Grand emprunt – suite

Sarkozy valide l’essentiel des propositions
Juppé-Rocard
: l’essentiel des fonds ira à quelques campus d’excellence et tant pis pour les autres. Tout ça pour monter dans le classement de Shangaï

Psychologie de comptoir : Juppé et Rocard, anciens énarques, sont obsédés depuis tout petit par les classements. Pas étonnant qu’ils ne regardent que cela pour juger des Universités, et que leur
seul objectif soit qu’elles grimpent dans ce classement stupide. Quand à notre président, il veut de
grandes entreprises, un grand Paris, u
n grand emprunt, de grandes universités (1 milliard d’euros sera investi « tout de suite »pour constituer un « gigantesque campus » à Saclay),il est obsédé par la taille, on se demande pourquoi…

La société de défiance

Critique forte, bien argumentée et très convaincante, de l’ouvrage de Yann Algan et Pierre Cahuc, La Société de défiance : comment le modèle social s’autodétruit, par Eloi Laurent,
sur la Vie des Idées.

L’ouvrage d’Algan et Cahuc avait pas mal défrayé la chronique. Voir notamment  la réaction de Blanchard, ou encore une critique de Nathalie
Georges
,ainsi qu’un billet sur le blog d’Etienne Wasmer.
L’analyse critique d’Eloi Laurent va plus loin me semble-t-il, tant elle met en évidence des problèmes méthodologiques de
base.

Conférence de Philippe Moati

Philippe Moati (professeur à Paris 7 et Directeur de
Recherche au CREDOC) interviendra à l’UFR de Sciences Economiques de Poitiers le vendredi 16 janvier, à 17h30, pour une conférence intitulée “Vers un commerce post-fordien”. Entrée non seulement
libre, mais vivement conseillée!

Lieu : UFR de Sciences Economiques, 93 avenue du Recteur Pineau – 86022 Poitiers, Heure : 17h30, Salle : A150.

interviews

Bonne récession 2009 à tous, d’abord (“bonne année”, c’est tellement banal…)

2009 s’annonce plutôt chargée de mon côté, j’espère malgré tout pouvoir poster assez régulièrement des billets. En attendant, quelques interviews de début d’année.

Sur la récession, France Bleu Poitou m’a interrogé mercredi dernier. Le technopolitain également, un peu avant les
vacances, interview visible page 2.

Sur les relocalisations ensuite : quelques éléments devraient paraître dans le Monde, je ne sais pas trop quand. Idem dans les pages nationales de la Nouvelle République du Centre Ouest,
normalement en début de semaine, suite à la relocalisation de Geneviève Lethu, dont j’avais dit deux mots ici.

Je suis un peu embêté parfois avec ces interviews, notamment sur la récession, car pour l’essentiel, tout ce que je peux dire, c’est qu’on n’en connaît ni l’ampleur, ni la durée, alors qu’on
attend de nous (économistes) des prédictions précises. vive l’astrologie…

A relier aux propos de Ragu Rajan, dont Krugman et les Econoclastes nous ont parlé récemment : “Most academics are really reluctant to take part in the public dialog, because the public dialog requires you to have an opinion about
things you can’t really be sure about,” (…) “They fear talking about things where everything is not neatly nailed in a model. They stay away and let the charlatans occupy the high ground.”

Angoisse existentielle : peut-on être un économiste blogueur sans être un charlatan?

La relocalisation des entreprises en France : mythe ou réalité ?

Patricia Lecompte, de Radio France Internationale, a réalisé un
reportage sur les relocalisations, qui a été diffusé il y a une quinzaine de jours. On y entend notamment les responsables de Majencia (ex-Samas), de Geneviève Lethu
, d’Atol, d’Eugène Perma (fabricant de Pétrolane).
Et quelques (petits) mots
par-ci par-là de votre serviteur.
Vous pouvez entendre son reportage ici. Plutôt bien fait je trouve.

De la difficulté de devenir enseignant-chercheur

Article
intéressant
d’Olivier Martin sur les thésards qualifiés de la section 19 (Sociologie, démographie), trouvé via Baptiste Coulmont. Extrait :

En dix ans (1998-2007), 1581 individus différents ont obtenu leur qualification au poste de maître de conférences
en « sociologie (et démographie) ». Environ un tiers d’entre eux (34,6 %) ont été recrutés comme maîtres de conférences et, durant la même période, environ cinq autres pourcents ont
été recrutés au CNRS comme chargés de recherche. Rapporté au nombre de docteurs en sociologie, le taux de recrutement chute à 16 %, soit un docteur sur six. Le parcours qui conduit de la thèse
à un poste de maître de conférences laisse sur le chemin cinq sixièmes des docteurs et deux tiers des qualifiés. Ces résultats ne tiennent cependant pas compte des recrutements ayant pu
intervenir depuis 2008 ou qui pourraient avoir lieu dans les prochaines années.

Une analyse « toutes choses étant égales par ailleurs » (par régression logistique) permet d’identifier
les facteurs influençant les probabilités de recrutement : celles-ci augmentent de manière significative si le candidat possède une agrégation du secondaire en sciences sociales (dans un
rapport de 3 contre 1). A l’opposé, ces chances dimunent significativement si le doctorat a été soutenu à Paris (rapport 0,7 contre 1) ou si le doctorat ne rélève pas des disciplines
sociologiques ou démographiques. En revanche, de manière peut-être plus surprenante, les chances d’être recrutés ne varient pas selon le sexe, l’âge du candidat et le type de cursus (cursus
universitaire, grande école, école normale, instituts d’études politiques…).

