Dis, papa, il est où, papa?

C’est de saison : parler de l’homoparentalité. Juste pour vous inciter, quand un sujet de société comme celui-ci émerge, à regarder ce qu’en disent les chercheurs. Un moyen simple est d’aller sur Google Scholar, de taper des mots-clés, de regarder ce qui ressort (je sais, ce n’est pas si simple, il faut trier, savoir décrypter, etc. Se former à la recherche, quoi).

Personnellement, j’ai dégoté cet article en français, qui analyse 311 publications dont 35 à orientation empirique ou expérimentale (qui essaient de quantifier d’éventuels problèmes, donc). Pas de vulnérabilité plus forte des enfants. Cet article a le mérite de prendre du recul, en s’intéressant aussi à l’évolution des sujets traités ou non-traités.

Via @SH_lelabo, j’ai aussi trouvé cet article en anglais, qui conclut que les mères lesbiennes seraient de meilleurs parents. Résultat surprenant, selon les auteurs, qui citent en passant 9 articles ayant conclu à l’absence d’impact psychologique sur les enfants de l’orientation homosexuelle ou hétérosexuelle de leurs parents (références 7 à 15 de la bibliographie de l’article).

Plus de 40 études qui concluent qu’il n’y a pas de différence significative. Perso, chercheur que je suis, je conclus pareil.

Joyeux Noël (opération recyclage)

Comme c’est demain Noël et que je suis une grosse feignasse je veux sauver la planète, je recycle. En l’occurrence, un article d’il y a deux ans (preuve s’il en était besoin que mes billets ne se démodent pas…). Comme je suis gentil, j’ai ajouté une image, à la fin.

En fêtant Noël, vous allez participer :

1. à la désindustrialisation de la France, car vous allez acheter plein de produits Made in China,

2. à la destruction de la planète, car tous ces biens qui circulent, ça en fait du transport et des émissions de CO2,

3. à la souffrance des animaux, car le gavage des canards et des oies, c’est pas top écolo (vous allez très vite en avoir marre, vous aussi, d’être gavés),

4. au délitement du lien social, car les fêtes de famille se terminent souvent par des engueulades,

5. au trou de la sécurité sociale, car vous allez boire et manger pleins de trucs qui vont faire exploser votre mauvais cholestérol et donc la probabilité que vous ayez bientôt des problèmes cardio-vasculaires,

6. à la faillite de l’Etat français, car comment voulez-vous que les générations futures fassent preuve de rigueur et comprennent l’importance de la réduction de la dette si vous leur faites croire que le Père Noël existe, que donc on peut avoir plein de trucs sans effort ?

7. à la montée du sentiment d’insécurité, quand on découvrira demain qu’un mec habillé en rouge est entré par effraction dans des millions de foyers,

8. au pessimisme des générations futures, quand elles vont apprendre que le Père Noël n’existe pas,

9. à la baisse du pouvoir d’achat des français, parce qu’acheter des trucs qui servent à rien, ça vous empêche de faire des dépenses utiles,

10. au creusement des inégalités, car les jouets que le Père Noël offre aux riches sont plus chers que ceux qu’il apporte aux pauvres. Et ça, c’est vraiment dégueulasse…

Image bonus 2012!

Ah oui, et surtout, ce soir, en repartant, n’oubliez-pas (trouvé via @adelaigue ou @econoclaste, je ne sais plus…) :

 

Comment améliorer de 8% la réussite des étudiants sans effort?

Réponse : en espaçant les examens.

C’est ce qui ressort de cette étude sur données américaines de Ian Fillmore et Devin G. Pope, qui s’intéresse au lien entre fatigue cognitive et performance : les étudiants qui passent deux examens à 10 jours d’intervalle ont 8% de chance en plus de les valider que ceux qui les passent à une journée d’intervalle. Je garde cette idée en tête pour l’organisation des examens de fin d’année.

