Où faire sa licence? suite

Billet intéressant et complémentaire de celui-ci, à découvrir ici.

Sur l’idée selon laquelle (reprise dans certains commentaires) les petites universités seraient bonnes en pédagogie (d’où
leur score en licence) et les grandes universités seraient bonnes en recherche (d’où leur labellisation “campus d’excellence”), je veux et j’exige des arguments de preuve, nom de
dieu!!!


Mon sentiment :

* en matière pédagogique, il y a des rendements décroissants, d’où l’avantage à des structures de taille
petites/moyennes, qui se reflètent dans les stats sur les licences

* en matière de recherche, je pense qu’il y a une taille minimale optimale, mais ensuite des rendements plutôt constants
puis décroissants. Avec une taille minimale optimale pas si importante que cela, en tout cas dans le domaine des Sciences Sociales, Economiques, Juridiques, etc. (sans besoin de gros équipements
à coût fixe important je veux dire).

* les gros centres se rassurent en se disant qu’ils sont bien sûr meilleurs, sinon ça se saurait! Mais les éléments de
preuve que j’ai pu voir sont des plus ténus… A l’inverse, les performances côté recherche des pov’petites antennes universitaires, que certains se sont risqués à mesurer… ben… elles sont
loin d’être ridicules!


Question déjà posée ici : est-il plus judicieux d’investir un euro supplémentaire dans TSE, où bien dans une antenne
universitaire quelconque? C’est quoi la rentabilité marginale de cet euro dépensé? Je croyais que c’était ça, la base du calcul économique, je me trompe???

Faut-il ouvrir un Master supplémentaire?

 

Je reprends une idée dévéloppée autrement dans d’autres billets.

Les Universités sont en train, par vague successive, de calibrer leur offre de diplômes. L’autonomie croissante des
Universités fait qu’elles font un peu ce qu’elles veulent. Le Ministère se contente de leur dire : “faites ce que vous voulez, vous fonctionnerez à budget constant”.

Parallèlement, le nombre d’étudiants attendus dans les Universités françaises est plutôt décroissant. Soyons optimistes,
supposons qu’il soit constant, disons égal à n.

Supposons de plus que les étudiants se répartissent aléatoirement entre les formations proposées (la qualité des diplômes
est difficilement observable). Dès lors, si une université propose x formations sur un ensemble X de formations, elle accueillera donc (x/X)*n étudiants. Sa dotation sera de x/X de la dotation
globale.


Question métaphysique : l’Université en question a-t-elle intérêt à ouvrir une formation supplémentaire? On est en fait
dans une configuration de dilemme du prisonnier :


 

 

Autres Universités

Ouvre

N’ouvre pas

Université A

Ouvre

x+1/X+y+1

x+1/X+1

N’ouvre pas

x/X+y

x/X


Plaçons nous dans le cas de l’Université A.

Première possibilité, y universités (autres qu’elle) ouvrent une formation (avec y>=1). L’Université A à le choix
entre ouvrir une formation, elle touche x+1/X+y+1 de la dotation, ou ne pas ouvrir de formation, elle touche x/X+y. Je vous laisse montrer que, dans tous les cas, si au moins une autre université
ouvre une formation, elle a intérêt à en ouvrir une.

Deuxième possibilité : aucune autre université n’ouvre de formation. Si elle-même n’en ouvre pas, elle touche la même
somme qu’auparavant, soit x/X. Si elle en ouvre une, et elle seule, elle touche x+1/X+1 de la dotation. Je vous laisse montrer que x/X<x+1/X+1, donc qu’elle a intérêt à ouvrir.

Le jeu est symétrique. Conclusion : dans tous les cas, on a intérêt à ouvrir une formation supplémentaire. Comme on
fonctionne à budget constant, le nombre de formations va exploser, et le budget par formation, lui, va diminuer. “Individuellement”, aucune université n’a intérêt à jouer un autre jeu.
Collectivement, c’est une catastrophe.


Prédiction : on court à la catastrophe…

 

PS : alternatives : i) l’Etat joue son rôle de régulateur : peu crédible, ii) les Universités sortent du jeu non
coopératif et se concertent : peu crédible également. On court à la catastrophe, je vous dis…

Burqua, polygamie, etc.

Billets impeccables une fois de plus des jurites blogueurs Eolas et Diner’s Room. A lire cet
article
du Monde, le gouvernement semble s’apercevoir de sa bêtise, en invitant à la prudence. Enfin, quand je dis le gouvernement, c’est à l’exclusion de Frédéric Lefèvre, bien sûr, qui
propose plutôt de changer la loi : “il serait sans doute utile d’élargir les possibilités dans notre droit de renforcer et d’accélérer les procédures de déchéance de
nationalité”…

Le naufrage de TSE

J’ai eu le plaisir récemment de me promener sur le site de la Manufacture des Tabacs, à Toulouse, siège de la Toulouse
School of Economics (TSE).  On y trouve (notamment) le GREMAQ et l’IDEI.

