L’oral de Nicolas S. (épreuve de janvier 2012)

Il y a quelques années, Nicolas S. avait passé un
écrit
et un oral plutôt peu concluants. Il a récidivé dimanche soir.

Sujet tiré lors de l’épreuve orale : que faire pour sauver l’économie française de la crise actuelle? Voici le déroulé de
l’épreuve… (en gras, les propos entendus -ce n’est pas une retranscription littérale, mais les idées sont là)

– bonjour Nicolas, installe toi… avant de commencer, cependant, petite précision : j’ai donné le sujet en août dernier, au moment du
retour de la crise… et tu ne t’es pas présenté à l’épreuve… je veux bien t’entendre, mais il faudra que je sanctionne ce retard…

– (…)

– bien, que proposes-tu?

– je propose de réduire les charges patronales pour lutter contre les délocalisations, car il faut bien que tout le monde en prenne
conscience : la France est en train de se vider de son sang industriel…

– tu peux me dire quel est le rapport avec le retour de la crise d’août dernier?

– (…)

– bon, continue. Si je comprends bien, le problème n’est pas le retour de la crise, tu sembles pointer un problème plus structurel de
baisse de l’emploi industriel en France…

– oui, c’est cela! D’où ma proposition!

– d’accord, je te suis… Cependant, je te rappelle que l’emploi industriel baisse en France depuis les années 1970… que les causes
sont assez bien indentifiées par ailleurs… (je te renvoie à ce document).
Pourquoi ne pas avoir évoqué cette solution la première fois que tu as passé cette épreuve??? Souviens-toi, c’était il y a cinq ans, quand même!!!

– je sais… j’ai des regrets… qui n’en aurait pas…

– d’accord, je comprends. Bon, tu veux donc baisser les charges patronales. Mais ceci risque de dégrader encore plus la situation des
finances publiques, ne crois-tu pas?

– pas du tout! Car je propose de financer ces baisses de charge par un accroissement de la TVA!

– eh bien, tu n’y va pas avec le dos de la cuillère! Et tu proposes de faire tout cela quand?

baisse des charges en février, hausse de la TVA en octobre!

– ah, il y a un décalage de 8 mois… pendant 8 mois, tu réduis les rentrées fiscales sans augmenter les recettes… c’est curieux,
non?

– (…)

– bon, passons… revenons à cette hausse de la TVA… n’as-tu pas peur qu’elle pèse sur la consommation en France? Nous risquons
d’assister à une hausse des prix, ne crois-tu pas?

– absolument pas! En Allemagne, aucun effet!

– tu as vérifié les statistiques?

– (…)

tu peux aller voir sur Eurostat… Ton amie Angela M. a augmenté la TVA en 2007, l’inflation allemande, systématiquement sous les 2% entre 2000 et 2006 (1,8% en 2006), est passée à
2,3% en 2007 et 2,8% en 2008… effet inflationniste assez inévitable, Nicolas, même si l’ampleur peut varier selon les pays… Au Royaume-Uni, apparemment, l’effet inflationniste a été très fort
depuis la réforme similaire de David C…

– oui, mais au Royaume-Uni, rien à voir : ils n’ont plus d’industrie!!!

– tu en es sûr? A en croire ce graphique (données Eurostat), l’industrie pèse 11,9% de la valeur ajoutée (en valeur) en France, contre 12,4% au Royaume-Uni…

– (…)

– bon, imaginons que tu aies finalement raison : pas d’effet inflationniste de la mise en place de la TVA. Je ne comprends pas pourquoi
tu ne veux pas l’instaurer plus tôt?

– ben… c’est pour des raisons techniques… le temps que les ordinateurs s’adaptent

– tu te moques de moi?

– (…)

– bon, tu peux justifier d’une autre façon?

– oui! C’est pour faire comme en Allemagne! Ils ont annoncé la hausse de la TVA quelques mois en avance, comme ça les
consommateurs se sont dit qu’il valait mieux vite consommer avant la hausse
, ça a fait repartir la consommation du feu de dieu!

