Rocard : je n’y connais rien, mais je sais que c’est nul…

Après Attali qui attaque les économistes, Darcos qui s’en prend à la filière ES, voilà Michel Rocard qui tient des propos pour le moins curieux sur l’enseignement de
l’économie…

Ce dernier participe à la commission Pochard, chargé de  réfléchir au métier
d’enseignant et à son évolution.  Cette commission  auditionne tout un ensemble de personnes, parmis lesquelles on compte  Bernard Thomas, délégué interministériel à
l’orientation.  Son audition est visible ici, avec un morceau d’anthologie
entre la 55′ et la 65′ minute
sur l’enseignement de l’économie.

Michel Rocard souligne notamment “les dégâts abominables qui résultent pour la société française de la quasi-absence et surtout de la dérive de
l’enseignement de l’économie
ou du moins du peu qui en est fait. Puisque apparemment cet enseignement est assez largement fait pour dégoûter les élèves de la libre entreprise, du
marché, de l’entreprise elle-même
et de pas mal d’horreurs. Tout ça qui est assez stupide et qui est un des constituants du blocage (…) du dialogue social dans notre pays.” 

Affirmations définitives d’autant plus surprenantes que juste après, il indique “Mais ma vérité à moi c’est que je n’y connais rien. Combien
d’heures y’a-t-il ? Dans quels types de classe par an ? Comment sont formés ces profs ?”.

Sur l’idée que l’enseignement de SES est un des constituants du blocage du dialogue social dans le pays, voir ce billet qui montrait que peu d’élèves, au final, passent entre les mains des profs de SES (71,4% y échappent). Sur l’idée
que les élèves sont dégoutés de l’entreprise, voir cet autre billet.

Via l’APSES, vous pouvez entendre l’extrait, le voir ou le lire. A lire également
le communiqué qu’ils viennent de publier.

Devoir de rentrée : solution


Bravo à leconomiste, premier à avoir proposé Henry Ford. Mention spéciale à c.f. pour avoir développé les explications. Extrait du texte dans lequel j’ai pioché le sujet :

"En 1914, la Ford Motor Company a décidé de payer à l’avenir ses travailleurs $5 par jour. Comme le salaire généralement en vigueur à l’époque était compris entre $2 et $3 par jour, le salaire payé par Ford était bien au delà du niveau d’équilibre. Longues étaient donc les files de travailleurs attendant devant les grilles de l’usine Ford d’y être engagés pour gagner ce salaire élevé.

Quelle était la motivation de Henry Ford ? Celui-ci l’a énoncé comme suit : « Nous souhaitions payer ce salaire pour que l’entreprise ait des bases solides. Nous travaillions pour le futur. Toute entreprise qui paie des bas salaires est précaire… Le paiement de $5 par jour pour une journée de 8 heures est l’une des meilleures mesures de réduction des coûts que nous ayons jamais prises ».

Du point de vue de la théorie économique traditionnelle, l’explication de Ford est singulière puisqu’il suggère que des salaires élevés sont synonymes de coûts réduits."

(D’après G. Mankiw, 1999, Macroéconomie, De Boeck Université, p. 150)


Pour comprendre le lien salaire élevé / coût réduit, il convient d’introduire la notion de productivité. J’en ai parlé à plusieurs reprises s’agissant des délocalisations, ce qui intéresse l’entreprise, ce n’est pas le coût du travail, mais le coût salarial unitaire, rapport entre le coût du travail et sa productivité. L’accroissement des salaires peut dès lors se traduire par une baisse des coûts s’il s’accompagne d’un accroissement plus important de la productivité du travail.
En proposant des salaires deux fois et demi supérieurs au salaire moyen en vigueur, Ford s’attirait les meilleurs salariés, et s’assurait de leur motivation. On note au passage que la relation salaire (w) – productivité du travail (y) est en quelque sorte inversée : ce n’est plus le niveau de productivité qui définit le niveau des salaires (w=f(y)), c’est le niveau des salaires qui définit le niveau de productivité (y=f(w)).

Pour information, j’ai donné ce sujet aux étudiants de Licence 2ème année de la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers (dans le cadre du cours Economie de l’entreprise), sachant qu’ils devaient le traiter en mobilisant la théorie de l’agence (cf. L’economie de l’entreprise, chapitre 1 ; voir aussi pour une introduction ici). Dans ce cadre, l’accroissement des salaires peut être vu comme un mécanisme d’incitation permettant d’éviter les problèmes de sélection adverse (les meilleurs candidats se présentent et se signalent) et les problèmes d’aléa moral (les salariés fournissent l’effort maximal, acceptent les conditions de travail difficiles, ne font pas grève, peu de turn-over, etc.).

