La dure vie des riches…

On ne se rend pas compte de la complexité de la vie des personnes riches : il leur faut trouver le temps de dépenser leur
argent, et, parfois, c’est bien difficile…

Prenez François-Marie Banier. Lilianne Bettencourt lui aurait offert 1 milliard d’euros. Facile à
dépenser vous croyez? A mon avis, non.

Petit calcul : il ne doit pas être trop compliqué de placer cet argent pour qu’il rapporte disons 3% de l’an en net. Et
bien 3% de 1 milliard, ça vous fait la bagatelle de 30 millions d’euros par an. Coquette somme, n’est-ce pas? Car, tenez-vous bien, 30 millions d’euros par an, ça vous fait 82 191,78€ par jour…
ou encore 3 424,66€ de l’heure…

Dépenser chaque heure de sa vie près de 3500€, 24 heures sur 24, 365 jours par an, moi je vous dis que ce n’est pas si
simple. Et tout ça sans toucher une miette du milliard initial… Pauvres gens…

Le football, un sport de riches?

Petit exercice statistique de saison : existe-t-il un lien entre le niveau de vie des pays et la qualité de leur équipe
de football?
Je me suis amusé à faire quelques calculs et graphiques, je vous les présente.

Un peu de méthodo, d’abord : j’ai récupéré ici les données de PIB par habitant (PPA) et les données sur les points FIFA des équipes de football. J’ai supprimé les pays qui n’était
pas dans une liste ou l’autre, si bien que je me retrouve avec un échantillon de 143 pays.

A partir de ces données, j’ai établi le classement des pays, si bien que je dispose de 4 colonnes de données : i) PIB par
habitant, ii) Points FIFA, iii) rang  PIB par habitant, iv) rang FIFA
.

Premier petit exercice : récupérer ces données sous R, logiciel libre permettant de faire plein de calculs statistiques,
économétriques, et aussi de jolis graphiques très facilement. Je commence juste à explorer les possibilités de ce logiciel, qui me semble vraiment très bien. Pour le télécharger, il suffit
d’aller ici.

Une fois installé, j’ai tapé ces quelques lignes de code :

#je précise au logiciel l’endroit où sont stockées mes données:

setwd(“C:/R/”)

# je lui dis de mettre dans la matrice x les données stockées dans un fichier excel, enregistrées au format “csv (avec
;)”,  ce qui correspond au format csv2 sous R:
x<-read.csv2(“FIFA.csv”)

# j’indique à R que la première ligne correspond au nom des variables :
attach(x)

# je range dans une matrice g les données, en enlevant la première colonne, correspondant au nom des pays :
g<-x[,2:5]

#en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je demande à R de me faire plein de jolis nuages de points
:

plot(g)

Et ça donne ce joli graphique :

Fifa.jpg

Le graphique de la deuxième colonne/première ligne correspond au nuage de point avec en abcisse le PIB par habitant et en
ordonnée le nombre de points FIFA. Etc pour les autres graphiques.

Question : a-t-on une bonne corrélation entre Points FIFA et PIB par habitant?

Pour répondre, je teste la relation suivante : PointsFIFA = a*PIBH +b avec ce code :

y<-lm(PointsFIFA~PIBH)

Je demande à R de me montrer les résultats :

summary(y)

J’obtiens ceci :

             Estimate Std. Error t value
Pr(>|t|)   
(Intercept) 320.55004   37.51189   8.545 1.89e-14 ***
PIBH          0.01027    0.00211   4.867 2.99e-06 ***

Signif. codes:  0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1

Residual standard error: 323.5 on 141 degrees of freedom
Multiple R-squared: 0.1439,     Adjusted R-squared: 0.1378
F-statistic: 23.69 on 1 and 141 DF,  p-value: 2.989e-06

Explication : le a de mon équation est égal à 0,01027, le b est égal à 320,5504. les trois * après le
a signifient que ma variable PIB par habitant est très significative, il y a donc bien une relation entre PIB par habitant et nombre de points Fifa. Cependant, mon “Multiple R-squared”
de 0,1439 indique que ma variable PIB par habitant n’explique que 14% de ma variance totale. Il y a d’autres variables, non intégrées dans le modèle, qui doivent expliquer les écarts de points
Fifa. J’ai par exemple été chercher les données sur le PIB. J’ai retesté mon modèle, le PIB est également significatif, mais plus faiblement. Mon R² augmente un peu (il passe à
17%).

