L’économie mondiale en 2050

Goldman Sachs se livre régulièrement à un exercice intéressant : des prévisions de croissance économique à l’horizon 2050, pour un certain nombre de pays, l’accent étant mis sur l’évolution différenciée entre le club des six pays les plus développés (G6), composé des Etats-Unis, du Japon, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de l’Italie, et les grands pays émergents, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC).

Premier exercice du genre, à ma connaissance, en 2003, résultats synthétisés dans ce document. Ils ont récidivé récemment (décembre 2011), en actualisant l’analyse, résultats ici. Bien sûr, les prévisions reposent sur différentes hypothèses (forme de la fonction de production, évolution démographique, taux de participation, investissement, progrès technique, etc.), mais les simulations faites sur la période passée sont plutôt convaincantes. Il ne s’agit de toute façon pas de déterminer la valeur du PIB pour tel ou tel pays à la virgule près, mais plutôt d’identifier des tendances.

Dans un premier temps, on peut s’amuser à se faire peur, en se focalisant sur le PIB des pays. On obtient alors ce premier graphique :

En 2050, le leader économique mondial, si l’on considère que le leadership est mesuré par le poids dans le PIB mondial, est la Chine. L’Inde est troisième, le Brésil quatrième et la Russie cinquième. La France, cinquième en 2010, rétrograde au dixième rang. On notera que, selon les projections de Goldman Sachs, la France est derrière l’Allemagne en 2010 mais devant l’Allemagne en 2050…

Même idée, sur un temps plus long, dans ce tableau :

Raisonner sur le PIB n’a cependant qu’un intérêt très limité du point de vue économique : c’est un indicateur de la taille des pays, pas du niveau de vie des habitants. Il convient donc plutôt de regarder les estimations faites sur une autre variable, le PIB par habitant. On obtient alors ce nouveau graphique :

Plusieurs remarques : i) les pays développés restent en tête du classement, avec quelques évolutions en leur sein (recul du Japon, progression du Royaume-Uni), ii) chez les BRIC, c’est la Russie qui progresse le plus, elle passe même devant l’Italie, iii) la forme générale du graphique laisse deviner un processus de convergence entre les pays, les écarts étant plus faibles.

Ce dernier point est confirmé par un dernier graphique :

Les deux graphiques montrent, chacun à sa manière, que le monde devient de moins en moins inégalitaire, conclusion plutôt rassurante.

Au final, la dynamique économique fait grimper dans le classement du PIB les pays dont la population pèse le plus dans la population mondiale, ce qui est une bonne chose : dans un monde égalitaire, après tout, chaque pays devrait peser dans le PIB ce qu’il pèse dans la population. Ceci ne se fait pas au détriment des pays de plus petite taille et/ou des pays développés, puisque les niveaux de vie de l’ensemble des habitants de la planète augmentent. La dynamique économique n’est pas un jeu à somme nulle mais, potentiellement, un jeu à somme positive. C’est aussi ce que montrent ces graphiques.

Cumul des mandats : une statistique

Dans Les Echos, j’apprends que Gérard Longuet considère le non-cumul des mandats comme “une erreur totale”, “Nous avons besoin d’avoir des parlementaires qui aient un ancrage sur le terrain et qui connaissent la vie locale et qui exercent des reponsabilités” (l’ancrage local, une façon efficace d’apprendre à faire des bras d’honneur, sans doute). Christian Jacob redoute, avec la fin du cumul, l’émergence d’une “Assemblée nationale peuplée d’apparatchiks, déconnectés des réalités, sans la légitimité du scrutin uninominal”. Valérie Pécresse renchérit, en affirmant qu’avec une telle réforme “On va déconnecter le député du mandat électif d’un territoire, c’est-à-dire des électeurs”.

En France, 85% des députés sont cumulards. En Angleterre, ils sont 13%. En Italie, 16%. Espagne? 15%. Belgique? Idem… Mais bon, quelle importance… Gérard, Christian et Valérie le savent bien, un seul pays compte, aujourd’hui : l’Allemagne.

En Allemagne, cette proportion est de 10%… Ça manque drôlement d’ancrage local, en Allemagne…

Source : Cahuc et al., 2011, “La machine à trier”, Eyrolles, p. 62.

Le rapport Gallois, c’est quoi?

