Immigrés et marché du travail

Le dernier numéro
d’Insee Première
s’intéresse à la situation des immigrés, comparativement aux non-immigrés, sur le marché du travail, avec notamment des distinctions selon le sexe, l’origine géographique et
le niveau de diplôme.
Titre : Langue, diplômes : des enjeux pour l’accès des immigrés au marché du travail
Auteurs : Olivier Monso et François Gleizes, division Emploi, Insee
Résumé : Les immigrés sont plus exposés au chômage que le reste de la population, les femmes immigrées étant en outre moins souvent présentes sur le marché du travail. Ceci est en
partie dû à un manque de qualifications. Toutefois, des écarts subsistent à niveau de diplôme équivalent. Ils sont plus marqués pour les diplômés du supérieur. Les qualifications des immigrés,
lorsqu’elles existent, bénéficient rarement d’une reconnaissance formelle en France, sauf pour les diplômés du supérieur. Les immigrés éprouvent souvent des difficultés avec la langue française,
même si cela ne constitue pas forcément une gêne pour travailler. Les immigrés ayant un emploi se sont souvent appuyés, pour le trouver, sur leur réseau relationnel. Une minorité d’entre eux fait
état de discriminations d’ordre professionnel. Ce ressenti est plus fréquent pour ceux qui sont originaires d’Afrique subsaharienne.

Quelques commentaires :
Dans le premier tableau figurent des odds ratio, définis comme le rapport des chances qu’un évènement arrivant à un groupe A (ici les non-immigrés) arrive également à un groupe B (ici les
immigrés). Si le odds ratio est de 1, l’évènement est indépendant de l’appartenance au groupe ; s’il est supérieur (respectivement inférieur) à 1, l’appartenance au groupe B augmente 
(respectivement diminue) la probabilité de subir l’évènement. On constate alors que le odds ratio sur le taux de chômage est égal à 1,2 pour les non diplômés et qu’il est non significatif :
autrement dit, la probabilité d’être au chômage quand on est non diplômé n’est pas significativement différente, que l’on soit immigré ou non immigré. Le odds ratio monte ensuite à 2,4 pour les
diplômés de l’enseignement secondaire et à 4 pour les diplômés de l’enseignement supérieur…

Autre résultat intéressant, les statistiques sur les modes d’obtention d’un emploi. J’en parle souvent aux étudiants : pour obtenir un emploi on peut passer par le marché (candidatures spontanées
par exemple), par des institutions (ANPE, agences d’intérim, …) ou par ses relations sociales (familles, amis, …).

 

Famille, amis ou proches

Agences

Aucune aide

Non immigrés

32 %

9 %

59 %

Total immigrés

41 %

13 %

46 %

Maghreb

33 %

20 %

47 %

Europe

45 %

8 %

47 %

Asie (Turquie incluse)

43 %

9 %

48 %

Amérique et Océanie

42 %

7 %

51 %

Afrique subsaharienne

41 %

18 %

42 %

On le voit, les relations sociales pèsent, pour toutes les catégories de personnes. S’agissant des scores agences vs.
aucune aide, il faudrait voir précisément comment l’enquête a été administrée (notamment, sur le passage en agence, a-t-on inclus les agences d’intérim et autres dispositifs ou la question ne
portait-elle que sur pôle emploi?) car le passage par les institutions (colonne “Agences” ici) me semble particulièrement faible comparativement à ce que l’on a dans d’autres enquêtes. Les scores
obtenus par les réseaux sociaux sont en revanche proches de ceux obtenus dans les enquêtes sur le sujet.

Economistes et sociologues

Echange entre un économiste et un sociologue lors d’un colloque :

L’économiste : “comment se fait-il que, sur tout un ensemble de sujets, les sociologues produisent actuellement des analyses plus pertinentes que les économistes?”
Le sociologue : “je connais leur secret : ils lisent les économistes…”

L’Histoire économique globale



Philippe
Norel publie un nouvel ouvrage, intitulé L’Histoire économique globale, aux
éditions du Seuil. Pour en avoir lu les premiers chapitres d’une première version, je le pressens tout à fait remarquable… note de lecture à venir! Quatrième de couverture :