Devoir de rentrée…



Petite pause dans la correction de copies. J’en profite pour poser une devinette accompagnée d’un devoir de rentrée (niveau facile, voire débutant).

Un chef d’entreprise a décidé de payer ses salariés deux fois et demi le salaire moyen en vigueur à l’époque. Plus tard, il a déclaré :

[cette décision a été] l’une des meilleures mesures de réduction des coûts que nous ayons jamais prises"

Devinette : qui a dit cela?
Devoir de rentrée : comment expliquer le paradoxe apparent entre augmentation des salaires et réduction des coûts?

Indication : non, ce n’est pas René Obermann, le nouveau P-DG du groupe Deutsche Telekom, qui vient de déclarer :

"Notre société offre en comparaison à d’autres entreprises du secteur toujours des conditions de travail confortables et de bons salaires. (…) Pour être franc, cela ne pourra pas rester comme cela, parce que nous devons urgemment baisser nos coûts, malheureusement aussi nos coûts de personnel"

Les étudiants de la fac de Poitiers, leur famille et leurs proches, n’ont pas le droit de jouer.

Rentrée des classes

C’est la rentrée à la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers, pour les 1ères années jeudi dernier (7 septembre), et aujourd’hui 11 septembre pour les autres années (information importante pour ceux qui pensent encore, peut-être, que l’année universitaire commence en novembre…)

Ce matin, j’ai démarré avec les 3ème années de la Licence d’Economie Appliquée. La réunion de rentrée a été l’occasion de présenter aux étudiants un travail d’enquête qu’ils doivent réaliser par groupes de 4 : définition d’une problématique, rédaction d’un questionnaire, production des résultats statistiques sous Spad, analyse et interprétation des résultats. Ce travail doit faire l’objet d’une restitution écrite sous forme de dossier et d’une restitution orale – utilisation impérative d’un diaporama (Information importante pour ceux qui pensent encore, peut-être, qu’à l’Université on ne fait que de l’abstraction pure…)
 
Le choix du sujet est libre. J’ai cependant suggéré une ou deux idées (je ne sais pas si elles trouveront preneurs), notamment l’une portant sur le profil des lecteurs de blogs d’économie. Si un groupe est intéressé, je vous en reparlerais, puisque le questionnaire serait transmis via mon blog. Si certains économistes bloggeurs sont intéressés (econoclasteceteris paribusleconomiste? etc…), n’hésitez pas à me contacter par mail ou via un commentaire, on pourrait échanger sur la définition du questionnaire par exemple. Autre suggestion formulée : enquête sur les connaissances en économie soit auprès d’étudiants de différentes filières, soit auprès d’une population plus large. En évitant les travers de l’enquête du Codice dénoncés par Econoclaste

Enfin, premier cours de Stratégies de localisation, avec présentation de faits stylisés relatifs à l’ampleur et l’évolution des disparités spatiales et la tendance à l’agglomération des activités économiques. Et ce à différentes échelles spatiales : Monde (via gapminder, dont j’ai déjà parlé ici), Europe (statistiques Eurostat) et France (statistiques Insee).

Juste un résultat ici : les disparités régionales dans l’Europe à 25, mesurées par le PIB par habitant des régions en 2003 (source Eurostat, voir ce document pour la liste complète) :

Sans surprise, les 10 régions les plus "riches" sont en Europe de l’Ouest, les 10 régions les plus "pauvres" dans les Pays d’Europe Centrale et Orientale. Le rapport entre la région la plus riche (Inner London, UK) et la région la plus pauvre (Lubelskie, Pologne) est d’environ 8,5 pour 1. Pour se donner un ordre de grandeur, le rapport du PIB/H des Etats-Unis et de la Chine est de 7/1. Il y a donc quelque chose qui ressemble à un problème régional en Europe…

Autre résultat important, insuffisamment pris en compte dans la réflexion, y compris des économistes : la tendance à la convergence des PIB par habitant des pays de l’UE à 25, d’un côté, et au maintien, voire à l’accroissement, des disparités entre régions, toujours en termes de PIB par habitant, d’autre part. Bref, un double processus de convergence et d’agglomération, coeur du problème que doit traiter l’économie spatiale (voir ce document de travail de Geppert et al. (2005) pour des précisions sur les méthodes statistiques mobilisables et les résultats obtenus pour l’UE25).