Ca va comme un dimanche…

Synthèse d’un billet déprimant de Stumbling and Mumbling :

* Une étude allemande, d’abord, montre qu’il y a un fort effet du jour de semaine sur le bonheur. Les personnes sont moins heureuses
le dimanche que les autres jours.Ce n’est pas parce que les gens pensent au lundi : les personnes sans emploi sont aussi moins heureuses le dimanche. En fait, l’effet dimanche est
particulièrement fort pour les gens mariés, plus fort que pour les personnes seules. A tel point que la différence de bonheur du dimanche entre une personne mariée et une personne seule est 1/3
plus grande que celle entre une personne ayant un emploi et celle sans emploi…
* la deuxième étude montre que le bonheur suit une courbe en U avec l’âge, avec un minimum à 40 ans.
Les auteurs suggèrent que c’est à cet âge que les échecs dans ses investissements antérieurs apparaissent. C’est autour de cet âge qu’on a le plus de chance d’avoir divorcé, que ceux qui sont
sans emploi souffrent le plus, que même les personnes ayant réussi réalisent qu’elles n’iront pas aussi haut qu’espéré, que les enfants réduisent le bien-être des parents, que l’on s’aperçoit
qu’on ne réalisera jamais ses rêves…
* la troisième étude avance une nouvelle explication du paradoxe d’Easterlin, en termes de capital social. Les pays qui
ont connu une forte chute en termes de capital social (mesuré par l’implication volontaire des personnes dans des associations) voient leur bonheur chuter.

Lien suggéré par Chris Dillow entre les trois études : les gens anticipent mal ce qui pourra les rendre heureux. Avoir des enfants et investir en termes de carrière plutôt que dans les réseaux
sociaux ne nous rend pas heureux, et pourtant c’est ce que nous faisons jusqu’à la trentaine, et nous sommes ensuite malheureux…

Stratégie de Lisbonne : 2010 approche…

Vous vous rappelez? En 1999, le Conseil Européen de Lisbonne a décidé de faire de l’Union Européenne “l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration
quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale”.

Un des moyens essentiels préconisés était d’investir massivement dans la recherche et développement, l’objectif étant
d’atteindre, en 2010, une intensité technologique (rapport entre dépenses de R&D et PIB) de 3%. Résultat :



Trend négatif pour la France, on n’est pas prêt d’atteindre les 3%… Pour l’UE, c’est mieux, le trend est croissant. En
prolongeant la tendance, les 3% seront atteints en… 2165… Un chouia en retard, certes, mais on va pas chipoter pour si peu…

Paraît qu’il y a un sommet important en décembre? Je suis curieux de savoir ce qu’ils vont nous concocter!

La crise pousse à la fraude

Article intéressant du Monde sur une
étude de PriceWaterHouseCoopers et l’INSEAD, au sujet de la fraude dans les entreprises. On y apprend qu’avec la crise :

* la fraude dans les entreprises a augmenté : 30% des entreprises ont été victimes de fraude sur les 12 derniers mois,
43% d’entre elles considèrent que cette fraude est en augmentation

* la fraude est pour l’essentiel d’origine interne à l’entreprise et, fait nouveau, de plus en plus l’affaire des cadres
et cadres sup : ils sont à l’origine de 42% des fraudes en 2009 contre 27% en 2007

* Pourquoi eux ? car ils en ont la rationalité (ils connaissent les règles internes à l’entreprise), l’opportunité (ils
peuvent faire de fausses notes de frais) et la motivation (c’est à eux que l’on fixe des objectifs intenables).

L’aspect motivation est essentiel, puisque a priori c’est le seul qui bouge suite à la crise : des objectifs auparavant
tenables deviennent intenables avec la crise. Ce qui montre en passant que l’efficacité des systèmes d’incitation dépend du contexte macro-économique. Intéresser les salariés en fonction des
performances absolues de l’entreprise (on nous parle dans l’article de règles telles que “la société déclenche une alerte au-delà d’un écart de plus de “X” milliers d’euros”) conduit à négliger
cet aspect.

