Prime à la relocalisation et taxe carbone européenne

Sur la prime à la relocalisation, ne pas rater cette tribune de El Mouhoub
El Mouhoud dans le Monde, découverte via le Blog de Philippe Moati. Extrait :

Depuis trente ans, les politiques publiques interviennent pour sauver les territoires une fois la délocalisation ou
la restructuration effectuées. Une intervention après coup en aidant les entreprises (exonérations de taxes, subventions,…) a pour effet de verrouiller le territoire dans ses difficultés au
lieu de l’aider à se diversifier. Les leçons du passé n’ont pas été tirées. Le paradoxe est que les aides se concentrent sur les mobiles (entreprises) et laissent de côté les immobiles,
c’est-à-dire les hommes et les femmes qui vivent sur les territoires vulnérables à la mondialisation et à la délocalisation.

Une politique plus offensive consisterait à anticiper les chocs de la délocalisation en concentrant les aides sur les
personnes pour favoriser leur qualification, leur formation et leur mobilité et en s’appuyant sur les infrastructures du territoire lui-même. Ce type d’avantage compétitif est susceptible
d’attirer les entreprises dont la vocation à l’ancrage territorial est plus forte, c’est-à-dire celles qui tirent leurs avantages de la qualité du territoire et des hommes et femmes qui y vivent
et y travaillent.

 
Sur la taxe carbone, voir cette tribune d’Hyppolyte d’Albis, titrée “Idiote taxe carbone
européenne”. Extrait :

Une taxe carbone aux frontières n’a tout simplement pas de sens, car, lorsqu’on importe un bien étranger, on ignore
son contenu en carbone. On ne connaît pas la quantité d’énergies fossiles nécessaire pour le produire, et encore moins la quantité de gaz à effet de serre qui a été émise lors de sa production.
(…)

On pourrait imaginer que des taux de taxation soient définis pour chaque bien ou pour chaque secteur en fonction, par
exemple, de la consommation moyenne d’énergie fossile. Mais cela reviendrait à favoriser, parmi les entreprises étrangères, celles qui ne font aucun investissement dans des technologies propres.
Les entreprises les plus polluantes auraient donc un accès privilégié au marché européen ! Une autre solution consisterait en une obligation de déclaration des consommations d’énergie aux
douanes. Outre le fait qu’une nouvelle formalité viendrait s’ajouter aux procédures d’importation déjà complexes, ces déclarations seraient invérifiables. Cela reviendrait à favoriser
implicitement les entreprises produisant de fausses déclarations.

Taux de chômage des femmes

J’ai fait un petit sondage express, l’autre jour, en cours d’économie du travail. En demandant aux étudiants hommes,
d’abord, s’ils pensaient que le taux de chômage des femmes était inférieur ou supérieur à celui des hommes. 100% ont dit supérieur. Même question pour les étudiantes : une grosse majorité m’a
donné la même réponse. En fait, ce n’est plus (tout à fait) vrai depuis quelques temps.

En France, d’abord, comme nous l’apprend ce document de l’Insee, le taux de chômage des femmes sorties depuis moins de six ans de formation initiale est inférieur à celui des hommes depuis 2006.

chofemme
A l’échelle de l’ensemble des actifs, le taux de chômage des femmes reste supérieur, mais l’écart se réduit. La crise réduit encore l’écart, d’ailleurs, car les secteurs les plus touchés sont
plutôt masculins (construction, industrie). Pourquoi cette évolution? Car une proportion plus grande de jeunes femmes sont diplômées du supérieur et une proportion plus faible sont peu diplômées
Ca ne date pas d’hier, mais l’écart avec les jeunes hommes grandit progressivement.

En Europe ensuite, comme le montre cette petite note d’Eurostat. Alors qu’en
janvier 2000 le taux de chômage des femmes était, pour l’ensemble des pays de l’UE à 27, de 10% contre 8% pour les hommes, il est en janvier 2010 de 9,3% contre 9,7% pour les hommes (pour la
France, on reste à 10,5% contre 9,8%).

Désindustrialisation et 35 heures

Entendu hier sur France Info, un extrait des propos de Nicolas Sarkozy selon qui i) la France a perdu des millions
d’emplois industriels, ii) cette perte est particulièrement forte depuis 2000, iii) ce n’est pas un hasard, ça coïncide avec la mise en place des 35 heures, les entreprises préfèrent aller produire
ailleurs, iv) en disant cela, affirme-t-il, il ne fait pas de l’idéologie, il ne présente que les faits, la réalité, etc.

