeune diplômée d’école de commerce (ESG), domaine marketing-communication, qui est au chômage. Elle explique que les bac+5 se font piquer les postes par les bac+2. Jean-Pierre
Pernaud indique que le chômage des jeunes est un fléau, “1 jeune sur 4 est au chômage”. Not’Président acquiesce. En toile de fond, le taux de chômage des jeunes apparaît : 23,8% de chômeurs. Pas
loin de 25%, 1 jeune sur 4, donc. Il expique que c’est la faute aux 35 heures. Ca s’explique aussi, nous dit-il, par le fait que les formations universitaires sont trop éloignées des besoins des
entreprises (je rappelle que la jeune femme a fait l’ESG…). Quatre conneries inepties en 4 minutes, je me suis dis que ça suffisait. Je vous
laisse jouer au jeu des 4 erreurs…

Economistes atterrés sur Facebook

Les économistes atterrés viennent d’atterrir sur Facebook. on y trouve des séquences vidéos
d’une quinzaine de minutes, filmées lors des trois tables rondes organisées le 9 octobre dernier sur Paris.

Introduction de Philippe Askenazy.

Table ronde n°1 : “Régulation financière: protéger ou désarmer les marchés?”

Table ronde n°2 : “Sortir du piège de la dette et de l’austérité en Europe”

Table ronde n°3 : “Croissance, emploi, consommation, écologie, solidarités…: quelle économie pour quelle finalité?”

On peut y découvrir notamment les interventions de Lordon, Plihon et Orléan.

 

Sur le même sujet, voir le billet d’Alexandre Delaigue, qui était assez critique, je crois, sur le manifeste des économistes atterrés, mais qui lui aussi semble plutôt atterré