Solution possible, si on veut rester dans cette logique d’incitation : indexer les primes sur les performances de
l’entreprise relativement aux performances d’entreprises comparables (du même secteur/zone géographique par exemple).
Autrement dit, faire bouger les règles internes. Sans cela, la fraude est moins imputable aux fraudeurs qu’aux règles non modifiées.

Plus radical : abandonner ces effets de mode qui réduisent le management des équipes à la mise en place de systèmes
d’incitation et de contrôle
(voir ici).

Le rapport Juppé-Rocard : quelques inepties…

Quelques remarques à chaud :

i) l’accent est mis fortement sur l’enseignement supérieur et la recherche : 16 milliards des 35 sont dédiés à ce
domaine

ii) sur ces 16 milliards, 10 sont dédiés à la transformation d’un nombre limité (5 à 10) de groupements
d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche en institutions pluridisciplinaires de dimension et de réputation mondiales (graissé par moi)

bref, on retrouve cette idée qu’il faut concentrer les moyens sur quelques établissements, et tant pis pour les autres.
Pourquoi? C’est très bien expliqué dans le rapport :

L’amélioration des perspectives de croissance dans une économie développée comme celle de la France passe par des
investissements en faveur du développement de la connaissance, du savoir et de l’innovation. La qualité et le dynamisme de nos meilleurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche
constituent en outre un élément important d’attractivité et de visibilité à l’étranger.
Or leur évaluation et l’impact global des travaux de recherche français ne sont pas à la hauteur de nos ambitions, malgré quelques domaines d’excellence. Ainsi, pour critiquables qu’ils
soient, les classements et indicateurs internationaux font état de prestations médiocres
: le classement de Shanghai ne place que trois universités françaises dans les cent premières (dont la
première à la 40e place seulement en 2009), tandis que le classement du Times Higher Education Supplement considère que seuls quatre établissements français figurent parmi les deux cents
meilleurs mondiaux. (…)

Cette position reflète également la trop petite taille individuelle de nos établissements, en particulier en
cycle « gradué » (masters, doctorants, post-doctorants), car les classements internationaux tendent à prendre en compte de nombreux facteurs quantitatifs. Si la taille n’est pas en soi un
critère d’excellence et s’il ne faut pas la rechercher au détriment de la qualité ni de la souplesse, force est de constater que la visibilité et la notoriété internationales sont à ce prix.

Dans un contexte de compétition mondiale croissante dans l’enseignement supérieur et la recherche, ce facteur ne peut désormais être négligé.

 

Ce genre de propos est complètement stupide : la recherche française est de bonne qualité, conforme à ce qui est attendu
compte tenu de son niveau de développement (regardez son rang  au niveau de la recherche en fonction de son poids dans le PIB mondial), mais comme la recherche est plus éclatée qu’ailleurs,
l’évaluation par établissement est moins bonne. Au lieu de s’interroger sur les moyens d’améliorer encore la qualité de la recherche, on se préoccupe des moyens de monter dans un classement mal
fait…

Les modalités d’action en découlent :

Pour répondre à ces différents enjeux, vitaux pour l’avenir de notre pays, la Commission propose d’affecter des
sommes importantes sur quatre grands types d’actions.
Tout d’abord, il s’agit de doter en capital, à hauteur de 10 Md€ (dont 1 Md€ consomptible la première année, afin d’enclencher une dynamique), une Agence nationale des campus d’excellence à
créer, dédiée au financement d’opérations véritablement transformantes conduites par cinq à dix groupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche sélectionnés par un jury
international. L’ambition doit être de faire émerger, sur ces quelques sites, des campus pluridisciplinaires capables, grâce à ce financement exceptionnel, de concurrencer les meilleurs mondiaux
(action 1).

S’il s’agit de monter dans le classement de Shangaï, il y a plus simple et moins coûteux : ne changeons rien au
fonctionnement des Universités, fusionnons-les toutes sur le papier, appelons l’entité fusionné “Université de France”, demandons à tous les chercheurs de signer sous ce nom et le tour est joué :
l’Université de France sera numéro un du classement dès l’année prochaine. (moins radical : créer 4 entités macro-régionales, le résultat sera à peu près le même.)