J’ai été particulièrement intéressé par l’organisation spatiale des lieux. En bas, le GREMAQ. Au-dessus, l’IDEI. Les
différents étages du GREMAQ sont eux-mêmes hiérarchisés (tout en bas, si je ne me trompe, les doctorants-aspirants à la montée des marches). Quand on s’élève dans les airs, on monte en
importance. Idem pour l’IDEI.

Sans rire, l’organisation spatiale du bâtiment m’a fait penser à celle du Titanic : hiérarchisation absolue. En cas
de naufrage, on ferme d’abord les portes des étages inférieurs (je parle du Titanic). Tout l’inverse de l’idée que je me fais de la recherche. Sans doute le prix de l’excellence.

Analyse de secteurs

Excellente initiative de Philippe Moati, qui propose de mettre en ligne progressivement les documents de Recherche du Crédoc qu’il a consacré à l’Analyse de Secteurs. Vous pouvez d’ores et déjà télécharger le premier document : Volume 1 – Partie Introductive + Les conditions de base (1)

Les volumes les plus récents sont disponibles sur le site du CREDOC :

Volume 5 : Evaluer les performances d’un secteur d’activité

Volume 6 : Les stratégies d’adaptation des entreprises : éléments d’analyse

Volume 7 : Les obstacles aux stratégies d’adaptation des entreprises

Volume 8 : Esquisse d’une méthodologie pour la prospective des secteurs.

 Je me suis largement appuyé sur ses écrits lorsque je dispensais le cours d’Analyse de Secteurs à l’Université de Poitiers. Je l’utilise encore dans mes cours en Master Développement Economique Local. Un outil indispensable pour tous les développeurs locaux.

Où faut-il faire sa Licence?

Exercice intéressant du Ministère d’évaluation de la
réussite en Licence par Université. L’idée est de calculer la réussite en Licence en tenant compte des différences de caractéristiques des étudiants accueillis.

Sauf erreur, via l’application d’une analyse structurelle-résiduelle : on calcule un taux de réussite théorique par
Université, en appliquant le taux de réussite observé nationalement pour une population aux caractéristiques comparables. La différence entre ce taux théorique et le taux effectivement observée
permet de calculer la valeur ajoutée de l’Université. Cette dernière est positive si le taux de réussite effectif est supérieur au taux de réussite théorique.

 

Une difficulté mentionnée par les auteurs tient au fait que les étudiants bougent d’une année sur l’autre. Si bien que ce
sont trois méthodes d’évaluation qui sont proposées : i) valeur ajoutée par Université pour les étudiants ayant fait leur première année de licence dans cette Université, ii) idem pour ceux ayant
fait leur troisième année dans cette Université, iii) idem pour ceux ayant fait leurs trois années dans cette Université.

 

A partir des données fournies par le Ministère, j’ai repéré le sous-ensemble des Universités dégageant une valeur ajoutée
positive avec les trois méthodes. Sur les 83 Universités, 32 y parviennent. Ne figurent pas dans cette liste les Universités
d’Aix-Marseille 1 ; Bordeaux 2, 3 et 4 ; Grenoble 2 et 3 ; Lille 1, 2 et 3 ;  Montpellier 1, 2 et 3 ; Strasbourg 1, 2 et 3 ; Toulouse 1, 2 et 3. Ni les Universités de Paris 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8, 10, 11, 12… Pourquoi je parle de ces Universités? Ben… c’est la quasi-totalité des Universités labellisées Campus d’Excellence
cherchez l’erreur…

 

Erreur facile à trouver en l’occurrence : ce n’est pas l’excellence qui est récompensée par la labellisation, mais, pour
l’essentiel, la taille. Et les quelques chiffres publiés semblent plutôt montrer (il faudrait creuser bien sûr) une relation négative entre taille et performance, ce qui n’est pas surprenant
outre mesure.

 

En revanche, Poitiers y figure, et en très bonne position si on regarde la valeur ajoutée apportée aux étudiants
commençant leur Licence dans notre Université, puisque le taux de réussite effectif est de 40,7%, contre un taux attendu de 31,7%. C’est le meilleur différentiel (+9%), juste derrière Limoges
(+9,8%). Pas loin derrière, La Rochelle (en 5ème position selon ce critère), avec un différentiel de +7%. Poitiers, Limoges, La Rochelle : les 3 Universités d’un même PRES… mais rassurez-vous,
ce PRES ne sera jamais Campus d’Excellence…

Evaluation et rigueur scientifique : appel à témoignages

Initiative pas inintéressante je trouve… Vu comment
fonctionne ma discipline, je pense que pas mal d’économistes pourraient témoigner avantageusement (quand vous pensez que certains économistes tentent d’automatiser informatiquement l’évaluation
des chercheurs et que, le pire!, c’est qu’ils y croient)1

 

 

1.Voir aussi ici : “Alors que de nombreuses disciplines (comme la physique, la chimie, et les mathématiques) renoncent à la bibliométrie dans
l’évaluation (voir notamment le rapport de l’Académie des
sciences
), il serait regrettable que les économistes y recourent avoir la foi du nouveau converti.”