 

Pour chaque pays, je peux ensuite calculer la différence entre la valeur prédite par mon modèle
(PointsFIFA*=a1PIBH+a2PIB+b) et la valeur réelle (PointsFIFA). J’obtiens ce qu’on appelle un résidu. Plus le résidu est fort (en valeur positive ou négative), moins mon modèle est bon. Ce qui
permet d’identifier les pays qui ont un faible PIB par habitant et un fort score FIFA, et inversement.

Sous R, il suffit de taper les commandes suivantes :

z<-y$residuals

Je range dans une variable z les résidus de ma relation PointsFIFA=a*PIBH + b

write.table(z,”residus.csv”)

Je range dans un fichier csv (lisible sous Excel) mes résidus.

Après avoir collé dans mon fichier de départ mes résidus, je peux réorganiser les pays qui ont les résidus les plus
forts, et ceux qui ont les résidus les plus faibles, histoire de voir ceux pour qui le lien PointsFIFA et PIB par habitant marche le moins bien.

J’obtiens ceci :

* liste des 5 premiers pays pour lesquels le nombre de points FIFA devrait être moins élevé, au regard du PIB par
habitant et du PIB :
Brésil, Espagne, Portugal, Egypte, Argentine

* liste des 5 premiers pays pour lesquels le nombre de points FIFA devrait être plus élevé, au regard du PIB par habitant
et du PIB: Luxembourg, Bahamas, Seychelles,
Etats-Unis, Singapour.

 

Et la France dans tout ça? Elle est 8ème au classement FIFA, et 13ème en termes de PIB par habitant. Ses défaites
successives devraient conduire à la faire descendre dans le classement FIFA. Les joueurs visaient sans doute l’alignement parfait…

 

 

Procès Kerviel

Ne pas rater les billets
d’Alliocha
sur le sujet.

Ni le témoignage de Catherine Lubochinsky, professeur d’économie à Paris
2. Je le reproduis ci-dessous.

Je ne suis pas juriste, Kerviel sera peut-être condamné pour une chose ou l’autre. Mais la
ligne de défense de la Société Générale m’apparaît de plus en plus intenable…


11h10: Catherine Lubochinsky est appelée à la barre.
Elle est citée par la défense. Elle est prof au Master finances de Paris II. Elle travaille sur les taux d’intérêts et les produits dérivés.

11h15: “C’est bizarre”
Elle fait un cours sur les marchés dérivés, ceux organisés et ceux entre gré à gré entre banques…Sur les premiers, il y a des chambres de compensation, pas sur les seconds. Elle se demande
comment ces flux de 50 milliards ont pu ne pas apparaître. Quand il gagne fin 2007 1,4 milliard, “où est ce milliard dans les comptes de la Soc gen, car il est quelque part”, commence-t-elle,
précisant qu’elle n’avait pas la réponse. Kerviel est-il un trader, qui spécule, ou quelqu’un qui fait des arbitrages, des opérations avec peu de risques, se demande-t-elle encore. “Je n’ai
toujours pas compris quel était le métier de J. Kerviel, était-il market-maker, était-il gestionnaire de risques, était-il gestionnaires pour des tiers, était-il arbitragiste”, se demande-t-elle.
D’après elle, il était un peu de tout. “C’est bizarre”, note-t-elle, précisant que le code de la finance empêche ce cumul.