S’il s’agit d’autre chose, de croire par exemple qu’il existe des effets tailles très importants à l’Université, il y a
pas mal de contre-arguments, dont j’avais parlé ici, et .
J’ajoute quelques idées
:

l’erreur est de croire qu’il existe des rendements continûment
croissants à l’Université, de penser, donc, que plus on est grand, meilleur on est. En fait, je pense qu’il existe plutôt une taille minimale, car à l’évidence il y a des coûts fixes (bâtiments,
machines, …), mais au delà de cette taille, pas sûr du tout que les rendements soient très longtemps croissants. Et au delà encore, ils risquent d’être décroissants (allez gérer un labo de 700
personnes, les coûts d’organisation internes risquent d’être particulièrement lourds).

* sur ce dernier point, je m’étonne que personne ne s’intéresse à la sur-concentration de la recherche en Ile de France :
toutes les données que j’ai pu voir montrent que la productivité de cette région est inférieure à la moyenne (productivité mesurée comme le ratio entre brevets ou publications sur dépenses
de R&D ou nombre de chercheurs). Question tabou. Est-ce lié au fait que les chercheurs qui traînent dans les couloirs ministériels ou qui sont auditionnés pour les rapports sont
essentiellement parisiens? Je n’ose y croire… 

* raisonner pour l’ensemble de l’Université n’est pas pertinent, il faudrait une analyse fonctionnelle des coûts. Je
pense que la fonction marketing-communication doit être mutualisée à une échelle assez importante pour assurer une certaine visibilité. Cette fonction pourrait être assurée au niveau des PRES par
exemple. Rien ne dit que pour les autres fonctions, l’échelle pertinente est la même (je suis même convaincu du contraire).

* Au delà des fonctions, des effets disciplinaires peuvent apparaître : la “taille optimale” des labos de SHES est
moins importante que celle des labos de sciences dures qui réclament des équipements significativement plus coûteux. Il faudrait donc des politiques différenciées. trop compliqué sans
doute…

* j’ai le sentiment que nombre d’acteurs, y compris les économistes (c’est un comble!), raisonnent maladroitement : ils
se focalisent sur la productivité moyenne des labos, plutôt que sur leur productivité marginale. J’illustre pour les non initiés :  TSE est sans doute l’école d’économie qui a la
productivité moyenne la plus forte de France (au grand dam de PSE…). Beaucoup se disent alors qu’il convient d’investir fortement dans TSE. Alors qu’il faudrait plutôt mesurer le gain marginal
résultant de l’investissement d’un euro supplémentaire dans TSE, qui croule déjà sous l’argent, comparativement au gain marginal résultant de l’investissement dans un autre centre. Je parie
qu’investir dans des labos de taille réduite serait le plus rentable.

 

Bon, j’arrête là, mais il y aurait pas mal d’autres choses à dire. Qu’on ne se méprenne pas : tous les points évoqués
sont des conjectures, certains chercheurs peuvent sans doute m’opposer différents arguments (je les attends au tournant!). On pourrait cependant attendre du rapport Juppé-Rocard quelques éléments
de preuves avant de préconiser ce sur-investissement dans les plus grands centres. Personnellement, je n’en ai vu aucun. Juste quelques idées rapidement assénées, qui ressemblent à autant d’idées
reçues.

Les consensus en économie

Les résultats de l’enquête pilotée par Etienne Wasmer et Thierry Mayer viennent de sortir sous la forme d’un article en anglais. Voir le blog de Wasmer pour le résumé et pour la mise en ligne progressive des résultats ainsi que des données de base (à venir). Voir aussi cet article d’Eco89.
Lors des Journées de l’Economie, j’ai assisté à la session de présentation des résultats. Petit compte rendu, puis quelques remarques.

Participants : Etienne Wasmer, modérateur, Francis Kramarz, Michel de Vroey, Eric le Boucher.

 

Etienne Wasmer présente l’enquête.