Le rapport Gallois, c’est :

  • 20 propositions consensuelles droite/gauche, plutôt techniques et donc jamais commentées, pour l’essentiel sur la compétitivité hors coût, déjà partiellement ou totalement mises en oeuvre, qui produiront des effets au mieux dans plusieurs années, certes utiles (on pourrait discuter dans le détail, mais je passe), mais non à même de dynamiser l’économie française à court terme (propositions 1 à 3 puis 6 à 22),
  • une proposition écologiquement incorrecte sur le gaz de schiste rejetée par le gouvernement (proposition n°5), je ne développe pas, donc,
  • une proposition (la proposition n°4), qui a focalisé toute l’attention des médias avant et après la sortie du rapport, qui a provoqué le quasi-orgasme quasi-évanouissement de l’ensemble des patrons du Medef. Je la cite :

“créer un choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu’à 3,5 SMIC – de l’ordre de 30 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB – vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique. Ce transfert concernerait pour 2/3 les charges patronales, et pour 1/3 les charges salariales.”

 Les économistes se sont logiquement focalisés sur cette dernière proposition (je cite des économistes comme il faut, des économistes que le gouvernement aimerait faire entrer au CAE je pense). Conclusion implacable : c’est du grand n’importe quoi. Philippe Martin et Pierre-Olivier Gourinchas, dans une tribune pour Libération, montrent que cette mesure s’apparente à une forme de dévaluation qui va à l’évidence peser sur le pouvoir d’achat des français, et que les autres mesures visant à améliorer la compétitivité hors coût, certes utiles pour la croissance de long terme, n’auront pas d’effet à court terme sur la croissance et l’emploi.  Pierre-Cyril Hautecoeur enfonce le clou sur le même point, dans Le Monde, en se désespérant des stratégies calamiteuses que tous les pays européens sont en train de mettre en oeuvre. Alexandre Delaigue les avait devancé sur le même sujet, dans ce billet (il y a de légères variations dans leurs analyses, mais ils convergent sur l’essentiel).

D’autres décentrent le débat : Thomas Piketty s’énerve dans Le Monde en reposant la question de la réforme fiscale, pour rappeler notamment, à juste titre, qu’une réforme fiscale n’a pas pour seul objectif de “renforcer les exportations pour 2013”. Alexandre Delaigue décentre autrement le propos sur Francetvinfo, en expliquant que ce rapport vaut moins par son contenu que par son rôle de “légitimation externe” de politiques que le gouvernement voulait mettre en oeuvre et en se désespérant du fait, qu’une fois de plus, les vrais sujets ne sont pas abordés.

Karine Berger, économiste proche du PS (puisqu’ayant participé à la rédaction du programme économique de François Hollande), a déclaré, le jour de la remise du rapport Gallois et la veille du séminaire gouvernemental (auquel elle a participé), qu’elle retiendrait vingt des vingt-deux propositions du rapport Gallois. Les vingt premières propositions dont je parlais. Visiblement, elle n’a pas été entendue. D’où son communiqué, qui vise à faire évoluer quelque peu le gouvernement lors du débat parlementaire. Courage…

Mon point de vue : i) valider les vingt propositions de Louis Gallois, ça ne mange pas de pain, ii) brancher une réforme fiscale telle que décrite par Piketty et al., plutôt que cette proposition n°4, inepte, iii) mettre au coeur de la stratégie de développement économique, enfin, les politiques relevant plutôt, traditionnellement, de l’économie du travail (politiques de formation, initiale et continue ; politiques visant à améliorer la mobilité professionnelle et géographique, etc.).

Pour conclure. Je ne suis pas naïf : ce que disent les économistes est rarement entendu, car il y a d’autres rationalités qui comptent, à commencer par la rationalité politique. Que les choix du gouvernement soient perpendiculaires aux enseignements de l’expertise économique n’est donc pas surprenant. Mais, sur ce coup là, je pense qu’ils sont aussi politiquement perdants…

Fête des morts – graphique du jour

En cette veille de fête des morts, je vous livre ce petit graphique (données Insee), qui présente le chiffre d’affaires en valeur (courbe rouge) et en volume (courbe bleue) des services funéraires, ainsi que l’évolution de l’indice des prix (en vert).

Je vous laisse interpréter l’évolution des courbes, vous pouvez poster en commentaire le résultat de vos réflexions.