11h25: Des éléments “surprenants” selon la témoin
Elle s’interroge aussi sur le milliard en trésorerie de Jérôme Kerviel qui n’a pas attiré l’attention des supérieurs de Kerviel. “Un déséquilibre d’1 milliard, c’est beaucoup, quand la limite de
position était de 125 millions”, note-t-elle. Autre point “surprenant”, c’est quand Kerviel annonce un bonus de 55 millions d’euros, quand la limite en risque est de 125 millions d’euros pour le
desk. Soit un rendement de 45%. “Ce rendement ne se conçoit pas sans un risque à la hauteur”, dit-elle et c’est ce qu’elle dit à ses étudiants. “Si on m’annonce j’ai un rendement de 45% avec un
engagement à 125 millions d’euros je me pose des questions”, dit-elle. Elle dit s’être fondé sur l’ordonnance de renvoi, sur lequel elle note “des approximations” notamment sur le
“vocabulaire”.

11h27: “Ils sont tous coupables”
Le ministère public lui demande son jugement sur l’affaire: “Ba ils sont tous coupables”. La salle se gausse. “Le contrôle n’a pas fonctionné, c’est pas moi qui le dit c’est la Commission
bancaire qui a infligé l’amende quasiment maximale”, explique-t-elle avec une gouaille pleine de fraîcheur. “Maintenant je ne dis pas que c’est l’ensemble de la banque qui ne va pas. C’est une
des meilleures banques du monde”, reprend-elle. “Il y a eu un excès de confiance avec le front office. Il y a toujours eu des relations difficiles entre le front et le back office”,
rappelle-t-elle. “Une excellente banque victime de son excès de confiance”, dit-elle. Elle prend une métaphore et dit que si on demande aux “hommes de la salle” si ils pensent conduire mieux que
la moyenne, 80% des hommes lèveront la main. “Excès de confiance”, c’est pareil dans les salles de marchés dit-elle, se basant sur la finance comportementale. Elle ne comprend pas non plus
“pourquoi il n’a pas été sorti de la salle de marché” en 2005 quand Jérôme Kerviel a fait une grosse erreur.

11hh37: “Il y a des délinquants, comme dans tous les métiers”
“Il y a quand même des délinquants, comme dans tous métiers, sinon vous seriez tous au chômage”, continue-t-elle. La salle rit, le président un peu moins. “Un être humain est un être humain, ce
ne sont pas des machines”. Le président rappelle que ces humans brassent des milliards. “Au bout de quelques zéros, on ne fait plus la différence”, dit-elle. Elle explique que dans les banques
anglo-saxonnes, les jeunes sont recrutées mais envoyées en formation avant de commencer.

11h39: Le show Lubochinsky
Pendant que Catherine Lubochinsky féraille avec le président, Jérôme Kerviel semble détendu puisque l’exposé du témoin lui est plutôt favorable. En revanche, Me Jean Veil, avocat de la banque,
semble circonspect. Le président lui demande si l’itinéraire de Jérôme Kerviel, du middle au front office, est logique. Elle semble penser que ça se tient et rappelle qu’avant, les employés de la
banque faisaient le tour de tous les métiers. “Ce n’est pas une aberration”, soutient-elle.

11h43: Entre Racine et Corneille
Me Veil interroge le désormais le témoin. Il parle de Corneille et Racine, le premier, qui décrit les hommes tels qu’ils sont et le second tels qu’il devraient être. Il lui demande si son
témoignage es plutôt Corneille ou Racine. Réponse: “Ah je ne savais pas qu’il fallait faire de la litterature ici”! La salle rit encore. En fait il veut savoir si sa lecture du dossier est dictée
par l’idéal ou le réel. Me Veil répond: “Plutôt Racine donc!”. “M’enfin, s’il y a 1 milliard, c’est du réel!”, répond elle. Il lui demande si la fraude est consubstantielle à la finance. “Non,
elle est consubstantielle à l’être humain”, répond elle. “Ah vous êtes plutôt Corneille alors”, raille Me Veil. D’après elle, le comportement de Kerviel est dû à un excès de confiance, et comme
un délinquant qui ne se fait pas prendre, contine et augmente ses délits. Jusqu’à prendre des “positions irréalistes”, “avec une perte de notion de la réalité”.