Contexte : l’enquête a été réalisée en partenariat avec l’AFSE et ECO89 et financée par le Codice. La source
d’inspiration des auteurs est l’enquête réalisée aux Etats-Unis par Whaples en 2006, qui posait 24 questions normatives envoyées à 210 personnes. Résultat : assez fort degré de consensus,
notamment par rapport au libre-échange. L’objectif de la présente étude n’est pas d’établir un certain nombre de savoirs à prendre comme des vérités défintives, mais d’apprendre sur le
fonctionnement de la profession.

Il y a eu 305 participants, qui ont  tous répondu aux 82 affirmations. Parmi eux, 181 non anonymes et 146
académiques. Pas d’écart massif de résultat entre anonymes et non anonymes sauf peut-être pour les personnes de la fonction publique. Les 82 affirmations portent sur 11 thèmes. 35 sont de type
normatif (il faudrait que), 39 de type positif (ceci entraîne cela), 8 inclassables. 26 affirmations suggèrent qu’une intervention publique est souhaitable, 34 sont pour une logique de marché, 22
neutres.

 

Résultats : pour se prononcer sur le consensus, calcul de l’écart type entre individus sur une question ou un
ensemble de questions. Consensus absolu = 0 ; consensus nul = 2. Sur cette base, on observe que  25% des questions font l’objet d’un consensus fort ou assez fort ; 10% des questions font
l’objet d’un très fort dissensus. En moyenne le consensus est plutôt faible. Les résultats sont globalement les mêmes si on se concentre sur la sous-population des académiques.

Par catégorie, le consensus le plus fort concerne le logement et la  fiscalité, le consensus le moins fort concerne
l’éducation/capital humain, la mondialisation, la régulation des marchés. Les deux affirmations les plus clivantes sont  1) “la concurrence entre Universités sera néfaste pour les
étudiants”, 2) “L’Etat devrait nationaliser tout ou partie du secteur bancaire français afin de favoriser la stabilité du secteur français”. Les deux affirmations les plus consensuelles sont 1)
“les niches fiscales permettent à des ménages riches de ne pas payer d’impôts”
2) “Les Etats-Unis devraient
signer les accords de Kyoto”.

 


En reprenant l’opposition marché/Etat, on observe une relative méfiance pour le marché (moyenne de 42, sachant qu’une
adhésion totale au marché aboutirait à un score de 100, une adhésion totale à l’Etat à un score de 0). Le résultat est plus fort pour les Profs d’Université/Directeurs de recherche, sans que
l’écart ne soit gigantesque (49,6). Sur la base de cet écart, je m’étonne du commentaire d’Eco89 : “
Détail
qui ne surprendra pas, les maîtres de conférence, chargés de recherche et professeurs du secondaire sont bien moins favorables au marché et à sa main invisible que les professeurs d’université et
directeurs de recherche”, même si sur certains items, les différences peuvent être fortes.

 

Réactions des participants : Michel de Vroey a ensuite pris la parole, non pas pour commenter directement les
résultats, mais pour traiter de la question du consensus en macroéconomie standard, dans une perspective historique. Il défend l’idée que l’opposition libéraux/anti-libéraux est par trop
réductrice et propose de distinguer quatre degrés :
i) plein libéralisme (laisser faire ou libéralisme
régulé), ii) libéralisme mitigé (libéralisme keynésien, libéralisme de co-existence (défenseurs de l’économie mixte)), iii) anti-libéralisme mitigé (posture hybride), iv) socialisme
(anti-libéralisme plein). Il insiste également sur la nécessité de distinguer entre le consensus autour de l’appareil conceptuel et le consensus autour de la cause de politique économique au
service de laquelle les modèles sont mis. Il n’y a eu qu’une période de consensus sur l’aspect cause servie, pendant les trente glorieuses, autour du modèle ISLM, depuis il a disparu et, selon
Michel de Vroey, il n’y a pas de raison qu’il émerge de nouveau. Il y a en revanche plutôt consensus aujourd’hui sur l’appareillage conceptuel. Ouvrage sur le sujet à venir.