Résumé : In many education and work environments, economic agents must perform several mental tasks in a short period of time. As with physical fatigue, it is likely that cognitive fatigue can occur and affect performance if a series of mental tasks are scheduled close together. In this paper, we identify the impact of time between cognitive tasks on performance in a particular context: the taking of Advanced Placement (AP) exams by high-school students. We exploit the fact that AP exam dates change from year to year, so that students who take two subject exams in one year may have a different number of days between the exams than students who take the same two exams in a different year. We find strong evidence that a shorter amount of time between exams is associated with lower scores, particularly on the second exam. Our estimates suggest that students who take exams with 10 days of separation are 8% more likely to pass both exams than students who take the same two exams with only 1 day of separation.

 

Jolis graphiques hauts en couleur

Comme je sais que certains d’entre vous dépriment à la veille de la fin du monde, que d’autres dépriment à voir déprimer des gens à cette idée, que d’autres encore dépriment pour de meilleures raisons, j’ai décidé d’égayer votre journée avec quelques graphiques hauts en couleur.

Graphique 1, le taux de mortalité par agression dans différents pays développés, entre 1960 et aujourd’hui :

Graphique 2, déclinaison par régions américaines, car il existe une forte variabilité régionale (données de moins longue période, problème de disponibilité) :

Graphique 3, pour dire que cette variabilité régionale ne doit pas masquer le fait que la région US la plus vertueuse est beaucoup moins vertueuse que le moins vertueux des pays de l’OCDE :

Graphique 4, enfin, pour dire que ces variations géographiques sont sous-tendues pour une bonne part par des variations ethniques :

Je me demande ce qu’ils pensent des prédictions Mayas, ou des tribulations de Gégé chez les Belges, les noirs américains du sud des Etats-Unis…

Source, trouvé via @SH_lelabo.

Ai-ce que le nivo bèsse?

Document intéressant de l’Insee sur l’évolution des difficultés à l’écrit et en calcul de différentes classes d’âge.

A l’écrit, les compétences s’améliorent, pour preuve ce graphique (en abscisse, les années de naissance) :

Amélioration qui s’explique notamment par le “développement de l’accès à l’enseignement secondaire : très faible pour les générations nées avant-guerre, il s’est généralisé dans les années 1960.”

Côté calcul, c’est moin bon :

On remarque d’abord que l’évolution des scores entre 2004 et 2011 par classe d’âge est très négative pour les plus anciens, ce que l’Insee interprète comme le signe du veillissement de de l’éloignement progressif du système scolaire. Pour les générations les plus récentes, la dégradation s’expliquerait par “l’usage de plus en plus répandu d’outils micro-informatiques dans la vie quotidienne (ordinateur, calculatrice, smartphone…) [qui] amoindrit sans doute chez les plus jeunes l’intérêt à maîtriser parfaitement les règles de base du calcul”. Côté calcul, les jeunes sont rationnels, donc.

En complément, je renvoie à ce vieux billet (2006), qui explique par un petit exemple le décalage entre l’évolution du niveau perçu par les enseignants à chaque niveau d’étude et l’évolution globale du niveau de la population. Le coupable? La massification de l’enseignement.

Et je reposte ces quelques citations qui traversent l’histoire de France (source) :

“Le niveau baisse, mais les coûts de l’école augmentent” (Un député fribourgeois, La Liberté 29.10.2001).
«Nous sommes préoccupés du maigre résultat obtenu, dans les examens, par l’analphabétisme secondaire… »«La décadence est réelle, elle n’est pas une chimère: il est banal de trouver vingt fautes d’orthographe dans une même dissertation des classes terminales.» (Noël, Deska, 1956).
«Avec les copies d’une session de baccalauréat, on composerait un sottisier d’une grande richesse…»«L’enseignement secondaire se primarise…» (Lemonnier, 1929).
«J’estime que les trois quarts des bacheliers ne savent pas l’orthographe.» (Bérard, 1899).
«D’où vient qu’une partie des élèves qui ont achevé leurs études, bien loin d’être habiles dans leur langue maternelle, ne peuvent même pas écrire correctement l’orthographe?» (Lacombe, 1835)

L’exit d’Albert O. Hirschman…

Albert O. Hirschman nous a quitté hier (11 décembre 2012). Pour ceux qui veulent un peu plus en savoir sur ce chercheur, voici quelques liens.