Devenir maître de conférences des universités en sociologie est difficile. Et cette difficulté croît dans le temps,
à la fois en raison d’un effet génération et d’un effet vieillissement. L’effet génération fait que les docteurs des années 1998-1999 avaient globalement plus de 60 % de chance d’être recrutés
alors que les docteurs des générations plus récentes ont environ 30 % de chances de l’être. Et l’effet vieillissement fait que les chances d’être récrutés diminuent rapidement
(exponentiellement) lorsque l’anciennété de la thèse augmente.

Sur le même sujet, voir cet
article
de Liliane Bonnal et Jean-François Giret intitulé “La stabilisation des jeunes docteurs sur le marché de l’emploi académique”. Résumé :


Le recrutement sur le marché de l’emploi académique des jeunes docteurs est généralement associé à une forte
incertitude concernant leur productivité future d’enseignement et de recherche. Les publications scientifiques, le mode de financement de la thèse, sa durée ou les différentes expériences
professionnelles peuvent donner aux employeurs des informations sur la productivité potentielle des candidats. Notre recherche s’interroge plus particulièrement sur les déterminants de la durée
d’accès à un premier emploi permanent de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs en France. Nous avons utilisé une enquête du Céreq permettant de retracer les parcours professionnel des jeunes
docteurs de 2001 durant les trois années qui suivent l’obtention de la thèse. Pour mieux tenir compte de la temporalité des différentes échéances qui rythment les possibilités d’accès à
l’emploi académique, nous avons développé un modèle de durée en temps discret. Nos résultats montrent que le nombre de publications scientifiques et le post-doc augmentent les chances d’accès à
l’emploi académique, que l’on considère l’ensemble des emplois de chercheurs et d’enseignants chercheurs ou seulement les enseignants-chercheurs. Cependant, d’autres variables liées aux
caractéristiques individuelles du jeune docteur ou à son université vont également influencer sa probabilité d’accès à l’emploi académique.


Détail des résultats page 23 et suivantes.

Jusqu’à quand faut-il faire des études?

Petite synthèse statistique à partir des données du Cereq sur les
performances des études dans le domaine Lettres – Sciences Humaines (LSH) pour la génération d’étudiants sortis en 2004. J’ai extrait de ce document et de celui-ci les données 3 ans après la sortie des études pour le domaine LSH. Les indicateurs
de performance sont le taux de chômage, le salaire médian, le taux de cadres et de professions intermédiaires et le taux d’emploi à durée indéterminée.

  taux de chômage (%)
Salaire net médian (€)
Taux de professions intermédiaires ou cadres (%)
Taux d’emploi à durée indéterminée (%)
DEUG 12 1250 59 58
Licence 13 1260 72 59
Bac+4 11 1500 79 66
Master Recherche 8 1600 83 69
Master Pro 6 1770 90 73
Doctorat 11 2000 96 68

A partir de ces données, j’ai construit un graphique en prenant comme base 100 les scores des DEUG LSH. Petite difficulté pour le taux de chômage : on s’attend à ce qu’il diminue quand on monte
dans les diplômes, j’ai donc plutôt pris le complément à 1 du taux de chômage, pour que les courbes soient plus directement comparables (les courbes
doivent être croissantes pour tous les indicateurs si poursuivre ses études présente un intérêt)
.
Edit : mauvaise stratégie, qui écrase l’amélioration du taux de chômage. Il est préférable de prendre l’inverse du taux de chômage.

On obtient ceci :

Résultat : c’est du côté des salaires et du taux de professions intermédiaires ou cadres que l’effet étude est le plus visible. Côté chômage, évolution moins simple. On notera que faire un
doctorat plutôt que s’arrêter en Master n’est pas terrible en termes de taux de chômage ou de taux d’emploi à durée indéterminée…

Attention à l’interprétation des résultats : il s’agit du vaste domaine des Lettres et Sciences Humaines, il existe une forte hétérogénéité des performances selon les sous-domaines plus précis
(pas défavorable aux économistes je pense…).

Globalement, on voit donc que continuer ses études permet d’améliorer ses performances en termes d’insertion sur le marché du travail et de qualité des emplois occupés. Pourquoi? Car poursuivre
ses études permet :
* d’accumuler du capital humain (analyse à la Becker), qui permettra ensuite d’être plus productif, de trouver plus facilement un emploi, d’obtenir une meilleure rémunération,
* de se doter d’un signal (analyse à la Spence). Un Master Pro est par exemple un diplôme bien reconnu sur le marché du travail, détenir un tel diplôme est considéré par les employeur comme un
signal positif (c’est hélas moins vrai pour une thèse…)
* d’accumuler du capital social (analyse à la Granovetter). Pour obtenir un emploi, on passe assez souvent (1/3 des cas) par des relations sociales, l’enseignement supérieur est aussi un lieu
d’accumulaton de ces relations sociales (réseau des anciens étudiants, réseau des professionnels intervenants dans les formations, …). Ces réseaux sont assez peu développés dans les Licences,
beaucoup plus dans les Masters, notamment Pro.

Conseil aux étudiants à la recherche d’un Master :  ne vous contentez pas de regarder l’intitulé du Master ou des enseignements dispensés (les plus récents seront souvent les plus sexys,
mais pas toujours les plus performants…), demandez aussi aux responsables du Master des stats sur les taux d’insertion, ainsi qu’un annuaire des anciens. S’ils ne disposent pas de telles
informations, c’est un mauvais signal (au sens de Spence). N’hésitez pas ensuite à contacter quelqu’uns de ces anciens pour qu’ils vous donnent leur sentiment sur la formation suivie et vous
fassent passer des infos sur leur activité actuelle.