 

Francis Kramarz s’est ensuite déchaîné, en s’appuyant sur l’analyse de l’affirmation “le salaire minimum ne détruit pas
d’emploi”. Il explique qu’on se moque de savoir ce que pensent en moyenne les économistes, qu’il convient plutôt de mener des analyses empiriques et de voir quels résultats émergent. En
l’occurence, les travaux appliquées montrent qu’aux Etats-Unis il n’a pas détruit d’emplois, alors qu’en France si. Kramarz défend en fait une approche très empirique de l’économie, qui se
développe via les expérimentations sociales et permet de sortir des débats trop idéologiques de l’économie. Assez d’accord avec l’idée qu’on se bat en France un peu trop à coup d’idées et trop
peu à coup de chiffres, mais de mon point de vue on ne peut se satisfaire de cette approche extrème, on a aussi besoin de schémas théoriques d’ensemble permettant de penser le système économique.
Pour en avoir touché deux mots à Kramarz en fin de séance, il semblait d’accord, mais disait qu’on était en France tellement à l’autre extrème, qu’il défendait une position radicale pour faire
bouger les choses et que dans un autre contexte (aux Etats-Unis par exemple), il ne dirait sans doute pas la même chose.

 

On notera que Wasmer est plutôt en phase avec les premiers propos de Kramarz (article Eco89) : “Etienne Wasmer met en
garde contre toute interprétation abusive de l’enquête : d’abord, ce n’est pas un sondage représentatif ; ensuite, il ne s’agit pas de dessiner un chimérique « consensus des
économistes », mais plus modestement de repérer quelles sont les questions qui soulèvent le plus de divergences : “On ne peut utiliser cette enquête pour en déduire ce que pensent les
économistes, ou bien pour déterminer où en est le “savoir” économique. Si je veux avoir par exemple une idée concernant l’état de la réflexion sur les effets du salaire minimum sur l’emploi, je
ne vais pas consulter les résultats du sondage : je vais me plonger dans les derniers travaux de recherche sur la question. »

 

Eric le Boucher a ensuite félicité les auteurs de l’étude et mentionné que le résultat moyen “plutôt à gauche” des
interrogés s’expliquait peut-être aussi par l’effet crise et les besoins actuels de régulation.


Remarques complémentaires :

* l’enquête est très mal titrée, on peut se demander pourquoi elle n’a pas été intitulée “Les controverses en économie”
par exemple… Adopter ce titre, c’est nécessairement s’exposer aux critiques de Raveaud (contestables par ailleurs, il n’évoque que lles items pro-marchés alors que l’enquête contient de nombreux items pro-régulation) ou à celles,
particulièrement intéressantes, de Bruno Amable. Je ne crois pas que Wasmer soit en profond
désaccord avec les propos d’Amable, il n’avait sans doute pas anticipé le type de réaction qu’allait susciter son intiative et donc insuffisamment explicité ses intentions

(qu’il n’hésite pas à confirmer/infirmer ici!).

* d’accord avec de Vroey, l’opposition marché/Etat est manichéenne et plutôt piégante. J’irai un cran plus loin, en
adoptant une perspective coasienne (voir ici) : la structure de gouvernance à adopter (marché,
Etat, structure hybride) dépend du contexte historique, social, institutionnel, spatial, etc. du problème à traiter ; on perd beaucoup de temps avec ces débats pro/anti-marché. Idée pour Etienne
Wasmer : pourrait-on reventiler les items pour retrouver les catégories de Michel de Vroey? Ce ne serait pas inintéressant je trouve.

*je  crois que le job des
économistes est surtout de réintroduire de la complexité dans des analyses par trop manichéennes. Ce n’est pas en disant “les économistes, qui sont des gens vraiment intelligents et très bien
informés, convergent sur telle ou telle idée, que vous, béotiens que vous êtes, n’avez même pas compris” qu’on fera avancer les choses. je crois vraiment que si on veut faire avancer les gens,
c’est en développant leur esprit critique, leur dire qu’il faut qu’ils s’interrogent, quand on leur avance une proposition, sur les éléments de preuve, sur des contre-arguments éventuels, etc. Ce
type d’enquête, même si tel n’était pas le but des auteurs, a plutôt vocation à les faire converger sur une idée  donnée, sous prétexte qu’elle est partagée par une intelligentsia. Ca me
pertube… ca fait un peu défaite de la pensée je trouve… pensez-vous que c’est mieux que les gens se disent que “les économistes ont raison” plutôt que  au hasard, “sarkozy a raison”? moi
je doute, je crois qu’on a raté la cible… encore une fois, je ne pense vraiment pas que telle était l’intention des auteurs, mais il convient de se méfier d’une éventuelle instrumentalisation
des résultats, ne pas faire preuve de naïveté, quoi…


 

Jeco en direct – épisode 2

Pas vraiment en direct, problème de wifi, donc en léger différé on va dire… Avec un tout petit topo sur la deuxième
plénière titrée “Les démons de la crise”.