– ok, je comprends… donc, tu annonces la hausse en février, elle n’a lieu qu’en octobre, comme ça, les consommateurs, qui se disent
que les prix vont augmenter seulement en octobre, vont consommer beaucoup en février, mars, avril, mai, etc… et donc faire repartir la croissance en France, plutôt qu’attendre octobre et subir
la hausse des prix?

– oui! oui! oui! c’est ça!!!!

– je comprends… je comprends… mais pourtant… il y a quelques minutes… tu ne m’as pas dit que la hausse de la TVA n’aurait pas
d’effet sur les prix???

– (…)

– donc, si je résume : tu dis aux français que tu augmentes la TVA, tu leur dit en même temps que ça ne fera pas monter les prix, mais
tu espère qu’ils vont penser que ça fera monter les prix histoire qu’ils consomment fissa avant les élections et que la croissance redémarre…

– (…)

– si je résume encore plus : tu veux qu’ils pensent d’une part que ça ne fera pas monter les prix et d’autre part qu’ils pensent que ça
fera monter les prix… tout ça en même temps…

– (…)

– bien… je te dis à la prochaine fois ?


Made in France, again

Mathieu Magnaudeix, de Médiapart, m’a interviewé mercredi dernier sur le Made in France. Alexandre Delaigue et Jean-Luc Gaffard ont également été interrogés. L’objectif?
Synthétiser les analyses (largement convergentes) des économistes sur cette nouvelle mode du Made in France avant de recevoir François Bayrou, ce soir, entre 20h30 et 22h00.

L’article se trouve ici (€). Le débat sera diffusé là.

Le rapport Coe-Rexecode sur la durée du travail en France

J’avais parlé il y a quelques
temps
des erreurs et approximations d’une étude de Coe-Rexecode comparant les performances de la France et de l’Allemagne.

Ils viennent de récidiver en publiant une autre étude où ils comparent les durées de travail en Europe et de laquelle ils pensent pouvoir conclure que i) la durée du travail en France est une des plus
faibles d’Europe, ii) non content de cela, c’est le pays où on a le plus réduit la durée du travail (35 heures, le retour), iii) que ceci a plombé la croissance française et donc l’élévation du
niveau de vie des populations.

Eric Heyer et Mathieu Plane expliquent fort heureusement en 7 pages claires et précises les nombreuses erreurs et approximations de cette nouvelle étude.

Ils sont payés chers les économistes de Coe-Rexecode?

Les priorités des poitevins

Cette année, les étudiants de troisième année de la Licence de Sciences Economiques de Poitiers ont réalisé une enquête sur les enjeux
considérés comme prioritaires par les poitevins, pour le magazine 7 à Poitiers (plus de 1600 personnes interrogées) : construction des questionaires, passation, premières exploitations
statistiques.

Tout un ensemble de résultats figurent dans le numéro de cette
semaine
(p. 4 et 5). D’autres exploitations à venir ici!

Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?

Nouveau débat en cours : la suppression/modulation du quotient familial proposée par François Hollande. Nicolas Sarkozy a rétorqué que
“Ce serait une folie. C’est quand même quatre millions et demi de familles qui sont concernées. C’est un coup porté à notre politique familiale. Elles y perdraient beaucoup” (source). Diantre, rien que cela… Je me suis
empressé d’aller chercher quelques éléments côté recherche académique, histoire de mesurer l’ampleur de la folie dans laquelle nous allons tous plonger.