 11h57: “Sauf si on ne veut pas le
voir”

Me Metzner l’interroge désormais. Et lui demande si on prend certaines positions comme les futures, sans contreparties, si ça se voit ou pas. Pour 100.000 futures, il faut un milliard de
garanties, rappelle-t-elle. Ce n’est pas rien. Il lui demande si le milliard de gain doit se voir. “Oui”. Il y a une implication comptable, demande-t-il. “Oui puisqu’il est là”. Et reprend: “sauf
si on ne veut pas le voir”. “On est d’accord”, acquiesce Metzner.

12h00: Fous rires
Me Metzner l’interroge sur le comportement de Kerviel. “D’après des études scientifiques, le taux de testostérone est plus élevés chez les traders”, commence-t-elle, expliquant qu’il faudrait
peut-être un peu plus de femmes. Explosion de rires dans la salle. Claire Dumas, pour la Société générale, et les avocats à côté d’elles, part dans une crise de fou rires. Sur les marchés, les
traders ont besoin d’avoir peur”, ajoute-t-elle…Me Metzner l’interroge désormais sur les lettres d’alertes d’Eurex, qui auraient dû alerter. Bien sûr dit-elle, c’est la moindre des choses de
poser des questions.

T’es consultant? Faut que tu consultes…

Quelque part, ça a un côté rassurant. J’veux dire, la tendance de certains à répéter tous les ans les mêmes bêtises.

Prenez le cabinet de consultant Ernst & Young. Ils livrent chaque année leur baromètre de l’attractivité en Europe, avec, cette année encore, un focus pays sur la
France
.

J’en avais parlé en 2006 (résultats 2005).

J’en avais parlé en 2007 (résultats 2006).

J’en avais parlé en 2008 (résultats 2007).

J’en reparle aujourd’hui, sur les résultats 2008 et 2009 (je sais pas ce qui s’est passé l’an dernier, une absence, sans doute, j’ai oublié de commenter les résultats 2008).

J’ai donc complété ma petite base de données, pour construire le graphique par pays des projets accueillis en Europe. Ca donne ça :

E&Y2010

Comme chaque année, le Royaume-Uni est en tête, la France toujours deuxième, l’Allemagne toujours troisième, l’Espagne toujours quatrième…

Comme chaque année également, Ernst & Young prédit le décrochage rapide de notre beau pays : “De baromètre en baromètre, l’inquiétude naît de la difficulté qu’à le monde extérieur à décrypter ce qu’est la France”. Plus loin, on apprend que la France “souffre d’un grave déficit d’image qui lui est préjudiciable”.

Personnellement, j’ai plutôt une forte inquiétude sur la difficulté qu’a Ernst et Young à décrypter les statistiques collectées. Ils doivent embaucher des stagiaires juste sortis de grandes écoles, pour leur demander d’actualiser les données et ensuite de reproduire les rapports des années précécentes (en interrogeant quelques dirigeants d’entreprise, quand même, dont la fulgurance des propos est inversement proportionnelle à leur rémunération).

Vous vous interrogez sur ce que doit faire votre enfant? Mettez-lui bien la pression pour qu’il fasse un bon bac. Une prépa ensuite, et puis une grande école. Avec un peu de chance, il finira chez Ernst & Young. Joli costard-cravate, et très bonne rémunération. Il sera beau. Beau et con à la fois.

Euro 2016 en France : quel impact économique ?

La France va accueillir l’Euro 2016 de football. Est-ce une bonne chose sur le plan économique? On peut commencer par
regarder ici, les retombées économiques de la coupe du monde 2006 organisée en Allemagne, ainsi que celles liées à la coupe du monde de rugby organisée en France (diaporama ici, rapport (en) ).Bilans
positifs.

J’ai vu passer sur un blog il n’y a pas très longtemps une étude beaucoup plus nuancée sur un autre évènement sportif,
mais je n’ai pas retrouvé l’article. N’hésitez pas à poster des références complémentaires.