Interview (vidéo) intéressante de Daniel Cohen, qui reprend pour l’essentiel des propos de son dernier livre (La Prospérité du vice). difficile de résumer, vous pouvez voir la vidéo
ici (je n’ai vu que la version courte diffusée pendant les Jeco).

Son fil conducteur : i) le bonheur des individus dépend moins de leur niveau de vie que du taux de croissance, pas sûr
que les français soient plus heureux aujourd’hui que dans les années 1960, même si le niveau de vie a doublé, car les perspectives de croissance sont beaucoup plus faibles, ii) on redécouvre
parallèlement la loi de Malthus : la croissance potentielle bute sur la finitude du monde (épuisement des ressources rares, effet de serre, etc.), iii) la stratégie de décroissance n’est pas
pertinente, il faut aller vers d’autres formes de croissance, iv) une piste à explorer est la croissance potentielle que l’on peut tirer du développement du cyber-monde, le problème étant de
définir le business model de ce type d’activité, v) les outils économiques d’internalisation des externalités environnementales sont importants, doivent être développés, mais ne suffiront pas, il
convient également de s’interroger sur nos valeurs.

François Bourguignon a proposé ensuite une analyse de la crise, en insistant sur un élément parfois négligé : le rôle de
l’excédent d’épargne à l’échelle mondiale. L’endettement américain a été rendu possible par l’excédent d’épargne des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud). Cet excédent d’épargne va
continuer à exister, ce ne sont peut-être plus les Etats-Unis qui vont l’absorber, mais il peut continuer à poser problème. La solution serait qu’un pays comme la Chine s’appuie sur cette épargne
pour favoriser son développement interne, mais les plans mis en place par le gouvernement chinois n’invitent pas à l’optimisme : ils profitent essentiellement aux grandes entreprises
exportatrices. Enjeu fort : dessiner les contours d’une gouvernance mondiale notamment pour gérer l’affectation de cette épargne.

à suivre : un billet sur la table ronde consacrée à la présentation de l’enquête “Les consensus en
économie”.

Interview La Tribune

Valérie Segond, journaliste à La Tribune, a interrogé quatre des intervenants aux Journées de l’économie de Lyon.
Elle m’a contacté pour évoquer la table ronde à laquelle je participe, avec la question clé suivante : comment faire revenir et maintenir dans l’emploi les personnes qui en sont éloignées.
L’interview est disponible page 9 dans l’édition d’aujourd’hui (également sur le site, €), elle s’intitule “Faire évoluer le meccano français du retour à l’emploi”.

Je développe quelques idées qui me semblent importantes, au sujet de la formation d’abord : i) l’argent investi dans la
formation profite trop peu aux personnes dites non qualifiées, ii) les contenus dispensés sont trop standardisés, sans prise en compte des acquis des personnes ou des besoins précis des
entreprises, iii) la prise en compte des projets personnels des bénéficiaires est également souvent insatisfaisante.

Au sujet ensuite de la sécurisation des parcours des personnes : des innovations émergent sur certains territoires,
échelle à mon avis essentielle pour penser cette sécurisation, compte tenu du caractère fortement localisé des marchés du travail. Mais entreprises et institutions, inscrites dans des logiques
essentiellement verticales, peinent à travailler ensemble sur une base territoriale.