Vers sa page Wikipédia en français et en anglais, et vers un site (en) dédié au prix qui porte son nom, où l’on trouve différents éléments sur lui.

Vers des billets que j’ai posté, en lien avec son modèle exit-voice, que je ne cesse de trouver remarquable :

Vers un article (en) de Marginal Revolution qui contient de nombreux liens vers d’autres billets consacrés aux travaux d’Hirschman.

Et le cumul des mandats, au fait?

Nouveau petit travail sur les données par député du site NosDéputés.fr (épisode 1 ici, épisode 2 là), en se focalisant cette fois sur la question du cumul des mandats. L’idée est la suivante : quelles sont les caractéristiques des députés qui influent sur leur tendance à cumuler plusieurs mandats?

Pour répondre à cette question, j’ai d’abord fusionné la base des députés actuels et celle des députés de la législature précédente, afin d’avoir plus d’observations et de mettre en évidence d’éventuelles différences (j’ai bien sûr repéré les doublons, c’est-à-dire les députés présents sur les deux périodes, pour ne pas les compter deux fois). J’ai ensuite construit une variable “cumulard”, égale à 1 si le député en question détient plus d’un mandat et à 0 sinon.

D’où ce premier petit tableau :

(%) 2007-2012 2012- Total
non cumulard 14.5 16.6 15.5
cumulard 85.5 83.5 84.5
Total 100.0 100.0 100.0

En moyenne, 84,5% de cumulards… Très légère baisse pour la “promo” en cours…

J’ai ensuite testé un petit modèle (modèle probit binaire), avec, comme variable explicatives : i) le sexe, ii) l’âge (et l’âge au carré en cas de relation non linéaire), iii) une variable “député 2012” pour différencier la législature actuelle de la précédente, iv) une variable “sortant” pour identifier les députés réélus, v) une variable “Ile de France”, pour différencier les députés de la capitale des autres députés, vi) le groupe d’appartenance, avec comme groupe de référence le groupe SRC.

L’enjeu est de voir si certaines variables influent sur la probabilité de cumuler. Résultats :

effet marginal
homme 5.80% **
age 2.74% ***
age² -0.02% ***
député 2012 1.53%
sortant 4.90% *
idf 0.17%
src modalité de référence
ecolo -26.84% ***
gdr -2.10%
nc 7.77%
rrdp 9.03%
udi -3.51%
ump 2.80%
autres -35.29% ***
nb. Obs 903
LR Chi2(13) 65.33 ***

Commentaires (seules les variables étoilées sont significatives, d’autant plus qu’il y a d’étoiles) :

* le fait d’être un homme plutôt qu’une femme augmente la probabilité de cumuler de 5,8 points de pourcentage. Effet de genre, donc,

* l’âge joue également, mais de manière non linéaire : le signe négatif devant la variable “age au carré” signifie qu’on a une courbe en cloche, autrement dit que la probabilité de cumuler augmente avec l’âge jusqu’à un certain seuil, puis diminue ensuite. Compte-tenu de la valeur des coefficients, on peut calculer le point de retournement : en l’occurrence, 57,4 ans (j’ai arrondi les coefficients dans le tableau, on trouve ce point de retournement avec les valeurs exactes),

* pas de différence significative entre nouvelle promo et ancienne promo. En revanche, le fait d’être sortant augmente de près de 5 points de pourcentage la probabilité de cumuler,

* pas d’effet géographique Ile de France. J’ai en revanche testé une autre version du modèle avec une variable par région, deux “régions” ressortent, avec un effet négatif sur la probabilité de cumuler : les députés “Français hors de France”, qui réduisent de plus de 60% la probabilité de cumuler (hypothèse d’interprétation politiquement incorrecte : on a casé là des gens inéligibles ailleurs) et les députés de Poitou-Charentes, qui réduisent cette même probabilité de plus de 20% (hypothèse d’interprétation évidente : les picto-charentais sont des gens biens),

* s’agissant des groupes d’appartenance, effet significatif d’appartenir à un “autre groupe”, qui est un groupe hétérogène, composé des non inscrits et de députés dont l’appartenance à un groupe n’est pas renseignée dans la base. Difficile à interpréter, donc. En revanche, un autre effet très significatif est le fait d’appartenir au groupe écolo, avec une baisse de près de 27 points de pourcentage de la probabilité de cumuler. Aucune différence significative entre les autres groupes.