Le problème, c’est que les faits présentés sont faux.

i) oui, les emplois industriels ont fortement baissé depuis le début des années 1980, en gros, 2 millions d’emplois en moins,
ii) non, cette perte n’est pas plus forte depuis 2000 : sur l’ensemble de la période 1980-2007, c’est en moyenne 71 000 emplois par an qui ont été détruits dans l’industrie française. Sur la
sous-période 2000-2007, on est descendu à 65 000 emplois par an (voir ici,
page 5),
iii) dès lors, s’il considère que l’association de deux faits suffit comme démonstration, c’est la proposition inverse qu’il devrait défendre : la mise en place des 35 heures a coïncidé avec un
ralentissement de la désindustrialisation. Ce n’est pas de l’idéologie, ce sont des faits,
iv) non, la baisse des emplois industriels n’est pas due pour l’essentiel à un déménagement de l’activité industrielle vers l’étranger, les délocalisations n’expliquant environ que 10% de la
baisse. Il y a bien d’autres raisons, résumées dans ce billet.

Sinon, pour rebondir sur le dernier billet des éconoclastes, qui conseillent à
juste titre de se méfier du fétichisme industriel, j’ai le regret de leur dire qu’avec not’ président, c’est totalement raté (vous pouvez l’entendre ici)…

Economie présentielle

Laurent Davezies a popularisé la notion d’économie résidentielle. Christophe Terrier lui préfère la notion d’économie
présentielle. Simple détail de vocabulaire ? Non, car Christophe Terrier souhaite insister sur le rôle des touristes dans le développement des territoires, touristes qui ne sont que
temporairement présents.

La notion d’économie présentielle permet également de se doter d’un schéma plus dynamique, en insistant sur la
circulation des personnes. Dans cette perspective, Christophe Terrier a produit des cartes tout à fait fascinantes à partir des données des touristes présents par mois et par département, en
France, en 2005.



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Voir ici pour des données, cartes, références,
etc.

J’avais déjà esquissé quelques critiques des travaux de Laurent Davezies :

1. la surproductivité de l’Ile de France est largement sujette à caution

2. croire que la production de richesse sera dynamisée si l’on concentre les moyens sur quelques territoires, à commencer
par l’Ile de France, est également contestable

A partir des travaux de Terrier et de quelques autres, on peut en ajouter de nouvelles :

3. dans la typologie de Davezies, le tourisme fait partie de l’économie résidentielle. Economie résidentielle qui
permettrait à certains territoires de se développer « hors mondialisation ». On peut douter fortement de cette catégorisation : le tourisme est une véritable industrie, la
concurrence entre territoires pour ce type d’activité n’est pas particulièrement faible. Le Futuroscope, pour prendre un exemple picto-charentais, est bien exposé à la concurrence d’autres sites
français et étrangers, il n’est pas du tout “hors mondialisation”.

4. la prise de conscience de la circulation des personnes permet également de sortir du schéma selon lequel l’Ile de
France et ses habitants produiraient une part essentielle des richesses, richesses qui seraient ensuite redistribuées aux habitants des autres régions. Prenons le cas des retraités. Dans une
vision statique, effectivement, on peut considérer que les actifs d’Ile de France participent fortement au financement des pensions des retraités du sud de la France. Mais si l’on passe à une
vision dynamique, on s’aperçoit qu’une part non négligeable des retraités du sud de la France ont travaillé, durant leur vie active, en Ile de France. Ce qui nous éloigne fortement de l’idée
selon laquelle les régions de province vivraient aux crochets de la région capitale, vous en conviendrez…

Interview Le Monde sur Ségolène Royal

A l’occasion des Régionales, Le Monde publie des dossiers région par région. Avec, à chaque fois, une petite interview d’un
“expert”. Dans l’édition datée de demain (mercredi 3 mars), c’est au tour de Poitou-Charentes. Et c’est moi “l’expert”…
Petite région, certes, mais fortement médiatisée, en raison de la personnalité de sa présidente. D’où la question de Christine Garin :
q
uelle influence la personnalité de Ségolène Royal et sa dimension nationale d’ex-candidate à la
présidence de la République a-t-elle sur le regard porté sur la région ?

Ma réponse est ici, commentaires bienvenus si le coeur vous en
dit.