La meilleure référence que j’ai pu trouver (n’hésitez pas à poster d’autres références) est cet article de Camille Landais de 2004, précisément intitulé “Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?”. Voici le
résumé :

Dans cette étude, nous exploitons les variations des mesures familiales de la législation de l’impôt sur le revenu afin d’estimer
l’impact des incitations financières sur la fécondité à partir de la méthode dite des « expériences naturelles ». Nous utilisons des données annuelles issues du dépouillement exhaustif de
l’ensemble des déclarations de revenus par l’administration fiscale depuis 1915. Nous avons exploité deux expériences naturelles, le plafonnement des effets du QF en 1981 et l’introduction de la
demi-part supplémentaire au troisième enfant en 1980, qui semblent indiquer que l’impact des politiques d’incitations fiscales sur la fécondité est positif, mais toujours extrêmement faible.
Néanmoins, même s’ils demeurent très faibles, ces effets présentent deux caractéristiques remarquables. Ils sont tout d’abord très lents à se diffuser (5 à 10 ans). Ils sont ensuite assez
clairement dissymétriques en fonction du rang de naissance et du niveau de revenu : la politique de troisième enfant a une certaine efficacité quoique très restreinte et les très hauts
revenus sont légèrement plus sensibles aux incitations fiscales que les hauts revenus.

Je vous livre également la dernière phrase de sa conclusion (petite précision : Landais parle d’étrange “policy mix” car l’Etat a pris
sur la période des décisions plutôt contradictoires avec d’un côté le plafonnement des effets du QF et de l’autre un soutien vigoureux aux familles nombreuses) :

En dernier recours, cet étrange « policy mix » a permis à l’État d’économiser des sommes conséquentes (de l’ordre de 4,5 milliards
de francs courants pour la seule année 1982 au niveau du dernier centile, d’après nos propres estimations !), sans détériorer pour autant la fécondité des hauts revenus. 

 

Contrairement à l’affirmation de notre Président (et des quelques ministres dont j’ai pu entendre les cris horrifiés hier dans les
médias), modifier les incitations proposées par l’Etat ne semble pas bouleverser les comportements des acteurs. Dès lors, si l’évolution proposée par Hollande s’inscrit dans le cadre plus large
d’une réforme fiscale de nature plus progressive, je vote pour cette folie douce…

Made in France vs. Made in Monde

Je découvre dans cet article (via EcoInter View) le petit tableau ci-dessous, traduit et complété par mes soins.

Balance commerciale des Etats-Unis pour l’iPhone, en 2009 (millions de dollars)

Chine Japon Corée du Sud Allemagne Reste du Monde Monde
Mesure traditionnelle -1901.2 0 0 0 0 -1901.2
en % 100% 0% 0% 0% 0% 100%
Mesure en valeur ajoutée -73.5 -684.8 -259.4 -340.7 -542.8 -1901.2
en % 4% 36% 14% 18% 29% 100%

 

Il s’agit d’un tableau résumant la balance commerciale des Etats-Unis, en 2009, pour un seul produit, l’iPhone. La mesure traditionnelle du commerce montre que les Etats-Unis payent 1901.2 millions de dollars à la Chine, qui assemble ce produit. Une mesure révisée, en valeur ajoutée, modifie totalement notre perception : la Chine, pour assembler l’iPhone, importe beaucoup du Japon, de l’Allemagne, de la Corée du Sud et d’autres pays encore. Si l’on déduit des exportations chinoises d’iPhone les importations chinoises nécessaires, les Etats-Unis ne payent plus que 73.5 millions de dollars à la Chine, soit 4%, contre 36% au Japon ou 18% à l’Allemagne.

J’avais déjà parlé de l’importance de l’analyse du commerce international en valeur ajoutée ici et . Je voulais en remettre une couche, vu le débat politique actuel sur le fabriqué en France :

Sarkozy/Jego proposent de labelliser “Origine France Garantie” les produits dont plus de 50% de la valeur ajoutée est française. Bayrou a fait du “Fabriqué en France” un point essentiel de sa campagne. Sur la base de ce critère, on observe que l’iPhone est un produit Made in Nulle Part. Ou plutôt Made in Monde,

* Le Japon et l’Allemagne ne peuvent pas revendiquer que l’iPhone est un pays respectivement Made in Japan ou Made in Germany. Mais ils sont très bien positionnés dans la chaîne de valeur ajoutée de ce produit Monde,

* On peut donc opposer deux stratégies en matière de politique industrielle : i) la stratégie Sarkozy/Jego/Bayrou, qui vise à soutenir la production de biens Made in France vendus en France, ii) la stratégie Japonaise ou Allemande, qui vise à être bien placé dans les processus de production de produits Made in Monde vendus… partout dans le Monde.