Conclusion définitive : ça manque de jeunes femmes écolos picto-charentaises, dans l’hémicycle…

PS : sur le sujet du cumul des mandats, lecture incontournable découverte via un commentaire d’un précédent billet (merci Gabriel!), cet Opus de Laurent Bach.

Le travail des députés : des compléments

Complément à mon billet d’hier, sur la base d’autres statistiques disponibles sur le site NosDéputés.fr (merci à Philippe Bonnet pour le lien). Certains m’ont fait remarqué à juste titre que l’activité des députés ne se limitait pas à participer aux votes publics, ils participent à des commissions, posent des questions écrites ou orales, interviennent dans l’hémicycle, déposent des propositions de lois, amendements, etc.

Le site NosDéputés.fr permet très facilement de récupérer des éléments statistiques, par député, pour la législature en cours, comme pour la précédente (2007-2012). On ne peut pas faire de statistiques par jour, mais on peut calculer le nombre de semaines de présence des députés dans l’hémicycle, ou encore le nombre de présence en commission, etc. Voici quelques premiers résultats :

(par mois) moyenne médiane
semaines de présence 2.8 2.9
présence en commission 5.1 4.8
questions écrites ou orales 4.6 1.9
interventions en hémicycle 16.1 3.4

Précisions sur les statistiques “semaines de présence” : pour qu’une semaine soit comptabilisée ainsi, il suffit que le député soit présent au moins l’un des jours de cette semaine. Comptabilisation large, donc. A contrario, la seule présence physique ne suffit pas, il faut avoir été en commission, ou être intervenu dans l’hémicycle, etc. Au total, il s’avère que les députés sont grosso modo à mi-temps. On note également le décalage entre moyenne et médiane pour les deux derniers items, signe de distributions asymétriques : quelques députés trustent les questions et les interventions.

Pour approfondir l’analyse, je me suis concentré sur les semaines de présence et les présences en commission, en distinguant selon le groupe d’appartenance des députés. Résultats en image, d’abord :

Les écolos semblent les plus assidus, notamment en semaine. Pour confirmer et approfondir encore, j’ai testé deux petits modèles, avec comme variable expliquée les semaines de présence par mois et les présences en commission par mois, et comme variables explicatives : i) le sexe, ii) l’âge, iii) le fait d’être un nouveau député non cumulard, iv) le groupe d’appartenance. Résultats :

semaines par mois commission par mois
Coef. p-value Coef. p-value
homme -0.02 0.80 -0.11 0.64
age -0.01 0.00 *** -0.02 0.09 *
non cumulard 0.09 0.19 0.30 0.25
src modalité de référence
ecolo 0.32 0.04 ** 0.60 0.30
gdr -0.36 0.03 ** -2.01 0.00 ***
ni -0.32 0.21 -2.49 0.01 ***
rrdp -0.29 0.06 * -1.27 0.03 **
rump -0.33 0.00 *** -1.41 0.00 ***
udi -0.32 0.01 *** -1.38 0.00 ***
ump -0.21 0.00 *** -1.25 0.00 ***
constante 3.39 0.00 *** 6.77 0.00 ***
0,0951 0,1103
nb obs. 573 573

L’âge des députés joue négativement sur leur présence en semaine, comme en commission. Plus on est vieux, moins on est là. Pas d’effet de genre. Pas d’effet “cumul des mandats”. Pas mal d’effets de groupe d’appartenance : par rapport au groupe SRC (qui comprend notamment tous les députés PS), les écolos sont significativement plus présents en semaine, tous les autres groupes sont significativement moins présents. Pour la présence en commission, les écolos ne sont pas plus présents que les SRC, tous les autres groupes sont moins présents. Pour finir : les résultats pour UMP et RUMP sont très proches…