JECO en direct

Première matinée sur Lyon.
Table ronde d’abord sur les connaissances en économie des français, suite à la passation d’un test organisé par le Codice.
Ce test consiste à poser 27 questions sous forme de QCM, avec trois réponses dont une juste, et une possibilité de non réponse. Ces questions ont été regroupées en 3 catégories : i) raisonnement
économique, ii) connaissance, ii) connaissance “vie pratique”. Je n’ai pas encore regardé les questions. Vous pouvez passer le test ici.

Note moyenne de la population interrogée : 9,5/20, écart type de 4,7. La note augmente avec le niveau d’études : 7 pour les sans diplômes, 10 pour les titulaires du bac, 11,8 pour les diplômés de
l’enseignement supérieur. Tranche d’âge la plus performante, les 25-34 ans (10,1).
Par grande catégorie :

* raisonnement (rareté, offre/demande, impact d’une variation d’une devise) : 11,1/20

* connaissance économique (définitions, acteur principal de la politique monétaire, etc…) : 9,5/20

* questions d’économie pratique (calcul d’un taux d’intérêt, taux de croissance, comparaison de 2 forfaits téléphoniques)
: 6/20

 

Les français ne sont donc pas nuls en économie, ils peinent surtout sur des questions techniques, qui peuvent être
importantes pour la vie courante (calcul d’un remboursement d’emprunt par exemple), mais moins essentielles pour participer aux débats.

Plusieurs personnes ont ensuite pris la parole, avec en gros le même message : scores non catastrophiques, on peut faire
mieux, c’est essentiel aujourd’hui compte tenu du rôle structurant de l’économie, l’éducation nationale doit accroître son effort en la matière, c’est le lieu essentiel de développement des
compétences en économie.

Tito Boeri, économiste italien organisateur du pendant des JECO en Italie, était à la tribune, il a dit la même chose, en
se désespérant que la réforme des lycées en Italie allait malheureusement dans le sens inverse, avec une réduction des heures d’enseignements d’économie. Rires dans la salle, que Tito Boeri n’a
pas dû comprendre : il ne doit pas savoir que, en dépit du message introductif de Christine Lagarde aux JECO sur l’importance de l’accumulation et de la diffusion des savoirs en économie, le
gouvernement français s’apprête à faire de même… (voir ici).

Journées de l’économie

Je participe, dans le cadre des journées de
l’économie
, à une table ronde intitulée “Réinventer les parcours
professionnels”

date/heure :  jeudi 12 novembre, entre 17h30 et 18h45
lieu : Salle Lorenti, 13 bis, quai Jean Moulin 69002 Lyon
participants : Alain Charvet (chargé de mission Aravis), Yannick L’Horty (économiste) et Yves Monteillet (chef de
projet national Ametis)

modérateur : Jean-Paul Coulange (Laisons Sociales)
fil conducteur : Les parcours professionnels d’un nombre croissant de personnes se caractérisent par des ruptures
et discontinuités, avec des passages entre emplois, chômage, formation, inactivité, etc. Ces transformations, synonymes d’un changement profond par rapport au modèle d’emploi antérieur,
conduisent à une insécurité importante des personnes sur le marché du travail. L’objectif de la table ronde est d’éclairer ces problèmes, en insistant sur les solutions innovantes qui émergent
actuellement pour renforcer la sécurisation des parcours professionnels des personnes.

J’insisterai pour ma part sur les solutions territorialisées de sécurisation des parcours des personnes, leur intérêt
et les difficultés de leur mise en oeuvre, sur la base notamment du travail d’évaluation que je mène sur une expérimentation sociale (le “Groupement d’Activité”) soutenue par le Haut
Commissariat aux Solidarités Actives.

Le programme des journées de l’économie
est particullièrement riche. Je pense assister à la conférence inaugurale “Les Démons de la crise”,
puis à la table ronde “Des territoires en concurrence”, où la politique des pôles de compétitivité sera
mise en débat.

Vendredi matin, j’irai bien sûr à cette table ronde censée faire émerger les consensus en économie, démarche qui me laisse particulièrement perplexe… Devrait y être présentée une étude réalisée auprès
d’universitaires en économie. Personnellement, je n’ai pas été sollicité pour y participer : je ne dois être ni universitaire, ni économiste.
Je finirai sans doute par la table
ronde
sur les classes moyennes.