Personnellement, je ne sais pas, mais alors absolument pas, quelle est la meilleure stratégie…

TVA Sociale et autres futilités…

Les médias s’emparent du sujet remis sur le tapis par le gouvernement. Hier, petite interview pour France Bleu Poitou (édition de 18h, mais c’est très court) et pour Le Parisien/Aujourd’hui en France (elle devrait figurer dans l’édition papier d’ajourd’hui).

Difficile en quelques secondes ou minutes de dire tout ce que j’en pense, je renvoie plutôt à mon billet d’il y a quelques années. Voir aussi les billlets des Econoclastes, ce billet de Mathieu Bronnec, ou encore celui-ci, d’un nouveau venu sur la blogosphère, Captain
Economics.

Sur Twitter, @petitesphrases cherchait des billets sur le sujet. Alexandre Delaigue l’a renvoyé sur certains des billets indiqués plus
haut. Question alors de @petitesphrases : “ok, je vais lire ça, mais pourquoi on le fait alors si c’est naze?”.

Réponse d’Alexandre Delaigue : “la politique ne consiste pas à régler les problèmes, mais à les gérer : c’est à dire, à créer
l’illusion de faire quelque chose.”

Certains trouveront la formule un peu cynique et/ou désespérante, mais je la trouve tellement vrai ces temps-ci, quand on voit ce qui
fait l’actualité : tva sociale, relocalisations, made in France, Seafrance…

Poitou-Charentes, région leader

Ce qui est bien avec les statistiques, c’est qu’on peut toujours montrer qu’une région est meilleure que toutes les autres dans au
moins un domaine. Pour Poitou-Charentes, je viens de trouver l’indicateur adéquat : le rapport entre le taux de chômage des femmes et le taux de chômage des hommes. Ce rapport est de 0,7, ce qui
signifie que le taux de chômage des femmes est égal à 70% du taux de chômage des hommes (6,8% contre 9,2%). Ce rapport est le plus faible de France (sur 21 régions = 22 régions métroplitaines
moins la Corse). 4 régions seulement ont un ratio inférieur à 1 (Centre, Limousin, Languedoc-Roussillon et, donc, Poitou-Charentes). A l’autre extrème, on trouve la Bretagne (1,4), l’Aquitaine
(1,3) et les Pays de la Loire (1,3).


choPC.jpg

 

Côté jeunes, elle n’est pas trop mal classée non plus : le ratio taux de chômage des jeunes sur taux de chômage total est de 2,3, ce
qui classe la région au 16ème rang (vous avez compris : plus on est loin dans le classement, mieux c’est). La Bretagne est encore une fois la “pire”, avec un ratio de 3,2. Mais la Lorraine fait
mieux que Poitou-Charentes : ratio de 2,1, meilleure région française (y’a peut-être plus beaucoup de jeunes en Lorraine, faut dire…).

 

Côté chômeurs de longue durée, en revanche, c’est moins bien : 41,7% de l’ensemble des chômeurs, soit le 9ème rang français. La
Bretagne a en revanche le taux le plus faible (26,2%). La Bretagne ne prend pas soin des femmes ni des jeunes, seulement de ses chômeurs de longue durée.

 

Au niveau de l’UE à 27, les ratios sont respectivement de 1 (taux de chômage femmes/taux de chômage hommes), 2,3 (taux de chômage
jeunes/taux de chômage total) et 40,1% (part des chômeurs de longue durée).

 

source.