Facebook, twitter, etc…

J’ai créé il y a quelques temps une page facebook et un compte twitter. Histoire de voir ce que ça pouvait donner. L’idée est d’y poster les billets de mon
blog, ainsi que quelques petits billets/notes moins politiquement corrects.


Seul problème avec ma page Facebook : ceux qui veulent suivre doivent être mes amis, je peux alors suivre leur propre
actualité, ce qu’ils ne veulent pas forcément. J’ai donc décidé de créer un groupe Facebook, permettant de suivre mon blog sans que je suive votre page. Il suffit de s’y abonner en cliquant ici.

Inégalités et comportement, oeuf et poule

Traduction approximative d’un billet de Chris Dillow. Toute remarque bienvenue.

Imaginez deux personnes ayant exactement les mêmes caractéristiques à la naissance. Appelons-les Pierre et Paul. Le
père de chacun d’eux travaille dur. Cependant, un jour, le plus grand établissement de la ville ferme : le père de Paul est licencié, il peine ensuite à en trouver un autre. Paul en infère
que travailler dur ne paie pas. Il désinvestit les études, et, à l’âge adulte, il alterne larcins, petits boulots et chômage.

A l’inverse, Le père de Pierre, qui travaille tout aussi dur que le père de Paul, progresse dans son entreprise en
obtenant régulièrement de nouvelles promotions. Pierre en déduit que travailler dur paye, il s’investit dans ses études et réussit brillamment professionnellement.

Regardons maintenant les inégalités de revenu entre Pierre et Paul. Nous pouvons considérer qu’elles sont
méritées : après tout, Pierre a travaillé et travaille dur, à l’inverse de Paul.

Mais ces différences de comportement résultent d’un « accident » lors de leur enfance. Dès lors, les
inégalités de revenu sont-elles méritées ?

On se trouve face à une question du type « qui de la poule et de l’œuf ? ». Est-ce que ce sont les
différences de caractère qui conduisent à des différences de circonstance ? Ou bien est-ce que ce sont les différences de circonstance (pendant l’enfance) qui conduisent à des différences de
caractère ?

C’est à ce niveau qu’on trouve une différence essentielle entre la droite et la gauche. La droite considère que la
causalité vient du caractère, la gauche des circonstances. Je penche plutôt pour la dernière explication ; l’homme est un animal social.

Mais comment savoir qui, au final, a raison ? Quel expérience pourrait-on mener, quelle preuve
avancer ?

 

En complément : j’ai toujours été agacé par les interviews de personnes ayant réussi, quelque soit le domaine. A un
moment où à un autre, ils avancent l’idée qu’ils ont travaillé dur pour réussir. D’où la causalité suivante : j’ai réussi parce que j’ai travaillé dur. On devrait arrêter d’analyser les
success stories
, qui aboutissent inévitablement à ce type de proposition. Je pressens qu’une analyse des failure stories aboutirait à la même proposition, mais à une causalité
inverse : j’ai travaillé dur, mais j’ai échoué…

Nos phobies économiques

Alexandre Delaigue et Stéphane Ménia, tenanciers du blog les Econoclastes, viennent de publier Nos phobies économiques, après un premier
ouvrage remarquable et remarqué, Sexe, drogue et économie.

Prenant acte du fait qu’en France, les peurs économiques sont plus fortes qu’ailleurs, ils proposent une thérapie
collective, en décryptant certaines d’entre elles : peur d’une perte de pouvoir d’achat, de la destruction inexorable de la planète, de ne plus pouvoir se soigner ; peur des épidémies,
du chômage, des étrangers, du gratuit et des banquiers. En partant du principe suivant : « la compréhension des phénomènes, si elle ne leur apporte pas forcément de solution évidente,
permet au moins de réduire l’angoisse qu’ils entraînent » (p. 12).

Dans chacun des chapitres, les auteurs mobilisent ce qui me semble constituer les deux jambes de l’économiste : i)
des éléments d’analyse permettant de produire des enchaînements essentiels et de réintroduire de la complexité dans des débats abordés généralement de manière simpliste, ii) des éléments de
preuve empirique, qui font tellement défaut en France, permettant de discriminer entre les enchaînements produits. Tout ceci en se confrontant à nombre des sujets ayant fait débat dans la société
depuis quelques années, et continuant d’ailleurs de faire débat. Bref, un ouvrage qu’on ne peut que recommander.