Ubuesque Manipulation des Pourcentages (UMP)

Déclaration de l’UMP sur le bouclier fiscal :

“60% des bénéficiaires ont des revenus modestes”


Ce n’est pas faux. C’est même vrai. Sauf que…


Prenez 100 personnes bénéficiaires du bouclier fiscal. Sur ces 100 personnes, 60 ont des revenus modestes, 40 ont des
revenus importants (ils payent l’ISF).


Vous avez 100€ à répartir. Vous donnez 99€ et 20 centimes aux 40 personnes les plus riches et 80 centimes d’euros aux 60 personnes à revenu modeste. Vous pouvez donc affirmer que votre redistribution bénéficie majoritairement aux personnes à revenu
modeste…

 

Poursuivons. Sur les 40 personnes les plus riches, vous donnez 90€ et 40 centimes aux 28 les plus riches. Vous avez donc
la décomposition suivante :

* Les 57 les plus pauvres se répartissent 80 centimes d’euros

* Les 43 les plus riches se répartissent 99€ et 20 centimes

* parmi ces 43 personnes :

** les 15 les plus pauvres se répartissent 8€ et 80 centimes

** les 28 les plus riches se répartissent 90€ et 40 centimes


Poursuivons encore. Sur ces 28 personnes les plus riches des plus riches, vous donnez 63 euros aux 6 les plus riches des
plus riches. Vous avez donc la décomposition finale suivante :

* Les 57 les plus pauvres se répartissent 80 centimes d’euros

* Les 15 suivants se répartissent 8€ et 80 centimes

* les 22 suivants se répartissent 27€ et 40 centimes

* les 6 derniers se répartissent 63€.


Vous pouvez faire l’addition, ça fait bien 100€. Bien sûr, si ce n’est pas 100 euros mais 585,6 millions d’euros que vous
répartissez, les 6% les plus riches toucheront non pas 63€, mais, en moyenne, 376 000€.

 

Mais tout ceci n’est qu’un détail : nous avons bien 60% des bénéficiaires qui ont des revenus modestes…

 

Source : http://www.lesechos.fr/info/france/afp_00242300.htm?xtor=RSS-2059

 

Le poids des filiales étrangères en France

Combien pèsent les filiales étrangères en France ? L’OCDE a sorti un document il y a quelques temps, qui permet de s’en faire une idée plus précise qu’en
regardant simplement les IDE entrants en France. Le critère statistique retenu est plutôt strict : sont comptabilisées les filiales dont le capital est détenu à plus de 50% par une société
étrangère. Résultats pour quelques pays, pour l’industrie manufacturière seulement :

Tableau 1 : poids des filiales étrangères dans différents pays, en % du total national,
2004

 

nombre d’entreprises

nombre de salariés

chiffre d’affaires

R&D

Allemagne

1,4%

15,4%

26,7%

27,9%

Espagne

0,7%

15,6%

26,4%

nd

France

2,0%

26,2%

31,8%

27,4%

Royaume-Uni

2,6%

26,6%

41,0%

39,4%

Suède

2,8%

32,4%

39,9%

52,0%

Tchéquie

4,0%

37,2%

52,6%

65,0%

Source : OCDE, Mesurer la mondialisation : activités des multinationales, volume I, secteur manufacturier
2000-2004. Les chiffres portent sur l’industrie manufacturière.

On a des données également pour l’ensemble des activités. Pour la France, les chiffres deviennent un peu moins
importants, mais ils restent conséquents (14% des salariés, 23% du chiffre d’affaires et 25% de la R&D).

Je reviens aux chiffres « effectifs salariés » de l’industrie manufacturière française travaillant dans des
filières étrangères. On apprend dans le document que 99% de ces effectifs travaillent pour des filiales relevant de pays de l’OCDE, dont 66,3% de pays de l’Europe et 26,3% des Etats-Unis. Au sein
de l’Europe, ce 66,3% se décompose en un 57,8% UE à 25 et un 57,7% UE à 15. Le premier pays UE à 15 est l’Allemagne, avec 16,6%.

Vous imaginez si les pays d’origine des filiales étrangères implantées en France instaurent, comme le fait le
gouvernement français, des primes à la relocalisation, et que ces primes soient réellement efficaces ? Sûr que ça fera du bien à l’économie française…