J’ai participé le 29 mai dernier à une journée “créativité, compétences et territoires” à l’Université de Toulouse-le-Mirail, organisée par les MSH d’Aquitaine et de Toulouse. Parmi les présentations, un article de Michel Grossetti, Philippe Losego et Béatrice Milard intitulée “la déconcentration de la production scientifique”.
L’objectif des auteurs est d’interroger l’idée largement diffusée selon laquelle, en dehors des grandes agglomérations, il n’y aurait point de salut pour la recherche ; il faudrait donc renforcer cette concentration, pour renforcer les performances françaises en matière de recherche. J’avais déjà traité de cette question ici, pour en mettre en évidence les limites théoriques. L’article présenté complète de manière très intéressante l’analyse, en se prononçant statistiquement sur l’évolution de la répartition spatiale de la production scientifique pour 5 pays (France, Espagne, Portugal, Russie, Afrique du Sud).
Je me limite ici à quelques résultats importants.
Les auteurs ont utilisé les données du Science Citation Index pour mesurer la production scientifique des chercheurs, en gros sur la période 1990-2003 (la période diffère légèrement selon les pays). L’adresse des publiants permet de spatialiser l’analyse. Ils se sont également appuyés sur une typologie commune des sites universitaires :
* sites-capitales
* sites d’envergure nationale (dont les établissements ont été créés pour l’essentiel avant les années
1960-1970)
* sites régionaux, créés à la suite de la massification des années 1960-1970
* sites intrarégionaux, créés après la seconde massification des années 1980-1990
Ils montrent alors, pour tous les pays étudiés, la tendance à la déconcentration de la recherche :
Comment expliquer cette évolution? L’enchaînement proposé par les auteurs est le suivant :
i) la production scientifique d’un site est liée linéairement au nombre de chercheurs ;
ii) le nombre de chercheurs est lié étroitement aux effectifs de l’enseignement supérieur ;
iii) la carte des effectifs de l’enseignement supérieur tend à s’aligner depuis plusieurs décennies sur celle de la
population ;
iv) d’où la carte de la production scientifique, qui tend à se caler sur les disparités démographiques.
On assiste donc à un accroissement de l’offre territoriale de formation d’enseignement supérieur et de recherche, qui devient en quelque sorte un service de proximité….
Et c’est grave docteur? Ben… pas vraiment, si l’on en juge par leur analyse des performances d’antennes universitaires françaises, qui ont non seulement permis une démocratisation de l’enseignement supérieur, mais ont également conduit à de la production scientifique de plus en plus internationalisée ; en général plus orientée recherche appliquée ; plutôt dans les domaines de la biologie, de la chimie et de la physique ; avec moins de doctorants mais plus de stagiaires, past et ingénieurs ; avec un plus grand isolement institutionnel mais plus de moyens matériels.
Bref, la recherche scientifique ne se concentre pas (sur la période d’étude tout au moins),et je vois toujours mal l’intérêt d’accroître sa concentration…