J’insiste sur un point, sur lequel les auteurs attirent l’attention mais qui me semble décisif : lorsqu’on analyse
de manière approfondie un problème économique et qu’on réintroduit, ce faisant, de la complexité, on se fait taxer immanquablement d’optimiste. Quand ils critiquent les théoriciens de la
décroissance, je suis sûr  que certains penseront qu’ils ne veulent pas voir les problèmes en face. Lorsque, dans mes propres travaux, qui procèdent de la même méthodologie, j’insiste sur le
fait qu’il faut arrêter de dire que toute l’activité part, qu’on est victime d’un processus irréversible de désindustrialisation, je me fais taxer d’optimiste. Lorsque Louis Maurin, que j’ai
entendu récemment lors d’une conférence, explique qu’il ne faut pas parler d’explosion des inégalités en France, on le taxe aussitôt, dans la discussion qui s’ensuit,
 d’optimiste.

Dans les trois cas (sans doute dans de nombreux autres) on se trompe : le propos n’est pas d’éluder les problèmes,
mais de les recadrer. Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas de problème, mais d’essayer d’identifier les bons problèmes. En indiquant ensuite les pistes de solution. A charge pour le politique
de proposer aux citoyens la piste qu’il privilégie. Aux citoyens, enfin, de trancher par leurs  votes.

Dans le chapitre consacré au pouvoir d’achat, l’analyse d’Alexandre Delaigue et de Stéphane Ménia montre par exemple que
le problème, aujourd’hui,  est moins du côté de l’évolution des prix que du côté de l’évolution des inégalités de revenu. Les médias et les politiques se sont focalisés sur le premier
problème, alors que c’est le deuxième qu’il faut traiter. Ce qui suppose de se confronter aux politiques de redistribution des revenus.

En filigrane, apparaît également, tout au long des chapitres, la même interrogation : pourquoi les politiques ne
s’emparent-ils pas de telles analyses, pour proposer des préconisations mieux adaptées ? Sans doute un chapitre complémentaire sur la déconnection croissante entre la rationalité économique
et la rationalité du politique aurait-il été utile. Mon sentiment (mais c’est une interrogation, les commentaires sont bienvenus) : jusqu’à récemment, les politiques ont su faire la part des
choses entre ce qu’il fallait dire (pour être élu, autrement dit côté rationalité politique) et ce qu’il fallait faire (pour résoudre les problèmes, autrement dit côté rationalité économique).
Depuis quelques années (les débats de la campagne présidentielle 2007 et le traitement par le gouvernement des problèmes les plus récents, sont à cet égard révélateurs), on ne se préoccupe plus
que de ce qu’il faut dire : on ne cherche pas à guérir les peurs, on préfère (pour reprendre une expression particulièrement juste de François Héran) caresser les gens dans le sens de leur peur.

Dernière remarque aux auteurs : leur premier ouvrage abordait de nombreux thèmes. On était sans doute au plus près
des billets de leur blog. Le deuxième ouvrage est plus resserré : moins de thèmes abordés, avec un traitement plus en profondeur. Assez logiquement, si l’on suit la trajectoire empruntée, le
troisième ouvrage devrait aborder un ou deux thèmes, de manière encore plus approfondie. Mais sans doute est-il déjà en cours de rédaction ?

Burqua, polygamie, etc.

Billets impeccables une fois de plus des jurites blogueurs Eolas et Diner’s Room. A lire cet
article
du Monde, le gouvernement semble s’apercevoir de sa bêtise, en invitant à la prudence. Enfin, quand je dis le gouvernement, c’est à l’exclusion de Frédéric Lefèvre, bien sûr, qui
propose plutôt de changer la loi : “il serait sans doute utile d’élargir les possibilités dans notre droit de renforcer et d’accélérer les procédures de déchéance de
nationalité”…