L’histoire économique n’est pas d’abord celle de l’Europe. La genèse de l’économie moderne est aussi orientale, comme le montre, bien avant notre Renaissance, la circulation afro-eurasienne
des biens, des hommes et des techniques. Ce livre analyse les réseaux commerciaux asiatiques plurimillénaires, la technicité financière du monde musulman entre le VIIIe et XIe siècle, le poids
récurrent d’une Chine qui, la première, conçut à peu près toutes les techniques productives de base. Il cherche à comprendre les institutions de ces premiers échanges globaux, notamment les
diasporas qui, après l’effondrement de l’empire romain, continuent d’animer les faibles échanges intra-européens sur un modèle pratiqué de longue date sur les routes de la soie. Notre
eurocentrisme spontané n’en sort pas indemne: l’Europe est longtemps dépassée par l’Orient, en matière de PIB par tête, de croissance démographique, d’urbanisation, de techniques. Si l’histoire
économique globale cherche à comprendre ces inégalités à travers le concept de “système-monde”, elle est surtout confrontée à un paradoxe de taille: comment l’Europe, économiquement plus fruste,
peut elle connaître cet essor spectaculaire à partir du XVIe siècle? C’est le défi que relève cet ouvrage en construisant pas à pas l’originalité du capitalisme européen, de fait largement fondé
sur l’économie globale qui l’a précédé.

Même pas fatigué par cet effort, il a co-dirigé un autre ouvrage, aux
Editions de la Découverte, “Histoire globale, mondialisations et capitalisme”, plus orienté recherche, qui vient également de sortir. Quatrième de couverture :

En quoi l’actuel renouveau de l’Asie plonge-t-il ses racines dans une ” longue durée globale ” ? Quelle est la
nature des changements structurels accompagnant la croissance démographique, le développement de l’Etat et du commerce, l’accumulation localisée des richesses et des savoirs ? Comment rendre
intelligibles une expansion géographique des flux d’échange et le déploiement parfois concomitant du capitalisme à l’échelle nationale, puis mondiale ? Pour la première fois en France, un
ouvrage réunit anthropologues, économistes, polilologues, sociologues et historiens pour répondre à ces questions et esquisser les grandes lignes d’un nouveau programme de recherche :
l’Histoire globale. Celle-ci recouvre d’abord une analyse du rôle crucial du monde non européen dans l’histoire de l’humanité pour sortir enfin d’une démarche trop ” eurocentrée “. Elle
constitue ensuite un profond renouvellement de l’analyse en termes de système-monde, au-delà des oeuvres incontournables de Braudel et de Wallerstein. Elle inclut enfin l’analyse comparative
des processus de mondialisation. Le pari de cet ouvrage est de présenter l’Histoire globale à partir de textes classiques ou inédits de quelques-uns de ses auteurs les plus marquants. Un
prologue propose une synthèse de ses problématiques et recherches les plus caractéristiques, en soulignant leurs enjeux épistémologiques pour les sciences sociales. Les contributions de
Beaujard, Bentley, Goody, Hall et Chase-Dunn éclairent les processus pluriséculaires d’intégration intercontinentale ; celles d’Aglielta, Arrighi et Silver, Gills et Denemark, Wallerstein
abordent la naissance, le développement et les crises du capitalisme global ; les écrits de Berger, Goldstone, Norel, Pomeranz, Wong analysent les liens entre les épisodes de croissance et de
créativité culturelle récurrents (ou ” efflorescences “), et les processus de mondialisation.

C’est moins grave que si c’était pire…

Formule choc de notre ministre de la relance, Patrick Devedjian, entendue hier sur France 2 (après 1’30). En déplacement dans une usine de Renault Trucks,
histoire de voir l’effet des 250 millions injectés dans cette entreprise, il interroge des salariés :
Devedjian : “vous êtes au chômage partiel?”
Salarié : “en alternance une semaine sur deux…”
Devedjian : “sur le plan de votre salaire, finalement?”
Salarié : “finalement, on subit une petite baisse…”
Devedjian : “de combien?”
Salarié : “entre 5 et 10%”
Devedjian : “et on y arrive? [les salariés tardent à répondre, ils semblent hésiter…] ah, c’est pas un cadeau!”
Salarié : “ouais, on y arrive mais… c’est dur…”
Devedjian : “mais euh…. “[on le sent réfléchir, jusqu’à ce qu’un éclair de génie le traverse] : “c’est moins grave que si c’était pire!
Salarié : [impressionnés par la sortie de not’ministre] “voilà… ouais… bien sûr!…”

Sans doute fier de sa formule, il récidive quelques instants plus tard, en commentant la timide reprise de l’activité :
“au mois de janvier, ils sortaient 20 véhicules jour… aujourd’hui, c’est 60… c’est typique de ce qui s’est passé et de l’effort qui est fait… malgré tout, ca va un peu mieux que moins
mal si vous voulez
…”

Bon, ben, vive le plan de relance, et vive son ministre, surtout…